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Partie I. Animal et société occidentale du XXI ème siècle : des « communautés hybrides »

III. Quels leviers d’action

2. L’enseignement comme initiateur d’une prise en compte de l’évolution du rapport Hommes-

L’importance de l’enseignement a déjà été évoquée dans ce travail mais il semble indispensable que l’évolution de la pratique vétérinaire en fonction de l’évolution sociétale en cours soit prise en compte dans l’enseignement dispensé aux futurs vétérinaires. Notamment, il est important que les aspirants vétérinaires aient conscience de la diversité des métiers que regroupe la profession, mais également de la réalité des nouvelles attentes sociétales en regard des vétérinaires. Ainsi, savoir dès le début de la formation, voire avant l’entrée en ENV, quelles seront les exigences de la pratique vétérinaire à l’avenir est à même de diminuer le sentiment de déception ressenti par une partie des jeunes diplômés. En effet, les différentes thèses qui se sont intéressées aux motivations des étudiants vétérinaires ainsi qu’à leur insertion professionnelle mettent toutes en évidence un décalage net entre attentes et vision initiale du métier et réalité, notamment concernant la pression au travail (Guillier, 2016) (Langford, 2010). De plus, il existe également une inadéquation entre attente sociétale et service rendu par les vétérinaires. Il semble donc nécessaire d’éclaircir les attentes en question dès le stade de formation des futurs vétérinaires.

Un questionnaire sur l’adéquation du programme des classes préparatoires aux besoins de la formation vétérinaires nous a été diffusé récemment. Ce type de démarche me semblerait

pertinent dans la mesure où elle viserait effectivement à transformer un simple moyen de sélection en véritable préparation adaptée. Si tel était le cas, il serait possible d’aborder des notions d’anatomie, de physiologie voire de zootechnie de base dès les classes préparatoires, illustrant ainsi différents aspects de notre formation et libérant du temps au cours du cursus vétérinaire à proprement parler pour aborder de manière plus approfondie de nouveaux thèmes. Par exemple, il semblerait utile de remettre le lien Homme-Animal et la communication au centre de l’enseignement vétérinaire. En ce sens, cette notion pourrait être introduite au cours des premières années d’étude et non pas seulement de manière officieuse au cours des expériences cliniques. Il serait même envisageable d’aborder ces problématiques concrètement avant même l’entrée en École National Vétérinaire : il s’agirait de faire des relations humaines un aspects fondamental de la pratique vétérinaire afin qu’on ne choisisse plus de faire vétérinaire « pour faire de la médecine sans s’occuper des gens ». On notera d’ailleurs que le nouveau référentiel d’études vétérinaires est tout à fait cohérent avec cette idée : il introduit la notion de « savoir-être » en plus du savoir et du savoir-faire, insistant ainsi sur l’importance des qualités humaines, la communication, et la remise en question individuelle dans l’exercice de notre profession.

De manière générale, il semble donc nécessaire que les aspirants aux écoles vétérinaires soient plus au fait de ce qu’est et sera la profession vétérinaire au sens large. Les rédacteurs du livre bleu abondent d’ailleurs dans le même sens, évoquant la possibilité d’imposer la réalisation de stages pratiques avant le concours ou de compléter les oraux des concours par un entretien de personnalité et motivation.

Par ailleurs, un approfondissement centré sur certains aspects évoqués au cours de ce travail semble pertinent. Notamment, l’importance des aspects comportementaux dans la relation animal de compagnie – propriétaire est manifeste, d’après la partie II. Ainsi, dans le cadre de la consultation vétérinaire, il semble indispensable d’approfondir les aspects comportements et éducation canin et félin principalement. C’est d’autant plus important que les vétérinaires praticiens n’aborderaient a priori pas assez la question. De plus, certaines études montrent que le fait d’être vétérinaires ou Auxiliaires Spécialisés Vétérinaires (ASV) ne fait pas de différence significative sur l’appréciation du comportement canin en vidéo par rapport à un individu non professionnel… (Tami, Gallagher, 2009). Ce type de résultats témoigne d’une importance probablement trop faible accordée à ces aspects au cours de l’enseignement. Si les aspects pathologiques du comportement et leur prise en charge éducative voire médicale peut et doit rester l’affaire des vétérinaires comportementalistes, ayant reçu la formation adéquate, une formation initiale plus complète semble nécessaire.

Cette formation initiale serait d’autant plus importante que les étudiants des écoles vétérinaires ont des origines et antécédents avec les animaux variés : plus urbains, animaux dans l’enfance etc. (Langford, 2010), et donc des connaissances de base du comportement des animaux et de la façon dont il faut interagir avec eux variables également. Ainsi, une meilleure connaissance des bases du comportement canin et félin et des bases d’éducation semble utile d’une part pour en parler aux propriétaires et ainsi améliorer un des aspects prépondérants impliqués dans la dégradation d’une relation animal-propriétaire. D’autre part, ce type de connaissances semblent également à même de permettre une approche de la consultation plus sereine : moins de conflits avec l’animal et donc une consultation plus apaisée pour le propriétaire comme le vétérinaire, moins d’accidents également si le praticien sait repérer des signes subtils de stress, de peur voire de menace. Pour cela, avoir la possibilité de proposer aux étudiants une relation physique avec des animaux non-malades, voire une relation d’élevage serait particulièrement profitable dans leur appréhension de la relation Hommes-Animaux. Vivre et interagir avec des animaux me semblent être le meilleur moyen d’appréhender leur comportement et leur relation à l’être humain, pour ensuite être capable d’en parler.

Ainsi, l’enseignement vétérinaire doit permettre, d’une part, aux étudiants d’être préparés et conscients de la réalité des attentes de leur future profession, et d’autre part de former des professionnels capables de répondre à ce que la société attend des vétérinaires. Une évolution favorable est engagée et devrait permettre, à terme, une relation apaisée entre la profession vétérinaire et la société, de manière générale comme en consultation. C’est une nécessité dans le contexte décrit précédemment de débat social mais également compte tenu de la pression ressentie par une grande partie des professionnels, les conduisant à un mal-être inquiétant.