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Définition du discours historique

Les prologues figurent parmi les « laissés pour compte » de la littérature chronistique. Leur caractère convenu repousse plus d’un chercheur59. Pourtant,

59 Bernard Guenée (72.) affirme, au contraire, leur utilité : « L’historien, au Moyen Age, se cache souvent derrière son œuvre. Pour comprendre ce qu’il a voulu faire, il n’est d’autre ressource que d’analyser celle-ci. Mais, plus souvent qu’on ne pourrait croire, l’auteur apparaît dans son récit et, surtout, il prend soin de dire dans un prologue quels ont été ses buts et ses méthodes. Les prologues des historiens ont été longtemps négligés. On n’y voyait qu’un ramassis de lieux communs dont on pouvait même s’épargner la lecture et la publication. En vérité, seule l’étude attentive des prologues permet de saisir à quel point l’œuvre historique était une construction

sous des aspects conventionnels, se cachent de bien utiles renseignements sur le contexte de l’élaboration de l’œuvre, sur la situation de l’auteur au moment où il rédige ses lignes, sur la situation politico-historique du royaume, en résumé, sur les circonstances qui entourent la rédaction de l’œuvre en question. Les Chroniques de Pero López de Ayala et de Pierre III n’échappent pas à la règle mais, surtout, bien que contemporaines, leurs prologues sont très différents. Les deux œuvres sont donc régies par deux intentions distinctes. De cette manière, il y aurait deux conceptions éloignées, visibles dès les prologues, de l’écriture de l’Histoire selon que l’auteur soit catalan ou castillan.

Pero López de Ayala ou l’écriture des trois vertus de l’Histoire : la vertu pédagogique

Le discours historique du chroniqueur castillan se caractérise par la revendication d’une triple inscription dans l’Histoire. Ainsi, Ayala décline le Temps selon trois modes différents mais qui se rejoignent sur un même point : c’est grâce aux leçons de l’Histoire que l’Homme- en l’occurrence le roi- peut juger les situations qui lui seront, à l’avenir, proposées, comme, d’ailleurs, le recommandait Alphonse X60.

La première partie du prologue de la Chronique de Pero López de Ayala est un long discours sur l’oubli. Nous y lisons :

« La memoria de los omnes es muy flaca : e non se puede acordar de todas las cosas que en el tiempo pasado acaescieron : por lo qual los sabios antiguos fallaron ciertas letras, e artes de escriuir, por que las sciencias e grandes fechos que acaescieron en el mundo fuessen escritos, e guardados para los omnes los saber : e tomar dende buenos exemplos para fazer bien, e se guardar de mal : e porque fincasse en remenbrança perdurable : E fueron fechos despues libros, do tales cosas fueron escritas : e guardadas. »61

consciente. Grâce à eux, on voit bien mieux ce qu’était l’histoire pour les historiens et comment ils l’ont faite. », GUENEE, Bernard : « Histoire », in LE GOFF, Jacques et SCHMITT, Jean-Claude (sous la direction de) (217.) : Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval (Paris : Fayard, 1 999, 1 236 pages, pp. 483- 495, p. 486).

60 Voir supra note 58, p. 37.

Puis, le chroniqueur se réfère très rapidement aux Anciens qui, eux aussi, cherchaient à laisser des traces écrites62 pour arriver à la Castille qu’il connaît :

« E porque de los fechos de los Reyes de España, los quales fueron muy antiguos, del tienpo que los Reyes, e principes Godos començaron, fasta aqui, ouo algunos que trabajaron de los mandar escriuir, porque los sus nobles e grandes fechos, e historias non fuessen oluidadas, assi ouo despues otros que quisieron tomar carga.»63

Dans la première partie de son prologue, reprenant un thème alors largement répandu dans ce type d’écrit, l’auteur révèle sa peur de l’oubli, son inquiétude que le Temps, inexorablement, n’efface de la mémoire des Hommes ce qui s’est réellement passé. En d’autres termes, Ayala convie le lecteur à un devoir de mémoire.

Dans son discours, ce devoir est flagrant et se retrouve exprimé, soit de manière explicite, soit de forme implicite : explicitement, puisque le terme memoria est doublement répété, l’auteur utilisant également le mot remembrança ; implicitement, les verbes employés renvoyant à cette même idée (acordar, saber, fincar en remembrança, olvidar).

Pourtant, ce discours n’a rien de surprenant puisqu’il remonte à la Estoria de España d’Alphonse X. Lorsque Alphonse X décide de composer son œuvre, son intention est, apparemment, d’écrire une Histoire de l’Espagne64. Le roi mentionne

61 CRP (2.), Volume I, prologue, p. LXXXVII.

62 « E por ende, los Macabeos quando fizieron sus amistades, e confederaciones con los Romanos, todas las composiciones, e auenencias que entrellos pasaron fueron escritas con letras cabdinales en tablas de cobre : porque para siempre fincase la memoria dellos e assi fue fecho. E por ende fue despues vsado e mandado por los principes e Reyes, que fuessen fechos libros, que fuesen llamados Coronicas, e historias, donde se escriuiesen las cauallerias, e otras qualesquier cosas : que los Príncipes antiguos fizieron, por que los que despues dellos viniessen tomen mejor, e mayor esfuerço de facer bien : e de se guardar de fazer mal. », Id.

63 Id.

64 « … mandamos ayuntar quantos libros pudimos auer de istorias en que alguna cosa contassen de los fechos d’Espanna… », EE (11.), op. cit., p. 4).

également le principal danger qui condamnerait son entreprise : l’oubli65. Par conséquent, dans son prologue, bien avant Ayala, Alphonse X le rejette. Plus que dans les Chroniques catalanes, les auteurs castillans mentionneront tous cette crainte de l’oubli66.

De cette manière, suivant la tradition historiographique castillane, l’écriture de l’Histoire est, pour Pero López de Ayala, de type pédagogique : il ne faut pas oublier l’Histoire car les faits historiques sont exemplaires. Le fait de poser par écrit l’Histoire permet à celui qui la lit (le roi, principal destinataire de la Chronique) de ne pas répéter les mêmes erreurs que celles commises par ses prédécesseurs. A la façon des Miroirs de Princes en vogue au Moyen Age, la Chronique donnerait à son destinataire une image à contempler, soit pour s’en inspirer, soit, au contraire, pour s’en écarter. Justement, dès les premières lignes du prologue, l’on perçoit l’intention critique de l’auteur. Dans ce cas-là, l’exemple

65 « Los sabios antiguos, que fueron en los tiempos primeros et fallaron los saberes et las otras cosas, touieron que menguarien en sos fechos et en su lealtad si tan bien no lo quisiessen pora los que auien de uenir como pora si mismos o pora los otros que eran en so tiempo ; e entendiendo por los fechos de Dios, que son espiritales, que los saberes se perderien muriendo aquellos que los sabien et no dexando remembrança, porque no cayessen en oluido mostraron manera por que los sopiessen los que auien de uenir empos ellos ; et por buen entendimiento connoscieron las cosas que eran estonces, et buscando et escodrinnando con grand estudio, sopieron las que auien de uenir. Mas el desden de non querer los omnes saber las cosas, et la oluidança en que las echa despues que las saben, fazen perder malamientre lo que fue muy bien fallado et con grand estudio ; et otrosi por la pereza, que es enemiga del saber et faz a los omnes que non lleguen a el ni busquen las carreras por quel connoscan, ouieron los entendudos, et quel preciaron sobre todas las otras cosas et touieron por luz pora alumbrar los sos entendimientos et de todos los otros que lo sopiessen, a buscar carreras por o llegasen a el yl aprendiessen, et despues quel ouiessen fallado, que nol oluidassen. », EE (11.), op. cit., p. 3.

66 Voir, par exemple, ce qui est écrit dans la Chronique du règne d’Alphonse X : « Por muchas guisas é por muchas maneras los sabios que fueron en los tiempos pasados quisieron que las cosas que fueron falladas é pasaron, se pudiessen saber, é por nobleza de sí mesmos seyéndoles á los que eran de venir ejemplo, ficiéronlas escrebir, entendiendo que por esta guisa los que podrian mejor saber los que viniesen en pos dellos, é aquellos fechos fincarian guardados e durarian grandes tiempos. », CRA X (4.), prologue, p. 3.

fourni par le règne de Pierre Ier de Castille n’est absolument pas à reproduire. De ce fait, nous sommes face à un Miroir de Princes brisé ou inversé.

L’inscription dans le Temps

La deuxième caractéristique du prologue de la Chronique écrite par Pero López de Ayala concerne l’inscription dans le Temps. En effet, dans la deuxième partie de son prologue, l’auteur replace les règnes des quatre souverains-Pierre Ier, Henri II, Jean Ier et Henri III- dont il entreprend la narration à l’intérieur de l’Histoire, plus ou moins récente, de la péninsule en commençant par l’évocation des Wisigoths.

Le fait de se référer à ces lointains ancêtres n’est pas hasardeux. Effectivement, nous ne devons pas perdre de vue qu’en ces temps d’occupation musulmane dans une partie de la péninsule, renvoyer à ces premiers souverains de l’Espagne revient à rappeler les temps mythiques où le royaume était tout-puissant et où les envahisseurs n’osaient s’aventurer67. Il s’agit bien là d’un Siècle d’Or avant l’heure, d’une période que tout chrétien de la péninsule aimerait voir se reproduire, ce qui, chez ces hommes fait naître un sentiment de culpabilité : ce paradis sur terre a été perdu par la faute des seuls chrétiens68.

67 D’ailleurs, cette croyance persistera jusqu’au Siècle d’Or, preuve que ces quelque sept-cents années d’occupation totale ou partielle ont jeté le trouble dans une identité que les habitants de la péninsule d’avant 711 croyaient acquise. En effet, lorsque quelqu’un, désireux de redorer son blason, cherchait à prouver la noblesse de ses ancêtres, l’on disait de lui qu’il essayait de hacerse de los godos. C’est bien ce qui se passe ici, puisque le chroniqueur débute par l’évocation des lointains ancêtres wisigoths afin de prouver la légitimité des rois présents sur le trône.

68 L’auteur du Poema de Fernán González écrit, à ce sujet, quelques vers intéressants : « En mal ora nasçimos ;/ diera nos Dios España, guardar la non sopimos ;/ si en grand coita somos, nos bien lo meresçimos,/ por nuestro mal sentido en grand yerro caimos./ Si nos atales fuessemos commo nuestros parientes, non avrian poder aquestas malas gentes ;/ ellos fueron muy buenos, e nos menos valientes,/ traen nos commo lobos, a corderos rezientes./ Nos a Dios falesçiendo, ha nos el falesçido,/ lo que otros ganaron, hemos lo nos perdido ;/ partiendo nos de Dios, ha se de nos partido,/ todo el bien de los godos, por end es confondido. », PFG (17.) (Poema de Fernán

Continuant sur la veine pédagogique que nous avons mentionnée auparavant, le chroniqueur ouvre le deuxième paragraphe de son prologue sur une courte apostrophe au lecteur. Il écrit : « E deuedes saber… »69. Et, justement, ce que le lecteur doit connaître, c’est la généalogie des souverains castillans, en commençant, comme il se doit, par les rois wisigoths.

Cette évocation débute par la référence erronée à Atanarico et s’achève, comme il se doit, avec Rodrigue. Remarquons qu’entre ces deux moments- fin du règne de Rodrigue et début de celui de Pélage- le chroniqueur, conformément à la version alors répandue, égratigne, au passage, la figure du comte Julien : « … e despues que la tierra de España fue conquistada por los moros, quando Tarif e Muça passaron con consejo del Conde Don Illan… »70 est-il écrit. Ensuite, insistant, tout d’abord, sur la noblesse de Pélage, et donc sur sa légitimité71, Pero López de Ayala arrive au seuil de l’œuvre avec le portrait d’Alphonse XI qui se résume à un fait majeur, sa victoire au cours de la bataille de Tarifa72.

De cette manière, Ayala inscrit sa Chronique dans le Temps. Cependant, il ne s’agit pas de n’importe quel Temps. Bien sûr, le lecteur comprend très bien qu’il se trouve dans les derniers instants du règne d’Alphonse XI : son fils, Pierre Ier, est là, en 1 350, prêt à lui succéder. Il s’agit, ici, d’un Temps présent, d’une suite chronologique inéluctable. En revanche, cette frise historique rapide et, par moments, fausse cache en son sein un deuxième Temps. C’est ainsi que le fait de se référer aux premiers souverains « légitimes » de l’Espagne renvoie aux Temps

González, Madrid : Cátedra, 1 998, 199 pages , vers 98a à 100d, pp. 65-66).

69 CRP (2.), Volume I, prologue, p. LXXXVII.

70 Id. C’est nous qui soulignons.

71 « finco por Rey en las Asturias el Rey don Pelayo fijo del Conde don Pedro de Cantabria, que venia de aquel linage de los Godos… », Id. C’est nous qui soulignons.

72 « … el Rey don Alfonso que vencio en la batalla de Tarifa a Albohacen Rey de Fez, e de Marruecos, e de Sujulmença, e de Tunes treynta e cinco Reyes. », Ibid., p. LXXXVIII. La formule que nous soulignons est répétée à deux reprises.

mythiques de l’Espagne du Haut-Moyen Age, à une Espagne qui était un véritable jardin d’Eden pour les Espagnols du Bas-Moyen Age73.

Voici donc la Castille de 1 350 brièvement présentée. Finalement, tout n’est-il pas dit dans les deux premiers tiers de ce prologue ? L’on voit déjà poindre certains des thèmes abordés dans la Chronique de Pierre Ier : image désastreuse du roi, quête de la légitimité, nécessité constante de se justifier. En réalité, en filigrane se dessine l’une des plus graves crises connues par la Castille et qui la mènera jusqu’à l’arrivée sur le trône des Rois Catholiques, plus d’un siècle plus tard.

La définition d’un projet centré sur le Vrai

Pero López de Ayala clôt son prologue sur un paragraphe particulièrement intéressant :

« Por ende de aqui adelante yo PERO LOPEZ DE AYALA con la ayuda de Dios lo entiendo continuar assi, e lo mas verdaderamente que pudiere : de lo que vi : en lo qual non entiendo si non dezir verdad : otrosi de lo que acaesce en mi edad : e en mi tienpo en algunas partidas donde yo non he estado : e lo sopiere por verdadera relacion de Señores e Caualleros : e otros dignos de fe de quien lo oy : e me dieron dende testimonio : tomandolo con la mayor diligencia que pude. »74

Suivent, ensuite, quelques lignes expliquant au lecteur le fonctionnement de la Chronique75. La première phase de ce prologue laisse transparaître, pour la

73 C’est ce que traduisent les nombreux elogios de la littérature de l’époque, comme, par exemple, celui du PFG (17.) : « Por esso vos lo digo que bien lo entendades:/ mejor es que otras tierras en la que vos morades,/ de todo es bien conplida en la que vos estades,/ dezir vos e agora quantas ha de bondades. », PFG (17.) , op. cit., vers 145a- 145d, p. 76.

74 CRP (2.), Volume I, prologue, p. LXXXVIII.

75 « E en este libro terne esta orden : que començare el año que el Rey reyno, segun el año del nascimiento de Nuestro Saluador Jesu Christo: e de la Era de Cesar, que se conto en España de grandes tiempos acá: e en cada año destos partire la historia de aquel año por capitulos: e de todo esto fare tabla: porque el leedor pueda fallar mas a su voluntad la historia que le ploguiere : la qual tabla esta aqui de yuso deste prologo : antes de la historia de los fechos. », Id.

première fois, la figure de Ayala. En effet, c’est à cet instant que le chroniqueur s’adresse à la première personne du singulier.

Ce dernier paragraphe est, par excellence, l’espace d’expression réservé au chroniqueur. Sortons de l’aire ibérique et dirigeons-nous plus au nord de la péninsule. Dans la Vie de Saint-Louis, Joinville écrit :

« En nom de Dieu le tout puissant, je, Jehan, sire de Joyngville, seneschal de Champaigne, faiz escrire la vie nostre saint roy Looÿs, ce que je vi et oÿ par l’espace de .VI.ans que je fu en sa compaignie ou pelerinage d’outre mer, et puis que nous revenimes. Et avant que je vous conte de ses grans faiz et de sa chevalerie vous conterai je ce que je vi et oÿ de ses saintes paroles et de ses bons enseignemens, pour ce qu’ils soient trouvez l’un après l’autre pour edefier ceulz qui les orront. »76

Plus tard, Philippe de Commynes, dans ses Mémoires, avouera à l’archevêque de Vienne :

« Monseigneur l’archevesque de Vienne, pour satisfaire à la requeste qu’il vous a plu me faire de vous escrire, et mettre par mémoire ce que j’ai sçu et connu des faits du feu roy Louis onziesme, à qui Dieu fasse pardon, nostre maistre et bienfaicteur, et prince digne de très-excellente mémoire, je l’ay fait le plus près de la vérité que j’ay pu et sçu avoir la souvenance. »77

Il y a donc un souci, chez certains chroniqueurs, de se présenter, mais, surtout, chez tous, de bien assurer le lecteur que ce qu’il va lire est le reflet de l’exacte Vérité. D’ailleurs, le terme est répété maintes fois, sous différentes formes, chez Ayala. En fait, dire la Vérité ne semble pas tout à fait convenir pour caractériser ces prologues. Il s’agit plutôt de la jurer.

Afin de prouver sa bonne foi, le chroniqueur use d’un procédé particulier : le témoignage direct ou indirect, vu ou entendu. Le recours à ces témoignages peut paraître désuet et, surtout, peu fiable. Pourtant, c’est bien un gage de bonne foi

76 Historiens et chroniqueurs du Moyen Age : Robert de Clari, Villehardouin, Joinville, Froissart, Commynes (251.) (Paris: Gallimard, 1 979, Bibliothèque de la Pléiade, 48, 1 543 pages, pp. 8-9, paragraphe 19).

77 Ibid., p. 951.

que de les livrer78. C’est ainsi que, fort de ces témoignages, Pero López de Ayala est prêt à jurer que ce qu’il dit est vrai, comme il le ferait face à des juges.

D’ailleurs, restons sur le plan juridique et comparons cette déclaration d’intention avec les formules d’ouverture des chartes juridiques françaises du Moyen Age des XIIIème- XIVème siècles, citées par Christiane Marchello-Nizia79 : « Ju symons de Clermont, chevaliers, sires de Neele, fas savoir a tous chaus ki ces lettres verront… ». La ressemblance est surprenante et tout porte à croire que le chroniqueur rédige un texte- témoignage sur ce qu’il a vu et entendu80. L’on

78 Voir, à ce sujet, GUENEE, Bernard (72.) : « Histoire », Dictionnaire raisonné… (217.), op. cit., pp. 486-492.

79 « L’historien et son prologue : forme littéraire et stratégies discursives » in La Chronique et l’Histoire…, op. cit., pp. 13-25, exemple de la page 18.

L’auteur précise : « Mais l’intérêt de cette formule va bien au-delà de la simple constatation d’une régularité : il faut tenter de voir ce que signifie l’apparition, et surtout la généralisation de cet énoncé liminaire. Car cette formule est celle même, au syntagme verbal près, qui ouvre les chartes personnelles en langue vulgaire, celle qui d’entrée signale au lecteur que l’on est dans le domaine du juridique, qu’il s’agit d’un acte juridique. », p. 18.

80 Christiane Marchello-Nizia (84.), comparant les prologues des chroniques et ceux des chartes juridiques, émet le jugement suivant : « Si l’on analyse les prologues des œuvres littéraires médiévales de ce point de vue, on constate qu’ils correspondent à différents modèles d’instanciation des places de la situation d’interlocution littéraire. Et parmi tous les prologues, ceux des chroniques ont ceci de singulier qu’ils effacent la scission entre un locuteur-narrateur potentiellement universel et se désignant par je, et d’autre part un locuteur-écrivain spécifié par l’énoncé de son nom, mais désigné à la troisième personne. En opérant cette conjonction entre je et se mettre à écrire la vérité rapporté au temps de l’énonciation, les chroniqueurs produisent une formule quasi-juridique. Or, j’en fais l’hypothèse, cette rencontre entre la formule introductive des chartes, explicitement juridique, et l’incipit des chroniques, n’est pas un hasard. D’ailleurs, il est

80 Christiane Marchello-Nizia (84.), comparant les prologues des chroniques et ceux des chartes juridiques, émet le jugement suivant : « Si l’on analyse les prologues des œuvres littéraires médiévales de ce point de vue, on constate qu’ils correspondent à différents modèles d’instanciation des places de la situation d’interlocution littéraire. Et parmi tous les prologues, ceux des chroniques ont ceci de singulier qu’ils effacent la scission entre un locuteur-narrateur potentiellement universel et se désignant par je, et d’autre part un locuteur-écrivain spécifié par l’énoncé de son nom, mais désigné à la troisième personne. En opérant cette conjonction entre je et se mettre à écrire la vérité rapporté au temps de l’énonciation, les chroniqueurs produisent une formule quasi-juridique. Or, j’en fais l’hypothèse, cette rencontre entre la formule introductive des chartes, explicitement juridique, et l’incipit des chroniques, n’est pas un hasard. D’ailleurs, il est