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a) Sans extension du gage aux loyers

220. Les règles autonomes257 du droit de l’exécution forcée ne prévoient pas que l’immeuble objet du gage soit indisponible dans la phase préliminaire. Au contraire, pendant ce temps, le débiteur conserve la libre disposition de l’objet du gage258.

254 AMONN/WALTHER (2003), p. 265 ; SchKG II-BERNHEIM/KÄNZIG, N° 2, 29 ad Art. 153 LP ; GILLERON II (1999), N° 12 ad Art. 153 LP .

255 Voir supra § 211–212. Selon GILLIERON, le conjoint à qui un commandement de payer est notifié ne peut former opposition qu’en tant qu’il invoque des arguments en relation avec l’article 169 CC, par exemple qu’il n’aurait pas consenti à la constitution du droit de gage sur l’immeuble (GILLIERON II, N° 29–30 ad Art. 153 LP) ; après l’avoir suivi dans cette interprétation, l’autorité de surveillance vaudoise s’est ralliée à l’opinion doctrinale opposée (SchKG II-BERNHEIM/KÄNZIG, N° 29 ad Art. 153 LP) et a considéré qu’il n’y a pas lieu de limiter les moyens que peut faire valoir le conjoint du débi-teur à l’appui de son opposition à la poursuite : JT 2002 II 104 (TC/VD).

256 Voir supra § 34–96.

257 Voir supra § 96.

258 ATF 42/1916 III 63, Wyss et Fils = JT 1916 III 66. COLOMBARA (1992), p. 388 ; GILLERON (1991), p. 263.

221. En effet, il n’existe pas, dans les articles 151 à 154 LP qui fixent la procé-dure d’exécution forcée entre l’introduction de la poursuite en réalisation de gage et la réquisition de vente, de norme interdisant au débiteur de disposer de l’objet du gage, attribuant des prérogatives de gérance à l’office, ou sanc-tionnant de nullité des actes qu’il aurait accomplis.

222. En outre, l’annotation de la restriction du droit d’aliéner prévue à l’article 90, alinéa 1, ORFI n’a pas pour objet de rendre inopposable au créan-cier gagiste poursuivant l’acquisition de droits sur l’immeuble par un tiers.

Nous présentons ci-après les conditions auxquelles la restriction du droit d’aliéner selon cette disposition peut être requise (i.), de même que sa fonction (ii.).

i. Les conditions de l’annotation de la restriction du droit d’aliéner

223. L’article 90, alinéa 1, ORFI, donne la possibilité au créancier gagiste poursuivant de demander à l’office qu’il requière « … l’annotation au registre foncier d’une restriction du droit d’aliéner, conformément à l’article 960 CC (cf.

art. 15, 1er al., let.a, et 23a, let a, ci-dessus). »

224. Le créancier gagiste poursuivant est en mesure de former une telle re-quête dans deux cas. En premier lieu, il n’a pas été fait opposition au com-mandement de payer (art. 90, al. 1, ch. 1, ORFI). En second lieu, l’opposition régulièrement formée est tombée, soit en vertu d’un jugement définitif obtenu par la voie de la procédure de mainlevée ou de la procédure ordinaire, soit ensuite de renonciation (art. 90, al. 1, ch. 2, ORFI).

225. Dans ces deux cas, le créancier gagiste doit, bien que les obstacles à l’avancement de la procédure ayant été levés, attendre que le premier jour du délai-cadre de 6 mois de l’article 154, alinéa 1, LP soit atteint, avant de pouvoir requérir la vente de l’immeuble. Ce délai est instauré dans l’intérêt du débi-teur, à qui on réserve la possibilité de pouvoir se libérer avant la vente de l’immeuble259. En contrepartie, le créancier se voit conférer la possibilité de voir annotée une restriction du droit d’aliéner.

ii. La fonction de l’annotation de la restriction du droit d’aliéner

226. L’annotation d’une restriction du droit d’aliéner dans le cadre de la poursuite en réalisation de gage n’a pas la fonction ni les effets de son homo-logue en cas de saisie. En effet, elle ne s’insère pas dans un cadre légal

259 SchKG II-BERNHEIM/KÄNZIG, N° 1 ad Art. 154 LP.

gue. Dans la saisie, l’annotation au registre foncier de la restriction du droit d’aliéner sert en premier lieu à priver le bénéficiaire d’un acte de disposition du débiteur de sa bonne foi, faisant en sorte qu’il n’est pas protégé dans son acquisition.

227. En revanche, dans la poursuite en réalisation de gage, il n’existe pas de norme protégeant l’acquisition de bonne foi d’un droit sur l’immeuble. En ef-fet, la réglementation matérielle du droit de gage et la poursuite en réalisation de celui-ci permettent au créancier gagiste poursuivant d’obtenir satisfaction par la réalisation du gage, alors même que le propriétaire l’aurait aliéné ou grevé de droits ou charges dépréciatifs. En particulier, contrairement à la saisie par laquelle on appréhende le seul patrimoine du débiteur, il n’est pas néces-saire que le gage soit propriété du poursuivi ; l’aliénation du gage n’empêche pas la poursuite en réalisation de gage d’aller son cours, et le créancier gagiste d’obtenir satisfaction.

228. La fonction de la restriction du droit d’aliéner doit être comprise au re-gard de l’article 88, alinéa 2, ORFI : cette disposition fait dépendre de l’absence d’annotation de la restriction du droit d’aliéner de l’article 90 ORFI la faculté pour un tiers acquéreur de l’immeuble objet de la poursuite en réalisation de gage de se voir notifier un commandement de payer et, par voie de consé-quence, le droit de former opposition au même titre que le débiteur (art. 153, al. 2, LP in fine). La restriction du droit d’aliéner prévue à l’article 90, alinéa 1, ORFI a donc pour fonction de priver un tiers acquéreur du droit de se voir no-tifier un commandement de payer et, partant, de participer à la poursuite en réalisation de gage dirigée contre le débiteur (art. 88, al. 2, ORFI)260.

229. Le bénéfice de l’annotation profite au créancier gagiste poursuivant. En effet, le stade de la poursuite qu’il a atteint dans ses démarches contre le débi-teur et le propriétaire antérieur de l’immeuble ne peut plus être remis en cause, puisque la poursuite n’a pas à être introduite contre le nouvel acquéreur de l’immeuble261. Par ailleurs, le créancier gagiste poursuivant ne voit pas la réalisation du gage reportée en raison de l’introduction de la poursuite contre le nouveau propriétaire du gage ; en effet, la réalisation du gage ne peut pas avoir lieu tant que les délais courant depuis l’introduction des poursuites contre chacun du débiteur et du propriétaire ne soient écoulés, respectivement les oppositions à chacun des commandements de payer levées262.

260 ATF 78/1952 III 3, Richner = JT 1952 III 119. COLOMBARA (1992), p. 389 ; DESCHENAUX (1983), p. 555 ; HOLLIGER (1951), p. 79 ; SCHELLENBERG (1968), p. 120.

261 SCHELLENBERG (1968), p. 121.

262 Art. 98, al. 1, ORFI : « … c’est la date de la dernière notification du commandement de payer, que ce soit au débiteur, au tiers propriétaire ou au conjoint du débiteur ou du tiers qui fait règle pour le calcul des délais prévus à l’article 154 LP. » CR LP-FOËX, N° 23 ad Art. 153 LP ; SchKG II-BERNHEIM/ KÄNZIG, N° 31 ad Art. 153 LP ; SCHELLENBERG (1968), p. 53.

230. A noter enfin que, dans ce cadre, l’annotation de la restriction du droit d’aliéner est constitutive, et non déclarative. En effet, une annotation constitu-tive fait naître l’effet prévu par la loi263. En l’occurrence, l’effet prévu par la loi est la perte du droit de l’acquéreur de l’immeuble de se voir notifier un com-mandement de payer (art. 88, al. 2, ORFI)264 ; or, cet effet prévu par la loi naît de l’annotation de la restriction d’aliéner au registre foncier.