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L’Enseignement supérieur, et plus particulièrement les entités qui en dépendent comme les écoles d’ingénieurs ou certaines formations universitaires, a des attentes :

-d’abord que le laboratoire accueille les étudiants pour un 3ème cycle universitaire afin que, en complément de leurs études et avec le statut de chercheur-doctorant, ils puissent se former « par la recherche » et ainsi ajouter un doctorat à leurs diplômes. Pour illustrer ce lien très concret entre le laboratoire, les écoles d’ingénieurs et l’université, voilà ce que le rapport scientifique 1995 du LAG écrit : « Le Laboratoire d'automatique de Grenoble reçoit en stage des étudiants de DEA de plusieurs formations doctorales. […] Un tiers des élèves de DEA sont des élèves-ingénieurs effectuant leur DEA en double inscription. L'ENSIEG et l'ENSERG [INPG] et l'ISTG [UJF] sont les trois écoles d'ingénieurs dont sont originaires ces élèves »394. Ces différentes entités de l’Enseignement supérieur sont donc chacune en relation forte avec le laboratoire qui dans ses rapports d’activité mentionne les divers établissements de rattachements des enseignants-chercheurs membres du laboratoire395.

Les trois écoles d’ingénieurs citées ci-dessus sont grenobloises, et si un tiers soit 33% des chercheurs-doctorants en provient, sachant que près de 50% des chercheurs- doctorants du LAG viennent de l’étranger et y retourneront, et en supposant que 2% sont des ingénieurs qui proviennent d’autres écoles d’ingénieurs situées en France ailleurs qu’à Grenoble, cela signifie que 15% des chercheurs-doctorants du LAG ne sont pas des ingénieurs mais des universitaires. Ce pourcentage double à 30% si on le rapporte aux seuls doctorants français. Nous reviendrons sur ce point lorsque nous examinerons parmi les chercheurs-temporaires le cas de ceux qui, anciens chercheurs- doctorants du LAG, visent non pas à trouver comme ingénieur un emploi dans l’industrie, mais plutôt à être recruté comme maître de conférences dans l’enseignement supérieur ou comme chercheur au CNRS. Car l’Enseignement supérieur demande

394 Rapport scientifique du LAG, 1995, p. 37 395 Rapport scientifique LAG, 1995-1998, p. 27

spécifiquement au laboratoire universitaire que l’un de ses objectifs soit que certains chercheurs-doctorants obtiennent ce doctorat pour être candidats aux postes des Maîtres de conférences dont l’Enseignement supérieur a besoin. Mais nous verrons que ce besoin a présenté au cours du temps de fortes variations quantitatives de recrutements, ce qui pose un certain nombre de difficultés.

-Ensuite l’Enseignement supérieur attend que le laboratoire accueille ses enseignants des écoles d’ingénieurs et de l’université pour qu’ils puissent y mener les travaux de recherche que leur fonction d’enseignants-chercheurs exige. Avec spécifiquement l’objectif de pouvoir leur offrir la possibilité de passer une thèse HDR d’habilitation à diriger des recherches, ce qui est un requis pour que les Maîtres de conférences puissent espérer arriver au grade de professeur des universités.

Les entités que nous avons globalisées sous le nom d’Enseignement supérieur, à la différence du CNRS, sont nombreuses, complexes, variées et leurs structures évoluent. :

- D’abord il y a l’Institut National Polytechnique de Grenoble, l’INPG, un ensemble d’écoles d’ingénieurs qui, au début de la période que nous étudions, inclut dans le domaine de l’informatique et de l’Automatique, l’ENSERG Ecole Nationale Supérieure d’Electronique et de Radioélectricité de Grenoble, l’ENSIEG Ecole Nationale Supérieure d’Ingénieurs Electriciens de Grenoble, l’ENSIMAG Ecole Nationale Supérieure d’Informatique et de Mathématiques Appliquées de Grenoble396. Des représentants de l’INPG siègent au sein du Comité de Direction du LAG (dénommé ultérieurement Comité Scientifique) au côté des représentants du CNRS.

-Ensuite il y a l’université scientifique de Grenoble. Initialement nommé USMG- Université scientifique et Médicale de Grenoble, elle prend ensuite le nom de UJF- Université Joseph-Fourier397. Cet établissement inclut l’IMAG-Institut de Mathématiques Appliquées de Grenoble, un haut lieu universitaire pour la recherche en informatique398. A noter aussi que l’UJF crée en 1983 une formation de niveau maîtrise en science et

396 L’ENSEIG en 2008 a été fusionnée dans l’ENSE3 lors d’une réorganisation de l’INPG, mais durant toute la période couverte par notre étude il n’y a pas eu de changement.

397 Dans le rapport d’activité de 1987, on voit le nom de l’établissement universitaire passer de USMG à UJF. En 2017, UJF sera fusionné dans l’Université Grenoble-Alpes.

398 Eric Robert, Fonctionnement et pratiques de la recherche scientifique, les débuts de l'Institut d'Informatique

et de Mathématiques Appliquées de Grenoble (Imag), DEA d'Histoire, Septembre 1994, Université Lumière Lyon-2, 1994, sous la Direction de Jérome Ramunni

technique qui deviendra sa propre école d’ingénieur, l’ISTG, l’Institut des Sciences et Techniques de Grenoble399. En début de période et jusqu’en 1995, bien que l’UJF ait des enseignants-chercheurs dans le laboratoire, elle n’y a pas de représentant de jure dans son Comité de Direction au côté de ceux du CNRS et de ceux de l’INPG. La tutelle du laboratoire par l’Enseignement supérieur est alors assurée par le biais des professeurs universitaires membres du laboratoire.

De ces différentes entités d’Enseignement supérieur, les poids respectifs au sein du laboratoire ont évolué tout au long de la période de notre étude. Analysons maintenant ici à quelles structures sont rattachés ceux des membres permanents du laboratoire qui dépendent de l’Enseignement supérieur et entrent dans la catégorie des enseignants- chercheurs.

En début de période, de 1979 à 1983, c’est surtout l’INPG qui est aux commandes du LAG. Il y a des liens avec les autres composantes de l’Enseignement supérieur, mais le rôle de l’université scientifique dans le pilotage du laboratoire n’est pas visible. On voit des enseignants-chercheurs de l’université scientifique avec en particulier l’IMAG, et d’autres avec l’IUT-2, l’Institut Universitaire de Technologie qui, bien qu’assurant la formation à l’informatique des futurs techniciens, dépend de l’Université grenobloise des sciences sociales et non de l’université scientifique400. On voit aussi des liens avec l’université de Savoie, un établissement universitaire décentralisé401. L’IUT et la Savoie sont visibles parmi les membres du laboratoire jusqu’en 1988.

-Pour la période allant de 1979 à 1987, les rapports mentionnent, parmi les membres venant de l’Enseignement supérieur, entre 1 et 3 enseignants rattachés à l’IUT-2 (en moyenne 2 enseignants) ; pour la période allant de 1984 à 1987, il y a aussi un

399 L’ISTG, appelée aussi Polytech est devenue plus tard l’école polytechnique de l’UGA.

400 voir Jean Ricodeau, Le cycle de vie de Socrate, logiciel informatique de bases de données, de 1963 à 1990 :

Parcours professionnels et innovations, à Grenoble territoire de coopérations Université-Entreprises, Grenoble : Université Pierre Mendes France, Mémoire de Master1, Dept d’Histoire, 2016

401 Cette université décentralisée apparaît explicitement seulement dans les Rapports d’Activité du LAG entre 1984 et 1987, ce qui correspond à la période de forte implantation de ces universités des villes moyennes. Cf. Antoine Prost, Histoire de l'enseignement en France : 1800-1967, Paris : Armand Colin, 1979, (523 pages), p. 455 ; Myriam Baron, « Les transformations de la carte universitaire depuis les années 1960 : constats et enjeux », p. 93, in Jean-Michel Chapoulie, Patrick Fridenson, Antoine Prost (dir .), « Mutations de la science et des universités en France depuis 1945, Le Mouvement Social, oct-déc 2010, Paris : La Découverte, 2010 ; Daniel Filatre, Les universités et le territoire : nouveau contexte, nouveaux enjeux, p. 19-45, in Georges Felouzis (dir.), Les mutations actuelles de l'Université, Paris : PUF, 2003, (400 pages)

enseignant rattaché à l’Université de Savoie. Globalement, pour la période allant de 1979 à 1987, les enseignants-chercheurs rattachés à l’Enseignement supérieur se répartissent entre 8 enseignants de l’INPG, 4 de l’université scientifique, 2 enseignants de l’IUT-2 et 1 de l’Université de Savoie402. L’INPG est donc majoritaire à 56%.

-En 1990 parmi les enseignants-chercheurs, une notion précisée par la loi en 1984, loi qui a modifié les relations entre enseignement et recherche, la répartition est de 9 venant de l’INPG et de 4 de l’université scientifique de Grenoble (l’UJF)403. Il n’y a plus personne de l’université de Savoie, ni de l’IUT-2. L’INPG y pèse donc 69%, un chiffre en augmentation relativement à la période précédente. La participation de l’université scientifique baisse, car selon nous après une période initiale où l’automatique a eu dans l’université un certain prestige scientifique, on l’associe ensuite davantage aux sciences appliquées plutôt qu’aux sciences fondamentales qui constituent le domaine privilégié des universitaires404. Un bon résumé de cette perception nous paraît être exprimé dans le Rapport scientifique LAG de 1982 qui se plaint d’un « certain manque d'intérêt des autorités de tutelles pour les recherches appliquées »405.

-En 1995 parmi les enseignants-chercheurs il y a 14 INPG et 5 UJF406. L’INPG a davantage d’enseignements de spécialité, donc d’enseignants, et cela augmente le nombre de ses enseignants-chercheurs, ce qui fait monter son pourcentage à 74%. Ce sera le maximum du poids de l’INPG. A cette date, face à la forte augmentation du nombre des enseignants-chercheurs venant de l’INPG, il y a une faible augmentation de ceux de l’UJF. Cette augmentation est cependant à remarquer car elle correspond au début de la mise en place par l’UJF de formations professionnalisantes.

-En 1999 parmi les enseignants-chercheurs la répartition est de 17 INPG et de 9 UJF, c’est à dire que le poids de l’INPG redescend à 65%407. Pourtant l’effectif des enseignants-chercheurs rattachés à l’INPG a encore significativement augmenté (il passe de 14 en 1995 à 17 en 1999, soit + 20%), cela surtout du fait de la création dans l’INPG

402 Après 1987 il n’y a plus de personnes venant de l’IUT, ce qui sans doute est un effet de la réforme des enseignants-chercheurs de 1984.

403 Rapport scientifique LAG 1990, p. 1

404 Dans le Rapport d’activité scientifique du LAG de 1982 en page 1.2, on trouve la plainte d’un « certain manque d’intérêt des autorités de tutelles pour les recherches appliquées ».

405 Rapport scientifique 1982 du LAG, p. 1.2 406 Rapport scientifique LAG 1995, p. 26 407 Rapport scientifique LAG 1999, p. 15

de la nouvelle Ecole Nationale Supérieure de Génie Industriel408. Quant à l’augmentation encore plus marquée de l’effectif rattaché à l’UJF (il passe de 5 en 1995 à 9 en 1999, soit + 80%), elle correspond à la montée en puissance des formations professionnalisantes de l’UJF, dont la croissance de l’ISTG, et à l’ouverture d’une annexe de l’UJF à l’Isle d’Abeau409.

Le salaire de ces enseignants-chercheurs est payé par l’établissement d’enseignement supérieur dont ils dépendent et pour lequel ils doivent assurer des heures d’enseignements, en parallèle à leurs recherches : Initialement le système du financement des chaires mixtes, à répartir entre l’organisme de la recherche publique (EPST) et l’université, devait conduire à une diminution du recrutement direct dans les organismes, et donc à une diminution des effectifs de chercheurs CNRS statutaires, mais cela n'a pas été le cas. Puis le prêt, par l’université, de la main d’œuvre des enseignants- chercheurs présents dans le laboratoire aurait du être remboursée à l'université par l’organisme de recherche avec un versement représentant les 2/3 du salaire de l'enseignant-chercheur, signifiant que la charge d'enseignement ne devait intervenir que pour 1/3 du temps, mais ce mode de financement n’a jamais été mis en œuvre410.

Durant toute la période, le poids prépondérant de la tutelle du laboratoire par l’enseignement supérieur, appartient donc aux écoles d’ingénieurs de l’INPG, des écoles par vocation tournées vers l’industrie. Nous verrons cependant plus loin que les orientations appliquées de la recherche et les liens avec les industriels se sont affaiblies significativement durant la période étudiée.

Ayant examiné la tutelle du laboratoire par l’enseignement supérieur, et avant d’examiner le mode de fonctionnement de la tutelle par l’organisme public de recherche qui est le CNRS, nous allons maintenant analyser comment la direction du laboratoire est organisée en interne vis-à-vis du laboratoire et en externe face à ses tutelles institutionnelles.

408 Rapport scientifique LAG 1996, p. 16 409 Rapport scientifique LAG 1999, p. 5

410 Jean-Richard Cytermann, « Le rapprochement universités-organismes de recherche : un processus incrémental », p. 141-158, in Thierry Chevaillier, Christine Musselin (dir.), Réformes d'hier et réformes