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PARTIE II LA RELATION DONNEUR D’ORDRES-SOUS-

8. L’entreprise réseau

Le réseau est une notion qui recouvre plusieurs sens. Dans le vocabulaire des structures d’organisations, on retrouve par exemple les termes d’entreprise modulaire (Brilman, 1995), étendue (Archias et al., 2013), virtuelle (Byrne, 1993), transactionnelle (Frery, 1997) et l’entreprise en réseau est souvent qualifiée de forme hybride entre le marché et la hiérarchie.

Romelaer82 parle d’organisation en réseau « si elle est composée d’unités gérées de

façon fort autonome qui ont au moins une partie de leurs activités en commun. Les organisations en question peuvent être des structures juridiques indépendantes ou les unités d’un même groupe ». Reprenant que les deux idées centrales dans cette notion sont le commun accord des membres pour la réalisation d’actions conjointes et la possibilité de sortie du réseau.

Il décrit encore la présence d’une « structure interne » qui comporte souvent une spécialisation des membres, ainsi qu’ « une standardisation des données pour permettre l’assemblage entre les actions des membres, et une standardisation de quelques procédés de travail, par exemple pour répartir le volume d’activité entre les membres. Les relations directes entre membres du réseau restent dans la plupart des cas la force de coordination principale. On peut à leur propos parler d’ajustement mutuel, de coopération ou de négociation.

Le réseau est donc en principe une « organisation entre égaux » dans laquelle « les arguments hiérarchiques ne peuvent en aucun cas être des forces de coordination ». En principe, en effet, car dans la vraie vie, l’asymétrie informationnelle, les compétences et autres actifs spécifiques (matériels ou immatériels) détenus par un membre pourront lui donner une position dominante ou en tout cas un rôle de leader. Une autre définition de la structure en réseau est « "une association implicite ou explicite d'agents, d'entreprises manufacturières et de services, d'institutions évoluant dans des domaines souvent complémentaires et ayant pour objet de rapprocher des ressources variées, de développer des relations de confiance entre les membres de ces groupes et de réduire les coûts d'obtention de ces ressources, diminuant ainsi l'incertitude à court et à long terme sur le marché" (OCDE, 1993, in Joffre, 1998). Notons la reprise de la notion de confiance dans cette définition.

Les points communs entre les différentes formes de réseaux qui peuvent exister sont des nœuds représentés par les partenaires de structures et tailles variées, des connexions reliant les nœuds entre eux et un pilote, qui « donne le sens stratégique et la force d’impact, il est le catalyseur des ressources du réseau » (Boulanger, 1995).

82 ROMELAER P. Université Paris Dauphine, « Organisation : panorama d’une méthode de diagnostic » version du 12/09/2011

b. Le réseau : pourquoi et comment

Cette forme d’organisation s’est considérablement développée avec le mouvement qui caractérise notre société et la tendance au recentrage sur leur cœur de métier des grandes entreprises dans les années 80 et 90. Ces recentrages forcément associés des externalisations ont provoqué une dynamique « coopérative », fondée sur la nécessité pour l’entreprise d’avoir recours à des compétences extérieures qu’elle ne maîtrise plus, et cela a modifié les rapports traditionnels de sous-traitance.

Ce type de structure qui se présente comme flexible et adaptative, permettrait la réduction des coûts de transaction. En effet, dans un réseau, les relations d’échange sont censées s’inscrire dans la durée, d’où une stabilité qui requiert un minimum d’accords et une confiance réciproque entre acteurs, nous avons déjà traité de ce thème.

Miles et Snow (1992) font la distinction entre trois sortes de réseau, le réseau stable, le réseau interne et le réseau dynamique. C’est sur ce troisième type que nous nous attarderons, le plus complexe et le plus représentatif des relations actuelles entre donneurs d’ordres et sous-traitants.

Un réseau dynamique « basique » comprend ainsi un pilote ou coordonnateur que l’on appelle firme pivot, centre d’un système autour duquel gravitent une multitude d’acteurs spécialisés.

Paché et Paraponaris83 forment deux commentaires particuliers sur la firme pivot :

- elle peut prendre en charge une ou plusieurs activités du réseau, ou n’être qu’un simple pilote qui assure l’articulation de ces mêmes activités. On ne trouve donc pas de configuration type de réseau dynamique, mais des réseaux plus ou moins « complexes », au sens de réunion spécifique d’unités actives au service d’un projet productif commun ;

- émanant au départ de l’entreprise qui se recentre sur son cœur de métier, la fonction de firme pivot, coordinatrice, pourrait à terme être exercée par d’autres entreprises du réseau, grâce par exemple à leur parfaite maîtrise des interfaces logistiques et l’élargissement de leur champ de compétences, progressivement délaissé par la firme pivot initiale.

Au sein du réseau, la firme pivot se voit attribuer trois rôles distinctifs. Celui d’ « architect » qui constitue le réseau, celui de « lead operator » qui coordonne les entreprises et enfin celui de « care taker » qui entretient et pérennise le réseau (Miles, Snow et Coleman, 1992).

Comme le commentent Paché et Paraponaris (2006), ces fonctions peuvent être exercées par une ou plusieurs entités, et malgré une reconnaissance de la complexité et de l’imbrication des relations de sous-traitance (Mariotti, Reverdy et Segrestin, 2001), les économistes définissent la firme pivot comme l’ « organe formel de régulation » du

83PACHE G., PARAPONARIS C. (2006), « L’entreprise en réseau : approches inter et intra- organisationnelles », Les éditions de l’ADREG, ISBN : 2-9518007-9-7

réseau, donc comme l’acteur principal et pas comme l’intermédiaire (Billaudot et Julien, 2003 ; Abdul-Nour, Jacob, Julien et Raymond, 2003).

Mazaud84 propose de s’éloigner de cette appréhension classique qui ne reflète plus la

réalité des pratiques des réseaux très complexes. Son étude du système productif d’Airbus85 montre que des équipementiers assument désormais la fonction de

coordination du réseau.

Par le mouvement de recentrage sur son cœur de compétences et d’externalisation de certaines activités, l’architecte s’est en effet dessaisi de connaissances clés et ne peut plus, pour certains sous-systèmes stratégiques, déterminer de manière unilatérale les façons de faire. Une relation de mutuelle dépendance naît, dans laquelle les partenaires co-spécifient, co-construisent, co-opèrent. L’architecte occupe alors un rôle « d’intégrateur systèmes », chargé de l’architecture générale et du contrôle.

L’équipementier assure la fonction de coordination, seul à avoir la capacité de combiner des ressources internes et externes, il devient la firme-pivot «générant par ces interactions de nouvelles connaissances (Cohendet et Llerena, 1999), renforçant (sa) position concurrentielle au sein de l’organisation réticulaire. (Sa) compétence combinatoire est de nature stratégique (Amit et Schomaker, 1993 ; Bellon et Niosi, 2000).

La dimension cognitive de cette capacité d’apprentissage collectif joue désormais un rôle clé au sein des réseaux verticaux (Colletis et Levet, 1997). Au détriment de l’architecte, la firme-pivot, devient l’acteur coordinateur central, et ne peut donc plus lui être assimilée.

La firme-pivot émane donc d’une segmentation stratégique de la chaîne des sous- traitants. Elle maitrise la conception, le financement et le développement d’un sous- système à forte valeur ajoutée, mieux que ne pourrait le faire l’intégrateur. Elle est l’acteur central d’un réseau relationnel. »

Ainsi pour Mariotti86, « gouvernent les réseaux ceux qui sont en mesure de peser sur la

répartition des rôles et de maîtriser les interactions. Sont acteurs du gouvernement de l’entreprise-réseau tous les partenaires – donneurs d’ordres et fournisseurs - en capacité de prendre part au réglage de la division du travail dans le réseau. »

84 MAZAUD F. « De la firme sous-traitante de premier rang à la firme pivot », Revue d'économie industrielle [En ligne], 113 | 1er trimestre 2006, URL : http:// rei.revues.org/259

85 MAZAUD F. « De la firme sous-traitante de premier rang à la firme pivot, l’organisation du système productif Airbus. » Thèse de Doctorat en Sciences Economiques, Université des Sciences Sociales – Toulouse I, juillet 2007

9. La relation de sous-traitance: quelle gouvernance ?