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Système, complexité et systémique

Quelque soit les méthodes employées et leur niveau de sophistication, les analyses de sécurité répondent toujours aux mêmes principes fondamentaux. L'analyse classique des modes de défaillance construit un arbre à partir de la structure organique d'un système en analysant les probabilités de défaillance. Or, ces analyses ne conduisent qu'à s'intéresser aux chemins structurels du système, les aspects environnements global et interaction doivent être traités par une approche plus globale. On a pu constater dans les chapitres précédents que cette approche globale est définie par un cadre méthodologique. Lorsque le système a un comportement plus complexe et qu'il prend en compte non plus des objets technologiques mais des comportements évolutifs, il devient intéressant d'analyser le système différemment : on utilise alors les approches systémiques.

La systémique se définit comme une approche modélisatrice de phénomènes complexes. En d'autres termes lorsque nous admettons avoir un système nous avons déterminé un objet avec ses limites; or, là intervient la notion de complexité. Pour reprendre E. Morin [MORIN 2002], "la complexité étant un problème complexe, c'est compliqué de l'exposer". E. Morin introduit ainsi son article "à propos de la complexité", ceci pour expliquer que derrière cette notion nous tentons souvent de cacher une forme d'incapacité à appréhender la chose dite complexe ; incapacité ne veut par dire refus ou renoncement à décrire ou comprendre.

Dans la représentation que nous faisons d'un système à travers des événements subis ou générés, nous commençons par évaluer la variété des comportements possibles de celui-ci. Si les facteurs restent peu nombreux (nombre d'entités, nombre d'actions réalisables…) nous admettons rester en présence d'un système simple. Par contre, si le système présente un nombre élevé d'associations, de combinaisons ou de relations nous considérons être face à un système complexe; ceci, uniquement car il est non entièrement appréhendable. Remarquons que nous collons ici à la racine étymologique latine "complexus", ce qui est tissé ensemble. Nous voyons le motif, mais nous ne discernons pas le détail du fil. Complexe n'a rien à voir avec compliqué; notre incapacité à appréhender à la fois le motif et le détail du fil n'implique pas que celui-ci ne soit pas d'une structure simple.

Ainsi l'approche système va donc observer la chose telle qu'elle est sur un domaine d'évolution connu. Les techniques étant déterminées celle-ci relèvent alors du domaine de l'ingénierie. L'approche systémique va tenter d'appréhender une chose perçue complexe, dont par définition on ne possède pas les clés pour sa compréhension (connaissances ou techniques appropriées). Comme toute approche nécessite tout de même un minimum de méthode, la systémique fonde sa démarche sur le concept de système et sur le concept associé de modèle. La notion de système est et reste la notion de base pour désigner tout ensemble de relations entre constituants formant un tout. Le modèle est construit pour appréhender le système et son comportement. L'approche systémique fournit les principes méthodologies et langages, permettant de coordonner les différents points de vue (métiers, sciences, cultures, organisation) sous lesquels est abordé le système observé.

Enfin on ne peut parler d'approche systémique sans aborder le paradigme systémique tel que l'a fait émerger J.L. Le Moigne [LE MOIGNE 1977] dans son ouvrage intitulé "Théorie du système général : théorie de la modélisation". L'auteur y décrit cinq concepts se trouvant implicitement ou explicitement dans la notion de système : activité, structure, évolution, finalité et environnement. Cette construction théorique, artificielle est baptisée système général. Le concept

fondamental de la modélisation systémique n'est pas l'objet, ou la combinaison d'objets stables (structure) mais l'action. La caractérisation de l'action passe par la notion générale de processus. Un processus peut être défini comme l'ensemble ordonné des changements qui affectent la position dans le temps, dans l'espace, dans la forme ou dans la nature, d'une famille d'objets identifiés. Le concept de processus évoque toujours une dualité objets processés/objets processeurs et une description des changements affectant les objets processés.

Tout modèle d'un objet dans son environnement ou tout modèle de son comportement peut être conceptualisé par un processus. Le processus représentant une transaction à un instant donné entre deux objets, dont le premier est l'intrant et le second l'extrant. La relation du système avec l'environnement est caractérisée par deux phénomènes :

une transaction (ou échange) du système avec l'environnement. une capacité d'influence de l'environnement sur le système.

L'approche systémique a produit un modèle descriptif de représentation d'un système : tout système peut être découpé en trois sous systèmes : un sous-système opérant, un sous-système d'information et un sous-système de pilotage. Enfin l'approche systémique se voulant d'abord une approche de réduction de la complexité, la démarche permet de représenter le réel comme l'emboîtement de systèmes. La démarche est donc une approche du général au particulier.

L'approche systémique n'est pas une approche nouvelle. Celle-ci est apparue au siècle des lumières et était plutôt orientée "objets". Une deuxième forme d'approche axée sur le vivant est apparue avec la biologie du vingtième siècle. Enfin, aujourd'hui une troisième génération d'approche systémique, apparue vers 1970 est tournée vers les systèmes sociaux (équipes, entreprises…). Nous retrouvons là le schéma des évolutions des démarches sécurité : dans un premier temps l'objet est en cause, puis son comportement et enfin la totalité de la structure utilisatrice. D'un point de vue plus global l'intérêt de l'approche systémique est que dans ce contexte de pensée, un système peut être défini de la façon la plus générale comme un tout organisé de composants en interaction. Cette définition très générale met en évidence les trois catégories d'entités nécessaires pour décrire un système générique: les objets (composants), les réseaux de relations (interactions) et la globalité du système (entité existante au sein d'un monde plus vaste). L'approche systémique actuelle s'intéresse non seulement au relations et comportements dans le système mais aux influences que celui-ci peut avoir subir vis à vis du monde dans lequel il évolue.

En utilisant un raccourci très simplificateur et critiquable, on peut poser que l'approche système s'intéressera à un réseau de relations organisé au sein d'un ensemble cohérent, homogène et isolé, alors que l'approche systémique considère le système comme un tout non-isolé capable d'échanger et va donc s'intéresser aux flux pas toujours cohérents générant des situations et des comportements complexes et évolutifs.

Les méthodologies systémiques