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PARTIE III LES ENJEUX RH DE LA SOUS-TRAITANCE

4. Evaluation et contrôle des sous-traitants

En amont et en aval du choix du prestataire, un enjeu RH dans la relation DO-ST est l’évaluation et le contrôle des pratiques RH du prestataire.

Il existe différents mécanismes de contrôle de l’opportunisme du prestataire que Aline Boissinot128 distingue en deux catégories :

- les mécanismes formels que sont le contrat, l’audit et la forme organisationnelle - les mécanismes informels que sont les nouvelles technologies, la confiance et la

socialisation

Nous allons développer ici l’audit social et la socialisation comme moyens d’évaluation et de contrôle des pratiques RH du prestataire.

a. Audit social

Suivant le livre vert de la Commission Européenne : « Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises », l’audit social est l’évaluation systématique de l'impact social d'une entreprise par rapport à certaines normes et attentes. En effet, il vise à évaluer la qualité du management des ressources humaines dans une organisation129, suivant des méthodes d’audit qui sont largement utilisées dans

le domaine financier, organisationnel, qualité, etc..130 C’est un audit réalisé par des

auditeurs externes ou/et internes, appliqué à la gestion, aux activités et aux relations des individus et groupes dans les organisations, ainsi qu’aux rapports de ces dernières avec leurs parties intéressées internes et externes131. Il peut concerner différents domaines :

recrutement, formation, appréciation, gestion des compétences, rémunérations, sécurité du travail, relations sociales, etc…. et couvrir les situations suivantes132 :

127 Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises

128Boissinot Aline, « Le management des prestataires : vers une approche personnalisée de la relation ? », 2008, Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II), XVIIème conférence de l’AIMS

129 Guide Pratique d'Audit Social de conformité – E. Beck, A. Chamak, A. Dupuy et C. Fromage 130 IAS – Institut International de l’Audit Social

131Referentiel IAS :2006 de l’audit social – P2 132 IAS – Institut International de l’Audit Social

- Evaluation de la conformité des pratiques RH à un référentiel normatif externe (Droit du travail, Conventions Collectives, Accords d’entreprise) ou à des règles et procédures internes à l’entreprise.

- Audit préalable à une situation de changement : fusion-acquisition, réorganisation, faisabilité sociale d’un investissement, (re)négociation d’un accord collectif, etc…

- Audit lors d’une situation sociale particulière : conflit social, climat social dégradé, démissions, …

- Audit de la chaine d’approvisionnement et de la sous-traitance

Périmètre / Assurance Assurance modérée Assurance raisonnable Périmètre interne Audit périodique de la GRH Audit ponctuel lié à un problème

Périmètre externe

Audit social de la chaine d’approvisionnement et de la

sous-traitance

Audit social préalable à l’achat d’entreprise

Figure 18 – Les divers types d’audit social133

L’audit social s’est développé tout au long de la chaine de sous-traitance pour permettre aux donneurs d’ordre de maitriser les conséquences en matière de conditions de travail, d’emploi décent et de responsabilité sociétale, et favoriser ainsi les politiques d’« achat responsable »134. Les scandales provoqués par les conditions de travail chez les sous-

traitants asiatiques de grandes firmes multinationales opérant principalement dans le textile, ainsi que le poids de l’opinion publique dénonçant ses pratiques et brandissant la menace de boycott, a poussé ces grandes entreprises à la réalisation d’audits sociaux pour aller voir sur place comment les sous-traitants respectent leurs engagements. Nous commençons même à voir les résultats de ces audits sociaux des sous-traitants avec les non conformités relevées et les actions retenues, dans les rapports de développement durable ou RSE de certaines grandes entreprises. Apple, bousculé par les scandales chez ses fournisseurs chinois, publie chaque année un rapport sur la responsabilité de ses fournisseurs, avec les résultats des audits réalisés chez les sous-traitants, ainsi que les actions engagées pour rectifier les non-conformités mises en lumière.

133 Audit social – Meilleurs pratiques, methodes, outils – J. Igalens et J-M Peretti – Eyrolles – P30 134 Jean-Marie Peretti – www.novethic.fr

Figure 19 – Synthèse des 393 audits réalisés en 2012 chez les sous-traitants d’Apple135

Comme signalé au début de ce rapport, Apple avait mandaté l'Association pour le travail équitable (Fair Labor Association, FLA) pour réaliser ces audits. FLA a développé une expertise dans ce domaine. En plus des audits, ils mettent à la disposition des audités des méthodes et moyens pour progresser, a l’instar d’un outil d’auto-audit RH par les sous-traitants eux-mêmes, développé en collaboration avec Alain Meignant136.

Carrefour pour sa part, fait appel depuis 1997 à la FIDH (Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme) pour l’accompagner dans sa démarche qui s’appuie sur le contrôle du respect des principes fondamentaux de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). En 2011, Carrefour a réalisé 1 205 audits sociaux de ses fournisseurs.137

Enfin, Jacques Igalens et Jean-Marie Peretti définissent 5 niveaux des modalités de contrôle des engagements des fournisseurs ou des sous-traitants.138 :

· niveau 1 : simple notification auprès des fournisseurs et sous-traitants pour les informer des engagements pris par le donneur d’ordre et pour leur demander de respecter eux-mêmes ces engagements ;

· niveau 2 : demande d’engagement écrit ;

· niveau 3 : mission d’inspection, de contrôle ou d’audit social par le donneur d’ordre ;

· niveau 4 : mission d’inspection, de contrôle, d’audit social par tierce partie ; · niveau 5 : niveau 4, plus assistance à la mise à niveau du sous-traitant ou du

fournisseur.

135 Rapport 2012 de la Responsabilité des Fournisseurs d’Apple.

136 Human Resource Management – Meeting strategic & Functional Objectives of Business – FLA Toolbox – Fair Labor Association & Alain Meignant

137 Rapport Expert Développement Durable 2011 – Carrefour

b. La socialisation

Un prestataire ne se comportera pas de façon opportuniste pour pouvoir continuer à travailler avec son client mais aussi pour préserver les liens sociaux et les relations interpersonnelles (Granovetter, 1985 ; Uzzi, 1997).

Selon Granovetter, les individus sont sensibles aux opinions et ils obéiraient « aux pressions » des normes et des valeurs de la société.

La socialisation est un point à ne pas négliger dans le déroulement des activités économiques et notamment dans le choix d’un prestataire. « Le fait que les gens préfèrent en général échanger avec quelqu’un dont ils connaissent la réputation montre bien que rares sont les individus qui accepteraient de s’en remettre simplement au sens moral universel ou à des arrangements institutionnels pour éviter tout problème lors d’une transaction » (Granovetter, 1985). Ainsi le donneur d’ordres tentera le plus possible d’échanger et d’entretenir des activités commerciales avec des personnes connues, pour éviter l’opportunisme.

La socialisation des acteurs agit donc en mécanisme de contrôle informel en ce sens qu’elle permet aux acteurs de créer un climat de confiance et de réduire l’opportunisme au cours de la relation, autant pendant la phase de négociation que pendant la phase d’exécution du contrôle.

5. Recrutement de compétences rares : les compétences des interfaces