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LE SHOPPING ET LE COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR DANS LE LIEU DE VENTE

III. L’avènement de l’expérience en Marketing

3. L'expérience offerte par l’entreprise

L’interaction source de la richesse et la valeur perçue de l’expérience, déjà évoquée dans la section des théories motivationnelle et le comportement du consommateur sur le lieu de vente, nous amène à examiner l’apport de l‘entreprise dans l’expérience. Ce sera l’objet du paragraphe suivant.

3. L'expérience offerte par l’entreprise

L’entreprise à travers le marketing expérientiel, se positionne comme une actrice dans l’économie de l’expérience. Elle cherche à rehausser et enrichir l’expérience offerte à ses clients. Le développement suivant a pour objet d’exposer les efforts fournis par l’entreprise en matière d’expérience proposée au consommateur.

La littérature sur l’expérience en marketing s’est consacrée également à l’examen du rôle joué par l’entreprise dans la génération et l’enrichissement de l’expérience. Elle fait appel au marketing expérientiel qui offre à vivre des immersions dans des expériences extraordinaires dépassant les actes d’achats de des produits et services (Firat et Dholakia, 1998). De l’autre côté, elle fonde l’économie de l’expérience qui elle-même soutient le développement du marketing expérientiel (Pine et Gilmore, 1999).

Dans cette ligne de pensée, le marketing expérientiel propose plus que l’expérience qui n’est plus exclusivement imposée par le marché (Carù et Cova, 2006a). En effet, l’entreprise expose ce qu’elle aimerait faire vivre au consommateur et le consommateur y vit sa propre expérience, avec ses caractéristiques susmentionnées à savoir l’affectif, le cognitif, le conatif et les aspects de socialisation avec l’autre.

Analysant l’offre de l’entreprise en matière d’expérience, Filser (2002), a identifié deux voies de productions différentes d’expériences pour distraire le consommateur. La première, introduite entre autres par Ritzer (1999), concerne la production d’expériences par les institutions spécialisées, grâce à la manipulation de l’hyper réalité. Elle s’appelle aussi le ré enchantement à grand spectacle. La seconde est une production d’expériences au quotidien qui se fait au sens de Schmitt (1999) autour des produits de la grande consommation. Cette production d’expérience se réalise à travers la valorisation expérientielle du positionnement de produits.

Des auteurs comme Filser (2002) ont reproché à la réflexion théorique relative à la production d’expérience dans le cadre des stratégies marketing, son caractère « embryonnaire et timide », en comparaison à la conceptualisation de l’expérience vécue et co-créée par le consommateur dans la recherche en comportement du consommateur. Cependant, la littérature existante présente plusieurs

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tentatives pour contribuer à cette compréhension puis à sa conceptualisation en marketing expérientiel (Schmitt, 1999, Holbrook 2000 et 2001, Hetzel 2002, Filser 2002, Carù et Cova 2006a et 2007).

En effet, l’essai de Holbrook (2000, 2001) a proposé quatre supports pouvant orienter la

production d’expérience que nous avons repris dans le tableau4 ci-dessous. Ces supports ont été

repris par Filser (2002) dans le domaine des produits et services.

La composante « expérientielle » doit déclencher les émotions et le plaisir ainsi que l’évasion de la réalité chez le consommateur10. La composante « divertissement »a pour rôle d’éveiller les émotions : esthétique, d’excitation et du ravissement. La troisième composante concerne « l’exhibitionnisme » et consiste à porter aux nues un produit ou une marque, à le mettre en avant. Rappelons que la mise en avant dans cette dimension concerne aussi bien le consommateur ainsi que les autres dans leurs rapports avec le produit et l’enseigne (Filser, 2002). La quatrième composante est « l’évangélisme », qui consiste à éduquer le consommateur et à lui montrer l’exemple.

Les quatre supports de la production de l’expérience sont compatibles avec les deux catégories sus-analysées par Filser (2002, p16). Ils sont ainsi valables pour « le réenchantement par l'extraordinaire » et aussi pour « le réenchantement du quotidien où il s'agit de réenchanter un acte d'une grande banalité» comme dans l’exemple de magasins et espaces de vente sur Internet qui sont le cadre de notre travail.

Les quatre supports de la production de l’expérience de consommation

Expérience Entertainment Exhibitionnisme Evangelising

Evasion Esthétique Enthousiasmer Eduquer

Emotions Excitement Expression Manifester

Jouissance Extase Exposer Endosser

Tableau 3 : Les « 4 E » Holbrook (2000, p.178)

Dans cette logique de ré-eanchantement du quotidien, Schmitt (1999) a proposé ce qu’il a appelé le modèle du Customer Experience Management (CEM), qui est une approche orientée client.

10 Certains auteurs comme Marion (2003) ont renommé cette dimension « hédonisme » pour éviter le terme expérience

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Schmitt (1999, 2003) a identifié cinq phases dans lesquelles il faut penser à rehausser l’expérience client. L’entreprise en œuvrant sur les cinq étapes est en mesure de proposer une expérience « optimale » (Priskin, 2004). Ces étapes sont :

 Analyser le milieu expérientiel de la clientèle : bien connaître son marché et ses besoins ainsi que ses désirs expérientiels.

 Élaborer une plate-forme expérientielle : créer un positionnement de l’expérience, effectuer une représentation multidimensionnelle de l’expérience que l’on souhaite offrir.

 Créer l’image de marque de l’expérience : identifier les caractéristiques et l’aspect esthétique de l’image de marque de l’expérience dont le design des logos, des emballages et des espaces de vente.

 Structurer l’interface client : intégrer la plate-forme expérientielle (ou le positionnement de l’expérience) à l’interface client, c’est-à-dire à chaque point de contact avec le client (face-à-face, téléphone, Web, etc.).

 Assurer un renouvellement continuel : s’engager à innover afin de toujours améliorer l’expérience.

Schmitt (1999) appelle les « fournisseurs d’expérience » ou les « Expros » les points de contact entre l’entreprise et ses clients. Il définit cinq modules d’expériences stratégiques à proposer au consommateur :Stimuler les sens (« sense »), générer des émotions, des ambiances (« feel »), faire appel à la pensée, à l’esprit, à la créativité (« Think »), orienter les actions, guider les comportements (« act ») et favoriser l’identification à un style de vie, à entrer en relation avec d’autres individus partageant cette même expérience : (Relate).

A partir de ces deux axes, Schmitt dresse une matrice (dite la grille expérientielle) (figure no 5) qui révèle les compositions possibles entre les SEMs et les EXPros. Donc une diversité d’expériences peut être offerte au consommateur. Par la suite, les correspondances permettent en effet de mieux cibler et singulariser les types d’expérience (SEMs) à fournir et ce en fonction des (EXPros).

On notera que les « sense, feel, think et act » de Schmitt (1999) correspondent bien aux dimensions de l’expérience de consommation révélées par la littérature sur le consommateur, la production de l’expérience du côté de l’entreprise semble être fidèle à celle vécue par le consommateur, ce qui devrait permettre de les superposer, en vue de faire correspondre l’attendu (le consommateur) à l’offert (l’entreprise) en matière d’expérience.

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Figure 5 : La grille expérientielle de Schmitt (1999)

Hetzel (2002) a proposé une autre approche, la roue expérientielle, où il supporte la production d’expérience avec les cinq appuis de sa roue qui sont : Surprendre le consommateur, proposer de « l’extraordinaire », stimuler les cinq sens du consommateur, créer un lien avec le consommateur et se servir de ce à quoi renvoie la marque.

Enrichissant l’approche de la valeur de l’expérience selon la conception de Holbrook (1999) et reprenant certains modules d’expériences stratégiques et repères ou il faut rehausser l’expérience offerte de Schmitt (1999), Hetzel (2002) exposait l’importance d’un aspect dynamique dans l’offre d’expérience. Car l’offre d’expérience devrait s’aligner aux cinq « leviers d’actions marketing » de la roue expérientielle en continu comme le montre la figure 6. Le but étant de pouvoir contenir des consommateurs qui recherchent des univers qui les sortent de leur quotidien, qui les font rêver avec des concepts de plus en plus sophistiqués, où l’esthétique et l’ambiance sont de plus en plus omniprésents (Hetzel, 2002). Nous revenons sur ces facettes de l’esthétisation des lieux de vente comme un levier des enrichissements dans le contexte expérientiel de l’expérience de shopping.

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Figure 6: La roue expérientielle de Hetzel (2002)

La revue de la littérature met en évidence les efforts déployés pour conceptualiser ce qu’est une production d’expérience, comment la construire, la rehausser et l’enrichir du côté de l’entreprise. Certaines démarches se rejoignent et se complètent et d’autres divergent. La piste commune étant de vouloir trouver les composantes de la production d’une expérience efficace à travers l’enrichissement de l’offre. Cela fait bien appel aussi bien en magasin réel qu’en magasin virtuel, aux palettes du marketing sensoriel, à une combinaison équilibrée d’atmosphériques, à des pratiques de thématisation et de théâtralisation, à un web enjolivé et des mondes virtuels enrichis par plus de technologies.

Pour mieux élaborer et orienter ces pratiques, Filser (2002), appelle à une meilleure compréhension de l’expérience et de ses spécificités du côté aussi du consommateur. Dans une synthèse des travaux menés, l’auteur a repris les composantes identifiées et leurs conséquences en matière de compréhension de l’expérience de consommation dans le tableau 4. Il est important de noter ici la richesse des composantes dénombrées et le vaste champ des potentialités d’action de la part de l’entreprise en choisissant de produire de l’expérience à ses consommateurs.

41 Auteurs Composantes non expérientielles Composantes expérientielles Commentaires Holbrook et Hirschman (1982) Cognitions, Affect, Comportement Imaginaire, sentiments, plaisir Analyse du processus de décision et non de consommation Mano et Oliver (1982) Valeur utilitaire Stimulation, valeur

hédoniste Expérience évaluée à travers la satisfaction Holt (1995) Orientation vers les bénéfices de l’objet

Orientation vers soi, Orientation

interpersonnelle

Création individuelle et/collective de l’expérience

Holbrook (1999) Valeur utilitaire

Valeur ludique, esthétique, statut, éthique, estime, spiritualité Analyse de résultat durable de l’expérience de consommation Holbrook (2000) Expérience, Distraction, Exhibitionnisme, Evangélisme La recherche

d’expérience est l’objet permanent de toute consommation Csikszentmihalyi (1999) Réponse aux besoins au sens de Maslow Réponse au besoin de stimulation

L’expérience passe par la production

d’émotions

Tableau 4: Contributions théoriques à l'analyse du contenu de l'expérience de consommation (Filser, 2002)

L’avènement de la vague de l’expérientiel et de l’expérience, ses caractéristiques, ses composantes, telles que vécues par le consommateur ainsi que les supports offerts par les entreprises en vue d’offrir à vivre de l’expérientiel au consommateur de leur côté nous amènent à nous interroger sur les spécificités d’expériences particulièrement enrichies offertes au consommateur dans le lieu de vente, objet de notre travail.