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5 QUATRIÈME CHAPITRE : ANALYSE DU CORPUS

5.1 Premier discours : la mise en place du rôle de l’Europe dans le conflit russo-

5.1.1 L’Europe : une entité capable de réfléchir et d’agir

Le premier procédé rhétorique employé par Nicolas Sarkozy concerne la constitution du sujet « Europe » comme une entité quasi humaine et capable d’agir. En effet, à de nombreuses reprises dans son discours, Nicolas Sarkozy emploie l’« Europe » comme pronom sujet à la place du « je » ou du « nous ». Il affirme par exemple « l’Europe considère que la crise en Géorgie est d’une extrême gravité » (l. 10). Ainsi, l’un des procédés rhétoriques les plus importants de ce discours consiste à

43 personnifier l’Europe de manière à la doter d’un pouvoir d’action et de réflexion. Dans ce qui suit, nous nous intéresserons à la façon dont cette personnification est mise en œuvre dans son discours et à son influence sur le thème principal du discours. Ainsi que nous l’avons expliqué, Nicolas Sarkozy tente, dans ce discours, de bâtir le rôle de médiateur de l’Europe. Ce discours est donc principalement centré sur l’Europe et sur la volonté du gouvernement européen de mettre cette entité politique au service de la résolution du conflit. Nicolas Sarkozy procède étape par étape dans la mise en place de ce nouveau rôle, et cela se traduit dans un premier temps par différentes manières d’utiliser le sujet « Europe ».

Dès le début de son discours, il déclare : « l’Europe considère que la crise en Géorgie est d’une extrême gravité » (l. 10). Ce faisant, il positionne l’Europe comme une entité capable de penser et de poser un jugement sur la situation. Ainsi, il ne parle plus en son nom ou en celui du gouvernement européen comme il l’a fait dans la première phrase de son discours (« si j’en ai pris l’initiative avec le soutien de tous les pays de l’Union », l. 9) mais se place plutôt en porte-parole d’une autre entité, l’Europe, qui possède sa propre capacité de jugement.

Avant même de définir le rôle de l’Europe dans la résolution du conflit, Nicolas Sarkozy insiste sur la volonté de l’Europe de s’impliquer dans la gestion de la crise. En effet, il poursuit son discours en déclarant que « l’Europe veut assumer ses responsabilités » (l. 11). L’Europe possède donc aussi une volonté et celle-ci se sent responsable face à la crise. Le verbe « assumer » montre ici toute l’importance que représente cette implication aux yeux de l’Europe. « Assumer », c’est « prendre volontairement sur soi » ; c’est « accepter les conséquences de sa position particulière » (Larousse, 2010). Ainsi, le verbe assumer présume déjà le rôle

particulier que Nicolas Sarkozy cherche à constituer. Par ses propos, il place l’Europe comme un agent ayant des responsabilités propres et une volonté de les respecter. Notons que ce genre d’attributs est généralement associé à un être humain mature, responsable et volontaire.

Nicolas Sarkozy présente ensuite l’Europe comme arbitre du conflit en déclarant : « L’Europe considère que toute solution pacifique et durable au conflit géorgien doit être fondée sur le respect de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Géorgie » (l. 25-27). Dans cette déclaration, c’est donc l’Europe qui impose les critères à respecter dans la résolution du conflit. En agissant ainsi, Nicolas Sarkozy confère un certain pouvoir accru à l’Europe puisque c’est elle qui décide des critères, mais aussi ultimement du respect de ceux-ci. Il n’évoque toujours pas précisément un rôle mais il donne à l’Europe le pouvoir de juger et de définir les bases de la résolution du conflit. Nous pouvons également comprendre par cette déclaration que l’Europe a la volonté de résoudre la situation de façon pacifique (donc sans l’intervention d’une force militaire), ce qui contribue aussi à définir son futur rôle.

Le président Sarkozy énonce ensuite plus clairement le rôle de l’Europe. En effet, il utilise pour la première fois le terme « médiation » en déclarant : « Nous allons donc nous impliquer dans le domaine politique en poursuivant la médiation entre les parties » (l. 31-32). Dans cette phrase, nous pensons qu’il est important de souligner l’utilisation du pronom sujet « nous ». Jusqu’ici Nicolas Sarkozy avait utilisé « l’Europe » comme pronom sujet dans toutes ses déclarations. Ce changement est significatif car il marque une volonté d’inclure l’ensemble de son auditoire dans ce nouveau rôle qu’il vient d’énoncer. En effet, il ne s’agit plus ici d’une entité

45 abstraite mais de tous ceux et celles qui la composent. En utilisant le « nous », Nicolas Sarkozy implique donc l’ensemble des Européens tout en suggérant que ceux-ci sont unis dans ce choix de devenir le médiateur de la crise.

L’utilisation de « l’Europe » comme pronom sujet est principalement concentrée dans la première partie de son discours. En effet, nous venons de voir que Nicolas Sarkozy utilise ensuite le pronom sujet « nous » dès la ligne 30 et il privilégiera ensuite le « nous » jusqu’à la fin de son discours. Cependant, le fait d’avoir personnifié ainsi l’Europe dès le début de son discours lui a permis de créer l’image d’une Europe active et dynamique qui prend des décisions et surtout, qui agit. Le fait de personnifier l’Europe contribue donc à lui donner un certain pouvoir et à légitimer le rôle qu’elle s’est elle-même attribuée. Par ce biais, il tente également de réunir les Européens autour de cette Europe capable de les représenter et de prendre des décisions. C’est la raison pour laquelle Nicolas Sarkozy emploie également très souvent le thème de l’unité dans son discours visant à rapprocher la population européenne et à la faire adhérer aux décisions politiques « prises par l’Europe ».

Nous allons à présent identifier les références au thème de l’unité et voir comment elles permettent de renforcer la mise en place du rôle de l’Europe.