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I/ Présentation de la bibliographie et des sources

I- A 3 / Historiographie de la recherche dans l’enseignement supérieur

Dans la plupart des pays du monde, les universités sont un lieu important de production de la recherche, en dehors des entreprises. Elles ne sont cependant que l’un des acteurs de la recherche et de la science, mais l’histoire de la recherche dans l’enseignement supérieur est en soi-même un domaine qui a ses spécificités propres.

Du côté des historiens, les évolutions de l’université française face à la recherche ont été décrites en particulier par Antoine Prost, un historien du social130. Il a voulu montrer comment les activités de l’université dépendaient du contexte social. Il écrit en 1979, à un moment où la vague des contestations de Mai 1968 est passée, lorsque le gouvernement, et particulièrement le ministère d'Alice Saunier-Seïté à l’Enseignement (1976 à 1981) veut reprendre le contrôle de l’université131. Les travaux d’Antoine Prost veulent alors alimenter la réflexion sur le rôle de l’université. Il distingue plusieurs périodes :

Au XIXe siècle l’Université doit transmettre le savoir fondamental et la culture des élites. On assiste alors à une séparation des structures d’enseignement : la science

128 Niveau de détail qu’elle appelle « science in context » Ibid. p. 3650

129 Comme nous l’avons vu plus haut ce statut a été créé par le CNRS en 1964.

130 Antoine Prost, Histoire de l'enseignement en France : 1800-1967, Paris : Armand Colin, 1979, (523 pages). 131 Jean-Yves Mérindol, « Les universitaires et leurs statuts depuis 1968 », p. 69-92, in Jean-Michel Chapoulie, Patrick Fridenson, Antoine Prost, « Mutations de la science et des universités en France depuis 1945, Le

appliquée revient aux écoles d’ingénieurs ; l’enseignement de la culture et de la science fondamentale revient à l’Université.

Au XXe siècle la technique devient de plus en plus tributaire des sciences : Si l'Université veut maintenir dans sa mouvance l'ensemble des activités de formation, elle doit alors renoncer à valoriser exclusivement la culture désintéressée et prendre au sérieux l'ordre technique. Suivons sur ce sujet Christine Musselin. Elle est une sociologue, non une historienne, mais elle nous fournit des analyses basées sur les archives des débats qui ont lieu au niveau du ministère de l’Enseignement et sur des interviews132. Pour elle « La première massification du secteur universitaire, entre 1958 et 1968, ne fut pas seulement la conséquence mécanique de l'absence de sélection à l'entrée des facultés. Il faut souligner que le secteur non universitaire « a refusé » de prendre en charge les « nouvelles missions » qui étaient attendues de l'enseignement postsecondaire et les « a laissées » à l'Université. Les Grandes écoles ont joué (jusqu'aux années 1980) la carte du malthusianisme »133. L’Université doit donc transmettre des connaissances de haut niveau en formant d’une part certains étudiants pour l’enseignement, d’autre part doit viser à en former d’autres « par et pour la recherche » avec en vue un emploi à trouver dans le monde socio-économique, et certains à la fois pour l’enseignement supérieur et pour la recherche134. Ce rôle de formation devient une mission économique, visant à former les cadres dont la nation a besoin, et non plus seulement une mission culturelle135.

Marie-Laure Viaud, une agrégée d’histoire et docteur en sciences de l’éducation, fournit pour les années 1945 à 1970, une analyse avec des interrogations comme : Comment former rapidement des scientifiques efficaces ?136 Comment conjuguer la nécessité d'une formation scientifique générale et l'indispensable spécialisation ?137 Elle analyse aussi les évolutions du système des diverses thèses qui existent en France dans

132 Christine Musselin n’est pas non plus indépendante vis-à-vis de son sujet, car elle a produit des études pour le compte du ministère de l’Education et de l’Enseignement supérieur, mais il nous semble que dans ses travaux elle sait tenir la distance nécessaire à l’objectivité de ses analyses.

133 Christine Musselin, La longue marche des universités françaises, Paris : PUF, 2001 (218 pages), p. 89 134 L’expression « par et pour la recherche » est utilisées par Véronique Bedin (dir.), « Université et formation à la recherche », Toulouse : ed. PU du Midi, Les Dossiers des sciences de l'éducation, n° 34 / 2015, p. 7

135 voir aussi l’analyse de Andrew Abbott sur les facteurs qui ont influencé le développement des Computer

Sciences comme discipline académique aux Etats-Unis (Andrew Abbott, Processual sociology, Chicago, Univ.press, 2016 page 65).

136 Marie-Laure Viaud, Les innovateurs silencieux, Histoire et pratiques d'enseignement à l'université depuis

1950, Grenoble : PUG, 2015, p. 39 137 Ibid. p. 35

les années 1960, un système existant encore au début de la période de notre étude138. La thèse de Pierre Verschueren de 2017 est une autre étude portant sur la même période d’avant 1970, avec un regard particulier sur l’évolution des laboratoires en sciences physiques139 : La recherche nécessite alors de plus en plus d’équipements, dans des laboratoires de plus en plus spécialisés, ce qui conduit à la disparition du « savant » professeur universitaire, sorte de seigneur féodal contrôlant son territoire académique et l’accès à ses laboratoires. Cette époque du savant patron est bien terminée au début de la période que couvre notre étude, mais nous en verrons cependant une faible réminiscence dans notre partie III-A-2 lorsque nous évoquons le départ en 1983-1984 de René Perret, le fondateur du LAG.

Avec les évènements de mai 1968, le système universitaire a été bouleversé. Suivons encore les travaux fournis par Christine Musselin. Après un rappel de la période du XIXe et du premier XXe siècle intitulé « de l’université impériale à la république des facultés », elle aborde la loi Faure de 1968 qui entendait mettre un terme à l'organisation facultaire basée sur la prééminence des disciplines universitaires140. Cette loi n’a pas d’effet efficace, sauf plus tard lorsqu’en 1988 le pilotage des universités par le ministère passe d’un mode basé sur une organisation centrée sur les disciplines universitaires, à un mode privilégiant les établissements universitaires pluridisciplinaires141. L’université sort alors d’une période où elle a subi une première croissance quantitative avec des effectifs étudiants provenant du Baby-Boom, période où elle a dû mettre en place une diversification interne des cursus, introduisant des formations non traditionnelles (plus courtes et/ou plus professionnalisantes), en commençant en 1966 par les IUT, les Instituts universitaires de technologie142. Mais suite aux lois Chevènement de 1985 et au

138 Ibid. p. 27, 33, 37

139 Verschueren Pierre, Des savants aux chercheurs, Les sciences physiques comme métier (France, 1945-1968), Thèse Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2017.

140 Sur le fonctionnement des disciplines universitaires voir par exemple : Andrew Abbott, Chaos of Disciplines, Chicago, Univ-Chicago Press, 2001

141 Les établissements universitaires à implantations territoriales, voir Marie-Laure Viaud, Les innovateurs

silencieux, Histoire et pratiques d'enseignement à l'université depuis 1950, Grenoble : PUG, 2015, p. 14 à 18. 142 Une analogie (et des différences) avec la démarche des IUT (cycle court) est à trouver dans l’article, traduit en français, de Brint Stephen, Krabel Jerome, « Les Community Colleges américains », in Bourdieu Pierre (dir.),

Actes de la recherche en sciences sociales, éducation et sociétés, Paris : ed. Minuit, n° 86/87, mars 1991, pp. 69- 84, qui traite de la mise en place des « Community Colleges » ou « Junior Colleges » (2 ans d’étude et non 4 pour un Bachelor), aux Etats-Unis quelques 40 ans avant les IUT. Cet article fournit une intéressante analyse des influences respectives des hommes politiques, des industriels et des institutions d’enseignement, influences dénommées du mot « l’écologie » de l’institution, au sens où se mot est utilisé par Andrew Abbott, et qui correspond à une analyse de réseaux sociaux entre les diverses institutions d’enseignement, les familles recherchant des institutions de formations pour leurs enfants, et les hommes politiques.

retrait de la loi Devaquet en 1986, elle va entrer dans une nouvelle période de croissance quantitative et de formations professionnalisantes. Christine Musselin montre alors que traiter des universitaires, des universités et des systèmes nationaux comme de trois mondes séparés n’est pas approprié. Il s’agit de mettre en évidence les liens qui existent entre ces niveaux, ce qu’elle intitule « Le monde des universités : de la cellule au réseau »143. C’est ce que nous essayons de faire dans ce Mémoire en observant les choses à l’échelle locale d’un laboratoire144.

De leur côté, l’historien Antoine Prost et Jean-Yves Mérindol, ce dernier à partir de son expérience de Président de l’université de Strasbourg, ont étudié les interactions sociales entre les enseignants universitaires et les attentes des étudiants, attentes qui se sont manifesté fortement en 1968145. Les enseignants doivent prendre en compte les nouveaux souhaits de leurs étudiants, des étudiants venant de nouveaux milieux sociaux et ayant de nouvelles attentes, et pour cela ils doivent proposer de les conduire jusqu’au bout d’une formation par la recherche. Or celle-ci ne peut se réaliser, en cette fin de XXe siècle, au moins pour les sciences dites dures, que dans un laboratoire ayant des moyens techniques importants et donc des chercheurs permanents. Dans ce contexte, les enseignants du supérieur, pour assurer leur mission d’enseignement auprès de leurs étudiants, se doivent d’être des enseignants-chercheurs présents dans un laboratoire, pour assurer le lien indispensable entre un laboratoire et eux, afin de répondre à l’attente de leurs étudiants qui ambitionnent d’y obtenir un diplôme en recherche.

Mais au delà des effets de leur présence en laboratoire, les enseignants du Supérieur devenus enseignants-chercheurs, doivent y réaliser personnellement des travaux de recherches. Antoine Prost le justifie en attribuant à l’Université plusieurs activités : transmettre aux étudiants les connaissances acquises et en particulier les plus récentes : cela nécessite un travail de synthèse, d’évaluation et de mise en forme pédagogique des

143 Ibid. chap. 7 p. 159 à 176

144 En 2001, Christine Musselin (Ibid. p. 16 note-1) écrit que les travaux réalisés par des historiens, bien que nombreux et extrêmement riches, présentent deux inconvénients. D’une part ils sont souvent concentrés sur les mêmes périodes (notamment la IIIe République) alors que d’autres ne sont pas couvertes. D’autre part, l’extrême rareté des travaux portant sur l’histoire d’établissements universitaires (à l’exception des études sur la Sorbonne, mais qui concernent avant tout le Moyen Âge, cf. Guénée 1978). De fait les travaux historiques français reflètent souvent l’inclinaison facultaire de l’enseignement universitaire français, c’est-à-dire sa structuration autour de disciplines plutôt qu’autour des établissements. On ne peut que souhaiter que l’histoire des établissements devienne un objet d’étude, à la manière de l’histoire des entreprises (Chandler 1962 ; Fridenson 1972)

145 Antoine Prost, Histoire de l'enseignement en France : 1800-1967, Paris : Armand Colin, 1979, (523 pages), page 456 ; Jean-Yves Mérindol, « Les universitaires et leurs statuts depuis 1968 », p. 70, in Jean-Michel Chapoulie, Patrick Fridenson, Antoine Prost, « Mutations de la science et des universités en France depuis 1945,

connaissances nouvellement acquises par la recherche ; aussi l’enseignant universitaire se doit-il d’être au contact des toutes dernières recherches, pour en connaître, en comprendre et en apprécier les résultats, afin de pouvoir les synthétiser ; cela implique que les enseignants soient non seulement en lien avec les laboratoires mais aussi qu’ils y soient immergés et pour cela qu’ils contribuent directement aux recherches146.

Xavier Roegiers, professeur en sciences de l’éducation à Louvain, renchérit on disant que si l'on ne devait retenir qu'une seule caractéristique de l'enseignement supérieur par rapport à une formation professionnelle, ce serait qu'on doit savoir y problématiser les contenus : ceux-ci sont à considérer avant tout comme un support à la pensée de l'étudiant147. Cette problématisation s’apprend et l’enseignant du supérieur doit donc s’y être formé lui-même par la recherche et, pour en donner la preuve, il se doit d’avoir soutenu une thèse avant de faire carrière à l’Université. C’est le sens de cette ancienne fonction d’enseignant-chercheur que le législateur a voulu préciser par la loi du 6 juin 1984, en regroupant sous ce statut des Professeurs et des Maîtres de Conférences 148. Depuis 1984, la thèse de doctorat est nécessaire pour être Maître de Conférences dans l’enseignement supérieur, et c’est la thèse d’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) qui ouvre la voie au niveau de Professeur. Cette structuration en deux niveaux reste la base de la hiérarchie propre à l’enseignement supérieur.149

Dans un contexte d’effectifs étudiants devenus massifs, la fonction culturelle de l'Université devient subordonnée à ses fonctions sociale et économique, ce qui place l'Université en face d'une contradiction majeure : elle doit « produire » des connaissances nouvelles, et pas seulement transmettre celles déjà acquises. Or majoritairement dans l'esprit des universitaires, ces connaissances doivent être théoriques et désintéressées. Cela serait pour eux déchoir, ou se consacrer à une tâche

146 Antoine Prost, Histoire de l'enseignement en France : 1800-1967, Paris : Armand Colin, 1979, (523 pages), p. 469

147 Xavier Roegiers, « L'enjeu de la problématisation des contenus dans l'enseignement supérieur du point de vue de l'enseignement par et pour la recherche », p. 13-31, in Véronique Bedin (dir.), « Université et formation à la recherche », Toulouse : ed. PU du Midi, Les Dossiers des sciences de l'éducation, n° 34 / 2015, p. 13, 23, 26 148 Jean-Yves Mérindol, « Les universitaires et leurs statuts depuis 1968 », p. 69-92, in Jean-Michel Chapoulie, Patrick Fridenson, Antoine Prost, « Mutations de la science et des universités en France depuis 1945, Le

Mouvement Social, oct-déc 2010, Paris : La Découverte, 2010, p. 78

149 Antoine Prost, Histoire de l'enseignement en France : 1800-1967, Paris : Armand Colin, 1979, (523 pages), page 456 ; Jean-Yves Mérindol, « Les universitaires et leurs statuts depuis 1968 », p. 70, in Jean-Michel Chapoulie, Patrick Fridenson, Antoine Prost, « Mutations de la science et des universités en France depuis 1945,

de moindre valeur, s'ils se vouaient à l'amélioration des techniques ou à la transmission de savoir-faire150. Pourtant l’Université dans sa mission de formation doit répondre aux besoins des étudiants, à leurs logiques d'insertion professionnelle, au système des stages, aussi bien qu'aux demandes de formation provenant des entreprises151. Le sociologue toulousain Michel Grossetti montre que cette logique conduit la recherche universitaire à des coopérations : plutôt avec les industriels pour les sciences de la nature ; plutôt avec les administrations ou les collectivités locales pour les sciences sociales152. Ce sont ces coopérations qui concernent notre étude.

Par ailleurs en France, les universités ne sont que l’un des éléments d’un système d'enseignement supérieur qui comporte de nombreuses autres institutions de formation (écoles d'ingénieurs ou de commerce, écoles paramédicales, etc.), et d’autre part elles ne constituent pour la recherche, et l’enseignement par la recherche, qu'une partie du système de la recherche publique. Celle-ci s’est organisée depuis 1939 avec le CNRS et dans l’après-guerre avec d’autres grands organismes gouvernementaux (INSERM, CEA, INRIA, INRA, etc.). L’université doit donc associer aux activités de formation qui sont sa mission première, des coopérations externes pour ses activités de recherche. Celles-ci doivent être analysées en lien les unes avec les autres, ce que fait notre étude.

Dans les années 1980 en voulant rationaliser l’université, les politiques réduisent l'autonomie des professeurs universitaires, et développent la recherche sous contrat et en changent ses modes d'évaluation. Un historien comme Dominique Pestre en a fait un sujet d’étude153. Il analyse comment on demande à la recherche universitaire et au CNRS de se soucier des applications, et l'on finance des programmes de recherche individualisés, sous contrat temporaire public ou privé. Le pouvoir de séduction de tels contrats est incontestable. Mais cela est vu comme un risque de détourner les laboratoires universitaires de leur fonction de recherche fondamentale, sans pour autant assurer le développement d'une véritable recherche appliquée154. Dans notre

150 Ibid. p. 469, 471

151 Emmanuel Quenson, Solène Coursaget, La professionnalisation de l'enseignement supérieur, de la volonté

politique aux formes concrètes, Toulouse ; Octarès Editions, 2012.

152 Michel Grossetti, « Les relations entre les universités et l'industrie en France. Les interactions entre formation, recherche et collaborations industrielles », p. 47-67, in Georges Felouzis (dir.), Les mutations

actuelles de l'Université, Paris : PUF, 2003, (400 pages)

153 Dominique Pestre, Dix thèses sur les sciences, la recherche scientifique et le monde social, 1945-2010, p. 13 à 29, in Jean-Michel Chapoulie, Patrick Fridenson, Antoine Prost, « Mutations de la science et des universités en France depuis 1945, Le Mouvement Social, oct-déc 2010, Paris : La Découverte, 2010

154 Antoine Prost, Histoire de l'enseignement en France : 1800-1967, Paris : Armand Colin, 1979, (523 pages), page 469, 471

étude, analyser les réseaux sociaux du Laboratoire d’automatique de Grenoble, avec des étudiants-doctorants, des enseignants-chercheurs et des chercheurs permanents du CNRS, c’est pouvoir décrire et comprendre ces mécanismes de liens entre le monde universitaire, les organismes de la recherche publique, les industriels, le gouvernement.

Jean-Yves Mérindol, mathématicien de formation, puis président de l’université de Strasbourg, a publié sur ce sujet : la loi de 1982 organise des allocations de recherche comme un présalaire pour les doctorants. Puis en 1984 le statut de l’enseignant- chercheur est ajusté155. La loi Savary crée aussi la HDR (habilitation à diriger des recherches) comme étant un requis pour devenir professeur dans l’enseignement supérieur, et elle supprime le doctorat d'Etat. Tous les titulaires d’une HDR pourront alors diriger des doctorats, ce qui ouvre officiellement cette possibilité à d'autres que les seuls professeurs et directeurs de recherche, retirant ainsi à ceux-ci une partie de leur pouvoir hiérarchique. Cette loi supprime aussi le Doctorat de 3ème cycle qui était accepté dans l’industrie comme équivalent à un diplôme d’ingénieur156. Elle supprime aussi le grade de Ingénieur-Docteur157. Ils sont remplacés par le « doctorat » (doctorat « nouveau »), un doctorat qui devient nécessaire pour entrer dans l’enseignement supérieur et être maître de conférences. Ces modifications du système des thèses et la suppression de la thèse d'Etat visent aussi à encourager des publications plus fréquentes d’articles scientifiques. En effet la longue durée qu’était celle de la préparation d’une thèse d’Etat n’était plus compatible avec la dynamique de l’avancée des sciences : on passe alors d’une activité de recherche centrée sur la thèse, à un travail de recherche centré sur des publications qui pourront être utilisées pour constituer une

155 Jean-Yves Mérindol, « Les universitaires et leurs statuts depuis 1968 », p. 78, in Jean-Michel Chapoulie, Patrick Fridenson, Antoine Prost, « Mutations de la science et des universités en France depuis 1945, Le

Mouvement Social, oct-déc 2010, Paris : La Découverte, 2010

156 Ce doctorat de 3ème cycle avait été créé en 1954 afin de donner des connaissances approfondies dans une

spécialité et une initiation à la recherche. La création sélective de doctorats de troisième cycle permet de renforcer le développement de certains thèmes en certains endroits, sans imposer aux acteurs une coordination qui s’est avérée irréalisable : la désignation comme centre de recherche constitue un moyen très efficace de développer un programme et des équipes de recherche, en assurant un flux relativement continu de jeunes chercheurs aux laboratoires qui y prennent part, tout en légitimant l’obtention de postes universitaires stables pour les encadrer et de crédits pour leur permettre de travailler.cf. Verschueren Pierre, Des savants aux

chercheurs, Les sciences physiques comme métier (France, 1945-1968), Thèse Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne, 2017, p. 146.

Ce doctorat de 3ème cycle se voit étendu aux disciplines des Lettres en 1958.

157 Ingénieur-Docteur ou Docteur-ingénieur, un diplôme de formation « par la recherche », créé en 1923-1925 (cf. Verschueren Pierre, Des savants aux chercheurs, Les sciences physiques comme métier (France, 1945-

thèse158. La transformation des résultats des recherches en publications est vue comme de plus en plus impérative, et intervient dans des enjeux de carrière et les évaluations des laboratoires159. Dans la partie-III de notre Mémoire, nous montrons cela par une analyse des publications du LAG.

Christine Musselin a développé comment ensuite, l’année 1988 se présente comme une date charnière, avec la réélection du Président Mitterrand et la nomination de Michel Rocard comme premier ministre mettant une priorité sur l’enseignement160. Lionel Jospin le ministre de l’Education nationale lance alors le Plan Université 2000. Christine Musselin montre comment l’autorité de tutelle du ministère de l’Enseignement national fait changer le mode de pilotage des universités et de leur recherche, passant d’un pilotage de l’enseignement supérieur basé sur des disciplines et sur les professeurs des facultés de l’université, à un pilotage basé sur les établissements universitaires qui