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2. LE CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL

2.1. La littérature à l’école

2.1.1. L’enseignement de la littérature de jeunesse

La littérature de jeunesse n’est pas une invention du XXe siècle, bien que l’appellation « littérature de jeunesse » soit assez récente. Les livres qui s’adressent directement aux enfants et aux jeunes ont fait leur apparition depuis le XVe siècle sous la forme de « certains livres d’heures24 » (Perrin, 2010, p. 52) écrits en gros caractères que les mères lisaient à leurs enfants. Ensuite, vers la fin du XVIIIe siècle, avec l’introduction d’une édition destinée à un public plus jeune, il y a eu l’apparition d’une littérature véritablement spécialisée (Perrin, 2010). Et le XIXe siècle a été marqué par « un essor considérable de véritables éditions pour les jeunes dont certains textes sont aujourd’hui considérés comme patrimoniaux » (Perrin, 2010, p. 52). Nous donnons comme exemple, Les Malheurs de

Sophie (1858) de la Comtesse de Ségur, Le tour du monde en quatre-vingts jours (1872) de

Jules Verne, Alice au pays des merveilles (1865) de Lewis Carroll, Oliver Twist (1837) de Charles Dickens et Les Enfants du capitaine Grant (1868) de Jules Verne.

La littérature de jeunesse se situe parmi ce qu’Aron et Viala (2011) surnomment « littérature qualifiée » afin de faire la distinction avec la « littérature générale » ou tout simplement la « littérature ». La littérature qualifiée regroupe la « littérature populaire, sentimentale, littérature d’enfance et de jeunesse, des femmes, francophone, etc. » (Aron et Viala, 2011, p. 70). Selon Aron et Viala, cette appellation est nécessaire « pour désigner l’usage qui s’est établi de désigner des secteurs de la littérature liés à un public déterminé ou à une catégorie d’auteur(e)s » (2011, p. 70). En fait, dans le cadre de sa thèse doctorale Turgeon (2013) propose de définir la littérature de jeunesse selon ses fonctions. Conséquemment, nous découvrons que tout comme la littérature destinée aux adultes, la

24 « Livres de prières et de psaumes visant l’édification morale : seuls livres auxquels les femmes avaient accès » (Perrin, 2010, p. 52).

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littérature conçue pour les enfants et adolescents partage les mêmes fonctions : le plaisir, le développement affectif, cognitif et social, l’expérience culturelle, etc. Ainsi, nous pouvons définir la littérature de jeunesse comme « un ensemble de textes ayant une visée esthétique » spécialement conçu pour les jeunes lecteurs ou les enfants et les adolescents. C’est un ensemble d’œuvres qui aident les jeunes à vivre une expérience littéraire en développant leur culture générale, leur appréciation et leur appropriation de la langue.

Comme la « littérature », la littérature de jeunesse peut aussi être considérée comme « l’art verbal ». Poslaniec (1992) considère que « toutes les techniques littéraires identifiées par les chercheurs sont largement présentes dans les livres destinés aux enfants; [et] rien ne permet d’établir une coupure entre la littérature pour la jeunesse et la littérature générale » (p. 16). Nous adhérons à la conception de Poslaniec qui est aussi celle défendue par le programme officiel de l’école primaire en France en 2002 :

La littérature adressée à l’enfance ne s’est jamais située en dehors de la littérature que lisent les adultes. Elle se porte seulement vers des lecteurs qui n’ont pas les mêmes interrogations sur le sens du monde que leurs parents, qui n’ont pas non plus la même expérience de la langue. En quelque sorte, elle fait la courte échelle aux plus jeunes pour les introduire à l’univers infini des lectures à venir. À cet égard, elle constitue véritablement le domaine littéraire de l’écolier (Ministère de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche, 2002, p. 5, cité dans Anastassiadi, 2010, p. 241).

Cette reconnaissance pour la littérature de jeunesse consolide son importance et son efficacité en contexte scolaire. La littérature de jeunesse répond à une demande qui existe depuis bien longtemps et son aspect pédagogique et didactique lui fait mériter sa place au sein du domaine de la littérature. Présentons donc quelques fonctions importantes de l’enseignement de la littérature de jeunesse à l’école.

Poslaniec (2004) considère la littérature de jeunesse comme « la seule qui s’adresse directement aux enfants, la seule qui permette donc au plus grand nombre de faire la découverte d’une lecture impliquée, ce qui est nécessaire au passage à l’acte de lecture autonome » (p. 14). Il s’agit d’une lecture adaptée au niveau des élèves. Ce sont des textes

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qui correspondent le mieux aux jeunes lecteurs, « tant par la langue que par le contenu » (Mercier et Tourron-Bertrand (2013, paragr. 2) et ils sont capables de susciter l’intérêt des élèves pour la lecture. « Les jeunes lecteurs ayant besoin d’entendre parler d’eux-mêmes à travers des œuvres écrites à leur intention dans la langue et la sensibilité d’aujourd’hui : la littérature de jeunesse est un domaine qui peut favoriser le gout de lire » (Tauveron, 2000, p. 1). La littérature de jeunesse sert à impliquer les jeunes dans l’activité de lecture et les encourage à continuer à lire.

Selon Giasson (2000), « plus l’élève lit, plus il développe ses habiletés en lecture, plus la tâche devient facile et agréable et plus il a envie de lire » (p. 9). Ainsi, en proposant aux élèves de FLE des œuvres adaptées à leur niveau, il est possible de développer leurs habiletés en lecture. Dans le cadre d’une recherche menée en Algérie auprès des enseignants et des élèves de FLE afin d’obtenir leurs opinions sur les rôles des textes littéraires et de découvrir la littérature qui leur conviendrait, des chercheurs ont découvert que les textes littéraires présents dans les manuels sont « opaques et inaccessibles pour leurs élèves. Ces derniers avouent qu’ils rencontrent des difficultés à lire et à comprendre ces documents littéraires à cause des mots difficiles, des figures de style et des implicites culturels » (Benazout, 2010, p. 26). À la lumière des constats de cette enquête, les enseignants de français se sont tournés vers l’intégration de la littérature de jeunesse dans l’enseignement et l’apprentissage du français au secondaire. En effet, l’auteure de cette recherche trouve que « la littérature conçue pour l’enfance et la jeunesse prend en compte l’âge, le besoin et l’intérêt des adolescents » (Benazout, 2010, p. 26). La littérature amène donc les élèves à accéder graduellement aux œuvres plus complexes (Benazout, 2010). La littérature de jeunesse dans la classe de FLE peut alors faciliter le développement de la compétence en lecture des élèves.

De plus, la littérature de jeunesse est un objet valorisé par l’institution scolaire, en France comme au Québec. Pour le ministère de l’Éducation du Québec, par exemple, « la littérature de jeunesse est un moyen privilégié de sensibiliser aux valeurs sociales, culturelles et politiques d’un pays » (Pouliot, 2005, p. 2) et, pour ces raisons, elle est inscrite aux programmes scolaires, « ainsi qu’aux guides, répertoires et sites

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pédagogiques » (Pouliot, 2005, p. 2). Il est à noter que la littérature de jeunesse fait partie des programmes scolaires au Québec depuis plusieurs années. L’un des objectifs principaux de son enseignement vise à « conserver et à consolider la place et la survie du français en terre d’Amérique, à développer et à nourrir un patrimoine national, sans négliger ce qui se fait ailleurs » (Pouliot, 2005, p. 9). Dans le cas des Seychelles, la littérature de jeunesse n’apparait pas dans le programme officiel du français, même si, le ministère de l’Éducation reconnait l’importance de la « compréhension de la lecture de textes divers » (2001, p. 30). Malgré qu’elle ne fasse pas partie des prescriptions ministérielles seychelloises, nous considérons la littérature de jeunesse comme un outil essentiel qui pourrait aider les élèves à développer leur compréhension en lecture.

Dans la même perspective, Anastassiadi (2007; 2010) considère la littérature de jeunesse comme un objet exploitable en classe de FLE. Elle félicite l’école pour avoir fait de la littérature de jeunesse « un outil privilégié pour enseigner les stratégies de lecture qui permettent de comprendre un texte » (2007, p. 126). Selon Anastassiadi, « initier tôt les enfants et les adolescents à la littérature signifie leur inculquer une attitude positive vis-à- vis de la lecture et leur permettre d’accéder à la culture du livre » (2007, p. 126). Elle puise aussi des exemples dans la didactique du français langue maternelle qui, selon elle, peuvent être transposables en classe, tels que les débats interprétatifs25 et la mise en réseaux de textes26, empruntés à Tauveron (1999). Selon Anastassiadi, « en FLM tout comme en FLE il est démotivant de réserver les œuvres littéraires aux niveaux avancés » (2010, p. 242). Les élèves débutants en lecture ont le droit de découvrir des textes adaptés à leur niveau et à leur intérêt. La littérature de jeunesse à l’école aide donc les élèves à découvrir les œuvres littéraires, à apprécier la littérature et à comprendre le texte.

La littérature de jeunesse regroupe plusieurs genres littéraires, notamment, le roman, le théâtre, le conte, la bande dessinée, l’album. Le choix du genre à travailler avec les élèves

25 Aussi appelé le débat de lecture, le débat interprétatif est une activité qui permet aux jeunes lecteurs d’apporter un jugement critique au texte lu. C’est l’occasion de s’engager dans l’interprétation de l’œuvre et de discuter autour des questions et des problèmes relevant du texte (Sorin, 2006).

26 Il s’agit du regroupement ou de la mise en relation de textes littéraires partageant les mêmes caractéristiques, thèmes, personnages, auteurs, entre autres (Tauveron, 1999).

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en classe repose sur les objectifs d’apprentissage et le niveau des élèves ou tout simplement sur la préférence de l’enseignant et des élèves pour ce genre. Nous ne comptons pas aborder les différents genres de textes, mais il convient de justifier notre intérêt pour l’album de jeunesse.