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Chapitre premier : Le choix épistémologique de la violence sans la justice

A. L’enchaînement fatal de la norme à la violence aveugle

1) Une permissivité trompeuse

Une norme peut contenir des commandements impérieux. Dans ce cas, le destinataire « doit » agir d’une certaine manière685. Mais elle peut aussi comprendre des permissions : le sujet « a le droit » d’adopter librement telle conduite prescrite686. Or, Kelsen insiste beaucoup plus sur le commandement du droit objectif. La permission accordée à un sujet par le droit objectif impose dans le même mouvement un commandement de respect pour un autre sujet à l’égard de la situation créée normativement en faveur du premier687.

Pour Kelsen, la permission est par ailleurs un principe général en cas de défaut de prescription positive. Tout ce qui n’est pas interdit par le droit, c’est-à-dire par la loi, est permis688. Le permissif serait donc, avant tout, ce qui caractérise le non-droit689. Une disposition qui prévoit une simple permission est donc redondante avec le principe général libéral que le professeur autrichien pose. C’est pourquoi Kelsen précise que toute disposition dépourvue d’acte de contrainte n’est qu’une obligatio naturalis ne constituant pas une norme juridique et « il ne peut en résulter aucune obligation juridique »690. Dans la Théorie pure du droit, le droit se doit, par conséquent, d’être fondamentalement constitué d’obligations contraignantes ou d’interdits691. Cette logique explique pourquoi Kelsen désigne son principe d’imputation, caractérisant une norme juridique, avec l’expression « doit être »

685 Kelsen (1999), 13.

686 Ibid., 13. Cf. Kelsen (1953), 20, 72.

687 Kelsen (1999), 13 : « Une "norme" est la signification d’un acte par lequel une conduite est ou prescrite ou permise et en particulier habilitée ».

688 Kelsen (1953), 89-70.

689 Or, comme le constate Groulier (2006), 97 : « (L)a permissivité normative ne saurait s’identifier au non-droit. (…) L’indifférence de la norme permissive trouve donc une (…) limite : son auteur ne consent qu’une liberté balisée ».

690 Ibid., 70.

691 Kelsen (1953), 69 : « Il n’y a d’obligation juridique de se conduire d’une manière déterminée que dans le cas où une norme juridique statue un acte de contrainte pour sanctionner la conduite contraire ». Et cela vaut pour les actes illicites au regard de normes qui « prescrivent » (i.e. qui commandent) aussi bien que pour celles qui « permettent ». Kelsen (1953), 65.

(Soll sein), qui renvoie au commandement, plutôt que toute autre expression de type potestative692.

2) Les droits subjectifs relégués au rang de contingences

La permission que peut contenir une norme porte sur des droits subjectifs, parmi lesquels figurent les droits fondamentaux de la personne humaine693, lesquels ne sont que consentis à leurs destinataires de manière discrétionnaire par chaque ordre juridique. Pour le professeur autrichien :

« (L)’établissement de droits subjectifs n’est pas une fonction essentielle du droit objectif.

On peut même imaginer un ordre juridique qui n’en établirait pas. Mais aucun ne pourrait s’abstenir de déterminer des obligations et des responsabilités juridiques (…) »694. La notion de droits inhérents est donc rejetée par la Théorie pure du droit.695 Les droits subjectifs sont principalement des droits d’action ou de plainte en justice par lesquels la personne, qui s’estime lésée, manifeste une volonté et participe à la création de normes dérivées de décisions prises par les juridictions696. Le droit objectif, celui de l’ordre normatif, absorbe le droit subjectif. La loi fixe les limites à l’expression de la libre détermination ou au libre cours de la volonté des sujets dans une société. Kelsen l’affirme de la manière la plus nette possible : « La Théorie pure du droit met au premier plan la notion d’obligation juridique »697. Laquelle obligation « n’est que la norme juridique elle-même considérée au point de vue de la conduite qu’elle prescrit à un individu déterminé »698.

692 Mettre en avant le principe potestatif risquerait de montrer que le droit est finaliste et que la norme de droit n’a de sens que dans ce cadre. Lire Governatori, Rotolo, Sartor (2005), §2.3 : « An essential component of legal concepts, though this has been denied by some legal philosophers, and more notably by Hans Kelsen, is their teleological dimension : normative propositions.

Normative propositions are made legally binding (and are recognised as such) since their adoption and practice advance certain goals. These goals may consist in either: a collective one (collective health), and individual one (the health of any individual) ».

693 Groulier (2006), 55 : « Le domaine des libertés publiques, qui se caractérise par le contenu permissif de ses prescriptions – des droits, des libertés, des autorisations, des permissions… – se présente a priori comme une terre d’élection des normes permissives ».

694 Kelsen (1953), 101-102.

695 Herrera (2004), 34 : « Le droit subjectif est ainsi réduit (…) à une simple technique, spécifique du droit moderne, mais contingente ».

696 Kaczmarek (2012), 268 : « Les seuls droits subjectifs reconnus par Kelsen (droit de plainte, droit d’action) s’analysent comme des moyens de participer à la formation du droit objectif en obtenant une norme individuelle. Il s’ensuit une réduction du droit subjectif au droit objectif (…) ».

697 Kelsen (1953), 101.

698 Ibid., 101.

3) La prescription, la contrainte et la violence

La propension de la théorie normativiste à se construire autour des commandements compris dans les normes supérieures amène à considérer que toute conduite qui ne répond pas à ceux-ci constitue un « acte illicite ». Or, il faut partir de l’idée qu’il y a « une obligation juridique de s’abstenir de tout acte illicite »699. Et tout acte illicite doit être sanctionné : « Un acte juridique n’a le sens objectif de prescrire une conduite déterminée que si une sanction doit être exécutée (…) »700. La norme juridique n’est complète que lorsqu’elle comprend l’acte de contrainte701. On ne peut concevoir une obligation juridique sans des sanctions qui vont inévitablement avec. Le droit est d’ailleurs défini comme un « ordre de contrainte »702. Le droit en tant que

« technique sociale » doit se différencier des autres ordres sociaux par l’usage de la force à l’encontre de certains sujets, sans quoi la science du droit

« faillirait (…) à sa tâche primordiale »703. Par contrainte, l’auteur entend toute astreinte matérielle qui comprend l’usage de la violence. L’auteur précise que

« (d)ans une règle de droit la conséquence imputée à la condition est un acte de contrainte consistant dans le retrait, forcée s’il le faut, de biens tels que la vie, la liberté ou quelque valeur d’ordre économique ou autre »704.

4) Lanorme fondamentale exigeant la contrainte

Kelsen déduit l’ensemble des quelques considérations que nous venons de synthétiser d’une « norme fondamentale » propre à un ordre juridique étatique qu’il tire d’une « hypothèse ». Cette norme qui détermine l’ensemble du raisonnement prévoirait que « si une condition déterminée conformément à la première constitution se réalise, un acte de contrainte déterminé de la même manière doit être exécuté »705. Cette nature violente du juridique, que l’auteur dit tirer également de l’analyse comparative et historique entre différents

699 Ibid., 75.

700 Ibid., 76. L’auteur reconnait que le législateur peut parfois « omettre » d’accompagner une interdiction, posée par lui, par une sanction expresse. Il s’agit alors d’une norme non juridique.

L’usage par l’auteur du terme d’ « omission » renvoie à l’idée d’un acte manqué.Ibid., 72.

701 Baume (2003), 43 : « Pour Hans Kelsen, la contrainte est l’incarnation du devoir-être, elle se réfère à la réalisation de la norme, à son exécution, ce qui justifie une identité entre l’Etat et le droit (…) ».

A ce propos, Kelsen estime dansLa doctrine du droit naturel et le positivisme juridique que l’« (o)n doit compter avec la possibilité que les hommes agissent autrement que les normes de droit positif le prescrivent. C’est précisément pour cette raison que la contrainte est un élément indispensable du droit positif ». Kelsen (1997), 439.

702 Kelsen (1953), 61.

703 Ibid., 71.

704 Ibid., 61.

705 Ibid., 65. J. Carbonnier décrit le dilemme au sujet de la norme fondamentale : « (O)u bien la norme fondamentale dont il couronne sa construction est parole de Dieu, et le droit tout entier, en dessous, devient religion; ou bien elle n’est que parole humaine sans rien au-dessus à quoi l’accrocher, et tout l’édifice flotte dans les airs ». Carbonnier (1993), 19.

ordres juridiques, constitue de son propre aveu l’élément substantiel du droit tel qu’il le conçoit706. Le droit n’est ni plus ni moins l’organisation sociale de la violence. Et Kelsen admet qu’il ne peut répondre à ceux qui objecteraient que le droit équivaut à la loi du plus fort, même s’il semble vouloir poser des limites à cette dernière707. Il soutient au sujet de la distinction classique entre le droit et la force que le premier ne peut se passer de la seconde mais qu’il n’y a pas identité entre les deux objets708 : « Le droit fixe à quelles conditions et de quelle manière tel individu peut faire usage de la force à l’égard de tel autre »709. Les individus ainsi autorisés constituent des « organes » agissant pour le compte des communautés qu’ils représentent. Cette structure permet de contenir le pouvoir d’user le de la violence aux mains de ces organes seuls, créant de la sorte un monopole en la matière.

5) L’impasse de l’organe exécutif insoumis

Allons un peu plus au fond des choses pour savoir quel est cet organe qui est en charge, à l’exclusion de tout autre, de l’usage de la violence. Là aussi, il s’agit d’un système pyramidal. L’organe qui décide de la sanction infligée à l’individu, ou aux individus, responsable d’un acte illicite est obligé d’agir de la sorte sous peine d’être lui-même sanctionné710. La conformité au droit supérieur des sanctions qu’il décide peut être soumise à un organe de contrôle si l’ordre juridique en question le prévoit (ce qui n’est pas toujours le cas).

Kelsen nous laisse entrevoir un système possible où la légalité de l’usage de la violence serait en dernière analyse entre les mains de juges, si l’ordre juridique le prévoit711. Mais même dans ce cas de figure, l’organe qui possède en dernière analyse les moyens de la violence appartient bien au seul titulaire du pouvoir exécutif. Il suffit pour cela que l’exécutif formule des doutes sur la validité de l’acte pris par les juges pour lui permettre d’ignorer la sentence712.

706 Kelsen (1953), 62.

707 Kelsen suggère fortement que la nature du droit est violente lorsqu’il en vient à l’origine de la norme fondamentale et surtout à la transition d’une norme fondamentale à une autre : « C’est d’ailleurs au moment où le droit est menacé dans son existence que sa nature apparaît le plus clairement ».

Ibid., 117. Et l’auteur prend l’exemple d’une révolution violente d’un groupe d’individus républicains contre un régime monarchique. A l’origine de l’ordre juridique établi, il y a la violence et il s’ensuit

« qu’une norme fondamentale indique comment se crée un ordre auquel correspond dans une certaine mesure la conduite effective des individus régis par lui ». Ibid., 118. Cet acte originaire fondateur de l’ordre juridique, l’acte violent, nous renvoie au mythe freudien du père dominant et tyrannique « dévoré » par ses fils qui instaurent une société gouvernée par de nouvelles normes.

Freud (2002), 58-59.

708 Kelsen (1953), 120.

709 Ibid., 64. La force ne doit être employée « que par certains individus spécialement autorisés à cet effet (…) » 64.

710 Ibid., 73.

711 Ibid., 51.

712 Ibid., 52 : « Ainsi lorsqu’il est douteux qu’un arrêt de la cour suprême soit réellement ce qu’il prétend être, parce que les individus desquels il émane n’auraient pas été nommés conformément à

Cette conséquence provient du fait que la pyramide des sanctions connait un étage ultime au-dessus duquel il n’existe plus rien qui puisse le contraindre à exécuter ou à s’abstenir d’exécuter quoique ce soit, comme le constate le professeur autrichien lui-même : « Il faut bien que cette chaîne de sanctions s’arrête quelque part, de telle sorte qu’il y aura toujours des normes juridiques qui statueront des sanctions dont l’inexécution ne sera pas la condition d’une nouvelle sanction »713. Qu’importe qu’en dernière instance une cour suprême arrête que l’usage de la force doive cesser ou qu’il ne doive pas être entrepris, Kelsen admet qu’un organe habilité puisse contrevenir à une prescription supérieure sans pour autant que son acte soit dénué par ce seul fait de validité.

Si aucune sanction n’est possible, alors l’acte en cause reste valable714.

6) L’impasse de l’intervenant insoumis

Qu’en est-il au niveau du droit international ? Comme nous l’avons vu, pour Kelsen les sanctions se résument au sein de cet ordre juridique aux représailles et au déclenchement de guerres. En principe ce droit dit « primitif » décentralise vers les Etats la mission d’exécuter les éventuelles sanctions décidées contre un des sujets de cet ordre juridique qui serait récalcitrant à la norme. Les Etat-exécuteurs ont donc le pouvoir de se prononcer sur le caractère licite d’un acte commis par l’un des sujets du droit international. Mais il se peut que le droit international soit doté d’organes qui soient compétents en la matière. Possibilité qui a été utilisée lors de l’adoption de la Charte de l’ONU, comme nous l’avons vu, avec la mise en place notamment du Conseil de sécurité chargé de se déterminer sur l’emploi international de la force. Dans ce cas l’organe international se substitue à la compétence des Etats-exécuteurs comme le reconnait Kelsen715.

la constitution, la question n’est pas tranchée par la science du droit mais par l’organe chargé d’exécuter les arrêts de la cour suprême (…) ». Et si ce dernier refuse de l’exécuter, alors l’arrêt est nul.

713 Ibid., 73.

714 Cette logique n’est pas très originale au regard de l’histoire du comportement de certains titulaires du pouvoir exécutif. Une réputation tenace impute au Président des Etats-Unis, Andrew Jackson (1767-1845), d’avoir délibérément défié les conclusions d’un arrêt de la Cour suprême, dirigée à l’époque par leChief Justice John Marshall : « John Marshall made his decision, let him enforce it ».

Citation tirée de Tully (1995), 210. Voir aussi Keller (2006a), 50. Le sous-entendu étant que seule la branche exécutive avait les moyens de mettre en œuvre, ou de refuser de le faire, une décision, en l’espèce celle prise dans l’affaire Worcester v. Georgia. La Cour suprême avait conclu dans cette affaire que les territoires appartenant aux nations indiennes, dont ceux de la nation Cherokee, devaient être tenus pour séparés de ceux des Etats fédérés et que les autorités fédérales devaient veiller au respect des droits desdites nations. 31 U.S. (6 Pet.) 515, 557 (1832) et 31 U.S. (6 Pet.) 515, 560-61 (1832). Or, Andrew Jackson soutenait, contrairement à son prédécesseur J. Q. Adams (1767-1848), la confiscation des terres de nations indiennes et leur déplacement forcé à l’Ouest du Mississipi, ce qu’il fit exécuter. Lire Lytle (1980), 66-72.

715 Kelsen (1950), 279 et suiv. Voir cependant comment l’auteur insiste sur le fait que la Charte limite la compétence du CS au cas où la paix internationale est menacée et, a contrario, pas pour maintenir ou rétablir le droit (maintain or restore the law). Ibid., 294-295.

Mais par analogie avec le conflit entre exécutif et pouvoir judiciaire d’un même ordre juridique rien n’exclut qu’un Etat possédant une capacité matérielle nécessaire à l’exécution de sanctions puisse le faire sans respecter la décision d’une institution internationalement reconnue comme compétente en la matière. Il peut remettre en question le pouvoir du Conseil de sécurité sur une affaire particulière. Il peut exécuter, contre l’avis de cet organe, une intervention coercitive de sa propre volonté. Il peut le faire en se basant sur l’existence d’une norme qui interdit internationalement les graves violations des droits de l’homme commises par un régime contre une partie de sa population. Il peut même le faire en dehors de cette norme. Tant qu’une sanction ne peut lui être infligée, son intervention est valable en tant qu’acte normatif, même s’il est hiérarchiquement inférieur dans la pyramide des normes716. Tout comme est valable l’action d’un régime qui aurait, sans subir les foudres suffisamment dissuasives de la part de la communauté internationale, décidé d’éliminer une partie de sa population alors que le droit international le prohiberait. Tout ce que peut faire le scientifique, le juriste, est de constater la contradiction entre les deux normes mais pas l’invalidité de l’acte inférieur passé en force au sens propre du terme. En droit international le pouvoir revient donc en dernière analyse également à un organe de type exécutif qui détient et fait usage d’une force, et qui n’est contrecarré par aucune autre qui lui serait supérieure du point de vue matériel et immédiat.

7) La validation d’actes relevant de crimes internationaux ?

La dimension arbitraire que le raisonnement de Kelsen attribue, en dernière instance, au droit prend toute sa dimension lorsqu’il nous présente son concept de « responsabilité collective ». Rappelons-nous que pour cet auteur, si un ordre juridique peut se passer de conférer des droits subjectifs aux individus, il comprend nécessairement des obligations et des responsabilités717. Ces deux notions se distinguent selon la relation qu’elles entretiennent respectivement avec le principe de sanction. Une sanction vise toujours un responsable, alors que le destinataire d’une obligation qui ne l’a pas respectée peut être exempté de toute sanction. En d’autres termes un individu peut être sanctionné pour des actes illicites commis par autrui.

Comment effectue-t-il le lien entre le responsable qui est sanctionné et le destinataire d’une obligation qui a manqué de diligence ou commis une faute intentionnelle ? Pour Kelsen, ce lien se manifeste dans l’appartenance commune à un ordre juridique et par rapport aux ordres qui s’en distinguent.

Cette appartenance peut se manifester au travers d’un ordre dit partiel comme

716 Voir plus haut, 138.

717 Kelsen (1953), 104.

une association, ce qu’il nomme par ailleurs une personne juridique718. Cette appartenance commune a pour conséquence une solidarité entre les membres de ce même ordre devant toute sanction qui serait prise par un ordre extérieur lésé par le premier719.

Nous avons à faire à une solidarité bien particulière puisqu’elle peut se faire aux dépens des sujets qui n’ont pas directement pris part à l’acte délictueux commis par un organe720. Il nous faut rapprocher cette solidarité du concept de punition collective, qui caractérise certains des crimes internationaux que notre droit positif international contemporain reconnait721. La punition collective peut être valable pour Kelsen lorsque « (l)e chef de l’Etat A accomplit dans l’exercice de ses fonctions un acte violant un traité conclu avec l’Etat B. A titre de représailles, le ministère de la justice de l’Etat B saisit les biens des ressortissants de l’Etat A qui résident sur le territoire de l’Etat B ».

Ladite punition collective est tout aussi acceptable lorsque « le commandant d’une armée occupant un territoire ennemi décrète que des otages choisis parmi les notables seront fusillés si des actes de sabotage sont commis contre l’armée occupante »722. Ces individus seront exécutés pour la seule raison qu’ils appartiennent à la même communauté que les saboteurs. Kelsen n’y voit rien à redire au regard de sa Théorie pure du droit. On admet selon lui « que ceux-ci seront atteints indirectement par la sanction et que cette circonstance incitera toute la population à s’abstenir d’actes de sabotage »723.

Le normativisme kelsenien déterminé par son matérialisme et donc par sa structure normative, définie de manière rigide, nous conduit avec une logique imperturbable vers cet aboutissement qui considère « valide » des actes relevant de crimes internationaux en vertu des principes généraux du droit ou tout simplement de la justice universelle. En mettant les lunettes strictement positivistes, peut-on objecter que ces crimes n’étaient pas inscrits dans le droit

718 Kelsen (1953), 106 : « (L)a personne dite morale ou physique désigne seulement l’unité d’un ensemble de normes, à savoir un ordre juridique réglant la conduite d’une pluralité d’individus ».

719 Ibid., 108-109. L’auteur prévoit une responsabilité collective qui engage la propriété collective des individus composant la personne juridique en cas de défaut sur une créance de cette dernière. Il prévoit même une responsabilité pénale collective, et donc une punition collective, pour les actes délictueux commis par l’un de ses organes qui a agi en tant que tel. Et l’Etat doit être considéré

719 Ibid., 108-109. L’auteur prévoit une responsabilité collective qui engage la propriété collective des individus composant la personne juridique en cas de défaut sur une créance de cette dernière. Il prévoit même une responsabilité pénale collective, et donc une punition collective, pour les actes délictueux commis par l’un de ses organes qui a agi en tant que tel. Et l’Etat doit être considéré

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