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Les principes de l'approche cognitive

La prise en compte du comportement humain dans la logique du comportement système a toujours été considéré comme un facteur d'accroissement du risque qu'on tente de réduire soit par la couverture de son intervention avec des technologies dites de sécurité, soit par la réduction de son intervention à des actions simples. Même si dans certains systèmes l‟automatisation des contrôles et des actions peut être poussée jusqu'au remplacement de l‟opérateur pour certaines fonctions de décision, plus le système tend vers la complexité, plus la combinaison de situation et de comportements possibles tend vers l'infini. Afin de pouvoir réagir face à des situations particulières il est alors nécessaire d'intégrer dans le système des composants ayant une capacité interprétative et créative. Or, le composant le plus utilisé reste à ce jour l'humain. Nous avons ainsi une situation qui peut paraître paradoxale ou l'opérateur humain est à la fois facteur d'accroissement et facteur de réduction du risque. Dans ce cas, il est nécessaire de rendre les comportements humain le plus prédictibles possibles, voire mesurables.

L'approche cognitive vise à travers une conceptualisation et une structuration des connaissances et des mécanismes comportementaux à prédire la réponse d'un système face à une situation donnée. Pour cela, la démarche consiste dans le principe à observer et à analyser des données afin de construire une connaissance et d'anticiper un comportement possible.

Mais, à la différence de l'ingénierie du risque qui à travers une décomposition du système et un cadre typologique va chercher à identifier les structurations de dangers, la démarche cognitive va faire de la situation l'objet de la connaissance pour conceptualiser et décrire une situation et construire une représentation qui permette de comprendre comment s'est organisée l'action qui a conduit à la situation observée.

L'approche cognitive n'est qu'une formalisation des raisonnements et de l'apprentissage que le cerveau pratique couramment. En fait, nous pratiquons une démarche cognitive sans le formaliser. Par exemple, la formation à la conduite d'un tramway, surtout au début de l'exploitation vise essentiellement à familiariser les nouveaux conducteurs avec quelques vérités :

Il est impossible de changer de trajectoire pour éviter un obstacle, comme avec un bus, La réactivité du freinage d'une roue fer sur un rail est très différente. On apprend à un

conducteur de tramway, ce qui est presque évident en ferroviaire : la vitesse du train se détermine essentiellement en fonction de sa distance d'arrêt.

Enfin, le public immédiatement au contact du réseau continu à percevoir le tramway comme un bus et son silence ne correspond pas à la proximité du danger.

Au-delà des consignes de prudence, une des premières choses qu'on apprend à un nouveau conducteur est de chercher le regard des piétons pour s'assurer qu'ils ont perçus la présence du véhicule; pour cela, il faut faire usage du gong jusqu'à attirer l'attention de la personne avant de pouvoir continuer voire accélérer à nouveau. Il est donc courant de rouler avec des piétons en limite de gabarit, ceux-ci cherchant eux-mêmes le regard du conducteur.

En formation un formateur et son élève aperçoivent une jeune femme en limite du gabarit de circulation mais regardant dans la direction opposée. Le conducteur ralentissement et utilise son avertisseur sonore. lL jeune femme commence à tourner la tête puis les épaules et apparait un

très jeune enfant accroché à sa main, masqué jusque là. Le regard de la personne intercepté rien n'obligeait à freiner, et pourtant, la décision fût l'arrêt complet immédiat; cette décision était confirmée en parallèle par le formateur qui était déjà en position pour activer le frein de secours, pourquoi ?

Comme toute personne normale, la jeune femme a pivoté pour faire face au véhicule; cependant en tournant sur elle-même, l'enfant accroché à sa main allait lui effectuer un arc de cercle et engager le gabarit de circulation. Tous les conducteurs on remarqué inconsciemment qu'au coup de gong les gens pivotent sur eux-mêmes. Ce fait, même non formulé explicitement, était intégré par tous les conducteurs; aussi, lorsque l'enfant fût aperçu, naturellement le cerveau humain a anticipé son déplacement par rapport au pivot du corps de la mère et l'a placé devant la rame. Une rapide analyse faite immédiatement après l'incident a confirmé que le conducteur comme le formateur avaient suivi le même raisonnement. Ce raisonnement, est l'exemple parfait d'une approche cognitive :

Observer la situation : la jeune femme, l'enfant en limite de trajectoire.

Comprendre la situation : le mouvement de l'enfant provoqué par la rotation de sa mère. La situation cognitive : ici, la position de l'enfant après la rotation de la jeune femme. Qualifier la situation : la percussion de l'enfant par le tramway.

Recadrer la situation : l'arrêt immédiat, avant même la fin du mouvement des piétons. Il faut noter, que la jeune femme n'avait pas perçu le danger pour son enfant. Celui-ci faisait partie de sa "bulle" de protection, et même si elle avait eu conscience que cette bulle était en interférence avec la zone de circulation du tramway, elle n'avait absolument pas eu conscience du changement de position de son enfant pendant la rotation.

L'approche cognitive s'intéresse à des situations dynamiques, c'est-à-dire des situations où le comportement du système n'est pas simplement lié à sa structure et à sa matière mais aux situations passées et présentes.

A partir du moment où l'appréhension d'une situation est le résultat d'un processus de conceptualisation du réel, sa prise de conscience est dépendante du protocole d'observation. Les décisions d'interventions dépendent alors du sens et de la valeur que l'observateur accorde aux données perçues. Dans une démarche cognitive, la situation ne sera pas analysée en recherchant les causes qui ont permis d'y aboutir, mais en considérant une représentation de cette situation convenant à une action donnée. En d'autres termes, on ne cherche pas à déterminer ce qui va conduire exactement à une action mais à construire une représentation d'un contexte favorable et adapté à cette action.

MKSM: en exemple de méthodologie liée à la connaissance

MKSM (Method for Knowledge System Management) est une méthode d'analyse descendante développée par le CEA. Son objectif est de rendre les systèmes de connaissances intelligibles aux acteurs afin qu'ils les mettent en place eux même. A partir d‟un ensemble de méthodes et d'outils de modélisation nécessitant peu de connaissances préalables, les phases de la méthode procèdent par raffinements successifs de l'analyse des connaissances, jusqu'à un niveau de division suffisant pour avoir une visibilité correcte sur les informations et les critères de décision pertinents.

MKSM est intéressante car elle cumule à la fois les caractéristiques d'une approche systémique et d'une perception des systèmes à travers les signes qu'ils envoient aux observateurs : le point de vue des signes, ou hypothèse sémiotique: les éléments caractérisant un

système sont désignés sous le terme général de signes. Le système de connaissances associé est alors perçu comme un système de signes. Tout phénomène est perceptible selon trois niveaux indissociables : le référent ou signe (la manifestation), le signifié (la désignation), le signifiant (le sens) ou encore se perçoit selon trois dimensions : syntaxique, sémantique, pragmatique.

Le point de vue systémique, pour lequel le capital de connaissances d'une organisation est un système au sens de la théorie du système général de J.L. Le Moigne [LE MOIGNE 77]. Un système s'observe selon trois points de vue indissociables : le premier, dit ontologique, considère le système comme "quelque chose" ; le deuxième fonctionnel, considère le système comme "faisant quelque chose" ; le troisième, dit génétique, considère le système dans son évolution, c'est le point de vue du devenir du système. MKSM choisit par convention la terminologie : structure, fonction et évolution.

La perception, l'étude, la modélisation d'un système se fait à travers une vision pondérée entre ces trois points de vue.

système complexe de connaissances information contexte signification système observé Syntaxe / signe Pragmatique / signifiant Sémantique / signifie système observé Ontologie / strucutre Phénoménologie / fonction Génétique / évolution Triangle sémiotique Triangle systémique

Figure 23 : Système de connaissance suivant les hypothèses sémiotique et systémique