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PARTIE II LA RELATION DONNEUR D’ORDRES-SOUS-

5. Le contrat de sous-traitance

a. Rôles du contrat

Le contrat de sous-traitance consacre la subordination technique du sous-traitant au donneur d’ordres en le soumettant à des obligations plus contraignantes que s’il était simple fournisseur.

D’après les théories d’inspiration économique telles que la théorie de l’agence, le contrat crée les conditions nécessaires et suffisantes à l’émergence et à la stabilité de la coopération entre donneur d’ordres et sous-traitants (G. Nogatchewsky, 2003). Il permet de définir la rémunération des partenaires de manière à ce que chacun ait individuellement intérêt à coopérer plutôt qu’à se retirer (Brousseau, 1996). Des mécanismes complexes d’incitation, de coercition et de surveillance sont mis en place afin de supprimer toute velléité d’opportunisme (Baudry, 1993 ; Williamson, 1985). Or les contrats interentreprises réels sont souvent relativement « grossiers » et « imparfaits ». Ils laissent une marge de manœuvre qui présente le risque d’une utilisation opportuniste (Brousseau, 1996). Selon G. Nogatchewsky (2003), ils ne sont pas aussi précis et complexes que le dit la théorie standard. La simplicité des contrats en matière d’incitation est d’ailleurs, selon certaines études (Harvard Business School, 1987), un gage d’efficacité, les systèmes trop complexes étant, dans la pratique, coûteux et inefficaces. Il y a de plus dans le réel très peu de recours aux tribunaux en cas de désaccords car cela aurait un effet désastreux sur la relation de coopération.

Le contrat apparaît donc davantage comme un garde-fou juridique en cas de manquement très grave, mais n’est pas considéré comme un instrument de contrôle de la coopération (G. Nogatchewsky, 2003).

Ainsi les trois premiers rôles du contrat sont : - la formalisation des objectifs

- la démonstration de la volonté bilatérale de s’engager

- la communication en interne sur les points d’accord entre les deux entreprises.

b. Performance du contrat

« Writing a poor contract » figure parmi les 7 péchés mortels de l’externalisation identifiés par Jérôme Barthelemy67.

Pour Claude Altersohn, le contrat de sous-traitance est souvent un contrat d’adhésion, car la plupart des clauses ne font pas l’objet d’une véritable négociation, et l’effet de domination est en général assez puissant pour placer le sous-traitant dans une position singulièrement désavantageuse pour négocier ce qui peut l’être, qu’il s’agisse du mode

67 The seven deadly sins of outsourcing – Jerome Barthelemy – Academy of Management Executive, 2003, Vol. 17, No. 2

de fixation des prix, des conditions de paiement ou de l’institution de garanties portant sur le volume et la durée des commandes68.

Une relation contractuelle basée sur le partenariat favorise l’émergence d’une relation durable et performante. Les travaux de la commission technique de la sous-traitance en 1982 ont permis d’identifier les mécanismes contractuels du partenariat69 :

Figure 10 - mécanismes contractuels du partenariat

Ainsi, chaque partenaire doit avoir un intérêt au maintien de la relation selon B. Baudry, qui émet les recommandations suivantes70 :

– avoir un contrat suffisamment long et reconductible en cas de non-tricherie, – répartir équitablement les risques encourus ou les gains générés par la relation, – introduire des mécanismes d’incitation pour encourager le vendeur à diminuer

ses coûts de production, et donc ses prix, en cours de contrat.

Et propose une formule de prix dynamique qui permet de répondre aux 2 derniers points71.

68 De la sous-traitance au partenariat industriel – Claude Altersohn – P17

69 Une analyse économique des contrats de partenariat industriel : l'apport de l'économie des coûts de transaction – Revue d’economie industrielle – Vol 56 – 2eme trimestre 1991 – P47

70 Partenariat et Sous-traitance – Une Approche par la Théorie des Incitations – Bernard Baudry – Revue d’Economie Industrielle, n°66, 4ème trimestre 1993, p54

71 Dans son article de l’approche par la théorie des incitations, B. Baudry site 2 types de contrats extrêmes en termes de gestion de prix : 1. Contrat à prix fixe avec le prix déterminé ex-ante, le paiement effectué au moment de la livraison du bien, et pas de suivi de coût au cours de son déroulement, le vendeur est incité à produire le plus efficacement possible puisqu’il va conserver tous les gains issus des réductions de coûts, et tous les risques (augmentation des coûts de la matière première, salaires, énergie) sont supportés par le vendeur. 2. Contrat à type coût : l’acheteur assume l’intégralité du risque et le vendeur n’est tenu à aucune obligation de performance. Le contrat nécessite une parfaite connaissance des coûts du vendeur. Il propose une formule intermédiaire qui permet de mieux prendre en compte le partage des

Objectifs du partenariat Mécanismes contractuels

Diminution des coûts

Optimisation des investissements Augmentation de la durée d’engagement

Partage du risque économique Généralisation de la règle proportionnelle

(réglage des quantités) Partage équitable des gains de productivité

entre le DO et le ST Concertation pour la renégociation du prix

Favoriser le règlement des litiges Faire face aux évènements non prévus a la

signature du contrat

Il est important que le donneur d'ordres et le sous-traitant se rapprochent pour étudier ensemble les gains possibles de productivité et se les partagent équitablement plutôt que le donneur d'ordres pressure le sous-traitant pour dégager à son seul profit une marge moins importante72.

En conclusion, nous proposons ci-après les recommandations de Jérôme Barthelemy pour qui le contrat doit être73 :

– Précis : les objectifs de coût et de performance doivent être clairement spécifiés dans le contrat

– Complet : cela permet de s’affranchir contre le risque d’opportunisme ou de renégociations coûteuses

– Incitatif : pour encourager la recherche de la performance et permettre de mieux partager la valeur ajoutée du partenariat.

– Equilibré : pour avoir une relation dans la durée, et éviter la tricherie

– Flexible : pour prendre en compte les changements qui peuvent subvenir durant la relation en terme de technologie ou de contexte des affaires.

c. Le rôle des mécanismes de régulation

D’après une récente étude de Srivastava et Thompson (2012), il existe deux mécanismes de régulation dans une relation liant les parties par contrat :

– la gouvernance mécaniste, où chacun suit à la lettre les termes du contrat en n’accordant aucune souplesse vis à vis des procédures définies.

– la gouvernance relationnelle, où l’on se base davantage sur la relation en cours et une confiance mutuelle pour prendre des décisions opérationnelles le moment venu.

Dans la vraie vie, il est évident que les parties en présence utilisent un mix de ces deux mécanismes.

risques et des gains, et de favoriser l’innovation : p = b + a(w) – b(e), b étant le prix fixé initialement en t0, p le nouveau prix fixé lors de la renégociation,

a : paramètre de partage de la hausse des coûts supposés par le sous-traitant, w : représente les fluctuations imprévisibles du coût au cours du contrat (hausse des inputs tels que les salaires, le carburant, …), b : paramètre de partage de l'effort du sous-traitant pour diminuer ses coûts, e : représente la réduction du coût réalisée en cours de contrat grâce aux gains de productivité du sous-traitant, plus a est élevée plus l’assurance est forte, plus b est forte plus l’incitation est élevée.

72 Rapport Volot sur le dispositif juridique concernant les relations interentreprises et la sous-traitance – Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi – 30 juillet 2010 – P31

73 The seven deadly sins of outsourcing – Jerome Barthelemy – Academy of Management Executive, 2003, Vol. 17, No. 2

Ils différencient également deux modes d’exercice du contrôle dans la phase de spécification du contrat :

– le mode formel, avec évaluation de la performance, récompenses et punitions, qui peut ensuite être subdivisé en résultats et comportements attendus.

– le mode informel qui utilise davantage des stratégies sociales ou individuelles et peut être subdivisé en régulation par le clan et auto-régulation.

La régulation par le clan fait référence à la régulation exercée par le biais du renforcement de normes acceptables à travers le partage de croyances, de valeurs et d’une vision. Elle est à rapprocher de la « relational based view ».

Dans la phase de mise en œuvre du contrat, quel est le rôle des mécanismes de régulation?

En s’attachant au cas de contrats de sous-traitance offshore pour le développement de systèmes d’information, les travaux de Srivastava et Thompson suggèrent entre autres que :

– le degré de spécificité du contrat est toujours positivement corrélé à la performance en termes de coûts et de qualité quel que soit le type de contrat (ie avec obligation de moyens ou obligation de résultats)

– utiliser une gouvernance mécaniste sur un contrat mal formulé ne permettra pas d’atteindre une meilleure performance

– une gouvernance mécaniste atténue l’effet positif d’une gouvernance relationnelle sur la performance en termes de coûts dans le cas de contrats avec obligation de résultats

Les managers, bien qu’ils sachent que le degré de spécificité du contrat est souvent nécessaire pour sa performance, s’inquiètent qu’un trop haut degré de spécificité ait des conséquences négatives sur la flexibilité et donc la performance du contrat. Il est par conséquent important pour les managers de comprendre non seulement le besoin d’avoir des contrats bien spécifiés, mais aussi de comprendre comment ils doivent piloter la mise en œuvre. Une gouvernance mécaniste peut ainsi se substituer ou compléter une gouvernance relationnelle pour améliorer la performance en termes de qualité. Concernant la performance en termes de coûts, dans le cas de contrats avec obligation de moyens, il vaut mieux éviter la gouvernance relationnelle et la gouvernance mécaniste pourra alors venir compléter la spécificité du contrat.