• Aucun résultat trouvé

La démarche de conception d’un stockage sûr et réversible

2.1 L’exigence de réversibilité

L’étude de la réversibilité du stockage est prévue par la loi de 1991. En juin 1998, la Commission nationale d’évaluation (CNE) remettait au Gouvernement un rapport sur la réversibilité. En décembre 1998, le Gouvernement rendait publique une déclaration rappelant que les recherches devaient s’inscrire dans une logique de réversibilité. Les travaux de l’Andra intègrent cette exigence à la conception du stockage. Une telle exigence implique au fil du temps une présence humaine, une surveillance et des actions de maintenance, et ne s’oppose en rien à la sûreté à long terme, objectif primordial du stockage. Au contraire, par une gestion prudente et progressive du processus de stockage, la réversibilité peut contribuer à améliorer la confiance en la sûreté à long terme.

1

La démarche de conception d’un stockage sûr et réversible

2.1.1 Les motivations

La notion de réversibilité est étroitement liée à la mise en œuvre du principe de précaution. La préservation de la réversibilité correspond à une conduite « prudente » de la gestion à long terme des déchets radioactifs : elle conduit à préférer des décisions laissant les choix ouverts, une gestion progressive du stockage, des solutions flexibles et des choix réversibles plutôt qu’une approche technique figée.

Elle renvoie aussi aux droits des générations futures et au respect de leur liberté de choix : les générations futures pourraient faire valoir d’autres choix de gestion des déchets, par exemple reprendre des matières radioactives présentes dans le stockage pour de nouveaux traitements. La réversibilité laisse ouvertes des possibilités de choix et permet aux générations futures de conserver la maîtrise des processus environ-nementaux ou technologiques, sans toutefois leur abandonner des questions sans esquisse de solution ou d’outils pour les traiter. Le respect de ces choix éventuels induit une souplesse de conception du stockage, avec des options progressives et évolutives.

Elle se réfère également à une attitude de modestie et d’humilité : compte tenu des très longues échelles de temps considérées pour l’étude du stockage, elle conduit à privilégier une approche prudente au regard des connaissances scientifiques disponibles à un moment donné et des aléas possibles.

Dans cette optique, la réversibilité ne peut pas être comprise comme une notion de « tout ou rien » qui suppo-serait une première phase où le stockage suppo-serait « totalement » réversible, puis une seconde phase où il suppo-serait

« totalement » irréversible. Au contraire, l’Andra a examiné une évolution progressive du degré de réversibilité au cours du processus de stockage, appréhendant ainsi la réversibilité en terme de niveaux.

2.1.2 L’approche retenue par l’Andra

2.1.2.1 Des niveaux et des étapes de réversibilité

Au-delà de la capacité à retirer des colis stockés (la « récupérabilité »), l’Andra a conçu la réversibilité comme : -la possibilité d’un pilotage progressif et « flexible » du processus de stockage laissant aux générations à venir

une liberté de décision sur ce dernier,

-la capacité à faire évoluer la conception des ouvrages au cours du processus de stockage.

La réversibilité se traduit donc d’abord par une souplesse de gestion des colis stockés similaire à celle d’un entreposage. Les colis de déchets peuvent être retirés aussi facilement qu’ils sont mis en place, sans détério-ration des installations ou des colis eux-mêmes. Les études montrent que cette possibilité est ouverte au moins sur des durées séculaires (un à quelques siècles) sans intervention autre que les opérations classiques de maintenance et de suivi. Mais, contrairement à un entreposage, un stockage peut aussi être fermé pour assurer une protection passive à long terme des personnes et de l’environnement. Dans ce cadre, les possibi-lités de choix données aux générations futures se traduisent par une fermeture par étapes, permettant, si cela est souhaité, une diminution graduelle de la réversibilité au fur et à mesure des choix effectués. La réalisation progressive des installations de stockage autorise aussi une flexibilité dans le développement de l’installation. Elle offre la possibilité de la faire évoluer pour prendre en compte l’expérience acquise.

Cette approche traduit les principaux choix auxquels seront confrontées les générations futures : envisager d’autres solutions de gestion ou de valorisation des déchets, prendre en compte l’évolution des exigences techniques, économiques et sociales, acquérir des éléments complémentaires sur les choix possibles pour prendre une décision importante, tirer parti de l’amélioration des connaissances.

Dans cette optique, le processus de stockage se décompose en une succession d’étapes ménageant la possi-bilité d'un temps d'observation, avant de décider de maintenir l’installation en l’état, de passer à l'étape suivante, ou de revenir en arrière. Le passage d’une étape à la suivante n’est pas un choix définitif, « la page que l’on tournerait », mais un choix raisonné, en toute connaissance des paramètres scientifiques, techniques, économiques, sociaux et environnementaux.

A chaque étape, le retour en arrière est possible mais sa complexité technique, les coûts de sa mise en œuvre et les charges induites en terme d’intervention humaine varient. S’il est concevable qu’à mesure de

l’acqui-1

La démarche de conception d’un stockage sûr et réversible

sition de données, on puisse envisager de passer à un niveau de réversibilité moindre, il faut que soient bien connus les éléments qui motivent ce passage, les moyens permettant le cas échéant de revenir en arrière, ainsi que les conditions de ce retour.

2.1.2.2 La réversibilité et la durée : plusieurs niveaux

La notion de réversibilité est liée au temps. L’Andra a retenu de ne pas fixer a priori de durée à la réversibilité, mais de raisonner en niveaux de réversibilité associés à des étapes de fermeture.

Pour prendre en compte l’ensemble des colis de déchets dans des conditions techniques et économiques raisonnables, la durée d’exploitation du stockage serait au minimum de plusieurs décennies et pourrait atteindre des durées de l’ordre du siècle. Cette estimation temporelle, fondée sur l’inventaire des colis de déchets français, est du même ordre de grandeur dans les autres pays européens.

Toutefois, la durée réelle d’exploitation ne constitue pas une donnée intangible et elle est susceptible de varier en fonction des décisions à prendre tout au long de l’exploitation. Ces dernières peuvent induire des périodes d’attente, d’une part pour élaborer et instruire les dossiers d’autorisation de stockage ou de fermeture partielle, d’autre part pour des raisons économiques, politiques ou sociales. Cette durée de l’ordre du siècle fournit toutefois un premier ordre de grandeur pour apprécier la durée des processus en cause. Elle constitue en elle-même un des paramètres de la réversibilité puisqu’elle autorise des adaptations et des évolutions sur une longue période.

Chacune des étapes de la gestion réversible du stockage renvoie à un point d’arrêt associé à une prise de décision. Ces « points décisionnels », qui comportent des analyses, des revues et des évaluations sur la base des données acquises, doivent être planifiés. A chaque point décisionnel, les décisions à prendre sont principalement :

- soit de revenir en arrière en déconstruisant une partie ou tous les ouvrages de fermeture déjà en place, jusqu’au retrait partiel ou total des colis de déchets,

- soit d’attendre avant de passer à l’étape suivante pour bénéficier d’un temps d’observation et / ou de surveillance supplémentaire,

- soit de décider de franchir l’étape suivante.

En pratique, les choix possibles sont plus nombreux et peuvent différer selon les types de déchets : on pourrait, par exemple, décider simultanément de retirer certains déchets stockés et d’attendre avant de passer à l’étape suivante pour d’autres déchets stockés.

Par ailleurs, la durée d’ouverture variera suivant les ouvrages : premiers construits et derniers fermés, les ouvrages de liaison (en particulier les puits) devraient être ouverts le plus longtemps.

Toutefois, compte tenu de la fréquence possible des points décisionnels et des constantes de temps des phénomènes, on peut envisager une période de réversibilité du stockage pluriséculaire, sans modification drastique des concepts proposés. Cette durée permet d’intégrer au fil du temps de nouvelles technologies et participe elle-même de la réversibilité en ne figeant pas les solutions techniques.

Réversibilité : plusieurs étapes de gestion dans la fermeture éventuelle d’un stockage

Plusieurs étapes sont possibles dans un schéma de gestion d’un stockage pouvant conduire à sa fermeture :

- accès toujours possible aux colis dans l’alvéole de stockage,

- scellement de l’alvéole de stockage et accès toujours possible aux galeries desservant l’alvéole, - remblaiement des galeries d’accès aux alvéoles, puis aux modules de stockage,

- etc. jusqu’au scellement des puits.

De manière simple, le premier niveau de réversibilité peut être assimilé à un entreposage et le dernier correspond à la fermeture (voir chapitre 5). A chaque étape, la récupération des colis est possible selon des modalités plus ou moins complexes.

2.2 La prise en compte de la réversibilité

Outline

Documents relatifs