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De l’enjeu d’une bonne accessibilité en transport collectif dans le périurbain

Desservir le périurbain aujourd’hu

2.1 Coût de l’étalement et enjeux de desserte du périurbain

2.1.3 De l’enjeu d’une bonne accessibilité en transport collectif dans le périurbain

L’objectif des transports publics est de créer des liens entre des individus et entre des individus et des ressources. Ils sont le garant de l’accessibilité aux aménités urbaines pour les citoyens non motorisés et une assurance-ville pour les citoyens motorisés. Face aux enjeuxfinanciers de la rationalisation des réseaux, il apparait important de rappeler les enjeux d’une bonne accessibilité par les transports publics pour tous.

L’accessibilité comme réponse à la déconnexion entre lieux de rési- dence et lieux d’activité

Les dynamiques de périurbanisation — et leurs conséquences socio-spatiales, mises en évidence dans le chapitre I — induisent une déconnexion entre les lieux d’habitat et de travail, ce qui produit des inégalités de répartition des ressources urbaines. Cette déconnexion ferait office de barrière géographique et pourrait avoir une influence sur le niveau de vie ou l’employabilité des habi- tants. Ainsi, dès 1970 aux États-Unis, Meyer et Kain attiraient l’attention sur le possible lien entre un système de transport inadapté et la pauvreté (Kain, 1968; Kain et Meyer, 1970). Les théories du spatial mismatch vont alors mettre en relation les difficultés de certains territoires avec, sans forcément le citer ex- plicitement, un déficit d’accessibilité. Wilson (1987) pointe le problème de la dépendance automobile, des coûts supplémentaires (en temps et en argent) et de la difficulté des trajets domicile-travail longs. Margareth Pugh (1998) isole quatre facteurs dont dépend l’intensité du spatial mismatch : la taille de l’ag- glomération, la ségrégation, l’éclatement du marché du travail et l’efficacité du réseau de transports en commun.

L’accessibilité apparaît comme un composant de la justice sociale. Selon Farrington (2007), l’accessibilité est une pré-condition à l’intégration sociale,

qui est elle-même une pré-condition à la justice sociale. La mesure de l’acces- sibilité aux ressources urbaines est ainsi souvent utilisée comme un indicateur de performance territoriale (Cervero et al., 1995; Levinson, 1998; Wachs et Kumagai, 1973). L’étude des inégalités d’accessibilité des territoires urbains et périurbains permettrait alors de comprendre leur degré d’intégration métro- politaine.

Accéder, une compétence socio-culturelle ?

La notion d’accessibilité renvoie à celle d’univers des possibles, c’est-à-dire qu’elle définit une mobilité potentielle, qu’elle donne une indication sur l’en- semble des destinations que l’on peut atteindre, moyennant un investissement donné : monétaire, temporel, mais aussi corporel, cognitif et culturel (Beaucire, 2005, 2011). L’accessibilité n’est donc pas qu’une notion spatiale, elle dépend aussi des caractéristiques socio-culturelles des individus. Les travaux récents de Fol et Gallez (2012) soulignent le caractère multidimensionnel et la diversité des usages de cette notion pour aborder la question des inégalités d’accès à la ville.

Si l’accessibilité physique est un point important, les effets de la distance temporelle ou spatiale semblent renforcés par le différentiel de niveau d’étude ou de qualification : on parle alors de skill mismatch. La transformation de l’économie créerait un écart croissant entre les compétences requises pour tra- vailler dans les nouveaux secteurs de l’économie et les compétences acquises par les habitants des quartiers désavantagés (Kasarda et Ting, 1996). Il convient donc d’éviter les confusions entre accessibilité physique et mobilité : avoir accès spatialement à un potentiel important de ressources ne signifie pas que l’on a la capacité ou le besoin de les utiliser. Les travaux sur la motilité (Kaufmann, 2005) montrent que le passage du potentiel au déplacement dépend de la ma- nière dont l’individu ou le groupe « fait sien le champ du possible de mobilité et en fait usage » pour développer des projets. C’est pourquoi l’écart peut être important entre l’accessibilité théorique et la connaissance des ressources aux- quelles on a accès, ce qui met en évidence le rôle des réseaux sociaux et du capital culturel.

Ainsi, les groupes dominants profitent de réseaux sociaux qui ne sont pas basés sur la proximité spatiale et disposent de grilles de lectures de l’espace fa- cilement transposables dans différents lieux, ce qui leur confère une faculté plus grande à se déplacer (Rémy et Voyé, 1992; Fol, 2010). À l’inverse, les groupes moins favorisés ont des relations sociales davantage basées sur la proximité, sur le quartier(Coutard et al., 2002; Bacqué et Fol, 2007) et par conséquent dé-

connectées et isolées des centres de développement économique (Wilson, 1987, 1997). En Île-de-France, cette faiblesse des réseaux sociaux aurait un impact tout aussi important que la déconnexion physique et la ségrégation sur les difficultés d’accès aux ressources urbaines (Gobillon et Selod, 2007).

L’accessibilité par les transports collectifs, un enjeu social

La combinaison d’effets spatiaux et sociaux ont des conséquences fortes en termes d’accessibilité et d’accès à l’emploi. Wenglenski et Orfeuil (2004)8

montrent que « l’accessibilité au marché de l’emploi d’Île-de-France (définie comme la part de l’emploi de la catégorie accessible en un temps donné) est plus faible pour les ouvriers que pour les cadres ». Cela s’explique à la fois par la moins grande concentration de l’emploi ouvrier (enjeu spatial) et par un accès plus faible à l’automobile dans cette catégorie socioprofessionnelle et donc une plus forte dépendance aux transports collectifs (enjeu social). La question de l’efficacité du réseau de transport public alors est primordiale : ce n’est pas tant la distance entre l’habitat et l’emploi qui pose problème mais l’absence de moyens efficaces pour parcourir ces distances (Wilson, 1987; Pugh, 1998) ou le coût du trajet (Brueckner et Zenou, 2003; Coulson et al., 2001). L’analyse des déterminants sociaux de l’accessibilité à l’emploi — et donc du lien entre ségrégation résidentielle et faible accessibilité aux ressources urbaines — a fait l’objet de nombreux travaux, autant pour la région parisienne (Duguet et al., 2009; Korsu et Wenglenski, 2010) que pour les grandes villes françaises ou européennes (Gaschet et Gaussier, 2004; Dujardin et al., 2008).

D’autres travaux ajoutent à ces dimensions la prise en compte de la com- pétition sur le marché du travail : même si un travailleur jouit d’une bonne accessibilité physique, est mobile et possède une qualification recherchée sur le marché du travail, son accessibilité réelle aux emplois peut être limitée si sa localisation géographique par rapport aux emplois le met en compétition avec un très grand nombre d’autres travailleurs possédant les mêmes caracté- ristiques (Bunel et Tovar, 2012). L’accessibilité serait alors un meilleur rempart contre le chômage dans les franges urbaines et les espaces ruraux que dans les grands centres urbains (Détang-Dessendre et Gaigné, 2009) ; se pose alors la question de permettre cette bonne accessibilité aux habitants des périphéries qui n’ont pas accès à l’automobilité. Dans cette optique, de récents travaux ont mis en évidence l’intérêt de la création de lignes de transports collectifs de rocade autour des grandes agglomérations (en l’occurrence l’agglomération parisienne). Pour les habitants de grande couronne, les lignes de rocade offrent

une accessibilité complémentaire, davantage que concurrentielle, à l’automobile (Drevelle et al., 2010, 2011). En proche périphérie, ces lignes permettent de réduire fortement les inégalités d’accessibilité entre les territoires (Beaucire et Drevelle, 2013) ainsi qu’entre les catégories socio-professionnelles (Desjardins et Drevelle, 2013, 2014).

L’articulation entre réseaux de transports collectifs et territoires, garante de l’accessibilité pour tous, constitue une « assurance-ville » pour les ménages non motorisés, mais aussi pour les ménages motorisés qui peuvent être ame- nés à perdre — momentanément ou non — l’usage de leur véhicule (panne, accident de la vie. . .). Cette accessibilité par les transports collectifs est cepen- dant complexe à mettre en place en périphérie des agglomérations. En effet, à la complexité matérielle etfinancière de desserte d’espaces de faible densité, s’ajoute une complexité institutionnelle liée à la multiplicité des périmètres administratifs d’organisation des transports.

2.2 La desserte des espaces peu denses confron-

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