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VERS UNE NOUVELLE APPROCHE DE MODELISATION

L ES CONTRAINTES DE LA MODELISATION

La conceptualisation

Le processus de modélisation est souvent confondu avec celui d'analyse qui consiste en la décomposition d'un phénomène en éléments plus faciles à appréhender. En réalité, la modélisation vise à décrire un problème puis sa solution à travers une abstraction qui en établit une représentation simplifiée. Cette opération permet à des observateurs de décrire un phénomène à partir de représentations conceptuelles, afin de le comprendre et de le simuler.

L'action de modéliser n'est pas neutre et la représentation du système observé ne peut alors pas être disjointe du travail du modélisateur. La définition d'une approche modélisatrice doit donc s'affranchir des "biais" de transformations inhérentes aux actions des modélisateurs :

la distorsion créée par la perception et la restitution du phénomène perçu, la compréhension et le sens des concepts dégagés,

la transformation d'un phénomène observé au cours d'une démarche récursive,

la compréhension et le sens porté par la représentation symbolique du modèle produit. Etant donné qu'un modèle n‟est avant tout qu‟une représentation intellectuelle puis ensuite symbolique d‟un monde observé, il est nécessaire de scinder la démarche de modélisation en deux opérations complètement indépendantes : la conceptualisation et la représentation.

Dans une démarche de modélisation la conceptualisation permet de dégager une représentation du monde réel sous des formes logiques généralisées et utilisables: le méta-modèle. Le méta-modèle est une représentation formelle des concepts de base de la modélisation (syntaxe, sémantique…) et des règles qui régissent leur utilisation. Ainsi, si le contenu d'un modèle dépend du système ou du phénomène observé, la forme du modèle ne dépend que du méta modèle.

Le méta modèle est le résultat d'un premier travail d'observation. Ce travail porte sur l'identification et la définition des concepts fondamentaux qui forment les éléments de base de la modélisation d'un système. Ces concepts fondamentaux constituent des éléments génériques échangeables par les différents observateurs d'un système ou d'un phénomène; d'où l'importance des concepts choisis et de la représentation sémantique qui leur est associée. On attend de la construction d'un méta modèle un gain dans l'abstraction du système par la généricité des concepts de base comme facilitation dans l'identification éléments constitutifs du système observé et dans la simulation des comportements.

Si la conceptualisation s'attache essentiellement aux objets réels et à la forme sous laquelle ils peuvent être représentés, la démarche de représentation doit viser à décrire le système étudié à partir des concepts du méta-modèle pris comme autant de descriptions de référence. Ainsi si le contenu du modèle fournit une image d'un système observé sous un point de vue particulier, la forme de ce modèle ne reste qu'une représentation conceptuelle de celui-ci établie dans un cadre formel donné ou choisi.

La définition du méta modèle doit prendre en compte une double problématique : la compréhension du réel et la robustesse du modèle de représentation, ce qui se traduit par l‟obligation de respecter les objectifs suivants :

lisibilité des concepts,

fiabilité du formalisme retenu, neutralité de la représentation, confiance dans les résultats produits.

Ce dernier point étant un corollaire des trois précédents.

La lisibilité des concepts est un critère capital dans la définition des concepts fondamentaux. En effet, chaque méta modèle définit des règles et des représentations des éléments de modélisation, par exemple la modélisation fonctionnelle utilise les concepts de fonction et de tâches, la modélisation objet les concepts d'entités et de relations, pour représenter un système. Si nous voulons modéliser la dynamique d'un système il est alors nécessaire d'établir une description permettant de représenter la dynamique du système à partir de concepts intellectuellement et mathématiquement (par conséquent informatiquement) manipulables. La lisibilité des concepts doit permettre un échange pluridisciplinaire autour des concepts définis, elle doit minimiser le biais induit par les transformations dues à la conceptualisation mais aussi à la déconceptualisation.

La lisibilité des concepts doit aussi permettre la production d'une application informatique sans induire de nouveau un biais dans cette transformation.

La fiabilité du formalisme : la conceptualisation va définir un cadre de travail sur lequel va être projeté le système observé et ensuite simulé sa dynamique; il est donc nécessaire que les mécanismes mis en œuvre soient démontrés.

La neutralité de la représentation: La méthodologie et le formalisme proposés ont pour objectif de pouvoir conduire des analyses pendant toute la démarche de modélisation puis d'exploitation du modèle. Si ces activités relèvent du domaine de l'expertise et de l'expérience, le cadre descriptif choisi doit rester aussi neutre que possible dans l'observation.

Résultat du respect des trois premières contraintes, la confiance dans les résultats produits signifie que le modèle ne doit pas avoir à être évalué mais que seuls les résultats doivent présenter un intérêt.

Complexité, raffinage et décidabilité

Cette problématique trouve ses origines dans le fait qu'un système complexe a un comportement résultant lui-même de la somme de comportements complexes qui impliquent que le modélisateur est confronté à une triple problématique :

a) la complexité proprement dite qui s‟établit à partir des interrelations entre les composants appartenant au système. Cette complexité n‟est pas due à la quantité de relations existant entre les composants mais au fait que celles-ci ne représentent pas forcément un lien fonctionnel direct entre eux et trouvent leur origine dans la structure même de l‟environnement ou du système. b) la variété qui caractérise le nombre de comportements possibles à partir des interrelations entre composants. La notion de variété d'un système est une donnée initiale, structurale et fonctionnelle, qui recouvre à la fois la différenciation des éléments et la différenciation des agencements et des relations entre ces éléments. A la différence des évolutions qui caractérisent les comportements irréversibles (qui transforment le tissu relationnel), la variété recouvre tous les états et les comportements possibles d'un système qui sont réversibles. La variété peut alors augmenter par l‟apport de nouveau composants, mais aussi en poussant la spécialisation de composants déjà présents. Elle peut dépendre de l'inversion ou de la création de nouvelles relations, établissant des états différents. Enfin, à partir de certains seuils, l'augmentation ou la diminution des échanges entre les composants peut amener des organisations différentes. En conclusion, on peut dire que la variété est due autant au nombre et à la structure des composants que l'organisation des relations entre ceux-ci.

c) la redondance qui comprend la redondance structurale et la redondance fonctionnelle (polyvalence). La redondance structurale est le résultat de l'indifférenciation de certains éléments du système vis-à-vis d'une action. La redondance fonctionnelle est plus complexe et fait intervenir une certaine polyvalence des éléments du système, ainsi que les capacités de communication et de coordination inter-éléments présents dans le système. Cette notion de redondance, couvre à la fois la polyvalence des composants, mais aussi des potentialités polymorphes pouvant se révéler au cours des interactions avec l'environnement ou par apprentissage.

L'intérêt essentiel d'une modélisation est la réduction de la complexité par l'appréhension du global vers le particulier par raffinage. Cet aspect est capital dans l‟étude et l‟analyse d‟un système. En maîtrise des risques, l‟impossibilité d'anticiper toutes les situations dangereuses ou toutes les conditions qui peuvent y mener dès la conception conduit à décomposer les systèmes en sous système dont on maîtrise le cœur et les interfaces. Néanmoins, si une telle démarche de raffinage permet de réduire la complexité des éléments manipulés par des approches récursives de

généralisation et spécialisation elle introduit en retour un doute sur la suffisance de la profondeur de l'analyse et donc sur la décidabilité des résultats obtenus.

L'approche de réduction de la complexité doit donc être une approche qui permette de garantir le résultat à chaque niveau de l'abstraction en évitant au minimum de remettre en cause l'environnement de l'élément modélisé. Etant donné que la perception qu‟on a d‟un système n‟est pas forcément la plus macroscopique, la modélisation doit alors permettre, une démarche de particularisation offrant une capacité d'appréhension du global vers le particulier et inversement, la possibilité de globaliser la perception d‟un système depuis la connaissance d‟un élément particulier.

L‟imposition d‟une approche de conceptualisation de caractère fractal est déjà une première réponse au problème de décidabilité. Ainsi, la démarche de particularisation fractale peut se faire sur chaque composant individuellement sans remettre en cause la globalité du modèle, et de même une démarche de généralisation fractale permet de conserver les résultats acquis pour le niveau supérieur. Cette démarche de décomposition - recomposition fractale ne peut se faire qu'à travers une structure générique répétée et répétable à l'infini, directement transposable en modèles, à travers de laquelle il est possible de représenter un système quelconque.