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Introduction de la première partie

CHAPITRE 1 : DES LANGUES EN FAMILLE AUX POLITIQUES LINGUISTIQUES FAMILIALES (PLF) POLITIQUES LINGUISTIQUES FAMILIALES (PLF)

1. Le bilinguisme en famille

2.3. Champ d’étude

Avant tout, les PLF portent à la fois sur l’utilisation des langues avec l’enfant en famille (les stratégies déployées et leurs pratiques en résultant) et sur les représentations des parents envers les langues (et donc leur rôle dans la prise de décision). King et al. (2008 : 907) l’expliquent ainsi :

« La PLF est une aire de recherche importante parce qu’elle dresse le cadre pour les interactions entre l’enfant et la personne qui le garde, et à la fin, le développement du langage chez l’enfant [...] tout en fournissant un point de vue sur les représentations des parents sur les langues, reflétant par là-même des attitudes et représentations sociétales au sujet des langues et du rôle de parent25 ».

En tant que champ d’étude, la PLF regroupe les travaux menés dans le champ de la politique linguistique et dans le domaine de l’acquisition des langues chez l’enfant. Dans le premier domaine, les recherches s’intéressent notamment aux représentations à l’origine d’une décision sur les langues et aux pratiques qui en découlent (Spolsky, 2004). Dans ce cas, il s’agit, la plupart du temps, de traiter de la PL dans les domaines étatiques ou institutionnels. Dans le second domaine, les études se portent sur la façon dont un enfant acquiert une ou plusieurs langues. L’étude des PLF recoupe donc ces deux perspectives dans le but de mieux comprendre comment et pourquoi plusieurs langues sont utilisées en famille,

25 « Family language policy is an important area of investigation as it sets the frame for child-caretaker interactions, and, ultimately, child language development […], while also providing a window into parental language ideologies, thus reflecting broader societal attitudes and ideologies about both language(s) and parenting » (King et al., 2008: 907). (Ma traduction).

51 quelles sont les stratégies utilisées pour que l’enfant devienne bi-/plurilingue et quel est l’impact de ces stratégies sur les interactions langagières en famille.

Schwartz (2010) définit les PLF comme un champ de recherche qui inclut une perspective sociolinguistique et socio-psychologique sur des facteurs internes à la famille, tout en s’intéressant à l’idéologie linguistique de la famille. Une définition plus claire est fournie par Slavkov (2017 : 380) : il s’agit de « révéler, décrire et parfaire les fondements théoriques des règles, pratiques et idéologies implicites et explicites de la famille concernant qui parle quelle langue à qui au sein du foyer »26. Il s’agit donc d’aller au-delà d’une description des pratiques langagières à travers les stratégies sélectionnées par les parents en famille. Il s’agit en effet de comprendre quels sont les facteurs, ou quelles sont les « forces » pour reprendre les termes de Spolsky (2004), qui influencent ces pratiques.

La plupart des données analysées proviennent de familles bilingues ou plurilingues dans lesquelles l’une des langues de la famille est la langue première/native de l’un des parents. Peu de recherches se sont intéressées aux familles plurilingues ou bilingues ayant choisi d’introduire une autre langue à l’enfant, cette langue n’étant ni la langue première des parents, ni la langue de l’environnement. C’est ce contexte très restreint qui fournit la toile de fond de ma recherche doctorale en termes de PLF à la suite des travaux scientifiques menés dans ce domaine.

Par exemple, Curdt-Christiansen (2013 : 277) résume l’intérêt des recherches menées dans le champ des PLF. Ce champ d’étude retient généralement l’attention des recherches lorsqu’il s’agit de comprendre pourquoi certaines langues sont maintenues en famille alors que d’autres ne le sont pas. Ou bien encore lorsqu’il s’avère important de comprendre pourquoi certains enfants deviennent bilingues dans une société monolingue alors que d’autres demeurent monolingues dans une société multilingue. C’est ici en partie l’intérêt que revêt cette recherche

26 « uncovering, describing and honing the theoretical underpinnings of explicit and implicit family rules, practices and ideologies about who speaks what language to whom in a household » (Slavkov, 2017 : 380). (Ma traduction).

52 doctorale. Non seulement des enfants deviennent bilingues ou sont des bilingues émergents dans une société idéologiquement monolingue, mais en plus, la langue additionnelle dans laquelle ces enfants deviennent bilingues n’est pas la langue première des parents. Il est question de transmission d’une langue additionnelle faisant partie du répertoire plurilingue des parents.

En outre, il se trouve que cette langue additionnelle que les parents choisissent n’est pas n’importe quelle langue : il s’agit de l’anglais, la langue de la mondialisation et la langue la plus parlée dans le monde aujourd’hui comme langue seconde. Je reviendrai sur ce point dans le chapitre 2. L’importance de l’anglais est soulignée par Curdt-Christiansen (2013 : 280) dans le contexte de Singapour27 et l’on peut appliquer cette constatation au contexte français : « l’anglais a […] pénétré les domaines privés en raison de sa valeur économique et communicationnelle plus vaste à la fois sur le marché intérieur et mondial28 » (2013 : 280).

Enfin, pour ce qui a trait au terme de PLF, la distinction n’est pas toujours claire dans la littérature scientifique. C’est ce que notent Palviainen et Boyd (2013), qui distinguent la PLF et la stratégie de communication en expliquant que les stratégies font partie des PLF mais ne sont pas réduites à, ou synonymes de, la PLF. Cette clarification est importante dans la mesure où la PLF englobe d’autres réalités que simplement les stratégies de communication. Il s’agit d’un spectre dans lequel se retrouvent les pratiques de communication, la gestion des langues et les idéologies parentales telles que décrites par Spolsky (2004) dans le modèle qu’il établit (voir 2.5.)

Pour ma part, j’utiliserai le terme de PLF pour faire référence à la prise de décision et à la ligne de conduite adoptée par les parents. Les stratégies de communication ou stratégies langagières telles que la stratégie une personne-une langue ou one person-one language (que je nommerai OPOL et présenterai plus tard dans ce chapitre), font partie de cette recherche sur les PLF mais ne sont nullement

27 Curdt-Christiansen a étudié les PLF dans 3 familles anglo-chinoises résidant à Singapour.

28 « English has […] penetrated private domains because of its wider communication and economic value both in the global and the domestic market » (Curdt-Christiansen, 2013 : 280). (Ma traduction).

53 synonymes des PLF. Elles indiquent comment les décisions prises sur les langues sont mises en application.

Maintenant que j’ai procédé à quelques éclaircissements terminologiques, voyons à quoi font plus précisément référence les PLF.