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Introduction de la seconde partie

1. Modes de recueil des données en sciences sociales

1.3. L’enquête par entretien

L’enquête par entretien apparaît comme un autre mode de recueil de données en sciences sociales. Comme le soulignent Quivy et Van Campenhoudt (2006 : 174) :

« Sous leurs différentes formes, les méthodes d’entretien se distinguent par la mise en œuvre de processus fondamentaux de communication et d’interaction humaine. Correctement mis en valeur, ces processus permettent au chercheur de retirer de ses entretiens des informations et des éléments de réflexion très riches et nuancés. A l’inverse de l’enquête par questionnaire, les méthodes d’entretien se caractérisent par un contact direct entre le chercheur et ses interlocuteurs et par une faible directivité de sa part ».

Mener un entretien permet de recueillir des informations qui nécessiteront d’être analysées, très souvent par le biais d’une analyse de contenu. Les entretiens permettent par ailleurs « un contact direct entre le chercheur et ses interlocuteurs » (Quivy et Van Campenhoudt, 2006 : 174).

Au sein des entretiens se trouvent les entretiens non-dirigés, semi-dirigés et dirigés, pour n’en citer que trois219. J’aborde ci-dessous les deux premiers.

1.3.1. L’entretien non-dirigé (ou non-directif)

Les entretiens non-dirigés (non-directifs ou libres) supposent une connaissance théorique solide pour faire face à l’analyse de données disparates. En effet, il est structurellement peu formaté. L’intérêt de ce type d’entretien est qu’il se déroule en apparence sous la forme d’une conversation spontanée entre l’enquêteur et l’enquêté.

173 Sans se baser sur une grille d’entretien, sur laquelle je reviendrai plus bas, « l’enquêteur ne dispose pas de questions préétablies […] mais bien d’une liste de points précis relatifs au thème étudié » (Quivy et Van Campenhoudt, 2006 : 174). Duchesne (2000 : 9) va plus loin encore :

« L’entretien dit « non directif » a ceci de caractéristique que l’enquêteur ne pose à la personne qu’il interroge qu’une seule question directe, « la consigne » ; le reste de ses interventions a seulement pour but d’encourager la personne interviewée à enrichir et approfondir sa réponse ».

Pour ce qui a trait aux particularités de ce type d’entretien, l’enquêteur rebondit comme il le souhaite sur le discours de l’enquêté. C’est clairement vers ce type d’entretien que je souhaitais me diriger parce qu’il supposait une plus grande liberté d’échanges. Or, par manque d’expérience, j’ai préféré expérimenter ce type d’entretien dans le cadre des premiers échanges avec les familles : les prises de contact, que je détaillerai plus loin dans ce chapitre. Toutefois, il n’est pas possible de caractériser ces prises de contact comme des entretiens strictement non-dirigés dans la mesure où plusieurs questions étaient posées et que l’objectif principal était de faire connaissance, d’instaurer une relation de confiance et de recueillir des données qui auraient très bien pu être recueillies par un autre biais. Je préfère donc, d’un point de vue terminologique, utiliser le terme d’entretien non dirigé informel pour le mode de recueil que j’ai sélectionné en premier lieu lors des prises de contact. Enregistrés, ils n’ont pas été retranscrits pour être analysés, mais des notes ont été prises pendant l’entretien et pendant ses multiples écoutes.

En outre, les entretiens libres, requièrent une plus grande expertise d’analyse. En effet, l’analyse d’un tel corpus peut s’avérer périlleux pour un jeune chercheur. J’ai longtemps hésité à m’aventurer sur cette voie pour mon premier travail de recherche. D’un point de vue subjectif et non méthodologique, même s’il était évident que ce type d’entretien correspondait davantage à ce que je souhaitais mettre en place pour recueillir des données, il m’a semblé trop hasardeux pour l’analyse.

174 Enfin, il faut savoir qu’au cours d’un entretien, poser une unique question qui requiert un certain développement de la part du participant est tout à fait possible. Or ce qui différencie l’entretien libre de l’entretien semi-dirigé est justement le nombre de questions qui sont posées au participant. Si l’enquêteur encourage ou bien encore demande des clarifications, cela relève du domaine de l’entretien semi-dirigé. Certains chercheurs soulignent la distanciation du chercheur dans le choix des entretiens non-dirigés (Duchesne, 2000). Par ailleurs, dans les entretiens non-non-dirigés, la difficulté de la formulation de la question de départ peut engendrer des difficultés dans le démarrage de l’entretien, comme l’a très bien montré Deprez (1999).

1.3.2. L’entretien semi-dirigé (semi-directif)

A mi-chemin entre les entretiens non-dirigés/non-directifs et les entretiens dirigés, se trouvent les entretiens semi-dirigés/semi-directifs, qui sont très souvent utilisés en sciences sociales afin de procéder au recueil de données. Voici comment Quivy et Van Campenhoudt définissent l’entretien semi-dirigé (2006 : 174) :

« Il est semi-directif en ce sens qu’il n’est ni entièrement ouvert, ni canalisé par un grand nombre de questions précises. Généralement, le chercheur dispose d’une série de questions-guides, relativement ouvertes, à propos desquelles il est impératif qu’il reçoive une information de la part de l’interviewé. Mais il ne posera pas forcément toutes les questions dans l’ordre où il les a notées et sous la formulation prévue. Autant que possible, il « laissera venir » l’interviewé afin que celui-ci puisse parler ouvertement […] Le chercheur s’efforcera simplement de recentrer l’entretien sur les objectifs chaque fois qu’il s’en écarte et de poser les questions auxquelles l’interviewé ne vient pas par lui-même, au moment le plus approprié et de manière aussi naturelle que possible ».

Les entretiens semi-dirigés associent donc liberté dans le déroulement de l’entretien (ordre des questions, formulation des questions) et objectifs précis (rendus possibles grâce à la présence d’une grille d’entretien sur laquelle figurent les questions essentielles pour le chercheur). Il s’agit donc à la fois d’un compromis entre le

175 questionnaire -très formaté et identique pour tous les participants- et l’entretien libre-sans doute trop hasardeux pour commencer.

C’est donc vers ce type d’entretien que je me suis orientée et qui constitue également le corpus. Le guide d’entretien a été élaboré en partie à travers les questions présentes dans le questionnaire qui avait été envisagé, elles-mêmes relatives aux questions de recherche. J’ai procédé à un entretien exploratoire avec un participant avant de mener la phase des entretiens par Skype avec les familles participantes. Il s’agissait d’un père de famille francophone220 ayant résidé aux Etats-Unis et qui parlait anglais à l’enfant. Les modalités de l’entretien étaient quelque peu différentes des entretiens que j’ai menés avec les 11 familles puisque j’ai en effet rencontré ce parent en personne. L’objectif de cet entretien était de connaître la durée approximative de l’entretien, de tester la pertinence du guide d’entretien, de me familiariser avec le type d’entretien semi-dirigé et enfin de recevoir un retour.

Après une première prise de contact par téléphone et après avoir évoqué les objectifs de la recherche et de l’entretien, j’ai recueilli l’accord verbal du participant et nous avons fixé une date de rencontre sur le campus de l’Université de Lorraine sur le site de Nancy.

Cet entretien a duré plus d’une heure et s’est déroulé dans une salle de cours. Les données biographiques nécessaires à une meilleure analyse des données m’a permis de dresser un profil de la famille avant même l’entretien semi-dirigé. Mon manque de connaissances théoriques et pratiques concernant les modalités d’un entretien semi-dirigé a rendu cet entretien assez inconfortable pour le jeune chercheur que je suis. En effet, je ne parvenais pas à me détacher du guide d’entretien que je suivais à la lettre et dans l’ordre, ce qui s’apparentait donc davantage à un entretien dirigé (un questionnaire que l’on finit par lire oralement pour recueillir les données). Certaines questions demeuraient ambiguës ou orientées (biaisées), j’ai donc retravaillé leur formulation par la suite. Cet entretien a été enregistré mais n’a pas été transcrit puisque le but premier n’était pas de procéder à son analyse.

176 Ce n’est qu’au cours d’un retour sur les aspects théoriques d’un entretien semi-dirigé que j’ai pris conscience que l’ordre des questions posées n’avait pas à être scrupuleusement respecté. J’ai donc procédé à un nouvel entretien avec une participante après avoir retravaillé les questions ouvertes et leur ordre.