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2. LE CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL

2.2. L’enseignement explicite

2.2.2. L’enseignement de la compétence lexicale

Par rapport au tableau 6 ci-dessus, nous pouvons constater que les stratégies de compréhension en lecture impliquent également l’interprétation des mots du texte et la compréhension des mots difficiles ou inconnus. Avant d’entrer dans les détails, il convient d’établir les différences entre le vocabulaire et le lexique. Dans le cadre de notre recherche, nous utiliserons, tantôt le terme lexique, tantôt le terme vocabulaire. Mais ces deux

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concepts sont loin d’être interchangeables. Selon Dubois et Lagane (2001, p. 11) lorsque nous étudions « les mots et les relations qu’ils ont entre eux », nous étudions le lexique. Le vocabulaire renvoie aux « mots employés par un individu […] pour exprimer ce qu’il a besoin d’exprimer dans sa vie courante » (Picoche, 2011, p. 1). « On conviendra d’appeler lexique l’ensemble des mots qu’une langue met à la disposition des locuteurs, et vocabulaire l’ensemble des mots utilisés par un locuteur donné dans des circonstances données » (Picoche, 1992, p. 45). Nous nous intéressons à l’enseignement du lexique (l’ensemble des mots de la langue française) afin d’aider les élèves de FLE à accroitre leur compétence lexicale et à comprendre le vocabulaire dans les textes qu’ils lisent.

Il convient de définir « compétence » avant de traiter de « compétence lexicale ». Pour Dolz et Ollagnier (2002), la notion de compétence « fait partie de ces notions dont les définitions ne se laissent saisir qu’au travers de l’évolution des courants éducatifs et de recherche qui en font usage et auxquels il faut faire référence pour éclaircir les divers sens attribués » (p. 7). Dans leur ouvrage L’énigme de la compétence en éducation, les auteurs explorent cette notion et montrent à quel point elle est polysémique et continue à susciter des débats. Cependant, d’autres auteurs apportent quelques définitions acceptables utiles à notre recherche. Dans le Dictionnaire des termes de l’éducation, on définit les compétences comme « un ensemble de dispositions, capacités, comportements potentiels (affectifs, cognitifs et psychomoteurs) qui permettent à un individu d’exercer efficacement une activité, une tâche, considérée généralement comme complexe » (Bon, 2004, p. 33). On précise que les compétences comportent le savoir, le savoir-faire et le savoir-être (Bon, 2004). De même, dans le Dictionnaire de l’éducation « la compétence est considérée comme un savoir (ou un mélange des savoirs) en acte, que n’apporte pas la seule éducation, mais aussi l’expérience, et qui ne pourra se révéler ou être évalué que dans la pratique du travail ou, du moins, dans des situations artificielles qui se rapprochent de la pratique du travail » (van Zanten, 2008, p. 76).

Les définitions des différents dictionnaires spécialisés nous amènent à comprendre que la compétence est une capacité à utiliser le savoir, le savoir-faire et le savoir-être pour entreprendre une activité précise. Et la définition trouvée dans le Dictionnaire actuel de

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l’éducation de Legendre (2005) précise notre compréhension du concept : la « capacité à

mobiliser un ensemble intégré de connaissances, d’habiletés, et d’attitudes en vue d’accomplir une opération, d’exécuter un mouvement, de pratiquer une activité, d’exercer une fonction d’attentes fixées et de résultats désirés ou en vue de l’accès à des études ultérieures » (Legendre, 2005, p. 248).

Nous proposons de définir la compétence lexicale comme la capacité à « mobiliser » des connaissances sur le lexique, des habiletés lexicales et des attitudes lexicales afin d’accomplir une tâche dans le domaine du lexique. Mais, ce concept qui occupe une partie importante de notre recherche mérite de plus amples explications. Dans le cadre de sa thèse doctorale, Tremblay (2009) propose sa propre définition de la compétence lexicale : « un ensemble de connaissances (lexicales) et d’habiletés (lexicales) qui permettent d’utiliser efficacement le lexique de la langue (unités lexicales et autres entités lexicales) en situation de communication linguistique, que ce soit en production ou en réception, à l’oral ou à l’écrit » (Tremblay, 2009, p. 121). Pour mieux saisir cette définition, il convient de définir les connaissances lexicales, les habiletés lexicales et les unités lexicales.

Selon le Dictionnaire actuel de l’éducation, « la connaissance est ordinairement évaluée en fonction de la vérité, tandis que les habiletés sont évaluées en fonction de la qualité d’exécution. […] En effet, un très grand nombre d’habiletés peuvent être décrites selon la façon dont on acquiert, organise, utilise et transmet la connaissance » (Legendre, 2005, p. 275). Les connaissances lexicales sont donc les savoirs ou les vérités que possède un individu en ce qui concerne les mots d’une langue. Il s’agit de la connaissance des mots, du sens des mots selon le contexte, de leur fonctionnement, de l’étendue du vocabulaire, entre autres (David, 2000). Selon Goigoux et Cèbe (2013), « plus le lecteur connait de mots, mieux il comprend ce qu’il lit; mieux il comprend ce qu’il lit, plus il est capable d’apprendre de nouveaux mots » (p. 1). Pour les auteurs, la connaissance des mots et de leur sens est liée à la compréhension. « De la même manière que la connaissance orthographique accélère leur reconnaissance, donc la vitesse de décodage, les connaissances lexicales facilitent le processus de compréhension » (Goigoux et Cèbe, 2013, p. 1). Dans le cas des habiletés lexicales, il s’agit de la capacité à mettre en pratique ses

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connaissances lexicales pour trouver, par exemple, le sens des mots selon le contexte ou selon la composition des différents mots (la morphologie)28. Les habiletés lexicales renvoient aux savoir-faire et à l’usage du lexique dans des situations orales (communicatives) ou écrites.

En ce qui concerne les unités lexicales, Petit (2000) considère « comme unité lexicale toute séquence qui, à quelque degré que ce soit, entretient une relation stable et récurrente avec un élément du réel, nécessite un apprentissage et une mémorisation, c’est-à-dire ne présente pas une signification intégralement accessible par une décomposition du signifiant » (p. 55). Pour comprendre cette définition, prenons l’explication de Cusin-Berche (1999) qui associe « unité lexicale » aux « mots » ; pas des mots isolés, mais des mots qui puisent leur sens au sein d’une phrase. « Conçue isolément, elle (unité lexicale) n’est pas pertinente : elle ne le devient que dans la phrase qui en fait surgir l’identité » (Cusin-Berche, 1999, p. 12). Les unités lexicales sont donc « les séquences que l’on considère habituellement comme relevant de la locution ou de l’expression figée » (Petit, 2000, p. 55). Les mots ou groupes de mots tels que « grâce à », « parce que », « par exemple », « pouffer », « faire l’innocent », « en un clin d’œil », entre autres sont tous des unités lexicales, car c’est leur présence dans une phrase qui crée leur sens ou apporte de la signification à la phrase.

À l’aune de ces définitions, nous pouvons dire que la compétence lexicale est liée aux connaissances et aux habiletés que possède l’individu concernant les mots d’une langue. Il s’agit de la capacité à reconnaitre les mots d’une langue et leur sens, et à utiliser efficacement ces connaissances à l’oral (en situation de communication) et à l’écrit. La définition de Grossmann (2012) met au point les explications précédentes :

[la compétence lexicale] se fonde sur le fait que le locuteur/récepteur est capable lorsqu’il rencontre une unité lexicale, de lui faire correspondre une représentation, sous la forme d’images mentales, de scénarios ou de scripts et

28 Si un élève rencontre le mot « emprisonner » dans un texte, en ayant des connaissances sur la famille des mots, il retrouvera le mot « prison », et en généralisant sa connaissance sur le fonctionnement des préfixes et des suffixes, il pourra découper le mot : em — (dans/entre), — er (verbe) et prison. Ainsi, il comprendra qu’il s’agit de l’acte de mettre quelqu’un en prison.

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de les intégrer dans le modèle mental en cours d’élaboration. La compétence lexicale s’enrichit par conséquent de l’expérience des sujets, et de l’affinement progressif des catégories appelées les mots (Grosmann, 2012, p. 3).

Holec (1994) précise que la compétence lexicale ne doit pas être définie uniquement sur le savoir, mais aussi en termes de savoir et de savoir-faire. « Ce que l’apprenant veut, doit acquérir, c’est la capacité de comprendre, oralement, et/ou à l’écrit, d’utiliser dans ses productions orales et/ou écrites, de traduire éventuellement, les mots qu’il va rencontrer où il aura à assumer des rôles discursifs » (Holec, 1994, p. 1). Selon David (2000), « les connaissances lexicales constituent l’une des composantes les plus importantes de l’acquisition du langage, sur tous les versants : en compréhension comme en production, à l’oral comme à l’écrit » (p. 31). Pour les élèves de FLE, il est donc important de recevoir un enseignement efficace du lexique afin de les aider, d’une part, à comprendre les textes qu’ils lisent, d’autre part, à développer leur compétence lexicale.

Un mot difficile ou inconnu dans une phrase peut parfois réduire la compréhension du lecteur. Pour Fayol (2000), « la connaissance du vocabulaire constitue l’une des sources les plus importantes de difficultés pour la compréhension en lecture » (p. 114). Mais parfois la méconnaissance d’un mot dans une phrase ou dans un paragraphe ne joue aucun rôle dans la compréhension du lecteur. Le lecteur peut comprendre le sens de la phrase grâce à l’utilisation du contexte et cela lui permettra d’avoir une idée du sens du mot inconnu (Giasson, 1990). De même, les élèves ont besoin d’un enseignement explicite du lexique afin de savoir comment améliorer leur compréhension du texte lorsque le vocabulaire les met au défi et lorsque le contexte n’est pas suffisant pour les aider à déchiffrer le sens du mot.

Giasson (1990, 2011) propose trois interventions pédagogiques qui peuvent faciliter l’acquisition du vocabulaire : 1) les lectures personnelles en classe ou en dehors de la classe; 2) l’enseignement des stratégies pour découvrir le sens de mots difficiles ou inconnus; 3) l’enseignement direct du vocabulaire. Premièrement, en ce qui concerne la lecture, selon Giasson (2011), « il existe une corrélation positive entre la fréquence des

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lectures et l’augmentation du vocabulaire » (p. 316). Le contact avec les livres permet à l’élève de découvrir et de connaitre de nouveaux mots. Cependant, cette méthode d’acquisition du lexique n’est pas sans défaut. Fayol (2000) souligne que nous ne pouvons pas attester la compétence lexicale des individus par rapport aux lectures personnelles. « La relation entre la quantité de lectures et la réussite scolaire n’est toutefois pas aussi systématique qu’on pourrait le penser : tous les “bons” élèves ne sont pas des lecteurs assidus, et certains élèves faibles lisent beaucoup » (Fayol, 2000, p. 124). Ainsi, la lecture mérite d’être accompagnée d’un enseignement stratégique afin de garantir un apprentissage à long terme.

La deuxième intervention pédagogique que propose Giasson consiste en un enseignement des stratégies de lecture afin d’aider les élèves à comprendre le sens de mots. Cette méthode s’avère essentielle pour consolider la lecture. Le but de l’enseignement des stratégies d’apprentissage du vocabulaire est de rendre les élèves plus autonomes et de les préparer à faire face à différentes situations de lecture où ils rencontreront des mots inconnus ou difficiles à comprendre (Giasson, 2011). Ces stratégies comportent essentiellement trois volets : 1) l’usage des indices du contexte pour connaitre le sens des mots; 2) l’analyse morphologique du mot (affixes et racines); 3) l’usage du dictionnaire ou d’autres ouvrages de référence (Giasson, 2011). Comme le disent bien Camenish et Petit (2014) « c’est tantôt le contexte, tantôt l’analyse morphologique, tantôt l’analyse sémantique qui contribuent à comprendre le sens d’un mot » (p. 9).

Dans cette même optique, Falardeau formule des stratégies liées au lexique dans la grille d’évaluation de la compétence à lire et à apprécier des textes variés.

1. Je me suis assuré de comprendre les mots difficiles (en analysant la composition du mot, le contexte de la phrase, en trouvant un terme équivalent, en utilisant le dictionnaire, etc.).

2. Je me suis assuré de comprendre les passages difficiles (en arrêtant ma lecture quand je ne comprenais pas pour analyser les groupes de mots,

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chercher les référents des pronoms, vérifier le sens des marqueurs de relation, revenir en arrière, résumer le contenu d’un paragraphe, etc.).

C’est le rôle de l’enseignant d’enseigner ces stratégies aux élèves d’une manière explicite afin que ces derniers puissent les utiliser pendant la lecture. En maitrisant ces stratégies, les élèves sont capables de comprendre et de déchiffrer le sens des mots dans un texte et, par la suite, cela peut améliorer leur compréhension du texte.

La troisième intervention pédagogique que propose Giasson est l’enseignement des mots nouveaux. Il s’agit d’une part, d’un enseignement direct où l’enseignant choisit quels mots qu’il juge pertinents d’enseigner à sa classe (Giasson, 2011). Les mots peuvent être des mots usuels que les élèves utilisent fréquemment dans des interactions, des mots qui font partie du domaine scolaire et des mots liés à un domaine particulier (science, géographie, informatique, etc.). D’autre part, on peut enseigner directement des mots choisis par les élèves eux-mêmes (Giasson, 2011). Cependant, il ne s’agit pas d’enseigner des listes de mots sans donner l’occasion aux élèves de s’en servir correctement en contexte. Giasson propose à l’enseignant de donner aux élèves « de nombreuses occasions de lier les mots nouveaux aux mots connus, d’en analyser la structure, d’en découvrir les différents sens et de les utiliser activement dans des situations authentiques » (Giasson, 2011, p. 329). Pour leur part, Camenish et Petit (2014) proposent l’apprentissage des mots nouveaux « en contextes disciplinaires » (p. 3). L’objectif est d’aider les élèves à comprendre les mots et les concepts des différentes disciplines scolaires comme les sciences, l’histoire, la géographie, entre autres. L’enseignement vise « à la fois l’acquisition d’un vocabulaire spécifique fortement lié à la compréhension des concepts et le développement de stratégies cognitives que les élèves peuvent, à terme, transférer à d’autres domaines et à d’autres mots » (Camenish et Petit, 2014, p. 3).

Par rapport à notre recherche, nous nous intéressons à l’enseignement du lexique lié à la lecture d’un texte littéraire. Nous pensons que les textes littéraires peuvent présenter des exemples de mots et d’expressions qui peuvent faire l’objet d’un enseignement spécifique

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du lexique. Serafini (2008) admet que « l’enseignement du vocabulaire en dehors du contexte de la lecture s’est révélé peu efficace » (p. 72). Selon l’auteur « pour que les lecteurs débutants enrichissent leur vocabulaire, nous devons les aider à prêter attention à la langue et à chercher la signification des mots qu’ils ne connaissent pas ou ne comprennent pas » (Serafini, 2008, p. 72). En bref, nous favorisons l’articulation de la lecture et de l’étude du lexique.