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5 QUATRIÈME CHAPITRE : ANALYSE DU CORPUS

5.1 Premier discours : la mise en place du rôle de l’Europe dans le conflit russo-

5.1.3 Établir la crédibilité de l’Europe

Comme nous l’avons vu, Nicolas Sarkozy présente petit à petit l’Europe comme une entité capable d’agir et de représenter la population. Cependant, pour parvenir à faire adhérer la population au nouveau rôle de l’Europe, il est important de montrer qu’elle est crédible et qu’elle prend sa mission au sérieux. La crédibilité représente « le caractère de quelque chose qui peut être cru » (Larousse, 2010). Nous nous intéressons donc à la façon dont Nicolas Sarkozy met en place cette crédibilité dans son discours pour amener la population à croire en la capacité et en la légitimité de l’Europe à occuper ce nouveau rôle.

Nous observons un premier procédé dès la première phrase du discours : « La convocation d’un Conseil européen extraordinaire n’est pas une mesure habituelle. Si j’en ai pris l’initiative avec le soutien de tous les pays de l’Union, c’est que l’Europe considère que la crise en Géorgie est d’une extrême gravité et que l’Europe veut assumer ses responsabilités ». (l. 8 à 11)

Cette première déclaration du président affirme la position de l’Europe dans le conflit : elle a pris la décision de s’impliquer pleinement dans la résolution de ce conflit et de prendre en charge la situation. Ces propos montrent que le président prend la crise très au sérieux et qu’il est conscient de la nécessité d’agir au plus vite.

Par la suite, Nicolas Sarkozy affirme que « l’Europe va continuer à s’impliquer pleinement pour la résolution de cette crise » (l.28-29). Cette déclaration est un engagement clair et une prise en charge officielle de la situation par le gouvernement européen. L’auditoire comprend alors qu’il peut compter sur le soutien de l’Europe pour parvenir à résoudre la crise. Ce début de prise de parole marque donc le premier engagement de l’Europe face à son auditoire. En effet, à travers cet engagement, l’auditoire prend conscience que l’Europe est prête à se consacrer entièrement à son rôle, lui conférant ainsi le début d’une certaine crédibilité.

S’en suit directement la question : « D’ailleurs, si l’Europe ne le faisait pas, qui le ferait à sa place ? » (l. 29-30). Cette déclaration implique que seule l’Europe est capable de gérer cette situation mais surtout qu’elle est la seule à accepter de prendre en charge la responsabilité de résoudre un tel conflit. Nicolas Sarkozy rappelle ensuite l’engagement de l’Europe dans la conclusion de sa première prise de parole en disant : « Nous sommes conscients, nous l’Europe, de notre responsabilité dans le maintien du dialogue » (l. 73-74). Il remet de l’avant cette idée de responsabilité et il rappelle la mission de l’Europe : maintenir et organiser le dialogue dans ce conflit. Il confirme la position de médiateur de l’Europe tout en restant prudent pour ne pas sauter d’étape dans le processus qui mène à comprendre et à faire accepter ce rôle.

Comme nous venons de le voir, les thèmes de la responsabilité et de l’engagement sont présents plusieurs fois dans ce discours. En effet, nous pouvons noter une nouvelle référence à l’idée de responsabilité lorsqu’il déclare : « Le moment venu, chacun prendra ses responsabilités et je les prendrais moi-même » (l. 340-341). Par ces nombreuses références, Nicolas Sarkozy établit que l’Europe prend son rôle au sérieux et qu’elle s’engage à respecter sa mission. Ainsi, en évoquant

51 souvent les idées d’engagement et de responsabilité, Nicolas Sarkozy instaure petit à petit une crédibilité dont l’Europe a besoin pour mettre en place son nouveau rôle.

De plus, nous constatons que Nicolas Sarkozy tente d’établir la crédibilité de l’Europe à travers l’adhésion de la population au rôle de médiateur. Plus précisément, il met l’accent sur les mérites du rôle de médiateur de l’Europe à travers divers procédés. Cet aspect de son discours a pour effet de conférer un certain mérite à l’Europe et surtout de montrer à l’auditoire qu’il doit croire en l’Europe. Nous pouvons relever plusieurs de ces références tout au long de son discours. Dans un premier temps, il déclare :

« Cette crise doit être une occasion d’aller en avant pour l’Europe et je crois que tous, on est quand même assez heureux que l’Europe affiche une volonté politique et que se soit l’Europe qui soit en première ligne pour éviter la guerre » (l. 177 à 180).

Dans cette déclaration, l’accent est mis sur la volonté de l’Europe et sur sa capacité à endosser son rôle de médiateur. Nous pouvons constater qu’il utilise un vocabulaire positif (« aller en avant », « heureux », « volonté politique », « éviter la guerre »). L’utilisation de ce lexique permet d’associer deux éléments qui sont généralement en contradiction ; c’est-à-dire une situation dramatique (la guerre) et une émotion positive. Nous notons également que Nicolas Sarkozy exprime l’amorce d’un changement dans la politique européenne en utilisant le terme « occasion ». De cette façon, il « positivise » la crise. Il montre que l’Europe a compris qu’elle se devait d’amorcer un changement dans sa politique pour parvenir à endosser pleinement son nouveau rôle. L’Europe devient une entité capable de donner un sens positif à une situation tragique. Ceci a pour effet probable d’accentuer les appréciations positives de l’auditoire et de faire en sorte qu’il adhère de plus en plus à l’idée d’une Europe

qui serait le médiateur du conflit. En affichant une Europe volontaire et capable de s’investir dans la résolution d’un tel conflit, Nicolas Sarkozy établit la crédibilité de l’Europe aux yeux de la population.

Il fait ensuite une comparaison entre le passé de l’Europe et sa position actuelle en déclarant : « On n’a jamais vu l’Europe en position si volontaire et si réactive pour mettre un terme à une crise très grave » (l. 213-214). C’est donc la première fois que les Européens sont face à une Europe qui prend les devants et qui se montre courageuse et active dans la résolution d’un conflit d’une telle envergure. Pour insister sur cette nouvelle facette de l’Europe, il utilise le terme « si » comme un adverbe pour marquer l’intensité des deux adjectifs qui qualifient directement l’Europe.

Il utilise également deux énoncés interrogatifs pour mettre en évidence la fonction indispensable de l’Europe dans la résolution du conflit ainsi que la nécessité de croire en cette dernière. En effet, il demande : « Qui est aujourd’hui - je parle de l’Union européenne - la seule entité capable de discuter pour résoudre le problème de la Géorgie ? » (l. 303-305). Un peu plus loin dans son discours, nous lisons également « qui aujourd’hui est le plus efficace pour aider la Géorgie ? » (l. 315-316). Nous pouvons relever plusieurs éléments importants. Le premier concerne la forme même des énoncés. En effet, il utilise des questions courtes et simples dont le sujet est un enjeu capital. En construisant ses questions de la sorte, il attire l’attention de l’auditoire et il le contraint à être attentif à la réponse donnée. De plus, nous comprenons dans le corps de ses questions que la réponse est déjà préétablie. Il la nomme lui-même (« je parle de l’union européenne ») et ne laisse pas le temps à son auditoire d’avoir une pensée différente. Enfin, nous pouvons souligner qu’il nomme

53 l’Europe comme une entité capable d’actions concrètes pour la première fois dans son discours (« la seule entité capable de discuter ») et qu’il contribue ainsi à la personnifier davantage. Il dote l’Europe d’un pouvoir de négociation et de discussion auprès des parties en conflit. Par ces énoncés, il place l’Europe comme l’unique espoir de ramener la paix entre les deux pays en guerre. C’est comme si l’auditoire était contraint d’adhérer à ses propos dans le but de parvenir à la résolution du conflit.

Ce premier discours montre que l’Europe est devenue une force incontournable dans la politique internationale et qu’elle est la mieux placée pour répondre aux attentes diplomatiques qui entourent le conflit entre la Géorgie et la Russie. Nous pouvons relever une dernière section du discours qui résume cette idée:

« Il y a un rendez-vous le 8 septembre, il y a un plan, que le dialogue et la diplomatie fassent leur œuvre. Si cela marche, l'Union aura prouvé son efficacité, si cela ne marche pas, on est parfaitement tous d'accord les 27 et toutes les institutions, on se réunira alors et on prendra d’autres décisions ». (l. 344 à 347)

Cette déclaration appuie plusieurs des éléments que nous avons relevés précédemment. Survenant à la fin de la conférence de presse, nous pouvons noter qu’il réitère ici l’idée de médiation en parlant de « dialogue » et de « diplomatie ». Il pose donc une dernière fois les termes de ce qui a été entendu : l’Europe se chargera d’organiser le dialogue entre les différentes parties du conflit. Il identifie l’Europe comme la communauté qui aura été capable de gérer une crise d’une envergure sans pareille. Cependant, il n’oublie pas de protéger ses arrières en évoquant la possibilité d’un échec qui ne mettrait pas en péril l’unité des membres de l’union (« on est

parfaitement tous d’accord », « on se réunira »). Cette dernière phrase montre toute l’importance qu’accorde Nicolas Sarkozy à l’unité au sein de l’Europe.

Nous venons de mettre en évidence les trois principaux procédés utilisés par Nicolas Sarkozy pour renforcer l’objectif de son premier discours : faire accepter et mettre en place le rôle de l’Europe dans cette crise. La personnification, l’unification de l’auditoire et la création de la crédibilité de l’Europe constituent les éléments essentiels de ce premier discours. Nous avons tenté de montrer leur impact plus ou moins direct sur la perception de la situation par la population et de ce fait, sur la légitimité de l’implication de l’Europe. Nous avons également vu qu’ils ne sont pas totalement dissociables les uns des autres et qu’ils se complètent tout au long du discours. Nous allons maintenant présenter les deuxième et troisième discours qui nous permettent de comprendre comment Nicolas Sarkozy concrétise le rôle de médiateur.

5.2 Deuxième et troisième discours : la concrétisation du rôle de médiateur de