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e) La gérance légale limitée

95. Afin d’assurer l’affectation des loyers aux créanciers gagistes favorisés par l’article 806 CC, le droit de la poursuite a mis en place une gérance légale de l’immeuble dans le cadre de la poursuite en réalisation de gage jusqu’au moment de la réquisition de vente : il s’agit de la gérance légale limitée.

96. Les articles 152, alinéa 2, LP et 91 à 96 ORFI, relatifs à l’indisponibilité des loyers et à la gérance légale limitée, ont comme particularité de ne pouvoir être mis en œuvre que si l’extension du gage aux loyers est effective126. Les articles 91 à 96 ORFI figurent, dans la systématique de l’ordonnance, sous l’intitulé « E. Baux à loyer ou à ferme ». L’application de chacune de ces normes dépend, directement ou indirectement, de la requête d’extension du gage aux loyers formée par le créancier gagiste poursuivant : l’article 91 ORFI fait dé-pendre l’avis aux locataires et fermiers de la requête d’extension du gage aux loyers, et les dispositions suivantes ne sont mises en œuvre qu’avec la notifica-tion de l’avis aux locataires et fermiers, voire après celle-ci. En d’autres termes,

122 HOLLIGER (1951), p. 106 ; LILIENFELD (1941), p. 77 ; WEISS (1936), p. 69.

123 HOLLIGER (1951), p. 106 ; BK-LEEMANN, N° 61 ad Art. 806 CC ; WEISS (1936), p. 69.

124 BK-LEEMANN, N° 56 ad Art. 806 CC ; LILIENFELD (1941), p. 101 ; BAKO-TRAUFFER, N° 24 ad Art. 806 CC.

Voir également le Form. ORFI N° 5 et supra § 69–73.

125 Voir infra PARTIE 2.

126 Dans le même sens : STUDER (1954), p. 172.

ce sont des règles dont la fonction est d’asseoir la portée de l’article 806 CC dans le cadre de la phase préliminaire de la poursuite en réalisation de gage.

En cela, les articles 152, alinéa 2, LP et 91 à 96 ORFI n’ont pas de d’autonomie propre. Pour cette raison, nous désignons ces règles comme étant « dépendan-tes », par opposition aux règles « autonomes » d’indisponibilité.

97. En revanche, lorsque l’immeuble n’est pas remis à bail, il n’y a pas de place pour une immobilisation des loyers et une gérance légale limitée127.

C. L’indisponibilité dans la poursuite par voie de saisie

98. La saisie128 est la mise sous main de justice de droits patrimoniaux du débiteur en vue d’une réalisation dont le produit est affecté au désintéresse-ment des créanciers poursuivants129. Il s’agit du mode de poursuite ordinaire permettant l’exécution spéciale du patrimoine du débiteur, qui ne porte que sur une part déterminée de son patrimoine.

99. Le cercle des personnes soumises à la poursuite par voie de saisie est défini de manière résiduelle par l’article 42, alinéa 1, LP : y sont sujettes les personnes qui ne peuvent faire l’objet, ni d’une procédure par voie de faillite (art. 39 et 43 LP), ni d’une poursuite en réalisation de gage (art. 41 LP).

100. La procédure peut être synthétisée en trois phases. La première phase est celle de l’introduction de la poursuite. Elle tend à l’obtention, par le créan-cier, d’un commandement de payer en force, ce qui lui permet de requérir la continuation de la poursuite (art. 88 LP). Dans cette première phase de la pro-cédure, avant même l’exécution de la saisie, le créancier peut requérir la saisie provisoire (art. 83, al. 2, LP). Celle-ci a pour but de sauvegarder les droits du créancier pendant une éventuelle action en libération de dettes, laquelle inter-vient à l’initiative du débiteur lorsque le créancier s’est vu accorder la

127 Dans le même sens : ATF 131/2005 III 141, Y. SA.

128 D’une manière générale, à propos de la poursuite par voie de saisie : AMONN/WALTHER (2003), p. 149–259 ; FRITZSCHE/WALDER I (1984), p. 281–472 ; GILLIERON (2005), p. 179–270.

129 ATF 106/1980 III 130, Eurosystem hospitalier SA. AMONN/WALTHER (2003), p. 150 ; SchKG II-FOËX, N° 2 ad Art. 96 LP ; FRITZSCHE/WALDER I (1984), p. 360 ; GILLIERON (1991), p. 269 ; GILLIERON (2005), p. 179 ; JAEGER/WALDER/KULL/KOTTMANN I, N° 10 ad Art. 96 LP ; STOFFEL (2002), p. 136. Si la fonction de la saisie en tant qu’institution servant à permettre le désintéressement des créanciers poursuivants est incontestée dès son origine, la qualification de sa nature juridique a fait l’objet de controverses dès ce moment également : certains ont considéré qu’elle confère aux créanciers sai-sissants un droit réel sur les biens saisis, d’autres ont soutenu la conception – qui finalement pré-vaut aujourd’hui – de la mainmise officielle : pour une présentation de cette évolution, voir C OLOM-BARA (1992), p. 344–354 ; GILLIERON (1991), p. 268–269 ; VALLAT (1998), p. 71–77.

vée provisoire de l’opposition. La saisie provisoire est exécutée comme la sai-sie définitive, et a, s’agissant du débiteur, les mêmes effets qu’une saisai-sie défini-tive130 ; les mesures de sûreté des articles 98 et ss LP peuvent en outre être or-données131. En cas de saisie provisoire déjà, l’immeuble est susceptible d’être frappé par des normes d’indisponibilité.

101. La deuxième phase est celle de la saisie : les biens du débiteur sont ap-préhendés par l’office, en vue de leur réalisation au profit du créancier saisis-sant. Les biens du débiteur sont saisis jusqu’à ce que la créance du poursuivant soit couverte. Certains biens, absolument nécessaires au débiteur, sont insaisis-sables (art. 92 LP) ; d’autres, les revenus relativement saisisinsaisis-sables, sont saisis déduction faite d’un montant laissé au débiteur pour lui et sa famille (art. 93 LP). Parmi les biens saisissables, ce sont les biens meubles, y compris les créances, qui sont saisis en premier lieu ; les immeubles ne sont saisis que s’il n’y a pas de biens meubles suffisants pour couvrir la créance (art. 95, al. 1 & 2 LP). C’est donc la loi qui détermine les biens à saisir ; la portée effective de chaque saisie dépend de la nature et de la quotité des biens du débiteur. La saisie est exécutée par l’avis au débiteur selon lequel certains de ses biens clai-rement désignés sont saisis et que, partant, il lui est fait interdiction, sous la menace des peines de droit, d’en disposer sans la permission du préposé (art. 96, al. 1, LP)132 ; cette injonction au débiteur sert à exprimer la mainmise officielle sur les biens qu’elle désigne133.

102. Une fois la saisie exécutée, le créancier peut requérir la réalisation des biens saisis dans un délai-cadre de 6 mois à 2 ans (art. 116, al. 1, LP). L’office est tenu de préparer les enchères ; quand la saisie porte sur des immeubles, plusieurs obligations lui incombent à ce titre : dépôt des conditions de vente (art. 134 & 135 LP), publication des enchères (art. 138 LP), établissement de l’état des charges (art. 140 LP) notamment. L’office dispose également de dé-lais-cadres pour procéder à la réalisation, à savoir entre 1 mois et 3 mois à compter de la réquisition de vente (art. 133, al. 1, LP). Contrairement aux dé-lais impartis au créancier, qui s’imposent strictement à lui sous peine de

130 GILLIERON I, N° 26 ad Art. 83 LP ; SchKG II-STAEHELIN, N° 9 ad Art. 83 LP.

131 GILLIERON I, N° 27 ad Art. 83 LP ; SchKG II-LEBRECHT, N° 4 ad Art. 98 LP.

132 ATF 130/2004 III 661, Z. ; ATF 110/1984 III 57, Edwin C. = JT 1987 II 60 ; ATF 109/1983 III 11, Garage Hoffer & Fils SNC ; ATF 107/1981 III 67, Niala Inc ; ATF 97/1971 III 18, Albert E. = JT 1971 II 16. AMONN/WALTHER (2003), p. 158–159 ; FOËX (2001), p. 8 ; SchKG II-LEBRECHT, N° 13 ad Art. 89 LP, N° 1 ad Art. 98 LP. Voir également le Form. ORFI N° 6. Contra : VALLAT (1998) (p. 87, 89), pour qui la décision de l’organe de la poursuite est déterminante pour l’exécution de la saisie, indépendamment de toute communication au débiteur. Voir également la suggestion d’interpréta-tion de FOËX à la suite de la modification, en 1997, des notes marginales accompagnant les articles 89, respectivement 96 LP (SchKG II-FOËX, N° 17 ad Art. 96 LP), suggestion non suivie par la juris-prudence (ATF 130/2004 III 661, Z.).

133 ATF 114/1988 III 75, K.

clusion (art. 121 LP), il s’agit pour l’office de délais d’ordre134 ; dans la prati-que, il s’avère que ceux-ci sont souvent dépassés, prolongeant d’autant l’indisponibilité des immeubles sous main de l’office.

103. La troisième phase est celle qui court du jour de la réalisation des biens saisis, jusqu’à la clôture de la procédure (art. 144 à 150 LP).

104. Dans la saisie, l’indisponibilité des biens, et notamment des immeubles, est exprimée par cinq normes, qui ont chacune une fonction déterminée : in-jonction au débiteur lui interdisant de disposer des biens saisis (2.), sanction pénale (3.), actes de disposition frappés de nullité (4.), restriction du droit d’aliéner l’immeuble annotée au registre foncier (5.), mise de l’immeuble sous gérance légale (6.). Avant de passer ces normes en revue, nous commençons par préciser les biens concernés par la saisie, lorsque l’autorité met la main sur un immeuble du débiteur (1.).

1) Les biens saisis

105. Notre hypothèse de travail est la saisie d’immeubles par l’office, au titre d’actifs appartenant au débiteur. La saisie concerne en premier chef l’immeuble tel qu’il est inscrit au registre foncier ; cependant, elle s’étend éga-lement à certains droits ou choses qui en dépendent. Ceci s’explique par le fait que le droit de propriété sur un immeuble s’étend aux parties intégrantes (art. 642 CC) et fruits naturels (art. 643 CC) de celui-ci ; il s’agit-là de l’expression du principe dit de l’accession135. Les accessoires suivent également le sort de la chose principale (art. 644–645 CC). Nous examinons successive-ment le sort des fruits, en particulier celui des loyers produits par l’immeuble (a.), puis de ses accessoires et parties intégrantes (b.). Enfin, il se peut que l’immeuble saisi en tant qu’actif appartenant au débiteur soit inscrit au registre foncier au nom d’un autre (c.).