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L E CONTENU DES ORIENTATIONS ET DES AXES D ’ INTERVENTION

Maintenant que le processus d’élaboration de la politique a été dé-crit et qu’un bilan général de son contenu a été présenté, attar-dons-nous sur les mesures spécifiques. La première orientation de

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la politique reconnaît que l’offre de service de la ville doit passer par une meilleure connaissance de la clientèle ethnoculturelle.

Cette orientation reconnaît que malgré l’aspect hétérogène de cette population, elle peut avoir des besoins semblables, notam-ment au niveau linguistique, culturel, de l’adaptation au mode de vie, ou relativement à son statut migratoire. La politique prévoit que la ville de Sherbrooke doit aménager l’accessibilité à ses ser-vices afin qu’ils soient adaptés à une clientèle immigrante, tout comme elle le fait déjà pour les personnes âgées, les personnes handicapées ou pour d’autres groupes de la population qui peu-vent avoir des besoins spécifiques. Ainsi, la politique prévoit des services municipaux qui sont égalitaires mais qui sont équitables, notamment en termes d’accès. Déjà dans sa Politique de développe-ment social et communautaire la ville affirmait qu’elle souhaitait s’ins-pirer d’une approche client qui prendrait en compte les besoins et les attentes des différents groupes concernés dans sa municipalité (Ville de Sherbrooke, 1996).

La politique vise des actions concrètes envers les immigrants.

Elle prévoit que la ville s’engage à réaliser : « un travail d’informa-tion et de sensibilisad’informa-tion de la populad’informa-tion et [à promouvoir] des attitudes favorables à la diversité ethnoculturelle afin que la com-munauté soit la plus accueillante possible » (Ville de Sherbrooke, 2004 : 13). Afin de réaliser les deux objectifs prévus par la pre-mière orientation, la politique prévoit des axes d’intervention qui visent deux finalités : mieux former les employés municipaux aux réalités des personnes de diverses origines et favoriser la connais-sance et l’accès aux services municipaux auprès de la clientèle eth-noculturelle. La politique précise que cette ouverture peut signifier une certaine adaptation des programmes. Toutefois, la politique prévoit que certaines demandes de la part de citoyens immigrants pourraient avoir un caractère excessif. Elle encadrera la réception de ces demandes en utilisant le concept juridique des accommo-dements raisonnables. Ce concept part du principe qu’une norme, même en apparence neutre, peut avoir pour certains groupes de la population des effets discriminatoires. Pierre Bosset définit ainsi l’accommodement raisonnable : « Nous le définirons comme étant

une obligation juridique, applicable dans une situation de discrimina-tion, et consistant à aménager une norme ou une pratique de portée universelle dans les limites du raisonnable, en accordant un traite-ment différentiel à une personne qui, autretraite-ment, serait pénalisée par l’application d’une telle norme » (Bosset, 2007, p. 4).

À cet égard, la politique adoptée par la ville de Sherbrooke ne fait que réitérer l’application d’une obligation juridique qui permet un traitement équitable de la population qui pourrait être victime de discrimination en vertu de l’article 10 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Cet article prévoit :

Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la gros-sesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions poli-tiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condi-tion sociale, le handicap ou l’utilisacondi-tion d’un moyen pour pallier ce handicap. Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de dé-truire ou de compromettre ce droit.

Les accommodements raisonnables ne sont donc pas une me-sure spécifique aux personnes immigrantes, mais s’appliquent à toute personne qui peut subir de la discrimination en raison de sa situation particulière comme une grossesse, un handicap ou l’orientation sexuelle. L’institution ou l’employeur doit permettre un accommodement à moins que cela ne représente une con-trainte excessive pour son organisation ou soit nuisible pour le bien-être des autres. Bien que dans le vocabulaire courant ce terme puisse être interprété comme un concept permettant à des groupes minoritaires de fonctionner différemment, le concept juridique nécessite une évaluation individuelle. Il faut souligner cette inclu-sion du concept d’accommodement raisonnable à la politique de la ville de Sherbrooke non pas parce que cela offre des protections juridiques plus grandes aux immigrants de Sherbrooke qu’aux im-migrants des autres villes, mais parce que cette référence crée un

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lien, une affiliation cohérente entre cette politique municipale et l’application des normes garantissant les droits et libertés pour toute personne vivant au Québec.

La deuxième orientation de la politique concerne la représen-tativité des citoyens d’origines diverses dans les structures de la ville et dans leur rapport à la démocratie municipale. La ville veut prêcher par l’exemple en divulguant sa politique d’accès à l’égalité en emploi. La politique adoptée prévoit que la ville doit avoir une sensibilité particulière à l’embauche de personnes d’origines di-verses. Elle prévoit aussi que la ville doit offrir un accès équitable aux entreprises dont les propriétaires sont immigrants et qui veu-lent obtenir des contrats de sous-traitance avec la municipalité.

Enfin, elle doit se doter de moyens pour informer les immigrants des différentes possibilités d’implication au niveau municipal et comme bénévole.

La troisième orientation de la politique est de renforcer le rap-prochement interculturel. La politique soulève des questions per-tinentes qui sont souvent entendues dans le discours d’extrême droite. Comment maintenir des rapports harmonieux entre la po-pulation locale et les immigrants, si leur nombre ne cesse de croître ? Comment la ville peut-elle réagir aux craintes de la popu-lation locale ? Comment s’assurer que les conflits interethniques vécus par les réfugiés ne perdurent pas une fois qu’ils sont dans leur nouveau pays ? Ce sont des questions complexes auxquelles la politique n’apporte pas de réponses toutes faites. Elle a cepen-dant le mérite de ne pas les mettre sous le tapis et des cibles con-crètes et actuelles sont proposées pour favoriser le vivre-ensemble comme diffuser l’apport social, économique et culturel des immi-grants à la population locale. De plus, la politique met l’accent sur l’éducation interculturelle et la lutte contre le racisme et la discri-mination. Ainsi, cette politique nomme des enjeux sensibles et tente d’y répondre par des activités concrètes, ancrées dans le quo-tidien des citoyens et arrimées aux garanties offertes par les normes qui protègent les droits et libertés de tous les citoyens.

La dernière orientation est axée sur les partenariats que la ville peut créer pour soutenir l’intégration. Ces partenariats doivent être renforcés avec le milieu communautaire, notamment avec les or-ganismes qui s’impliquent auprès des immigrants. La politique souligne que les fonctionnaires municipaux doivent développer une meilleure connaissance des services offerts dans ces orga-nismes et y référer davantage les citoyens immigrants. Un parte-nariat doit aussi être consolidé avec les entreprises, afin que ces dernières connaissent les possibilités d’embauche d’une main-d’œuvre culturellement diversifiée. La politique prévoit également que la ville devrait s’associer à des partenaires qui militent pour l’accès au logement, notamment en faisant des représentations pour obtenir du logement social pour les familles nouvellement arrivées.

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ONSTATS TIRÉS DE L

ANALYSE DES DEUX