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Partie I. Animal et société occidentale du XXI ème siècle : des « communautés hybrides »

I. La profession vétérinaire, concernée de facto par l’évolution du rapport Homme-Animau

1. Définir le rôle du vétérinaire

Définition de la profession vétérinaire par la Federation of Veterinarians of Europe (FVE) adoptée en 2012, définition présente sur le site actuel de l’Ordre National Vétérinaire, sous l’encart profession vétérinaire :

"A professional with a comprehensive scientific education, licensed by the legal authority, to carry out, in an independent, ethical and personally responsible capacity, all aspects of veterinary medicine, in the interest of the health and welfare of animals, the interest of the client and of the society"1.

La définition de la profession vétérinaire ci-dessus dit peu de choses sur les missions concrètes de notre profession. On retiendra cependant deux aspects essentiels : « all aspects of veterinary medicine » tout d’abord, et « in the interest of the health and welfare of animals, the interest of the client and of the society ».

La profession vétérinaire a historiquement été fondée dans deux objectifs : il s’agissait d’une part d’assurer des missions d’ordre épidémiologique, et de médecine des populations (gestion des maladies contagieuses qui décimaient les troupeaux). D’autre part, de manière spécifique, les vétérinaires avaient également pour mission les soins des chevaux de valeur suffisante. D’ailleurs, le rôle de Claude Bourgelat, écuyer du roi et fondateur reconnu des premières écoles vétérinaires françaises, témoigne de cette orientation initiale.

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Un professionnel avec une formation scientifique globale, autorisé par les autorités compétentes à exercer de manière indépendante, éthique et sous sa propre responsabilité, tous les aspects de la médecine vétérinaire, dans l’intérêt de la santé et du bien-être des animaux, et dans l’intérêt des clients et de la société.

« … où l’on enseignera publiquement les principes et la méthode de guérir les maladies des bestiaux, ce qui procurera insensiblement à l’agriculture du Royaume les moyens de pourvoir à la conservation du bétail dans les lieux où cette épidémie désole les campagnes… ». (Extrait de l’arrêt du roi Louis XV en date du 4 août 1761 autorisant la fondation des premières écoles vétérinaires, selon l’Encyclopédie Universalis).

Cet extrait de l’arrêt du roi Louis XV, en date du 4 août 1761, et autorisant la fondation des premières écoles vétérinaires, permet par ailleurs d’inscrire la médecine vétérinaire dans son rôle à l’échelle de la société. L’intérêt agricole et donc économique d’une profession vétérinaire y est souligné, faisant écho à la définition actuelle (the interest of the client and of the society).

Pourtant, rapidement après l’initiation officielle de la profession, de nouvelles missions ont complété les prérogatives de la profession vétérinaire en y associant un rôle essentiel en santé publique. Actuellement, la recherche fondamentale et les acteurs terrain du domaine de l’Hygiène et Industrie des Denrées Animales et d’Origine Animale (HIDAOA), de la biosécurité, la gestion des épizooties et des risques zoonotiques, sont des aspects majeurs du processus One Health1 dans lesquels les vétérinaires sont amplement impliqués.

La profession vétérinaire s’est ouverte au domaine de la santé publique au sens large, autour de domaines vétérinaires « exclusifs » et de domaines de travail collaboratif avec des acteurs de différentes disciplines (médecine humaine, agronome et écologue, épidémiologiste et statisticiens etc.).

Plus tardivement, le « phénomène animal de compagnie » s’est accompagné d’un essor en grande échelle de la médecine individuelle des animaux de compagnie. Cette nouvelle forme d’exercice de la médecine doit par ailleurs tenir compte de la valeur affective majeure de la relation propriétaire-animal de compagnie. Joanna Swabe notamment a décrit en 2001 l’ambivalence de la relation du vétérinaire à l’animal (J. Swabe, in Podberscek et al., 2005) : elle y décrit un professionnel confronté trop souvent à l’opposition entre l’intérêt de l’animal et celui du propriétaire, l’intérêt public et son intérêt propre. En ce sens, le praticien vétérinaire est fréquemment confronté à des décisions émotionnellement lourdes, d’autant plus lourdes que les conséquences sont majeures pour l’animal et l’humain. De ce fait, la

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« L’approche «Un monde, une santé» s’applique à la conception et la mise en œuvre de programmes, de politiques, législations et travaux de recherche pour lesquels plusieurs secteurs communiquent et collaborent en vue d’améliorer les résultats en matière de santé publique. […] De nombreux professionnels aux compétences multiples, actifs dans différents secteurs tels que la santé publique, la santé animale, la santé végétale et l’environnement, doivent unir leurs forces à l’appui des approches «Un monde, une santé ».

Pour détecter, traiter et prévenir efficacement les flambées épidémiques de zoonoses et les problèmes de sécurité sanitaire des aliments, ces secteurs devraient mettre en commun leurs données épidémiologiques et leurs données de laboratoire. Les responsables des administrations publiques, les chercheurs et les travailleurs travaillant aux niveaux local, national, régional et mondial devraient mettre en

notion d’éthique est au cœur de notre profession et prend une ampleur massive au fur et à mesure que la société interroge le statut des animaux et notre rapport avec eux.

Une conséquence directe de cette évolution est l’intérêt grandissant porté par la profession vétérinaire à la notion de « Human-animal Bond », et « bond-centered » veterinary practice » (Ormerod, 2008). Ces notions sont familières aux vétérinaires anglo-saxons, beaucoup moins aux vétérinaires français : il s’agit d’une théorisation de la prise en compte de la relation Homme-Animal dans la pratique de la médecine vétérinaire. Si ce concept est moins connu en France qu’en Grande-Bretagne, les praticiens français sont pourtant confrontés quotidiennement, et peut-être en y étant moins préparés, à l’importance de la prise en compte de la relation Homme-Animal. C’est ce que décrit Verollet, 2013 qui souligne son importance dans la consultation vétérinaire, tant pour le praticien que pour les clients. Les clients des cliniques vétérinaires attendent une écoute attentive des besoins de leur animal et de leurs attentes en tant que propriétaires. La notion de partenariat entre le vétérinaire et le propriétaire d’animal de compagnie (Cornell, Kopcha, 2007) prend tout son sens dans la société actuelle et c’est bien souvent ce partenariat qui augmente les chances d’une bonne observance et donc de réussite de la prise en charge. C’est également un des aspects qui conditionnent la fidélisation de la clientèle.

Les rôles de la profession vétérinaire sont multiples : initialement professionnel de la santé animale à des fin de production, le champ d’action vétérinaire est actuellement bien plus vaste. En tant que « professionnel de la santé animale et publique » nous exerçons notre rôle dans le cadre d’une relation Homme-Animaux étroite et complexe, d’une importance primordiale pour le praticien, le client et le point de vue de la société en général. Sur la base de cette redéfinition de la profession vétérinaire, en quoi l’évolution de la relation Homme- Animaux décrite dans les parties précédentes concerne-t-elle les vétérinaires au sens large ?

2. Évolution de la relation Homme-animaux et conséquences sur la santé