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Cas de la filière amont : le regroupement des fournisseurs à l'initiative du client

PARTIE III LES ENJEUX RH DE LA SOUS-TRAITANCE

5. Cas de la filière amont : le regroupement des fournisseurs à l'initiative du client

Cosumar

a. Présentation du groupe

Unique producteur de sucre au Maroc et troisième capacité de production en Afrique, Cosumar emploie 2 000 collaborateurs et dispose d’un outil industriel constitué de 7 sucreries et 1 raffinerie de sucre brut importé. Le groupe couvre 5 régions agricoles et s’approvisionne auprès de 80 000 agriculteurs cultivant 80 000 ha avec ¾ en betterave et ¼ en canne à sucre. Il a réalisé en 2012 un chiffre d’affaires de 4 844 millions DH (440 millions Euro) et un résultat d’exploitation de 850 millions DH (77 millions Euro). En 2013, le groupe industriel Wilmar a acquis 27,5 % du capital de Cosumar. Basé à Singapour et couvrant essentiellement l’Asie et l’Australie, Wilmar opère dans le sucre (6ème producteur mondial) et l’huile de palme.

Cosumar a mis en place un projet d’agrégation de la filière sucrière regroupant les 80000 agriculteurs de betterave et de canne à sucre, dans le cadre d’un partenariat win- win permettant de moderniser et améliorer la productivité de l’amont agricole, et in-fine les revenus des agriculteurs, et assurer un approvisionnement régulier en quantité et qualité des usines de production de sucre. Cette initiative a été primée par la FAO lors de la journée mondiale de l’alimentation, en octobre 2009

b. Histoire du groupe157

· 1929 : Naissance de COSUMAR. Création du site historique de la raffinerie de Casablanca par La Société Nouvelle des Raffineries de Sucre de SAINT LOUIS de MARSEILLE; elle produit 100 tonnes de sucre par jour, exclusivement sous forme de pains de sucre.

· 1967 : L’Etat marocain acquiert 50% du capital de la société.

· 1985 : Le groupe ONA, 1er groupe privé marocain, prend le contrôle du capital

de Cosumar, désormais coté à la Bourse des Valeurs de Casablanca

· 1993 : Cosumar absorbe les sucreries des Doukkala (Zemamra et Sidi Bennour), dont il détenait déjà une part significative.

· 2005 : Acquisition des 4 sociétés sucrières publiques, Suta, Surac, Sunabel et Sucrafor

· 2006 : Début du processus de modernisation et de mise à niveau avec le projet d’extension de la capacité de traitement de betteraves à 15 000 t betteraves/jour de la sucrerie de Sidi Bennour.

· 2013 : Wilmar, groupe sucrier base à Singapour, entre dans le capital de Cosumar avec l’acquisition de 27,5%.

157www.cosumar.co.ma

c. Chiffres clés158 Amont agricole :

· 60 000 ha de betterave à sucre et 20 000 ha de canne à sucre.

· 80 000 agriculteurs, dont 80% de petits agriculteurs cultivant des superficies entre 0,5 et 5 ha, représentant 35 % de la superficie globale

· Production de 3 millions de tonnes de betterave et 1 million de tonnes de canne à sucre

Dispositif industriel :

· 7 sucreries avec une capacité annuelle de traitement de 4 millions de tonnes · 1 raffinerie de sucre brut importé avec une capacité de 3 000 t/jour

· Capacité de production annuelle de 1,65 millions de tonnes, pour un besoin actuel de 1,25 millions de tonnes.

d. Le plan Maroc Vert

Le secteur agricole contribue à hauteur de 19% au PIB marocain, dont 15% dans l'agriculture et 4% en agro-industrie, et emploie plus de 4 millions de ruraux et crée environ 100 000 postes d'emploi dans le domaine de l'agro-alimentaire. Le secteur joue un rôle déterminant dans les équilibres macro-économiques du pays. Il supporte une charge sociale importante, étant donné que les revenus de 80% des 14 millions de ruraux dépendent de l'agriculture159.

Lancé en 2008, le Plan Maroc Vert vise la mise en valeur de l’ensemble du potentiel agricole territorial et la rupture avec l’image simpliste d’une agriculture duale opposant un secteur moderne à un secteur traditionnel et vivrier. Pour cela, le Plan Maroc Vert s’articule autour de deux piliers 160:

· Développement accéléré d’une agriculture moderne, compétitive, à haute valeur ajoutée et adaptée aux règles du marché ;

· Mise à niveau des acteurs fragiles et lutte contre la pauvreté rurale à travers l’amélioration du revenu agricole.

Le Plan Maroc Vert a adopté l’agrégation en vue de favoriser l’organisation des agriculteurs leur permettant par la suite la facilité d’accès aux nouvelles technologies et au financement de leurs projets. D’un autre côté, elle permet aux agro-industriels d’assurer un approvisionnement régulier tant sur le plan quantitatif et qualitatif. Dans ce cadre, des subventions plus avantageuses sont accordées par l’état pour les agriculteurs agrégés.

158 Rapport annuel 2012

159 Agence pour le Développement Agricole 160 Office Régional de Mise en Valeur Agricole

e. L’agrégation dans l’agriculture

L'agrégation est un partenariat volontaire entre différentes parties pour la réalisation d'un objectif commun. Ce système repose sur le fait d'intégrer un certain nombre d'agriculteurs (agrégés) autour d'un acteur (agrégateur) disposant d'une forte capacité managériale, financière et technique lui permettant d'optimiser le processus de production161. Ses principaux bénéfices sont les suivants162 :

· Accès a la terre sans investissement d’acquisition libérant ainsi des fonds pour l’investissement productif

· Lien optimisé entre le marché et l’amont productif, avec l’apport par l’agrégateur de sa connaissance et de sa compréhension du marché, ainsi que le lien logistique à coût compétitif entre la production et le marché facilité par l’agrégateur, évitant ainsi le recours à une multitude d’intermédiaires et une érosion excessive des marges.

· Généralisation des bonnes techniques, avec le transfert de compétences et de technologies aux agriculteurs et la dissémination des bonnes pratiques.

· Accès au financement, soit par un système d’avances octroyées par l’agrégateur aux agrégés, ou financement sur base de contrat d’agrégation permettant de garantir les prêts auprès des banques.

· Risques mieux répartis, par les formules d’agrégations et de sécurisation des contrats (fidélité, qualité, engagement mutuel d’approvisionnement), ainsi que des mécanismes d’assurance pour se prémunir contre les aléas.

f. Organisation de la filière sucrière

Cosumar et ses agrégés se sont organisés au sein d’une fédération interprofessionnelle marocaine de sucre (Fimasucre) avec pour mission de développer la capacité du secteur sucrier marocain, de produire et de commercialiser des produits de qualité, à des prix compétitifs et accessibles aux consommateurs.

Sur le plan organisationnel, la Fimasucre, créée en juin 2007, regroupe les industriels à travers l´Association professionnelle Sucrière (APS) représentant les cinq sociétés sucrières, et les agriculteurs à travers l´Union Nationale des Associations des Producteurs des Plantes Sucrières du Maroc (UNAPPSM) qui représente les associations régionales des producteurs au niveau des périmètres sucriers.

La Fimasucre a signé un contrat programme avec l’état pour la période 2008-2013, puis ensuite pour la période 2013-2020. Cosumar intervient comme partie prenante du contrat programme et aussi comme agrégateur. Cette forme d’organisation a permis de négocier et de se faire accorder par l’état des augmentations de prix de vente.

161 Agence pour le Développement Agricole

g. Le rôle de Cosumar dans l’agrégation

Les principales missions qu’assure le Groupe Cosumar dans le cadre de l’agrégation se présentent comme suit :

– Etablissement des contrats de cultures individuels au démarrage de chaque campagne agricole, suivant des contrats-types établis avec l’implication des différentes parties prenantes, fixant les prix et les conditions de qualité

– Préfinancement, approvisionnement et distribution des intrants, pour un montant d’environ 400 millions de DH/an (36 millions d’Euros)

– Accompagnement et encadrement des agriculteurs au niveau de l’ensemble des étapes de production des cultures sucrières

– Gestion de l’opération de la récolte et le transport de la production

– Organisation de visites et missions pour les agriculteurs sur le plan national et international

– Réalisation des études et programmes R&D

h. Les bénéfices pour les agriculteurs

Ce programme a permis aux agriculteurs d’avoir une assurance en termes de commercialisation de leur production ainsi qu’une amélioration de leurs revenus et rendements. L’augmentation du pouvoir de négociation avec une centrale d’achat et des appels d’offres internationaux leur a permis de disposer des meilleures conditions de prix pour les semences et engrais. Ils ont pu bénéficier de subventions supplémentaires de la part de l’Etat, qui a également autorisé à la filière des augmentations de prix de vente du produit final (prix du sucre règlementé par l’Etat au Maroc). Les agriculteurs ont pu également avoir des conditions de préfinancement des intrants, eau d’irrigation et transport de la récolte. L’amélioration des compétences, l’encadrement et le conseil durant toute la campagne d’agriculture a permis l’amélioration du rendement à l’hectare qui est passé de 7,8 en 2006 a 9,5 en 2012 (soit +22%). La conjugaison de l’ensemble de ces éléments a permis l’amélioration des revenus des agriculteurs de 17 500 dhs/ha a 25 000 dh/ha durant la même période (soit + 42%)163.

i. Enjeux RH de cette coopération

Ø Organisation

Dans le pilotage de l’agrégation, Cosumar dispose d’une organisation dédiée avec une direction de l’amont agricole, et une équipe de 100 personnes composée de 40 ingénieurs agronomes et 60 conseillers techniques, formée à l’Institut Technique de la Betterave, de l’Interprofession Française. Cosumar a également favorisé la mise en place d’une centrale d’achat des intrants (semences, engrais, …) et de sociétés de prestations de services agricoles pour la distribution de ces intrants et l’entretien des équipements. Sur un autre plan, Cosumar a mis en place pour le développement de la filière, un programme de Recherche et Développement en partenariat avec l’Institut Agronome et Vétérinaire (IAV) et des organismes internationaux. Dans ce cadre, un centre de recherche de 40 ha est en cours d’équipement.

Ø Gouvernance et animation

Des comités techniques sont constitués par région regroupant l’usine de production, l’association des agriculteurs, l’office régional de mise en valeur, la chambre d’agriculture, l’office national de santé et sécurité des aliments. Ils se réunissent régulièrement sous la supervision des autorités locales pour faire le point sur l’avancement de la campagne agricole. Pendant longtemps, le président de l’union des agriculteurs était présent dans le conseil d’administration de Cosumar. Par la suite, la Fimasucre a été constituée pour défendre les intérêts de la filière.

163Cosumar – Rapport annuel 2012

Ø Formation et transfert de compétences

Les 40 ingénieurs agronomes et 60 conseillers techniques accompagnent et conseillent les agriculteurs tout au long de la campagne, organisent des sessions de formations, encadrent le programme de culture, participent au choix des intrants, favorisent le transfert de bonnes pratiques, conseillent au sujet de l’irrigation et la planification de la récolte. Des missions, visites et journées sont organisées pour les agriculteurs.

Ø Amélioration des conditions de travail

Ce programme favorise la modernisation de l’agriculture et sa mécanisation, ce qui permet d’améliorer les conditions de travail. La mécanisation des semis a atteint plus de 77%. La mécanisation de la récolte quant à elle a atteint 21% pour la betterave et 55% pour la canne164. Il permet également une assurance dans la durée et une limitation des

risques encourus par les agriculteurs, avec comme conséquence la baisse de la précarité et la stabilisation de l’emploi.

Ø Amélioration des revenus

L’amélioration de la productivité, l’optimisation des prix des intrants par la consultation et l’achat groupé, ainsi que les augmentations du prix de vente autorisées par l’Etat, ont permis aux agriculteurs d’améliorer de manière importante leurs revenus.

j. Synthèse

Ce programme est un cas exemplaire de coopération entre le donneur d’ordre industriel, et ses fournisseurs en amont. La consolidation du partenariat avec les agriculteurs a permis d’améliorer la performance globale de la filière sucrière. Outre l’engagement politique et financier, il a nécessité un investissement humain important (ressources dédiées, instances de gouvernance et d’animation, formation et transfert des compétences) qui a généré des bénéfices conséquents sur les agriculteurs du point de vue RH et social : stabilisation de l’emploi, amélioration des conditions de travail, amélioration des compétences et augmentation des revenus. Le programme a été reconnu à plusieurs occasions :

· 2009 : médaille FAO.

· 2011 et 2012 : label RSE CGEM (Medef Marocain) pour Cosumar et ses filiales · 2012 : pionniers de la RSE et l’économie verte en Afrique ; prix Vigéo « Top

Performer RSE »

164Cosumar – Rapport annuel 2012

6. Enquête auprès des entreprises prestataires