• Aucun résultat trouvé

3.3. D ISPOSITIF EXPÉRIMENTAL

4.2.2. Situer son propos par rapport aux autres : enchainements interdiscursifs

4.2.2.1. L’enchainement par l’acte d’accord

En effet, l‟expression de l‟accord vise à accroitre la crédibilité d‟une intervention précédente, dans une logique de soutien, d‟appui (Apothéloz &

49

(Kerbrat-Orecchioni, (2005 : 98) suppose la présence d‟au moins « deux négociateurs », «

d‗un objet à négocier » et d‗« un état initial de désaccord ou du moins de non-accord entre les interactants »

Miéville, 1989) dans la mesure où « sans partage de normes, d‗interprétation

et de valeurs, on risquerait fort de ne pas pouvoir ajuster l‗interaction »

(Cicurel, 2011 :18). C‟est un acte réactif qui réagit à un acte initiatif et forme avec lui un « échange ».

Dans cette analytique, aussi, les actes de l‟accord sont classés en trois types distingués par Pemarantz (1984 : 65) et cité par Jin-Moo KIM (2001) dans sa thèse doctorale : l‘accord renforcé, l‘accord simple et l‘accord baissé ou affaibli. L‟accord renforcé correspond à un accord total de ce que le locuteur précédent a dit en le renforçant par des termes ou une formulation plus forte que dans l‟opinion précédente proposée. L‟accord simple exprime une répétition partielle ou intégrale d‟un énoncé exprimé par précédemment par certaines locutions : exactement,

oui ; vous avez raison je partage l‘avis de..., etc. ». Il peut se retrouver dans le

contexte de désaccord : « accord + désaccord » (Pomerantz (1984 : 68). Le troisième, dit baissé, renvoie à une confirmation faible de l‟opinion de son interlocuteur (exemple les paralinguistiques et non verbaux de l‟accord, tels que les gestes, postures et mimiques des participants) ou les marqueurs d‟hésitation « bien ; euh ». Ces actes d‟accord ont fait l‟objet d‟enseignement explicite dans les ateliers formatifs de la séquence présentée dans cette thèse.

L‟analyse prend en considération les deux premiers, « l‗accord renforcé » et « l‟accord simple ». L‟accord « baissé » ne pourra être examiné vu que nous n‟avons pas transcrit ce qui relève de la paralinguistique et du non verbal.

 L’expression de l’accord dans le premier débat

Dans le premier débat, les actes de l‟accord sont identifiés dans (08) TP et sont exprimés, généralement, par une forme simple (je suis d‗accord), ou par une répétition totale des paroles du locuteur précédent. Voici des exemples

187

TP9 : E : donc vous êtes tous d’accord sur « la formation »

TP31 : A13: D‗après le point de vue de ma camarade, je trouve que la seule raison qui

poussent les étudiants de quitter leur pays c‗est le manque de formation et les outils

TP55 : A12: je suis d‗accord avec le numéro 14 on peut revenir et développer leurs

pays et pour le développement personnel

TP68 : A12 : comme il a dit le numéro 10 on a des médecins et des ingénieurs qui ont

fait leurs études en Algérie

Les débatteurs étaient d‟accord sur le fait qu‟il y a manque de formation. Ainsi, l‟intervention de A13 dans le TP31, marque son adhésion aux propos de sa camarade précédente, par un marqueur explicite « d‘après le point de vue de

ma camarade ». L‟acte de l‟accord de l‟apprenante A12 est exprimé par le

marqueur d‟adhésion « je suis d‗accord avec le n°14 » et aussi dans son TP68 par « comme il a dit le numéro10», suivi d‟une reprise.

Ces accords apparaissent le plus souvent en début de tour, en réaction immédiate à une affirmation du tour précédent suite aux orientations de l‟enseignant. Ils sont des réactions sous forme de commentaires et de réponses courtes. L‟analyse enregistre, aussi, cinq (05) actes d‟accord renforcés, dont la fonction est le développement et l‟enrichissement des propos précédents par l‟ajout de nouveaux termes :

TP15 : A13: oui je suis totalement d’accord avec mes camarades, que le manque de

formation joue un très grand rôle dans la fuite des étudiants mais aussi on des étudiants qu‗on en pas valorisé à leurs pays c.-à-d. on ne donne pas des moyens et outils pour pratiquer leur connaissances

TP25 : A12 : je complète le point de vue de ma camarade n° 21, ce que je voulais

dire il n y a pas des outils pour améliorer son travail etc., par exemple si pour faire des recherche il n‗ y a pas d‗internet si tu demandes à l‗administration, ils ont dit la carte d‗étudiant et on l‗a pas si tu vas pour faire des recherches, il n y a plus d‗Internet donc j‗attends le Week-end pour aller à la maison et fait ce que je veux

TP35 : A7: donc je suis totalement d’accord avec les amis qui disent que les étudiants

quittent leur pays pourquoi, pour plein de causes 1èrement c la cause principale c‗est le manque de formation ici en Algérie il n y a pas une bonne carrière de profession, c‗est pour ça leur (E : leur formation), non, c‗est pour ça les étudiants quittent leur pays à l‗étranger donc (E : donc vous avez résumé)donc pourquoi pas les étudiants algériens part pas à l‗étranger et faire une formation pour revenir à leur pays

TP 91 : A22 oui je suis d‗accord avec lui. Je prends l‗exemple d‗un hôpital

français je suis allé et j‗ai trouvé la liste des chirurgiens 90% c‗est des algériens ou des maghrébins, bien-sûr, c‗est-à-dire qu‗on a des cerveaux qui exercent là-bas on peut les rapatrier c‗est avec l‗aide de ces personnes-là qui ont acquis du savoir là-bas qu‗on peut développer notre université, notre savoir et notre niveau d‗université/// E : très bien

TP96 : A8 : je suis d‗accord avec mon camarade 22 qui vient parler qui vient de

parler sur les médecins ils n‘ont pas l‗opportunité de revenir parce que tout simplement, ils ne sont pas valorisés en Algérie qu‗en France, En France ils ont un salaire mieux des conditions de vie mieux pas mal de choses par rapport en Algérie. En Algérie ils ne sont pas valorisé déjà des fois, on peut envisager un infirmier dit à un médecin-coiffeur c‗est déjà assez grave donc je pense que c‗est ça qui ont pas l‗opportunité pour revenir ils préfèrent rester là-bas pour avoir pour être valorisés tout simplement

Les actes correspondent à des actes d‟accord renforcés mais à partir des répétitions des paroles du locuteur précédent comme « je suis d‗accord

avec le numéro 14 on peut revenir et développer leurs pays et pour le développement personnel », ou encore, exprimés par des reprises diaphoniques telles que comme a dit / ce que je veux dire quand..., qui disent, etc.

Pour conclure, ce sont les confirmations avec les marques d'accord qui prédominent. On peut regretter, dans ce débat, la part très importante d‟éléments partagés (d‟accord) sans développement : les accords ne sont pas argumentés et, par conséquent, on peut s‟interroger sur leur contribution à la dynamique interactionnelle et coopérative du débat.

La réponse à cette interrogation pourrait apparaitre dans l‟analyse du débat 2.

L’expression de l’accord dans le deuxième débat

Les apprenants, qui ont participé à la formation, ont appris que l‟accord n‟est alors plus une fin en soi, mais « une condition locale au déroulement et la

progression de l‘interaction» (Moeschler 1985 : 170 - 171). Ils ont développé

leur capacité à exprimer leur accord dans l‟interaction, en utilisant différents énoncés tels que : je suis tout à fait d‗accord avec... ; j‗approuve ce que mes

camarades viennent de dire ; je suis du même avis ; je suis d‗accord sur le fait que ; etc. ». Dans le second débat, 19 actes d‟accord explicites sont

189 relevés. Voici quelques exemples :

TP2 A 9 « demande la parole » : d’après moi je suis avec l‗émigration des

étudiants euh, car c‗est une bonne idée euh, euh, c‗est une bonne idée, euh, première chose, pour approfondir leur formation et même avoir un diplôme universellement

TP 3 : E : un diplôme reconnu universellement, oui ; TP4 : A 9 et même d‗avoir une carrière professionnelle

TP 5 : A3 je suis d’accord avec le numéro n°9, qui dit que les étudiants

quittent l‗Algérie car, il y a un manque de formation je veux lui dire que la formation ne permet pas d‗avoir une insertion professionnelle et ne permet pas de produire

TP 8 : A12 je suis tout à fait d’accord avec l‗opinion de ma camarade n°14 TP 10 : A17 je suis tout à fait d’accord avec toute mes camarades, mais, je

trouve qu‗il y a des (des) autres causes pour que les étudiants quittent leur patrie d‗autres raisons

TP35 : A20 : A mon avis je suis avec les étudiants qui quittent leur pays vers

l‗occident parce que l‗enseignement en France et supérieur et de grande qualité avec un frai d‗inscription réduit.

Dans le TP2, un argument est avancé par A9. Dès le départ, A3 manifeste son accord et valide par un marqueur d‟accord verbal du type « je

suis d‗accord avec A9 » : un réel accord. L‟argument de A9 est aussi

développé ou suivi d‟un autre argument produit par A3 (je veux lui dire que

la formation ne permet pas d‗avoir une insertion professionnelle et ne permet pas de produire). Ce deuxième argument est plus important que le premier.

TP2 : A9 : « demande la parole » : d‗après moi je suis avec l‘émigration des

étudiants euh, car c’est une bonne idée euh, euh, c’est une bonne idée, euh, première chose, pour approfondir leur formation et même avoir un diplôme universellement

TP3 : E : un diplôme reconnu universellement, oui ; TP4 : A9 : et même d‗avoir une carrière professionnelle

TP5 : A3 : je suis d’accord avec le numéro n°9, qui dit que les étudiants

quittent l‗Algérie car, il y a un manque de formation je veux lui dire que la formation ne permet pas d‘avoir une insertion professionnelle et ne permet pas de produire.

L‟argumentation développé par l‟apprenant A9, permet à l‟apprenant A3 d‟en percevoir la pertinence (admission de sa pertinence ou de sa valeur de vérité (Moeschler & Spengler 1981 : 101)50, de l‟accepter en la complétant ou en ajoutant des justifications. Cela a augmenté le « degré d‗interactivité » (Kerbrat- Orecchioni, 1990). Ils ont abouti à une représentation partagée, à ce que J. P. Bernié (2001) a appelé la construction de « l‗espace discursif » : il s‟agit d‟une construction dynamique des interlocuteurs. (Dejean, 2004 :179) parle de « propositions co-construits51 ».

Un autre exemple : le TP10 de l‟apprenante A17. Si on ôte les TP de l‟enseignant, quatre tours étaient suffisants pour parvenir à un accord total : « : je suis tout à fait d’accord avec toutes mes camarades » (A17). Aussitôt qu‟elle amorce son intervention par un accord total et explicite pour signaler qu'elle a entendu et compris les arguments des interlocuteurs, elle s'apprête à introduire le sien par un « mais ». Ainsi, elle élargit le débat en proposant à la recherche des sous-thèmes : « mais, je trouve qu‗il y a des (des) autres causes

pour que les étudiants quittent leur patrie ».

Contrairement au premier débat, l‟accord se présente le plus souvent à l‟intérieur d‟une paire adjacente constituée d‟interventions des proposants et des validants. Il est souvent produit dans la prise en compte du contenu non seulement du tour de parole du débatteur précédent mais, du contenu des tours antérieurs éloignés, ce qui montre effectivement un développement dans l‟enchainement interactionnel et discursif.

En effet, par la formule initiale « moi je suis tout à fait d‗accord avec ... », les apprenants assurent à la fois un enchaînement formel avec le locuteur précédent et indiquent l‟orientation argumentative du tour de parole en tant que production d‟un nouvel argument. Bref, l‟accord se construit dans l‟échange.

50

MOESCHLER, Jacques & Nina DE SPENGLER (1981), « Quand même : de la concession à la

réfutation », Cahiers de linguistique française , N° 2, pp. 93-112. 51

Pour l‟auteur, « on considère qu‟une proposition est co-construite lorsqu‟un nouveau contenu propositionnel, ou un nouveau segment, est construit à partir des interventions des deux partenaires, chacun contribuant pour une part à cette mise au point.

191