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2. LE CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL

2.1. La littérature à l’école

2.1.2. L’album de jeunesse en classe de FLE

L’album de jeunesse est le genre à privilégier avec les jeunes débutant en lecture, notamment les élèves de FLE qui apprennent à maitriser la langue française. Dolz et coll. (2001) remarquent qu’il s’agit d’« un bon support pour les apprentis lecteurs et [qu’] il facilite l’interaction entre l’enseignant et les élèves, et les élèves entre eux » (p. 24).

Nous entendons par album de jeunesse tout ouvrage illustré dont les illustrations apportent au texte un éclairage différent. Contrairement à sa fonction dans l’imagier, l’illustration ne redit pas le texte, mais lui fait prendre une dimension signifiante à un niveau supérieur. Ce peut être une note d’humour, un clin d’œil au lecteur, un approfondissement du sens, voire un point de vue différent de celui du texte (Salerno, 2006, cité dans Piotrowska- Skrzypek, 2010, p. 3).

Il est à noter que certains albums sont totalement dépourvus de textes et que ce sont les illustrations uniquement qui racontent l’histoire. Van der Linden (2007) aborde cette caractéristique de l’album de jeunesse dans sa définition : « [ouvrage] dans [lequel] l’image se trouve spatialement prépondérante par rapport au texte, qui peut d’ailleurs en être absent. La narration se réalise de manière articulée entre texte et images » (2007, p. 24).

La lecture d’un album est généralement une lecture double : il s’agit de faire des liens entre les textes et les illustrations. Selon Van der Linden (2007), la relation texte-image dans l’album s’entretient de trois manières : rapport de redondance, rapport de collaboration et rapport de disjonction. Dans le rapport de redondance, « le texte et l’image renvoient chacun au même récit, ils se centrent sur des personnages, des actions et des événements rigoureusement identiques. Les contenus narratifs se trouvent – totalement ou partiellement

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– superposés » (p. 120). Dans le rapport de collaboration, le texte et l’image portent chacun son tour la narration. Il y a dans ce rapport une « interaction de deux messages différents pour une réalisation commune du sens » (p. 121). En ce qui concerne le dernier rapport, « textes et images suivent des voies narratives parallèles. Textes et images entrent en contradiction » (p. 121). Dans ce rapport, il y a une disjonction entre le texte et l’image, mais ce type de rapport invite le lecteur à s’interroger sur l’œuvre et cette contradiction « laisse ouvert le champ des interprétations, sans que le lecteur ne soit orienté vers un sens défini » (Van der Linden, 2007, p. 121). En enseignant le rapport texte-image dans l’album, l’enseignant soutient davantage le travail permettant la compréhension des élèves.

L’album apparait donc comme un support intéressant et adapté au niveau des élèves du primaire. Il sert à donner aux élèves une première expérience de la lecture des textes littéraires et les encourage à lire davantage. Selon Escarpit (2008), « l’album sert de véhicule à toutes les tendances littéraires, les plaçant ainsi à la portée du jeune lecteur. Mais il les aborde de manière originale, à travers la relation particulière qu’il instaure entre texte et image » (p. 306). Escarpit considère l’enfant comme un être capable d’apprécier la littérature et pour lui l’enfant « n’est plus ou plus seulement un petit être à éduquer : il occupe désormais une place de choix, est considéré comme un individu capable d’accéder à des jeux et des plaisirs littéraires et artistiques. L’album parait alors un support privilégié pour mener ces premières expériences esthétiques » (2008, p. 303). De plus, « l’album offre aux jeunes l’occasion de connaitre les textes qui les touchent, les intéressent, frappent leur curiosité naturelle, suscitent leur envie de savoir, nourrissent leur imagination, bref, des textes passionnants, enrichis par les illustrations » (Piotrowska-Skrzypek, 2010, p. 4). À l’origine, l’album était conçu principalement pour les enfants de français langue maternelle, mais ses caractéristiques particulières ont sollicité sa présence en classe de FLE comme « un outil didactique » offrant de multiples exploitations (Piotrowska-Skrzypek, 2010).

Dans la classe de FLE, que ce soit avec les élèves du primaire, mais aussi ceux du secondaire, l’album est le support idéal pour les initier à la lecture. Piotrowska-Skrzypek souligne que « la place de l’album dans la lecture débutante, et pas seulement dans la lecture faite aux enfants constitue un excellent moyen de plonger dans le monde

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merveilleux de la littérature, d’y faire ses premiers pas de lecteur » (2010, p. 4). Ce genre de textes constitue un objet d’apprentissage approprié pour favoriser la compréhension en lecture en raison de ses caractéristiques (la longueur, l’articulation texte-image, le style du texte, l’humour, entre autres). En travaillant avec l’album, nous cherchons à motiver les élèves à vouloir lire et à mieux comprendre les textes qu’ils lisent. Lépine souligne qu’« en tant qu’enseignant de français, si nous souhaitons former des amateurs éclairés de littérature, notre objectif n’est pas seulement de faire lire les élèves, mais de les amener à vouloir lire » (2011, p. 68). Et selon Anastassiadi, l’élève de FLE qui découvre la lecture n’est pas motivé face à un texte « nu, sans illustrations » (2007, p. 126). La présence des illustrations dans l’album apporte un soutien de compréhension, particulièrement aux élèves les plus faibles. Lépine souligne qu’« un lecteur habile s’intéressera au texte, aux images et aux relations qu’ils entretiennent en adoptant un regard critique tandis qu’un lecteur en difficulté portera son attention davantage aux images pour soutenir sa compréhension du texte » (2011, p. 69).

En classe de FLE, Piotrowska-Skrzypek (2010) propose de choisir l’album qui correspond le mieux aux besoins des élèves, aux objectifs d’apprentissage de l’enseignant, au niveau des élèves, etc. Bien que l’enseignant puisse être libre de décider comment aborder la lecture d’un album avec ses élèves, plusieurs auteurs suggèrent de commencer par une étude de la couverture, du titre, de la quatrième de couverture, en fait, tous les éléments qui entourent l’album et que l’on nomme « paratexte » (Dolz, Noverraz et Schneuwly, 2001; Piotrowska-Skrzypek, 2010; Van der Linden, 2007). Cette première découverte de l’album encourage une interaction entre l’enseignant et les élèves, et entre les élèves. Cela crée une anticipation de la lecture de l’album. Par la suite, la lecture de l’album peut se faire soit par une lecture intégrale dépendant de la longueur de l’album, soit par une lecture des différentes parties de l’album, dite « à dévoilement progressif ».

Cependant, Anastassiadi (2007) et Piotrowska-Skrzypek (2010) soulignent le danger d’utiliser l’album pour des fins purement linguistiques, car cela peut nuire au plaisir que procure la lecture d’un album pour les élèves. Lorsque l’album est utilisé uniquement pour apprendre la langue et pour enseigner la grammaire, la lecture n’est plus une activité

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plaisante pour l’élève de FLE. Anastassiadi (2007) propose, entre autres, « d’orienter les lectures, en proposant des pistes pour une lecture active; de travailler sur la compréhension du texte; d’enseigner les mots qui parlent des textes (auteur, écrivain, illustrateur…) » (p. 129). Dans ce sens, l’acquisition du vocabulaire et l’appropriation du lexique peuvent constituer une piste pour une lecture active. En ce qui concerne l’enseignement de français langue seconde, Lépine (2011) souligne que les particularités de l’album permettent l’acquisition des nouveaux mots « par des exercices de lecture répétitive d’un même texte » (p. 69). C’est donc le rôle de l’enseignant de savoir utiliser l’album d’une manière à aider ses élèves à apprendre la langue sans les détourner du plaisir de lire.

Enfin, l’album offre à l’enseignant et aux élèves la possibilité de travailler différentes stratégies de lecture afin d’assurer la compréhension de chaque élève. En effet, pour Lépine les albums de jeunesse sont « un outil didactique utile pour l’enseignement explicite de nombreuses stratégies de lecture en permettant à l’enseignant de modeler diverses façons d’aborder une œuvre » (2011, p. 69). Il est important alors de souligner la valeur pédagogique de l’album :

C’est aussi un auxiliaire précieux de pédagogie, en ce sens qu’il réunit les élèves au-delà des difficultés d’apprentissage, notamment de lecture. De plus, il peut servir de base pour de nombreuses activités transdisciplinaires. Sur le plan de la culture et de l’ouverture d’esprit des élèves, il apporte des connaissances, un nouveau regard sur la littérature, le livre et les savoirs (Sevestre-Loquet, 2006, cité dans Piotrowska-Skrzypek, 2010, p. 6).

À la lumière de notre synthèse sur l’album de jeunesse en classe de FLE, il convient, dans le prochain chapitre, de proposer l’approche pédagogique que nous considérons pertinente pour son enseignement efficace.

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