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h) L’entretien du débiteur et de sa famille et son droit d’occuper l’immeuble

594. Il est des droits conférés au débiteur qui doivent être pris en compte dans le cadre de la gérance légale. Le droit à l’entretien que peut faire valoir le débiteur influence le solde de la gérance, puisque les frais qu’il implique sont couverts par le produit locatif de l’immeuble. En outre, de ce droit peut décou-ler celui d’occuper l’immeuble pendant la durée de la gérance légale. Ceci étant, ces prétentions ne peuvent pas être invoquées de la même manière dans l’exécution spéciale (i.) et dans l’exécution générale (ii.).

609 Voir par exemple les états de fait à la base des ATF 122/1996 III 40, P., ATF 119/1993 III 32, So-ciété de Banque Suisse, ou ATF 83/1957 III 67, Alpinapharm.

610 ATF 89/1963 III 72, Garage Moderne SA = JT 1963 III 103. SchKG III-STAEHELIN, N° 38 ad Art. 262 LP.

i. Dans l’exécution spéciale

595. Dans l’exécution spéciale, l’article 103, alinéa 2, LP611 confère au débi-teur le droit à des secours qui sont prélevés sur les revenus de l’immeuble.

Cette disposition s’applique dans la saisie comme dans la poursuite en réalisa-tion de gage une fois que la vente a été requise, par renvoi de l’article 155, ali-néa 1, LP. Le droit à des secours est en outre étendu à la période de la gérance légale limitée dans la poursuite en réalisation de gage par l’article 94, alinéa 1, dernière phrase ORFI in fine612.

596. La quotité des secours alloués au débiteur en application de l’article 103, alinéa 2, LP est déterminée en application des règles relatives au minimum vital selon l’article 93 LP613.

597. Outre ce droit à des secours, le débiteur a le droit d’occuper son im-meuble sans avoir à payer de loyer, jusqu’à ce que l'imim-meuble soit réalisé (art. 19 ORFI)614. Le droit d’occuper gratuitement l’immeuble ne concerne que le domicile ou le lieu de travail du débiteur615 ; en ce sens, le droit d’occupation est considéré comme une émanation du droit à l’entretien. Le droit d’occuper l’immeuble s’éteint avec la réalisation de l’immeuble616. L’office est compétent pour requérir l’expulsion du débiteur qui refuserait de quitter les lieux après l’adjudication, ce jusqu’à l’inscription du nouveau propriétaire au registre fon-cier617.

ii. Dans la faillite

598. Dans la faillite, il existe la possibilité d’une allocation d’assistance au failli, mais celle-ci est fournie de manière restrictive. L’allocation d’assistance est prévue à l’article 229, alinéa 2, LP618, sous une forme potestative.

L’allocation d’assistance est comprise comme la contreprestation de la masse au failli contraint de demeurer à la disposition de l’administration pendant la

611 « Si le débiteur est sans ressources, il est prélevé ce qui est nécessaire à son entretien et à celui de sa famille. » (art. 103, al. 2, LP).

612 BlSchK 1973 151 (AS/GE).

613 ATF du 20 décembre 2002 (7B.221/2002), Banque X. ; ATF 94/1968 III 15, Total (Suisse) S.A. = JT 1968 II 47. JAEGER/WALDER/KULL/KOTTMANN, N° 3 ad Art. 103 LP ; GILLIERON II, N° 14 ad Art. 103 LP ; CR LP-JEANDIN/SABETI, N° 10 ad Art. 103 LP ; SchKG II-LEBRECHT, N° 8 ad Art. 103 LP.

614 « Jusqu’à la réalisation de l’immeuble, le débiteur ne peut être tenu ni de payer une indemnité pour les locaux d’habitation ou d’affaires qu’il occupe ni de vider les lieux. » (art. 19 ORFI).

615 PKG 1994 N° 28 (TC/GR) ; BlSchK 1947 52 (OG/ZH).

616 LGVE 1993 I N° 37 (OG/LU) ; STUDER (1954), p. 173. Contra : PKG 1994 N° 28 (TC/GR), pour qui le dies ad quem du droit d’occuper l’immeuble est le jour de la requisition de vente.

617 LGVE 1993 I N° 37 (OG/LU). Voir également supra § 415.

618 « L’administration peut lui allouer une assistance équitable, notamment si elle le retient à sa dispo-sition. » (art. 229, al. 2, LP).

durée de la liquidation (art. 229, al. 1, LP)619. Lorsqu’elle est allouée, la quotité de cette prestation est déterminée conformément aux règles relatives au mini-mum vital620.

599. Contrairement à ce qui prévaut dans l’exécution spéciale, le failli n’a pas un droit d’occuper les immeubles sous la main de l’autorité. En effet, il appar-tient à l’administration de fixer les conditions auxquelles le failli et sa famille peuvent rester dans leur logement, la durée du séjour et le montant de la contreprestation due à la masse notamment (art. 229, al. 3, LP)621. Il est reconnu de manière unanime que cette disposition ne fonde pas une prétention à habi-ter à titre gratuit622. Pour cette raison, l’article 19 ORFI ne trouve pas applica-tion dans la faillite623. Ceci étant, il demeure dans le pouvoir d’appréciation de l’administration de la faillite de décider si une contreprestation pour l’occupation des locaux est due ou non. L'institution de ce pouvoir d'apprécia-tion est le fruit d'un compromis entre les intérêts des créanciers à obtenir un loyer entrant dans la masse active et l’intérêt du failli, défini en fin de compte, à notre avis, à la lumière des règles relatives au minimum vital624.

C. La couverture des frais, l’émolument et la comptabilité de la gérance légale

600. Les mesures de gérance légale que l’autorité doit accomplir entraînent fréquemment une sortie d’argent, que ce soit pour payer des fournisseurs de prestations ou verser des acomptes aux ayants droit. Ces frais sont le plus sou-vent couverts par les produits de la gérance (1.). Ces frais doisou-vent être distin-gués des montants servant à « rémunérer » l’autorité pour son activité et issus de l’émolument de gérance légale (2.). Nous terminons cette section en évo-quant les règles relatives à la comptabilité de la gérance légale (3.).

619 ATF 106/1980 III 77, Peter J. = JT 1981 II 05. AMONN/WALTHER (2003), p. 349 ; GILLIERON III, N° 16 ad Art. 229 LP ; SchKG III-LUSTENBERGER, N° 7 ad Art. 229 LP.

620 AMONN/WALTHER (2003), p. 349.

621 « L’administration fixe les conditions auxquelles le failli et sa famille pourront rester dans leur loge-ment et la durée de ce séjour, dans la mesure où le logeloge-ment fait partie de la masse en faillite. » (art. 229, al. 3, LP).

622 MCF (1991), p. 163. BlSchK 2002 71 (KG/ZH) ; BlSchK 2000 37 (AS/NE) ; voir déjà avant la modifi-cation législative : ATF 117/1991 III 63, Elda D.-R. = JT 1993 II 140. AMONN/WALTHER (2003), p. 349 ; GILLIERON III, N° 24 ad Art. 229 LP ; SchKG III-LUSTENBERGER, N° 14 ad Art. 229 LP..

623 ATF 117/1991 III 63, Elda D.-R. = JT 1993 II 140. GILLIERON III, N° 25 ad Art. 229 LP ; SchKG III-LUSTENBERGER, N°15 ad Art. 229 LP.

624 Voir, dans le même sens, GILLIERON III, N° 26 ad Art. 229 LP, qui lie le renoncement au paiement d’une indemnité d’occupation à la nécessité d’une assistance équitable en application de l’article 229, alinéa 2, LP.

1) La couverture des frais

601. Dans l’exécution spéciale, les frais de la gérance légale sont en principe couverts en premier lieu par le produit des loyers issus de l’imeuble (art. 22, al. 1, ORFI ab initio et 94, al. 1, ORFI). Lorsque les revenus de l’immeuble s’avèrent insuffisants, l’office peut exiger du créancier qu’il fasse l’avance des frais (art. 105 LP et 16, al. 4, ORFI). Il n’y a pas de disposition similaire dans le cas de la gérance légale limitée ; la doctrine admet que l’article 16, alinéa 4, ORFI s’applique ici par analogie625. A noter que ce besoin d’avance des frais permet, selon notre conception, de déterminer le caractère exceptionnel de me-sures de gérance légale626. A défaut de revenus suffisants et d’avance de la part du créancier, les frais d’administration sont couverts par le produit de la vente (art. 46, al. 1, et 113, al. 1, ORFI).

602. Dans la faillite, il s’agit de distinguer selon que l’immeuble est grevé ou non d’un droit de gage. Si l’immeuble est franc de gage, les règles générales s’appliquent : l’ensemble des frais à la charge de la masse sont couverts par le produit global de celle-ci, issu de l’administration comme de la réalisation627. Dans ce cas, on ne distingue pas si les frais de la gérance légale sont effective-ment couverts par les loyers produits ou si, inverséeffective-ment, les loyers servent exclusivement à couvrir les frais de la gérance. Lorsque les immeubles faisant partie de la masse sont grevés de gages, les frais résultant de leur administra-tion sont couverts par les produits qu’ils engendrent (art. 262, al. 2, LP), cha-que gage supportant ses propres frais628.

603. Contrairement à l’exécution spéciale, il n’y a pas de norme prévoyant que le créancier fait l’avance des frais d’administration. Une éventuelle avance des frais de faillite peut être demandée du créancier ou du débiteur qui a re-quis la faillite ; cette avance ne concerne que les frais exposés jusqu’à la sus-pension de la faillite faute d’actifs ou jusqu’à l’appel aux créanciers (art. 169 LP)629. On peut donc envisager le cas de mesures urgentes de gérance légale devant être prises à ce stade de la procédure, pour la couverture desquelles l’autorité requerrait l’avance des frais, sur la base de l’article 169, alinéa 2, LP.

625 GILLIERON II, N° 6 ad Art. 105 LP.

626 Voir supra § 489.

627 Pour le cas où le produit de la réalisation ne suffit pas à couvrir les dettes de la masse, voir l’ATF 113/1987 III 148, Peter L. = JT 1990 II 47, qui instaure un ordre dans les frais à couvrir.

AMONN/WALTHER (2003), p. 390 ; SchKG III-STAEHELIN, N° 37 ad Art. 262 LP.

628 Voir supra § 587–588.

629 MCF (1991), p. 128. GILLIERON II, N° 12 ad Art. 169 LP ; SchKG II-NORDMANN, N° 1 ad Art. 169 LP.

Voir par ailleurs JT 2001 II 32 (TC/FR), CR LP-JEANDIN/CASONATO, N° 37 ad Art. 262 LP, SchKG-BAUER, Erg.Bd., N° 38/45 ad Art. 262 LP.

2) L’émolument pour la gérance légale

604. L’autorité perçoit un émolument pour les opérations de gérance légale qu’elle effectue. Cet émolument est supposé représenter la contrepartie du tra-vail effectué par l’autorité au titre de gérant légal des immeubles sous sa main630.

605. L’émolument est prévu à l’article 27, alinéas 1&2, OELP631. D’une ma-nière générale, cette disposition est applicable pour toutes les gérances légales, ordinaire, limitée ou dans la faillite. En effet, l’article 27 OELP est situé dans le chapitre 2 de l’ordonnance, qui traite des émoluments perçus par l’office des poursuites ; il est indifférent à ce titre que la procédure diligentée par l’office soit une saisie ou une poursuite en réalisation de gage. L’article 27 OELP s’applique en outre par analogie à la gérance légale dans la faillite, par renvoi de l’article 46, alinéa 2, litt. a, OELP.

606. L’émolument est de 5% des loyers perçus ou à percevoir pendant la du-rée de la gérance ; le calcul du montant de l’émolument s’effectue sur la base des loyers bruts perçus par le gérant légal. Lorsque l’immeuble n’est pas utili-sé, l’émolument est fonction de la valeur d’estimation de l’immeuble. A notre avis, un immeuble doit être considéré comme n’étant pas utilisé lorsqu’il ne produit pas de loyers. Il en va ainsi non seulement lorsqu’il est libre d’occupants, mais également lorsque le débiteur l’occupe à titre gratuit (art. 19 ORFI).

607. L’émolument couvre toutes les opérations de l’autorité en relation avec la gérance de l’immeuble. Cette rémunération est exhaustive, et le gérant légal ne peut pas facturer des frais supplémentaires pour son activité, et, par exem-ple, présenter un décompte pour l’accomplissement de tâches selon le temps passé ou selon le nombre de pages écrites632.

608. Si l’office estime que son activité n’est pas suffisamment rémunérée, il peut requérir de l’autorité de surveillance que l’émolument soit, dans des cas particuliers, augmenté dans la mesure nécessaire (art. 27, al. 4, OELP)633. La lettre de cette disposition et le caractère exhaustif de la tarification fédérale s’opposent toutefois à ce que l’émolument soit, d’une manière générale, majoré

630 Il s’agit-là d’une explication imagée, puisque le fonctionnement financier de l’Etat ne permet pas de mettre effectivement en relation les prestations fournies avec les émoluments perçus pour celles-ci.

631 « L’émolument pour la gérance d’immeubles, y compris la conclusion de contrats de bail à loyer ou à ferme, la tenue des livres et de la comptabilité, est de 5 pour-cent des loyers ou fermages perçus ou à percevoir pendant la durée de la gérance. Lorsque l’immeuble n’est pas utilisé, l’émolument annuel est de 1 pour mille de sa valeur d’estimation. » (art. 27, al. 1&2, OELP).

632 ATF 126/2000 III 490, Betreibungsamt Z. = JT 2000 II 91. Voir également l’ATF 128/2000 III 476, X.

633 « L’autorité de surveillance peut, dans des cas particuliers, augmenter l’émolument dans la mesure nécessaire. » (art. 27, al. 4, OELP).

afin de tenir compte des frais engendrés par l’augmentation du volume des procédures immobilières et de l’organisation administrative de l’office634. 609. L’émolument est considéré comme frais de la gérance légale, prélevés en priorité sur le produit de celle-ci, voire sur celui de la réalisation de l’immeuble635.

3) La comptabilité de la gérance légale

610. Dans son activité, le gérant légal est appelé à percevoir des fonds et à effectuer des paiements. Il est indispensable que ces opérations financières soient consignées de manière stricte et soient reconnaissables comme telles.

Les règles relatives à la comptabilité se situent aux articles 20 et 21 ORFI pour l’exécution spéciale, et aux articles 16 et suivants OAOF pour l’exécution géné-rale.

611. Dans l’exécution spéciale, les articles 20 et 21 ORFI imposent à l’office de tenir un compte séparé des frais de la gérance (art. 20, al. 1, ORFI), respecti-vement un compte détaillé des dépenses et recettes de celles-ci (art. 21, al. 1, ORFI). Les encaissements et les paiements sont inscrits dans le livre de caisse ; il est ouvert dans le grand livre un compte spécial pour chaque immeuble qui donne lieu à l’encaissement de loyers ou dont l’office a assumé l’administra-tion à la suite de la saisie ; les encaissements y sont également inscrits, les re-cettes de la caisse à l’« avoir » et les dépenses de la caisse au « doit » (art. 15 IFORFI).

612. Ces dispositions s’appliquent dans la gérance légale ordinaire, dans sai-sie comme dans la poursuite en réalisation de gage. Il n’existe pas de règle si-milaire relative à la comptabilité de la gérance légale limitée, ni de renvoi aux articles 20 et 21 ORFI. Il s’agit à notre avis d’une lacune ; les articles 20 et 21 ORFI doivent être appliqués par analogie pour la gérance légale limitée.

613. Dans la faillite, la réglementation de la comptabilité est prévue de ma-nière détaillée aux articles 16 et suivants OAOF ; ces dispositions exécutent le mandat général confié aux offices des faillites de dresser procès-verbal de leurs opérations (art. 8, al. 1, LP). L’office, respectivement l’administration spéciale de la faillite (art. 97 OAOF), doit inscrire dans le livre de caisse toutes les opé-rations faites pour le compte de la faillite (art. 16 OAOF). Il doit également ou-vrir sur le grand livre un compte spécial à chaque faillite, dans lequel sont ins-crites toutes les opérations de caisse (art. 17 OAOF), et tenir un compte spécial

634 ATF 128/2000 III 476, X.

635 Voir supra § 601–603.