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L’espace numérique : où sommes-nous ?

L’espace social de la mise en présence

1.3 L’espace numérique : où sommes-nous ?

Les deux paradigmes décrits, la scène de la pièce de Ionesco et le jeu qu’étudient Freud et Fédida sont emblématiques parce que centrés, tous les deux, sur les ressources pratiques et symboliques d’objets qui fonctionnent en tant que médias : le seuil et la sonnette au théâtre, la bobine, le lit et le miroir dans le jeu. Nous pouvons alors considérer les uns et les autres comme une interface, car— comme le dit François Dagognet — étant « une région de choix », c’est-à-dire un point de déséquilibre et d’inquiétude, l’interface « sépare et en même temps mêle les deux univers qui se rencontrent en elle, qui déteignent généralement sur elle. Elle en devient fructueuse convergence 100». Arrêtons-nous sur la

notion d’interface, notion spatiale primordiale dans le milieu socio-technologique numérique et qui pourtant pose problème. Le concept d’interface est galvaudé par ses multiples acceptions, appartenant à différents domaines : on parle d’interface en chimie et en physique, en référence aux sciences des surfaces, tout comme en géographie et en

85 informatique. Pour Dagognet, « les expériences les plus révélatrices naissent à l’interférence 101» : il peut s’agir de phénomènes de flux, de métabolisme, de passage,

d’échange, de transit ou de transmission. Bref, de communication, de médiation. Ces phénomènes peuvent être chimiques (par exemple, la catalyse), commerciaux et sociaux (comme dans les cas des frontières entre deux territoires ou des gares liant le territoire à un réseau), informationnels (avec l’emploi d’un appareil informatique, pour jouer ou communiquer). L’acception de ce mot selon un usage plus proprement technologique s’est glissée désormais dans notre langage courant : à l’instar d’une des définitions les plus scolaires, tel qu’on peut la trouver en consultant un dictionnaire d’informatique, on peut affirmer sans peur de s’éloigner du sens commun que « le terme “interface” désigne un dispositif permettant des échanges d’informations entre deux systèmes 102». Par ce mot,

toujours en suivant la définition proposée, on indique alors un support, matériel ou formel, dont on peut aisément distinguer deux composantes fondamentales : la base matérielle de la machine (écran, clavier, souris) et le logiciel qui s’affiche à l’écran. Le terme « interface » désignerait alors le support où sont représentées les informations et où se réalisent les actions propres à l’interaction (les commandes de l’usager et le feedback du système) formalisée dans l’échange s’opérant au moyen des dispositifs d’entrée et de sorties. Dans un dictionnaire de lexique numérique, Nicole Pignier et Benoît Drouillat définissent ainsi l’interface :

La communication via les médias informatisés suppose plusieurs niveaux de médiation, avec, à chaque fois, un niveau d’interface correspondant : par exemple, l’interface de la “page-écran” emboîtée dans celle du logiciel ou du “navigateur”, cette dernière étant elle-même emboîtée dans le système d’exploitation de la machine 103.

Il y a donc un emboîtement entre plusieurs « niveaux d’interface » que le terme

101 Ibidem, p. 33

102 B. Droillat, M. Wainer, Le design des interfaces numériques en 170 mots-clés, Paris, Dunod, 2013, p.80

(les auteurs de la définition d’« interface » sont Nicole Pignier et Benoît Drouillat)

86 « interface » a cependant tendance à réduire à une dualité, les faces relatives à l’inter n’étant, dans les acceptions les plus courantes du terme, que deux. Nous pouvons constater que dans son acception informatique le terme « interface » ne concerne que les aspects proprement électroniques s’offrant à une expérience, l’expérience homme-machine (dite aussi communément interaction et, lorsqu’il s’agit de Web, navigation) qui est tout de même une expérience sociale et culturelle. En tant que telle, bien au-delà des propriétés ergonomiques de l’outil et de son logiciel, cette expérience englobe toute une autre série de dimensions et de facteurs qui en sont également constitutifs. Les facteurs dont les plus courantes définitions d’interface semblent se passer complètement ne sont pas accessoires : la spatialité socio-technologique engendrée par les postures et les gestes (ce que je peux observer en dehors de l’interface électronique, comme dans l’exemple du métro) participe à la production des effets de présence. L’inflorescence de ces effets n’est pas prise en compte lorsqu’on se focalise sur l’interface numérique comme si ce qui, toujours d’une certaine façon, se passe dans l’interface ne se passe pas aussi, certes d’une autre façon, en dehors et autour d’elle. Tout discours centré sur l’interface risque d’amener à ce que, selon Lefebvre, est « l’erreur initiale » dans notre conception de l’espace, voire « penser l’espace à la manière d’un “cadre” ou d’une boîte, dans laquelle entre n’importe quel objet pourvu que le contenu soit plus petit que le contenant, et que celui-ci n’ait d’autre affectation que de garder le contenu 104». La définition d’interface que nous propose la géographie sociale confirme la

nécessité de dépasser ce schéma de pensée. Dans le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, on peut lire que l’interface est « L’une des interspatialités105, caractérisée par la

mise en contact de deux espaces » ; parmi les différentes interspatialités, l’interface serait « la plus simple, car elle se réalise horizontalement et “de face”, sous forme d’un contact par

104 Lefebvre, op. cit. 112

105 Auprès des auteurs de ce dictionnaire, on parle d’interspatialité lorsque l’interaction ne porte pas sur des objets se

87 juxtaposition ». Pour cette raison, nous pouvons lire encore, suivant la définition, que « c’est aussi la plus communément identifiée au point que beaucoup d’auteurs limitent les interactions entre espaces aux interfaces106». Cette définition nous aide à mieux éclairer

notre travail de resémantisation de ce mot, car c’est exactement cette supposée simplicité de l’interface qu’ici nous voulons interroger, en faisant référence aux interfaces numériques à travers lesquelles nous sommes-en-ligne. Tout en sachant combien il est ardu et laborieux de réussir une resémantisation (car cela nous demande de déraciner un mot de la prise et de l’emprise qu’a sur lui l’emploi, plus ou moins courant, qui l’a déjà saturé de significations progressivement adoptées par la communauté des locuteurs), ici nous tachons tout de même d’élargir l’ampleur à la fois sémantique et spatiale que ce terme revêt, jusqu’à le faire peut-être éclater dans les plusieurs spatialités sociales. Un espace d’action, qui comme tout espace d’action est un espace de médiations.

Considérée pendant longtemps comme porteuse d’une présence illusoire et inauthentique, la médiation est, à l’instar de la théorie de l’intermédialité, la créatrice même d’un réel qui se révèle comme étant produit et production de médiations. Penser l’être-en-ligne signifie penser une forme de présence évidemment conditionnée par une importante participation de médiations technologiques. Cela ne doit pas non plus nous faire croire qu’il n’y a de médiations que dans les infrastructures immédiatement reconnaissables comme technologiques, car, bien au contraire, notre socialisation et la production de l’espace sociale sont toujours caractérisées par une certaine intervention médiatrice. Nous avons déjà vu, grâce à la scène de La cantatrice chauve combien de médiations participent à une éventualité tout à fait banale, l’arrivée de quelqu’un chez quelqu’un d’autre. Nous avons déjà pu apprécier combien de valeurs politiques et culturelles sont mobilisés par le simple fait d’être d’un côté plutôt que de l’autre côté d’un seuil. S’arrêter sur l’être- en-ligne oblige

106 J. Levy, M. Lussault (sous la direction de), Dictionnaire de la Géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Éditions Belin,

88 à considérer la situation dans laquelle cette personne se trouve alors qu’elle est en ligne. On ne peut pas échapper à la situation, surtout pas lorsqu’on est en ligne. Nous sommes toujours quelque part, et les conditions de possibilité de notre agir dépendent de la situation dans laquelle nous sommes. La situation, l’action dans son site et le site de l’action à la fois. Loin de croire que l’être-en-ligne dématérialise les contraintes de notre situation à un moment donné, nous pensons au contraire que les contraintes et les ressources spatiales marquant notre situation deviennent encore plus importantes lorsque nous sommes en ligne. La qualité de notre action, les possibilités de notre agir, en dépendent. Être dans un espace ouvert ou fermé, dans le noir ou en pleine lumière, tout seul ou au milieu de la foule, debout ou assis, dans un train ou dans une grande surface : chacune de ces situations influence mon être-en-ligne.

Ainsi que l’expliquent Bolter et Gromala, « new media is not one media form, but a series of convergences – a series of temporary and provisional combinations of technologies and forms 107» : les combinaisons, les convergences et les formes évoquées par Bolter et

Gromala ne sont que les formes sociales et culturelles, parce que corporelles et gestuelles, qui enveloppent les technologies.

Chaque outil numérique a sa spatialité, relative à son cadre de fonctionnement et à l’usage qu’il inspire, tout comme à la mise en scène des contenus auxquels il donne accès. Les outils numériques répondent et induisent un ensemble de comportements, en train d’être socialement reconnus, acceptés et même normés et institutionnalisés. Ici, suivant un mouvement centripète, je vais viser la spatialité interne aux outils numériques (c’est-à-dire celle de la mise en scène, la mise en page, la mise en fenêtre, qu’on verra dans le chapitre suivant) à partir de la spatialité externe à l’ergonomie du hardware et du software. Externe ne veut pas dire ici étrangère, car comme nous venons de le dire c’est dans une même

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convergence spatiale que notre action est possible. Cette spatialité externe, éminemment gestuelle et, en tant que telle, sociale et culturelle, rend visible et socialement acquis l’appareil numérique, qui, de cette façon, participe du milieu socio-technologique. Ce milieu socio-technologique est bien décrit par Eliséo Veron qui, ainsi que nous l’avons précisé dans notre Introduction, considère chaque média comme indiscernable des pratiques sociales d’appropriation auxquelles il donne lieu. Nous croyons que le milieu socio-technologique vers lequel nous allons, celui qu’on appelle déjà « Internet des objets », voire un milieu domestique et urbain d’objets connectés et communicants, nous oblige à repenser la spatialité dans laquelle nous baignons, pour reconfigurer ainsi la spatialité de l’être-en- ligne et aller au-delà du modèle centré exclusivement sur la dualité de l’interface. La connexion de l’Internet des objets nous fait penser l’espace comme un agencement de relations et d’actions.

Dans un milieu d’objets connectés et communicants, dans un ensemble de relations qui rendent possibles la présence des choses et des personnes, il n’y a alors aucune dualité : nous sommes bien inter, nous sommes effectivement entre, mais non entre deux faces, et donc non dans l’interface telle qu’on l’a théorisée jusque là. Nous sommes entre plusieurs entre, car le milieu dans lequel nous nous trouvons est fragmenté, discontinu, polytopique108 : c’est l’ensemble de ces entre, de ces fractures connectées, qui forme notre

milieu. Dans un milieu d’objets connectés, nous habitons un espace qui, exactement comme dans la définition de Merleau-Ponty, est le moyen par lequel les choses peuvent se disposer et, encore plus, révèle « la puissance de leur connexion109 ». Dans un tel milieu, densifié et

creusé par la connexion de toute chose à toute chose, il n’y a plus d’interface parce qu’il n’y a plus rien qui soit de l’autre côté, ainsi que l’étaient le pompier (derrière la porte) et la

108 Cf M. Stock, « L’hypothèse de l’habiter polytopique : pratiquer les lieux géographiques dans les sociétés à

individus mobiles », Espacetemps.net, Lausanne, février 2006

90 bobine (derrière le lit). Dans un milieu qui s’annonce déjà comme étant celui de la connexion permanente, nous ne pouvons que plonger : nous sommes, pour emprunter l’expression que Char Davies utilise pour les participants aux expériences de réalité virtuelle, les plongeants (« the immersants »).110 Ce milieu socio-technologique appelle en

somme la conceptualisation et la modélisation d’une nouvelle théorie de l’espace numérique, qu’ici nous pensons pouvoir systématiser sur la base des intuitions et des théories plus récentes. Il nous faut surtout d’aller au-delà, il nous faut de continuer d’aller au-delà d’une conception purement visuelle de l’interface, comme nous suggère, bien qu’il traite de l’interface au sens strictement informatique, Alexander Galloway. Dans son ouvrage dédié aux effets de l’interface, Galloway critique sévèrement le modèle proposé en 2002 par Lev Manovich. Manovich, qui, à son avis, en insérant les interfaces numériques dans la suite des écrans du cinéma, dans The Language of New Media assume l’espace numérique comme étant éminemment représentationnel et esthétique. « To summarize the visual culture of a computer age is cinematographic in its appearance, digital on the level of its material, and computational (i.e., software drive) in its logic 111», écrit Manovich.

Galloway conteste cette idée, car l’interface n’est pas une fenêtre devant laquelle être spectateur, dit-il, mais un seuil (« threshold ») où prendre sa place pour y agir. Pour mieux rendre ce concept, Galloway parle d’« intraface » et de région de non-choix, renversant ainsi la définition de Dagognet :

The intraface is within the aesthetics. It is not a window or doorway separating the space that spans from here to there. […] It is no longer a question of choice, as it was with Dagognet. It is now a question of non-choice. The intraface is indecisive for it must always juggle two things (the edge and the center) at the same time […] The intraface may thus be defined as an internal interface

110 Cité dans Laurel, op. cit., p. 8

111 L. Manovich, The Language of New Media, The MIT press, Cambridge, 2001 (p. 180), cité dans A. R. Galloway,

The Interface Effect, Polity Press,Malden, 2012 (p. 12). Dans le présent travail nous citerons par la suite l’ouvrage de

91 between the edge and the center but one that is now entirely subsumed and contained within the image. This is what constitutes the zone of indecision 112.

Nous nous trouverions alors « intra », dedans, selon une distinction entre intérieur et extérieur qui nous semble plus floue que ne le croit Galloway. Repérer ce seuil entre l’inside et l’outside n’est pas si facile, les frontières de toute intériorité étant brouillées et instables. Introduire le préfixe « intra » détermine ipso facto l’idée d’un « extra », de quelque chose qui resterait dehors alors que je suis dedans, tandis que nous sommes à l’intérieur d’un environnement qui connaît de moins en moins quelque chose qui lui demeure extérieur. L’intraface décrite par Galloway, bien qu’étant un intéressant approfondissement spatial et sémantique d’une notion qui risque de rester trop plate et donc inadéquate, ne dépasse pas l’architecture purement informatique de l’inter (ou infra) face : bien au contraire, il semble la distinguer de tout ce qui, n’étant pas « infra », serait dehors. Notre vision diffère totalement de cette description. Au lieu de restreindre son regard à l’interface considérée comme l’outil, hardware et software ensemble, nous devons voir pour ainsi dire en dehors d’elle, en la situant ainsi entre. L’interface même se trouve entre : entre les médiations engendrées par les structures architecturales, par exemple, entre des mouvements (ceux de le personne qui l’emploi) et des regards (ceux des observateurs), entre les plusieurs protocoles de connexion, etc. Le milieu socio-technologique dans lequel nous vivons apparaît comme une stratification de entre, comme une agrégation des différences, dont les principales sont celles entre l’être-en-ligne ou hors ligne, connectés ou déconnectés, joignables ou non joignables. La présence en-ligne ne saurait pas se donner « immédiatement » dans l’interface numérique sans passer par la production, gestuelle et culturelle, de l’interface même, au sens d’une infrastructure des gestes et d’opérations, de discours et de pratiques, donc de comportements dont les effets sont ultérieurement médiés

92 par et dans l’interface qui les interprète et les transforme en actions socialement acceptées et partagées. La technologie numérique ajoute des couches de médiation à l’expérience que nous pouvons faire du monde, et ainsi faisant elle nous fait voir que passer à travers des médiations est ce que nous faisons toujours, en réalité, pour pouvoir habiter le monde. C’est notre façon d’habiter le monde, qui demande d’être comprise au prisme de la massive intervention portée par le numérique envers notre réalité et spatialité sociale. La technologie numérique, dans son adoption culturelle (c’est-à-dire dans la massification et popularisation des son usage) révèle une caractéristique versatilité, une sorte d’hybridation intrinsèque dans laquelle cette technologie devient espace de raccordement de nos plusieurs espaces d’action. La philosophie de l’action qui nous inspire dans notre recherche essaie de combiner la phénoménologie de Sartre et Merleau-Ponty et les études sociologiques et anthropologiques qui font de l’action, l’action humaine techniquement équipée, la base de la genèse de l’espace social. Nous avons déjà observé comment la géographie sociale de Michel Lussault renforce cette idée de l’espace comme étant espace d’action : l’espace est défini « ressource sociale hybride et complexe mobilisée et ainsi transformée dans, par et pour l’action 113» et « une ressource de valeurs 114 ». Le terme

ressource est à entendre comme étant lié à une nécessité particulière, c’est-à-dire le fait même de ne pas pouvoir se passer de l’espace. La ressource est alors aussi une contrainte, explique Lussault, car tous nos actes sont spatiaux : chaque acte pratique, aussi élémentaire soit-il, nous demande avant toute chose de maîtriser l’espace, de trouver un bon arrangement spatial et ainsi la place la plus adaptée aux multiples réalités (notamment les objets matériels) agencées dans une même situation. Chacune de ces réalités, précise le géographe, a sa propre spatialité, c’est-à-dire son aspiration spécifique à se déployer dans un espace à elle. La valeur spatiale n’est pas immuable et anhistorique : bien au contraire,

113 M. Lussault, L’homme spatial, Seuil, Paris, 2007 p. 181 114 Ibidem, p. 182

93 souligne Lussault, celle-ci étant « l’ensemble des qualités socialement valorisables d’un espace », elle relève des systèmes de définition des valeurs sociales, toujours transformables, propres aux individus, aux groupes et aux organisations et qui sont à la base de la différenciation spatiale.

Il est également opportun de s’intéresser aux statuts et aux rôles des objets matériels — qui entrent dans la constitution de tous les agencements — dans la dynamique des situations spatiales [...] L’importance de notre commerce quotidien avec les objets ordinaires, de toutes tailles, dans les situations plus ou moins ritualisées où nous les rencontrons — sans nécessairement les utiliser — paraît flagrante. Ce commerce constitue la trame de fond de notre existence, dans la mesure où nous sommes de plus en plus confrontés aux objets techniques, parfois plus intensément qu’aux autres humains. Un tel phénomène structure notre sociabilité et notre spatialité.115

Si nos spatialités sont structurées par et dans l’emploi quotidien des outils les plus ordinaires, alors ces spatialités contemporaines sont structurées par et dans le « commerce » avec les objets du milieu socio-technologique numérique. Avec la numérisation croissante du réel d’aujourd’hui, l’importance de l’espace, bien loin d’être dépassée par la spatialité numérique, est encore plus saillante : nous vivons probablement un tournant spatial des sociétés selon l’hypothèse de Lussault, « c’est-à-dire un moment où la question de la spatialisation des réalités sociales devient essentielle pour parvenir à définir le vivre-ensemble dans un groupe humain — ce que je nomme la cohabitation spatiale des individus 116». La diffusion de la connexion porte à ce que Lussault appelle

l’« hyperspatialité 117», une intensification et une prolifération des dimensions spatiales,