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2. LE CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL

2.2. L’enseignement explicite

2.2.1. L’enseignement explicite de la compréhension en lecture

Pour définir la lecture, nous adoptons la définition de Gaussel (2015) qui « caractérise l’acte de lire comme la capacité à établir des relations entre les séquences de signes graphiques d’un texte et les signes linguistiques propres à une langue naturelle (phonèmes, mots, marques grammaticales) » (p. 2). Elle précise davantage en notant qu’il s’agit de « la prise de connaissance du contenu d’un texte écrit » (p. 2). Pour Gaussel (2015), prendre connaissance fait référence à la compréhension contextuelle du sens d’un texte écrit. Ainsi, pour l’auteure, lorsque nous apprenons à lire, nous apprenons aussi à comprendre. Il faut dire que plusieurs auteurs abondent dans le même sens dans leur définition de la lecture. Giasson (2003) définit la lecture « comme un processus plus cognitif que visuel, comme un processus actif et interactif, comme un processus de construction de sens et de communication » (p. 6). Le lecteur arrive à construire du sens ou à comprendre le texte par rapport au contexte et à ses propres connaissances (Giasson, 2003). Pour leur part, Aron et coll. (2002) définissent la lecture comme une activité qui consiste au déchiffrage des signes écrits, soit à haute voix ou silencieusement. Selon les auteurs, « cette activité postule toujours une compréhension immédiate du texte, mais elle peut également impliquer une compétence interprétative particulière, élaborée, voire créatrice » (Aron et coll., 2002, p. 324).

Selon les définitions de la lecture, nous comprenons que la compétence à lire requiert essentiellement la capacité à comprendre le texte. En d’autres termes, lire est aussi comprendre. Mais la compréhension est plus large que la lecture. Comprendre, selon Lafortune, Fréchette et Sorin (2010), « c’est attribuer de la signification à quelque chose par l’entremise de la connaissance et non par la seule expérience ou l’émotion » (p. 18). De

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plus, la compréhension « permet de dégager non seulement les raisons d’un phénomène, mais aussi les motifs des conduites d’une personne, de saisir le pourquoi et le comment des choses et des événements ainsi que des comportements et des pensées des personnes » (Lafortune, et coll., 2010, p. 18). En d’autres mots, le concept de la compréhension est une habileté intellectuelle qui permet à l’individu d’utiliser ses propres connaissances afin de donner du sens aux éléments qui l’entourent (le texte et le contexte). De ce fait, une lecture n’est pas efficace si le lecteur n’arrive pas à comprendre le texte qu’il lit, d’où l’importance de la compréhension en lecture.

À la lumière de ces définitions de la lecture et de la compréhension, nous dirions que la compréhension en lecture est l’acte d’assimiler les informations obtenues de notre lecture. À la suite de notre lecture et même au cours de notre lecture, nous arrivons à dégager le sens des informations que nous lisons. « Comprendre un texte, c’est s’en faire une représentation mentale cohérente en combinant les informations explicites et implicites qu’il contient à ses propres connaissances. Cette représentation est dynamique et cyclique » (Giasson, 2011, p. 236). La compréhension en lecture est une activité nécessaire qui implique la participation active des élèves et qui aide au développement de leurs connaissances. Comme toutes autres compétences, la compréhension en lecture mérite un enseignement rigoureux et efficace afin d’assurer la réussite des élèves à l’école.

Plusieurs chercheurs et auteurs soutiennent l’approche de l’enseignement explicite comme étant une méthode efficace pour l’enseignement de la compréhension en lecture (Bianco, 2011; Giasson, 1990; Serafini, 2008). Giasson (1990) souligne l’importance de guider les élèves dans leur apprentissage de la lecture : leur donner « un soutien maximum au point de départ » (p. 28) et les accompagner dans ce processus afin d’analyser leur progrès et de réduire le soutien au fur et à mesure que les élèves développent de l’autonomie. Pour Giasson, le modèle de l’enseignement explicite « vise à rendre les lecteurs autonomes en développant chez eux non seulement des habiletés, mais également des stratégies qu’ils pourront utiliser de façon flexible selon la situation » (1990, p. 28). Pour Serafini (2008), un enseignement explicite de la compréhension en lecture est « un enseignement qui met l’accent sur une stratégie, une pratique ou un aspect particulier du processus de lecture, qui

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fait prendre conscience de la matière enseignée et qui s’efforce de rendre clairs, pour les élèves, les résultats que nous attendons d’eux » (2008, p. 3). Dans cette même optique, Bianco (2011) propose un enseignement explicite de la lecture afin d’aider les élèves à améliorer leurs habiletés de compréhension. Selon l’auteure, « la compréhension des textes est une activité cognitive complexe qui requiert la maitrise du code linguistique, mais aussi la mise en œuvre de processus cognitifs généraux, telle que l’activation de connaissances en mémoire, la capacité à établir des inférences et à mobiliser des processus attentionnels » (Bianco, 2011, p. 1). Ainsi, il s’agit d’une activité qui peut être assez difficile pour les élèves les plus faibles et certains élèves de FLE.

Si l’on veut la réussite de tous les élèves, indépendamment de leur niveau, de leur origine, entre autres, il faut une méthode qui prenne en compte les différences linguistiques et sociales et qui propose une démarche efficace de l’enseignement. Selon Gauthier et coll. (2013), même si « la pédagogie différenciée » est la méthode préconisée dans plusieurs pays pour aborder l’hétérogénéité des élèves dans les classes, l’approche de l’enseignement explicite est capable de prendre en considération les différences individuelles des élèves. Les auteurs soulignent les lacunes de « la pédagogie différenciée » comme étant une méthode dont la signification conceptuelle est ambiguë. De plus, « peu d’effets de la pédagogie différenciée sur la réussite des élèves ont été démontrés empiriquement » (Jobin, 2007, dans Gauthier et coll., 2013, p. 84). Gauthier et coll. (2013) soutiennent le modèle de « réponse à l’intervention » qui propose « d’intervenir d’abord avec une démarche générale d’enseignement explicite, puis de différencier les interventions pour les élèves qui éprouvent des difficultés » (p. 84). En effet, Rosenshine propose d’utiliser des stratégies d’enseignement correspondant au niveau des élèves (Gauthier et coll., 2013).

Tableau 5 : Les stratégies à privilégier selon le niveau des élèves

ÉLÈVES LENTS ÉLÈVES RAPIDES

Plus de révision Moins de révision

Présentation moins longue Présentation plus longue Plus de pratique guidée Moins de pratique guidée Plus de pratique autonome Moins de pratique autonome

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Rosenshine, B. (2008). « Systematic Instruction », dans T.L. Good (dir.), 21st Century Education : A Reference Handbook, Newbury Park (CA), Sage Publications, p. 242 (Gauthier et coll., 2013, p. 86).

Un enseignement explicite de la compréhension en lecture implique donc un enseignement des stratégies de lecture (Bianco, 2014; Falardeau et Gagné, 2012; Giasson, 2011). Une stratégie est « une opération cognitive ou métacognitive complexe qui permet d’atteindre un but déterminé à l’aide d’une suite d’actions réalisées de manière consciente ou non » (Pressley et Harris, 2006, cités dans Falardeau et Gagné, 2012, p. 6).

Il convient de définir les concepts de cognition et de métacognition afin de mieux cerner le processus de compréhension. Pour Giasson (1990), « la cognition fait référence au fonctionnement de l’esprit humain et se caractérise par la compréhension, la mémorisation et le traitement de l’information » (p. 152) et elle définit la métacognition « comme la capacité de réfléchir sur son propre processus de pensée » (Giasson, 2003, p. 222). Ainsi, la métacognition est essentielle pour le lecteur qui lit avec le but de comprendre, comme l’expliquent Gauthier et coll.

La métacognition représente l’habileté à réfléchir sur sa propre pensée, à conscientiser, contrôler et superviser les différents processus utilisés dans le traitement de l’information afin d’en assurer le fonctionnement optimal. Une telle démarche permet à l’individu de prendre conscience de ce qu’il fait, de la façon dont il le fait, et des raisons pour lesquelles il le fait (Gauthier et coll., 2013, p. 53).

Pour Falardeau et Gagné (2012), « la métacognition est la clé de l’action stratégique, car elle permet de contrôler le processus pour atteindre un objectif de lecture. C’est cette conscience métacognitive qui permet au lecteur de porter un jugement, d’évaluer sa performance et de se rendre compte que quelque chose fonctionne ou ne fonctionne pas » (p. 7).

Ceci dit, l’enseignement des stratégies de lecture est incontournable pour la maitrise de la compréhension en lecture. Selon Block et Lacina (2008), « l’enseignement des stratégies de

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compréhension aide les élèves à devenir des lecteurs qui sont actifs et en contrôle de leur propre compréhension en lecture » (cités dans Giasson, 2011, p. 260).

Ci-dessous, nous présentons les stratégies de compréhension en lecture que propose Bianco (2014).

Tableau 6 : Les stratégies de compréhension en lecture

Stratégies de lecture Descriptions

1. Stratégies de préparation à la lecture.

Visent la préparation d’une attitude de lecture active. Exemples : identifier les objectifs de lecture, explorer les différentes parties du texte, anticiper sur ce qu’on va lire, etc. 2. Stratégies

d’interprétation des mots des phrases et des idées du texte.

Elles sont centrées sur le texte et visent la construction d’une base de texte cohérente. Exemples : la relecture, la compréhension des mots difficiles ou inconnus, faire des inférences, etc.

3. Stratégies pour aller au- delà du texte.

Elles connectent les informations lues aux connaissances générales et à l’expérience du lecteur. Permettent de comprendre l’implicite du texte. Exemples : (se) poser des questions (Qui? Quoi? Pourquoi? Comment?...), visualiser et imaginer, utiliser d’autres documents pour comprendre les idées obscures.

4. Stratégies d’organisation, de restructuration et de synthèse.

Organisent dans une structure cohérente l’ensemble des informations lues. Le retraitement des informations afin de consolider la compréhension et l’acquisition des informations essentielles. Exemples : activité de résumé, de synthèse, usage d’organisateurs graphiques et de guides de lecture.

Source : Propositions pour une programmation de l’enseignement de la compréhension en

lecture. Conseil supérieur des programmes. www.education.gouv.fr/csp/ (Bianco, 2014,

p. 12-13).

Selon Bianco, l’enseignement des stratégies de compréhension a « pour vocation de former des lecteurs actifs capables d’autoévaluer et d’autoréguler leur compréhension » (2014, p. 12). Ces stratégies guident les élèves dans leur processus de lecture et au fur et à mesure que les élèves les maitrisent, ils deviennent autonomes et ils arrivent à mieux comprendre le

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texte qu’ils lisent. Suivant cette même idée, sur le site http://www.strategieslectureecriture.com/, Falardeau propose plusieurs stratégies de lecture qui ont pour but d’aider les enseignants à accompagner les élèves du secondaire dans leur processus de compréhension en lecture, et les élèves peuvent aussi évaluer leur compréhension à partir de grilles d’évaluation disponibles sur ce site. Nous retrouvons, entre autres, des stratégies qui permettent à l’élève de planifier sa lecture, de comprendre le texte, de l’interpréter et d’y réagir. Pour un enseignement efficace de la compréhension, les stratégies de lecture méritent d’être explicitées par l’enseignant avant leur emploi par les élèves. Ainsi, l’enseignement de ces stratégies suit la méthode de l’enseignement explicite que nous avons décrite plus haut dans le texte. Falardeau et Gagné (2012) détaillent davantage les étapes de l’enseignement explicite en proposant ces six étapes itératives de l’enseignement de stratégies de lecture. Il consiste : 1) à définir la stratégie et préciser son utilité; 2) à rendre le processus transparent par le modelage; 3) à guider les élèves (pratique guidée); 4) à fournir aux élèves des occasions pour pratiquer seuls (pratique autonome); 5) à faire de la rétroaction et du questionnement; 6) à amener les élèves à se rendre compte de leur apprentissage (le réinvestissement).

Au final, « la caractéristique essentielle d’un enseignement explicite et structuré de la compréhension consiste à rendre perceptibles par l’explicitation, les opérations mentales de la compréhension, inaccessibles à l’observation directe. Il fait appel à la réflexion consciente de l’élève en centrant son attention sur les difficultés qu’il est susceptible de rencontrer lorsqu’il est confronté à des textes complexes » (Bianco, 2014, p. 13).