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Henri II sous la plume du chancelier Ayala

7. L’exécution du discours

Remarques sur l’emploi des temps verbaux

Le choix du temps verbal employé dans les deux Chroniques résulte clairement d’une décision réfléchie. Aussi bien Pero López de Ayala que Pierre III utilisent sciemment un temps verbal plus qu’un autre parce qu’ils estiment que ce temps correspond mieux à la situation et à l’épisode qui est narré. Les deux chroniqueurs choisissent donc leurs temps verbaux en fonction d’un système de représentation mentale qui leur est propre et que nous allons détailler.

Les temps du passé- imparfait de l’indicatif et passé simple- sont, par leur nombre, les plus usités dans les deux oeuvres. Ceci est dû au genre auquel ces dernières appartiennent puisque, par définition, une chronique contient des événements survenus dans le passé. De cette manière, se référant à des règnes écoulés ou venant de s’achever, les auteurs préfèrent logiquement employer ces

deux temps. Ils considèrent le passé simple et l’imparfait de l’indicatif comme les temps par excellence de la narration. Ces emplois n’ont donc rien de surprenant.

Si les temps du passé sont les plus fréquents dans les deux œuvres, en revanche, il est un temps qui se rencontre assez rarement : le futur de l’indicatif.

Là encore, nous pouvons expliquer cette quasi absence par les caractéristiques du genre historiographique mais aussi par l’incapacité des auteurs à se projeter dans l’avenir. Apparemment, ceux-ci se soucient du passé, principalement, et, dans une moindre mesure, du présent. Ce qui importe est de laisser une image non pas pour la postérité mais pour les générations futures : les descendants immédiats des rois doivent imiter Pierre III et ont à se détourner de l’exemple offert par Pierre Ier.

Dans le cas présent, il s’agirait d’un futur proche, dans le sens où les générations qui suivent ces deux souverains sont visées. La conséquence de ce système de représentation est que les verbes conjugués au futur de l’indicatif, dans les deux œuvres, sont peu nombreux et, surtout, sont employés pour une raison d’organisation interne. En effet, comme nous l’avons constaté auparavant, lorsque nous nous sommes attaché aux explicit dans la Chronique rédigée par Pero López de Ayala, le futur a une valeur d’anticipation. Celle-ci peut être proche- le chroniqueur développant un sujet qu’il avait déjà évoqué et remis à plus tard231 -ou, à l’inverse, plus lointaine- l’auteur s’attachant à la description d’un événement qu’il avait juste mentionné232.

En fait, le temps verbal présentant le plus d’intérêt est le présent de l’indicatif.

Il est évident que les auteurs écrivent dans leur présent sur une époque révolue sans avoir idée de quoi l’avenir sera fait. De ce fait, les temps narratifs des œuvres

231 Ceci est surtout vrai pour Pierre III, puisque ce dernier écrit : « Damunt havem dit que parlarem en quina manera venc la primogenitura a nostre pare, el rei N’Anfós, e puis com hac los regnes. » (CPC (1.), chapitre I, paragraphe 2, p. 1 007). C’est nous qui soulignons.

232 Nous renvoyons, pour la Chronique du règne de Pierre Ier, à nos exemples de la page 176. En ce qui concerne l’œuvre de Pierre III, citons : « E lo primer nat havia nom Enric, e, finida la dita guerra, fo rei de Castella ab ajuda de Déu e nostra, segons que per avant se recontarà. » (CPC (1.), chapitre VI, paragraphe 1, p. 1 124). C’est nous qui soulignons.

étant, par excellence, l’imparfait de l’indicatif et le passé simple, le présent de l’indicatif n’aurait qu’un faible rôle à jouer. Pourtant, les cas d’emploi de ce temps reflètent une conception personnelle et particulière du récit fait des événements.

Les premiers verbes conjugués au présent de l’indicatif se trouvent dans les prologues des deux œuvres. Nous lisons :

« Por ende de aqui adelante yo Pero López de Ayala con la ayuda de Dios lo entiendo continuar assi (…), en lo qual non entiendo si non dezir verdad : otrosi de lo que acaesce en mi edad (…), la qual tabla esta aqui de yuso deste prologo : antes de la historia de los fechos. E los capitulos son estos que se siguen. »233

et

« Aquestes paraules nós, En Pere, (…) pròpriament podem pendre en lo començament d’aquest llibre, en lo qual se contenen moltes gràcies que el nostre Creador nos ha fetes (…). Nós prenem tres proposicions (…) les quals proposicions o veritats són aquestes. »234

Il s’agit, ici, d’une actualisation de l’écriture et de la lecture puisque, d’une part, l’auteur énonce et présente son travail au présent et, d’autre part, le lecteur- qu’il soit du Moyen Age ou notre contemporain- découvre ces lignes dans son présent.

Nous retrouvons cette notion d’actualisation, par moments, dans l’œuvre, notamment lorsque le chroniqueur s’adresse directement à ses lecteurs. Pero López de Ayala écrit : « E deuedes saber que segund se puede entender e lo dizen los antigos, maguera non sea escrito, que quando la tierra de España fue conquistada… »235. L’auteur semble faire une pause dans sa divulgation d’événements passés pour se diriger vers son public au présent de l’indicatif.

Puis, progressivement, ce temps verbal s’efface pour laisser, peu à peu, la place aux temps de la narration. Cependant, l’énonciation au présent n’est pas

233 CRP (2.), Volume I, prologue, p. 88. C’est nous qui soulignons.

234 CPC (1.), prologue, paragraphe 1, p 1 003. C’est nous qui soulignons.

235 CRP (2.), Volume I, 1 351, chapitre XIV, p. 50. C’est nous qui soulignons.

pour autant bannie du récit. En effet, celle-ci refait son apparition au cours de trois moments bien distincts chez les deux auteurs. D’une part, il arrive que, dans la narration, le présent rejoigne le passé, c’est-à-dire que l’auteur revienne à son propos et l’explique à la première personne du pluriel :

« E per tal com nós no entenem a parlar sinó dels regismes com vingren a nostre pare (…), volem tan solament parlar d’aquests dos, ço és de l’infant En Jaime e de nostre pare, e lleixarem a parlar dels altres nostres avoncles e ties, per tal com no vendria a nostre propòsit. »236

« Por quanto en esta coronica dezimos en cada tienpo, quando acaesçe, el año del Nasçimiento de Nuestro Señor Ihesu Christo e otrossi de la era de Cesar e del Criamiento del mundo e del año de los alarabes, queremos aca declarar cada cuento destos por que se puso e commo se guarda e se falla en el año segundo que el sobre dicho rrey don Pedro rregno. »237

Dans les deux exemples cités, les auteurs procèdent à une incise : ils ne font pas de pause dans le récit mais ils cherchent à expliquer à leurs lecteurs un aspect précis et essentiel de leurs œuvres, c’est donc pourquoi, il est inutile de parler au passé et il est nécessaire, au contraire, de recourir au présent.

Il faut également constater que lorsque les chroniqueurs désirent situer géographiquement un lieu, ils recourent au présent de l’indicatif : « E este lugar de Gibraltar es vna villa e castillo muy noble e muy fuerte e muy notable e presçiado entre los christianos e moros »238,

« Partí lo senyor infant ab tot son estol de galees e de naus e altres vaixells del port de Maó a nou dies del mes de juny, e a tretze dies del dit mes tan solament, ab les galees fo al cap de Sent Marc, qui és prop Oristany en la illa de Sardenya, e aquí hac ardit que (…) eren en un lloc que ha nom Quart. »239

Les auteurs prennent quelques libertés avec le pacte narratif puisque s’ils relatent un fait passé, ils utilisent un présent de l’indicatif pour se référer au lieu

236 CPC (1.), chapitre I, paragraphe 1, p. 1 006. C’est nous qui soulignons.

237 CRP (2.), Volume I, 1 351, chapitre I, p. 29. C’est nous qui soulignons.

238 Ibid., Volume I, 1 350, chapitre I, p. 3. C’est nous qui soulignons.

239 CPC (1.), chapitre I, p 1 010. C’est nous qui soulignons.

géographique. Ceci témoigne d’une différenciation entre le temps révolu de l’événement et l’espace toujours actuel où celui-ci est survenu. La représentation mentale de l’espace se distingue ainsi de celle du temps en ce sens où la première fait partie du présent des auteurs à la différence de la deuxième, ces lieux restant toujours dans l’esprit des deux chroniqueurs 239 bis.

Enfin, Pierre III et Pero López de Ayala conjuguent des verbes au présent de l’indicatif lorqu’ils énoncent des idées communément admises ou ce qu’ils considèrent être des vérités indiscutables. De cette manière, le souverain catalan écrit : « Es ver que el senyor infant, pare nostre dessús dit, se’n venc tan ivaçosament… »240. Quant à lui, Pero López de Ayala nous apprend que Iohan Nuñez, maestre de Calatraua, fuit en Aragon, dans l’une des possessions de l’ordre :

« E eso mesmo acaesçio, que don Iohan Nuñez, maestre de Calatraua, este dicho año, con grand miedo que ouo del rrey, fuesse a vna tierra que los maestres de Calatraua tienen en Aragon, que dizen la encomienda de Alcañiz e estudo en Aragon apartado algunos dias del rrey »241.

Par ce moyen, les deux auteurs partagent avec leurs lecteurs une connaissance qu’ils considèrent comme acquise et évidente. Estimant qu’il est impossible de revenir sur leur propos, il leur paraît impensable de mettre en doute ce qu’ils écrivent, ce qui justifie l’ emploi du présent de l’indicatif 242.

239 bis Emmanuel Le Roy Ladurie évoque l’impossibilité de dissocier le temps et l’espace, celui-ci se mesurant grâce au premier : « D’ordinaire, en Sabartès, pour mesurer l’écoulement d’un temps bref, on se borne à utiliser telle expression vague (un petit moment, une courte pause, une grande pause, etc.) ; ou bien, méthode moins fréquente, on mesure le temps par le mouvement (le temps d’une lieue de parcours, ou d’un quart de lieue…) », LE ROY LADURIE, Emmanuel (218.) : Montaillou, op. cit., p. 419).

240 CPC (1.), chapitre I, paragrape 35, p. 1 015. C’est nous qui soulignons.

241 CRP (2.), Volume I, 1 354, chapitre V, p. 124. C’est nous qui soulignons.

242 Il est révélateur de lire, chez Jean Froissart, les mêmes cas d’emploi du présent de l’indicatif.

Le chroniqueur écrit : « Or avint que le roi d’Angleterre le sçut ; je ne sais mie comment ce fut, ni par quelle condition… » (Historiens et chroniqueurs… (251.), op. cit., Livre Premier, chapitre CCCXXVI, p. 380) ; « Rolleboise est un chasteau bon et fort durement séant sur la rivière de

Une question de rythme : combinaisons et configurations. Les syntagmes binaires

Les deux chroniqueurs mettent en évidence les moments qui leur semblent capitaux par une construction de phrases particulière : la syntaxe diffère donc selon l’intention des auteurs. Comme leurs contemporains, Pierre III et Pero López de Ayala usent de polysyndètes243, ce qu’illustrent les nombreuses répétitions de e au sein des deux Chroniques244. Au-delà de la simple convention,

Saine, à une lieue près de Mante. » (Ibid., Livre Premier, chapitre CLXII, p. 398) ; « Tharbes est une belle ville et grande, étant en plain pays et en beaux vignobles ; et y a ville, cité et chastel, et tout fermé de portes, de murs et de tours, et séparés l’un de l’autre ; car là vient d’amont d’entre les montagnes de Béarn et de Casteloigne, la belle rivière de Lisse, qui court tout parmi Tharbes, et qui le sépare ; et est la rivière aussi claire comme fontaine. A cinq lieues de là sied la ville de Morlens, laquelle est au comte de Foix ; et à l’entrée du pays de Béarn et dessous la montagne, à six lieues de Tharbes, la ville de Pau qui est aussi au dit comte. » (Id., Livre Troisième, chapitre V, p. 487). C’est nous qui soulignons.

243 Georges Molinié (128.) définit la polysyndète comme suit : « La polysyndète est une figure microstructurale de construction. Elle consiste en l’usage systématiquement abondant d’outils de liaison, explicitement marquée, entre les groupes, notamment en ce qui concerne les coordinations. » (Dictionnaire…, op. cit., « polysyndète », p. 275).

Sur ce point, il nous faut, une nouvelle fois, constater les convergences qui existent avec les Chroniques de Jean Froissart. Dans sa thèse, Peter F. Ainsworth (242.) nous apprend que Froissart partageait également « le goût qu’ (avaient) ses contemporains pour la construction polysyndétique. » (Le manteau troué : étude littéraire des « Chroniques » de Jean Froissart (Thèse de 3ème cycle : Littérature française : Paris III, 1 984, 2 volumes, 463 et 314 pages, p. 135).

244 Les exemples sont, bien évidemment, nombreux. Citons, quand même, Pierre III : « E puis començaren a segar la torre. E havia-hi vint-e-nou hòmens, los demés genovesos. E foren al combatre nafrats en les mans e en la cara, e veeren-se perduts, e feren senyal de retre. E puis encara foren combatuts una peça. » (CPC (1.), chapitre III, paragraphe 139, p. 1 074. C’est nous qui soulignons) et Pero López de Ayala : « E llegaron ý al rrey el señor de Poyana e otro cauallero

la construction de type polysyndétique se révèle nécessaire lorsque les chroniqueurs éprouvent le besoin de faire ressortir un aspect de leur discours qui leur semble prépondérant.

En plus des polysyndètes qui se trouvent dans les deux œuvres, Pierre III et Pero López de Ayala emploient des syntagmes binaires : l’originalité de cet emploi réside dans le fait qu’il s’associe à la description d’un moment précis, l’écriture devenant, dès lors, prédéterminée. Ainsi, Pierre III, par exemple, souhaitant apporter une touche de solennité à sa Chronique, écrit :

« Diem primerament que la divinal excel.lència per sa suficiència fa e manté tot creat.

(…) La segona és : Gran és, doncs, congruència que a l’alta potència sia atribuït e dat. »245

Dieu est ici l’axe central du propos de l’auteur et, à ce titre, il mérite un traitement particulier puisque deux verbes puis deux participes passés sont employés côte à côte : il s’agit d’insister sur la grandeur du Créateur et, par là-même, de se soumettre pleinement à lui.

Pierre III utilise également les syntagmes binaires afin de décrire une atmosphère festive, notamment son propre couronnement :

« E com fom intrats dins l’Aljaferia, qui era encortinada e empaliada d’alt e de baix de molts rics draps d’aur e de seda (…), e les taules foren aparellades e meses, posam-nos a menjar… »246.

de Burdeu, que enbio a el el principe de Gales, e enbiole dezir que se fuesse para el señorio del rrey de Inglaterra, su padre, e que el que le ayudaria a cobrar su rregno, e asi gelo enbio prometer.»

(CRP (2.), Volume II, 1 366, chapitre XIII, p. 140. C’est nous qui soulignons).

245 CPC (1.), prologue, paragraphes 2 et 3, pp. 1 003- 1 004. C’est nous qui soulignons.

246 Ibid., chapitre II, paragraphe 14, p. 1 026. C’est nous qui soulignons. Plus tard, afin de décrire la joie des habitants de Lleida, au cours de son entrée dans leur ville, l’auteur rédige ces quelques lignes : « (…) fom aquí reebuts ab gran alegria e gran festa… » (Ibid., chapitre II, paragraphe 23, p. 1 028. C’est nous qui soulignons). Dans ce dernier exemple, la répétition de l’adjectif gran, ajoutée au syntagme binaire, souligne mieux encore leur bonheur.

Ici, l’on remarque bien à quel point tout fonctionne par paires : les étoffes, la description de l’édifice et des tables évoquent la richesse des célébrations qui suivent le couronnement du roi, événement majeur de sa vie. C’est par ce moyen que le souverain catalan cherche à faire partager l’allégresse de cette fête majeure.

Chez Pero López de Ayala, les syntagmes binaires servent à dénoncer l’attitude de Pierre Ier. Ainsi, dans la prophétie que retranscrit l’auteur, Benahatin dit :

« Siguesse adelante que dize esta aue assy nasçida, que sera comedora e rrobadora. Rey, sabe que los rreyes que comen de los aueres e algos e rrentas que a el non son deuidos, que son llamados estos tales, comedores e rrobadores ; pues si tu comes e gastas de las tus rrentas propias al tu señorio convenientes, tu solo lo sabes ; mas la tu fama es contraria, ca diz que tomas los algos e bienes de tus naturales e non naturales, donde quier que los puedes auer, e fazes tomar e rrobar, e que esto, que non fazes por el puro derecho, e assy esplana que el tu comer e rrobar sea tal commo lo que tiene la segunda esplanaçion del segundo seso de la propheçia. »247

Dans le cas présent, la critique visant Pierre Ier passe par un effet d’accumulation.

A ce moment clé de la Chronique, l’auteur emploie intentionnellement ces syntagmes, les uns à la suite des autres, visant à entacher la réputation du roi et à expliquer sa chute future.

De la même façon, l’emploi de cette construction permet au chancelier Ayala de créer une impression de progression qui vise à approfondir le point traité ou à affiner le portrait d’un personnage. Il s’agit d’une progression dans le discours, notamment dans le passage où il évoque les qualités d’Alphonse XI- « E era muy guerrero a los moros e muy noble cauallero »248- dans lequel la symétrie de type muy suivi d’un adjectif est évidente ; le syntagme binaire permet également de rendre compte de l’accélération du rythme de l’action. Ceci est particulièrement flagrant quand Pero López de Ayala décrit l’assassinat de Pierre Ier par Henri II :

247 CRP (2.), Volume II, 1 369, chapitre XX, p. 272. C’est nous qui soulignons.

248 Ibid., Volume I, 1 350, chapitre I, p. 4. C’est nous qui soulignons.

« E dizen que le dixo vn cauallero de los de mossen Beltran : « Catad que este es vuestro enemigo. » E el rrey don Enrique avn dubdaua si era el. E dizen que dixo el rrey don Pedro : « ¡ Yo so ! ¡ Yo so ! » E estonçes el rrey don Enrrique conosçiolo e feriolo con vna daga por la cara. »249

Henri de Transtamare voit donc Pierre Ier puis l’assassine, dans une terrible logique induite par le discours. Par ce moyen, le chancelier Ayala parvient à accélérer le déroulement de l’action tragique qui est en train de se produire250.

De la même façon, c’est grâce à ce procédé d’accumulation que Pierre III peut insister sur les injustices dont il se croit coupable et qui motivent ses réponses par la force. Ainsi, le roi de Majorque semble s’obstiner à le mécontenter et, de cette manière, démontre sa malveillance :

« En aquest terç capítol és declarat en qual manera lo rei de Mallorques, qui era vassall e hom nostre lige, tractà e s’esforçà en denegar la senyoria alodial e la feeltat de què ens era tengut… »251

Dans cet exemple, l’emploi des deux verbes que nous avons soulignés n’est pas anodin : il s’agit, pour Pierre III, de montrer l’application par laquelle le roi de Majorque essaie de lui nuire. Il se défend d’ailleurs par un double syntagme binaire :

« (…) nós, ab l’ajuda de nostre senyor Déus, qui és endreçador de tots aquells qui amen justícia e veritat e en Ell han ferma esperança, destruïm e anullam en tot, e corregim e castigam, per via ordinària e justa, molts d’aquells qui les havien començades e tort hi tenien… »252

249 Ibid., Volume II, 1 369, chapitre XX, p. 290. C’est nous qui soulignons.

250 Pero López de Ayala poursuit cette description en employant un nouveau syntagme binaire :

« E dizen que amos a dos, el rrey don Pedro e el rrey don Enrrique, cayeron en tierra. » (Id.

C’est nous qui soulignons). Il n’est pas étonnant que cette opposition entre les deux hommes se retrouvent dans la syntaxe et s’achève dans cette danse bien macabre.

251 CPC (1.), chapitre III, paragraphe 1, p. 1 037. C’est nous qui soulignons.

252 Ibid., chapitre IV, paragraphe 1, p. 1 091. C’est nous qui soulignons.

Après avoir, en son temps, réglé ce différend par la force, Pierre III, à présent, répond au roi de Majorque par les mots et, à un simple syntagme binaire, il oppose un double syntagme binaire, ce qui, rhétoriquement, représente, à ses yeux, un argument de poids.

Sur un mode similaire, le souverain catalan s’attache à noircir l’image de Pierre Ier :

« En aquest sisè capítol és contengut e declarat lo fet de la guerra, la qual lo rei de Castella iniquament e maliciosa s’esforçà de fer contra nós (…). Lo dit rei, mogut de gran malícia e supèrbia, ab totes les sues gents, venc en les partides de Tarassona en lo mes d’abril següent e assejà la ciutat de Tarassona. »253

Par ce syntagme binaire, Pierre III dénonce avec plus de vigueur encore l’attaque

Par ce syntagme binaire, Pierre III dénonce avec plus de vigueur encore l’attaque