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L’ EXCLUSION DE CERTAINS CONTENUS DES DISCUSSIONS SUR LES DROITS VOISINS

Dans le document Décision 21-D-17 du 12 juillet 2021 (Page 68-71)

E. RECAPITULATIF DES POINTS STRUCTURANTS DE LA NEGOCIATION

2. L’ EXCLUSION DE CERTAINS CONTENUS DES DISCUSSIONS SUR LES DROITS VOISINS

254. Tout au long des discussions avec les éditeurs de presse, Google a tenu à exclure les contenus de presse issus de titres ne disposant pas d’une certification IPG. Elle a aussi signifié à plusieurs reprises à l’AFP et à la Fédération Française des Agences de Presse (ci-après la

« FFAP ») que ces dernières, en tant qu’agences de presse, ne pouvaient pas prétendre à bénéficier des dispositions de la Loi.

a) Sur l’exclusion des titres non-IPG du SEPM et de l’APIG

255. Au cours des négociations avec le SEPM, Google a indiqué à plusieurs reprises qu’elle entendait exclure les titres non certifiés IPG des négociations relatives aux droits voisins.

Ceci ressort notamment des courriers suivants :

– Dans un courrier du 1er juillet 2020, Google explique avoir développé un modèle de rémunération, fondé sur des critères objectifs, dans le cadre duquel la certification IPG est un critère fondamental conformément à la Loi qui invite à tenir compte de la contribution des publications à l’information politique générale. En application de cette grille, Google serait ainsi disposée à travailler avec les membres certifiés IPG du SEPM223.

218 Cotes VC 907, 908-910 et VNC 6 086, 6 088-6 089, 20/0083 F.

219 Cotes 43-44, 20/0084 F ; cotes 573-574, 20/0083 F.

220 Cote 85, 20/0084 F ; cote 768, 20/0083 F.

221 Cotes 87-88, 20/0084 F ; cotes 770-771, 20/0083 F.

222 Cotes VC 917 et VNC 4 923, 20/0083 F.

223 Cotes VC 683 et VNC 4 709, 20/0083 F.

– Dans un courrier du 23 juillet 2020, Google réitère son refus d’inclure les titres non certifiés IPG dans la négociation au motif, d’une part, que la certification IPG constituerait un critère objectif et transparent et, d’autre part, qu’elle n’aurait aucun intérêt commercial à prendre des licences payantes auprès de ces derniers et que ni la Loi, ni la Décision ne l’obligeraient à acheter « tout contenu »224.

– Dans un courrier du 11 août 2020, Google précise davantage sa position en expliquant que son offre couvre à la fois les contenus certifiés IPG et ceux qui ne le sont pas, mais que ces derniers ne seront pas rémunérés225.

256. Il faut noter toutefois que la position de Google a légèrement évolué à la fin de la période de négociation, puisque dans un email du 14 août 2020, soit quelques jours avant la fin de la période de négociation, Google évoque pour la première fois la possibilité de discuter d’un partenariat couvrant les membres non certifiés IPG mais dotés de « paywalls »226.

257. Le SEPM, pour sa part, a contesté la position adoptée par Google tout au long des négociations s’agissant des titres non certifiés IPG : le 22 juillet227, le 29 juillet228, et le 18 août229.

258. Dans son courrier du 29 juillet, le SEPM relève notamment que la contribution des éditeurs à la presse IPG n’est qu’un critère parmi d’autres posés par la Loi, que les contenus non-IPG représentent la majeure partie des contenus éditoriaux affichés sur Google, et enfin que ces contenus sont plus facilement monétisables, et donc particulièrement profitables à Google230.

259. L’exclusion des contenus non-IPG ressort également des échanges entre l’APIG et Google, aussi bien des notes méthodologiques communiquées par Google que du projet d’accord-cadre du 24 juillet 2020. En effet, l’article 5.1 (« Total licence Fees ») prévoit ainsi que la rémunération ne sera payée qu’à l’égard des membres APIG certifiés IPG. De même, l’article 6.1 (« Scope of the Framework Agreement ») stipule que les contrats individuels seront conclus entre Google et des éditeurs APIG certifiés IPG231.

260. S’il ne résulte pas des pièces du dossier que cette exclusion aurait fait l’objet de critiques de la part de l’APIG, un membre de l’Alliance au moins a contesté ce point de vue, postérieurement à la période de négociation des trois mois. Le Groupe Amaury/L’Équipe soutient ainsi qu’une telle exclusion, d’une part, apparaît restrictive par rapport au périmètre des droits voisins prévu par la Loi, et, d’autre part, n’apparaît pas conforme à l’article L. 420-2 du code de commerce, compte tenu des discriminations qu’elle induit entre les éditeurs non-IPG et les éditeurs IPG232.

224 Cotes VC 91 et VNC 235, 20/0084 F ; cotes VC 774 et VNC 4 789, 20/0083 F.

225 Cotes VC 109 et VNC 292, 20/0084 F ; cotes VC 903 et VNC 6 076, 20/0083 F.

226 Cotes VC 117 et VNC 296, 20/0084 F ; cotes VC 910 et VNC 6 089, 20/0083 F.

227 Cote 88, 20/0084 F ; cote 771, 20/0083 F.

228 Cotes VC 95-96 et VNC 239-240, 20/0084 F ; cotes 778 et VC 779 VNC 4 794, 20/0083 F.

229 Cotes VC 123 et VNC 265, 20/0084 F ; cotes VC 917 et VNC 4 923, 20/0083 F.

230 Cotes VC 779 et VNC 4 794, 20/0083 F.

231 Cotes VC 249 et VNC 398, 20/0083 F.

b) L’exclusion de certains contenus des agences de presse

261. Au cours des négociations, Google a contesté à plusieurs reprises la possibilité pour les agences de presse de pouvoir revendiquer le bénéfice des droits voisins sur leurs contenus affichés sur les différents services de Google. Cela ressort notamment des échanges suivants :

– Dans son courrier du 17 juin 2020, Google a expliqué à l’AFP qu’un contenu ne pourrait bénéficier de la protection au titre des droits voisins que dans la mesure où celui-ci serait inclus dans une publication de presse. Dans ces conditions, l’AFP ne pourrait pas prétendre à la titularité de droits voisins sur des contenus créés par l’AFP et repris dans des publications d’éditeurs de presse tiers. L’AFP ne pourrait pas prétendre non plus à une rémunération « additionnelle » pour des contenus pour lesquelles elle perçoit déjà une rémunération de la part des éditeurs de presse233. Google fait aussi part de cette position à la FFAP dans des emails du 12 août, 1er et 25 septembre 2020234.

– Dans son courrier du 24 juillet 2020, les seules données partagées par Google aux fins des négociations sur les droits voisins concernent les « revenus attribuables » annuels de Google liés à l’affichage sur Google Search de contenus issus du site afp.com, qui est

« la seule « publication de presse » B to C de l’AFP dont nous ayons connaissance à ce stade ». Aucune donnée ni estimation des revenus en lien avec les contenus de l’AFP issus de publications de presse d’éditeurs tiers ne sont fournies par Google dans l’estimation de ses « revenus attribuables »235.

– Dans son email du 14 août 2020, Google soutient une nouvelle fois que l’AFP n’est pas titulaire de droits voisins lorsque ses contenus sont incorporés à des publications de presse tierces et qu’en tout état de cause, Google ne saurait être tenue de « payer deux fois pour le même contenu »236.

262. Ainsi, si Google a accepté d’envisager une rémunération relative aux contenus protégés lorsque ceux-ci sont publiés au sein de publications édités par des agences de presse237, elle conteste en revanche la titularité d’un droit voisin, et ainsi une éventuelle rémunération due, au titre des contenus repris par des publications de presse tierces. Cette position est résumée dans une consultation juridique versée au dossier par Google238 et réalisée par le professeur Jérôme Passa postérieurement à l’arrêt de la cour d’appel de Paris :

« [...] les agences de presse ne sauraient se prévaloir, sur leurs productions (dépêches, photos, vidéos, infographies), du droit voisin instauré par l’article 15 de la directive 2019/790 et les articles L. 218-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle lorsque ces productions sont l’objet, non d’une publication propre ou autonome par les agences elles-mêmes, mais d’une intégration dans des publications de presse d’éditeurs de presse.

Les agences de presse ne sauraient, pour le contester et revendiquer une rémunération auprès des exploitants de services de communication au public en ligne, telle Google, se prévaloir seulement des décisions de l’Autorité de la concurrence et de la Cour de Paris

233 Cotes 88-89, 20/0085 F ; cotes 691-692, 20/0083 F.

234 Cotes 5 976, 969-970, 5 972-5 973, 975-976, 5 970-5 971 et 1 046, 20/0083 F.

235 Cotes VC 809-811 et VNC 4 817, 4 818 et 6 070, 20/0083 F.

236 Cote 946, 20/0083 F.

237 Voir par exemple cote 691 ; cotes VC 809 et VNC 4 817, 20/0083 F.

rendues respectivement les 9 avril et 8 octobre 2020 ou du titre même de la loi du 24 juillet 2019 car,

i) l’existence, la titularité et la portée du nouveau droit voisin dépendent exclusivement des dispositions légales, telles qu’elles ont été analysées plus haut, et naturellement pas de ces décisions, au demeurant rendues en droit de la concurrence, et ne sauraient davantage être déduites du titre général de la loi française sans prise en compte du détail de ses dispositions,

ii) les deux décisions précitées ne distinguent nullement, et ne soulèvent pas même la question de la nécessité juridique de distinguer, les situations respectives des agences de presse et des éditeurs de presse, telles qu’elles ont été distinguées plus haut. Ainsi, la décision de l’Autorité de la concurrence vise toujours, y compris dans son dispositif, les

«éditeurs et agences de presse», comme s’ils constituaient un ensemble homogène n’appelant aucune distinction. »

263. Cette consultation juridique produite par Google conclut alors que :

« [...] c’est naturellement sans grande rigueur que, dans son arrêt du 8 octobre 2020, la Cour d’appel de Paris indique (§99) que « la loi de 2019 vise les « éditeurs et agences de presse » de sorte qu’il est vain de prétendre, comme le fait Google, que l’AFP ne peut directement revendiquer des droits voisins, ce d’autant qu’une grande majorité des contenus de l’AFP reproduits par le moteur de recherche correspond à des images » ; cette dernière partie de la formule est encore moins compréhensible puisque, comme on l’a vu, des images ne peuvent être qualifiées de « publications de presse »239.

264. Tout en contestant à l’AFP et à la FFAP la possibilité de pouvoir revendiquer des droits voisins sur ses contenus non intégrés à des publications de presse qui leur sont propres, Google a transmis à l’AFP, les 8 juillet et 29 juillet 2020, deux projets de Term Sheet faisant explicitement référence aux droits voisins sur les contenus protégés. Dans ces deux projets de Term Sheet, la rémunération des droits voisins n’est cependant pas définie précisément et est englobée dans une licence plus globale portant sur la production de contenus d’actualités par l’AFP et mis à disposition de Google dans le cadre du programme Publisher Curated News ainsi qu’expliqué au paragraphe 95 ci-dessus240.

Dans le document Décision 21-D-17 du 12 juillet 2021 (Page 68-71)