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Premier Chapitre

1) L’aspect signifiant de la ruralité

C’est, en effet, l’aspect sur lequel il faut se reporter pour pouvoir saisir la portée ou les portées des différentes représentations romanesques dans les récits de notre corpus à savoir qu’il mime à travers les manifestations des personnages ce qui signifie la ruralité. Ainsi, nous nous permettons de dire que tout l’intérêt significatif de l’attention que nous accordons à la ruralité réside dans le fait que les modes mêmes de son insolite expression se perçoivent, dans tout genre de création imaginative quel qu’il soit, avec un sens profond élucidant ce qui lie sa matière aux différents traits d’esprit et ce qui la manifeste comme le royaume dans lequel, le monopole de la souveraineté de la silhouette mythique de la terre détient exclusivement le trône ; et dans lequel les paysans sont, également, tenus de former un front uni.

Au sens littéraire, la pensée des romanciers n’a de cesse de se livrer à l’éloge sans réserve de la ruralité voire elle célèbre consciemment et consciencieusement ses vertus positives. La ruralité s’inscrit dans les romans champêtres notamment ceux de notre corpus tout en se faisant inlassablement respecter et désirer dans la mesure où elle se manifeste avec l’ardeur de ses diverses significations.

Elle s’exprime à travers les histoires d’amour, de peine et de chagrin dans le silence absolu des bois où se loge la tragédie, et dans l’immensité des montagnes que survole l’ombre des nuages en projetant l’hallucination de la poésie et en dansant sur le rythme du soufflement des vents qui nous murmurent l’enchantement du rustique et du traditionnel. C’est de cet univers, où règne l’exclusive énergie impétueuse de la passion et du rêve, que se nourrit le principe des facultés créatrices pour doter

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l’aspect sentimental de l’œuvre d’une forte sensibilité attisant la sensualité ascétique.

C’est, en effet, dans cet univers que les romanciers puisent les racines profondes des peuples et écrivent avec gratitude et reconnaissance, en hommage aux paysans et paysannes, pour mettre en avant la mémoire des existences banales qui ont été les premières influences à l’origine de la naissance de la vie prestigieusement aisée et confortable sous toutes ses formes.

Ceci dit, à notre sens, la ruralité constitue le signifiant cartographique global voire universel d’un monde propre aux paysans et d’une étendue sémantique unifiée du point de vue de la caractérisation et des particularités. Tout ceci implique donc ce qui exige de notre part, un énorme effort d’activité mentale et une vigilante attention à savoir que la réflexion, la compréhension ou l’analyse trouveront consciencieusement leurs limites dans la reconstitution du canevas labyrinthique des représentations connotées que l’on puisse fonder sur la saisie des signifiés sibyllins en associant l’investissement narratif, accompli dans le texte, aux diverses dimensions de l’histoire ou autrement dite la diégèse, dans laquelle le profil de la ruralité se manifeste avec des fonctions favorisant la vraisemblance en ce qui dote le récit de la dimension réaliste à tire informatif.

L’enjeu de cette dernière consiste à projeter dans le rite sacré du travail de la terre, souvent impliqué comme la condition déterminante des paysans, les reflets des réverbères significatifs de la ruralité dont la représentation poétique est toujours motivée par l’instinct terrien. Ce dernier impose, en effet, l’idée que le personnage rural, dans ses pensées et mouvements, est toujours un être se définissant comme étant une figure emblématique de la paysannerie si bien qu’elle tend à servir l’aspect signifiant de la ruralité à savoir qu’elle se veut réellement un aspect mythique dans les romans champêtres notamment ceux de notre corpus. C’est pourquoi, nous avons conçu une petite problématique que l’on a articulée comme suit :

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En quoi consiste l’inscription de la terre dans cet aspect de notre recherche ? S’inscrit-elle, comme une simple figure, c’est-à-dire, comme une manifestation d’attributs et de qualifications où comme une référence idéologique constituant le pivot centrale autour duquel s’institue et prend forme la représentation de la réalité rurale ? Comment les formes et les liens, que crée l’activité de l’esprit du sujet écrivant, contribuent dans la construction du sens par rapport au milieu rural ?

Nous soulignons de ce fait, que ce sous-chapitre fait état de la présence du monde rural, du paysannat, de leurs valeurs sacrées et de leur souveraineté dans les romans de notre corpus. Il tend, en effet, à traduire la réflexion sur la conceptualisation logique, romanesque et réaliste de l’homme de la campagne ou le paysan dans son milieu rural et du phénomène d’osmose des relations interpersonnelles non objectales qu’il entretient étroitement et intimement avec la terre ; et de l’influence des circonstances dont dépend la vie à la campagne que régissent des règles normalisant la conformité de la réalité ethnique à la nature rurale des paysans en exigeant une spécificité de comportements collectifs et de fonctionnement psychologique qui ne soient admis que sur une base dont tout principe consiste en la vénération de la ruralité.

<<Les fiers animaux frémissaient sous la petite main de l’enfant, et faisaient grincer les jougs […], tandis que l’enfant gouvernait les quatre autres. Il criait aussi, le pauvret, d’une voix qu’il voulait rendre terrible et qui restait douce comme sa figure angélique. Tout cela était beau de force ou de grâce : le paysage, l’homme, l’enfant, les taureaux sous le joug ; et, malgré cette lutte puissante où la terre était vaincue, il y avait un sentiment de douceur et de calme profond qui planait sur toutes chose. >>12

C’est, en effet, un symbole fervent de la remarquable innocence paysanne qui se traduit, dans la douceur de ses effets moraux, par une métaphore mythique

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laissant transparaître ce qui semble se prévaloir contre toutes les peines et les souffrances en prétendant formuler un jugement où le rôle majeur de la considération de George Sand consiste en une valorisation sacralisant les hommes de la terre : cultivateur, agriculteur ou laboureur.

Il faut bien constater, de ce fait, que la ruralité s’inscrit d’une manière pertinemment signifiante, ce qui nous emmène forcément à tenter, dans ce sous-chapitre de notre recherche, de mettre en évidence l’originalité du roman champêtre que l’on peut percevoir comme un document historique, politique et culturel à la fois, autant qualifié par la sagesse et la raison de l’esprit terrien des ruraux que par la grandeur de l’aspect signifiant de la ruralité qui constitue la hantise dominante.

<< […], le laboureur, dont la feinte violence n’était qu’un exercice de vigueur et une dépense d’activité, reprenait tout à coup la sérénité des âmes simples et jetait un regard de contentement paternel sur son fils, qui se retournait pour lui sourire. >>13

A notre sens, notre analyse ne peut s’effectuer sans la dynamique de la résultante contextuelle à savoir l’époque et l’espace dont le patrimoine culturel de certains pays a été délabré depuis la conquête à savoir que le milieu et son histoire demeurent, si l’on convient, le seul dénominateur commun qui appuie la persévérance de tout peuple, à ne considérer que le rural, la campagne est le milieu dont le prestige magique des mythes et des rites proclame l’histoire comme un témoignage d’origines intimement liées à la terre.

Toujours est-il, le souffle rural, qui anime d’une manière absolue le romanesque de notre corpus, est ce qui tend judicieusement à faire prospérer l’univers végétal de la flore en impliquant la faune et de manifester l’instinct

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ancestral dont le laboureur a hérité de ses ancêtres et qui favorise l’habileté au profit de ce qui réconforte la peine des animaux et de ce qui les revigore.

<<Puis la voix mâle de ce jeune père de famille entonnait le chant

solennel et mélancolique que l’antique tradition du pays transmet, non à tous les laboureurs indistinctement, mais aux plus consommés dans l’art d’exciter et de soutenir l’ardeur des bœufs de travail. Ce chant, dont l’originalité fut peut-être considérée comme sacrée, et auquel de mystérieuses influences ont dû être attribuées jadis, est réputé encore aujourd’hui posséder la vertu d’entretenir le courage de ces animaux, d’apaiser leurs mécontentements et de charmer l’ennui de leur longue besogne. >>14

Encore une fois, il faut vivre cette peine insurmontable, il faut voir cette réalité lamentable pour que l’on puisse croire que cette tâche s’accomplit avec tant d’amour et que le paysan s’obstine inlassablement à suer et use de toute son énergie pour garantir que les bœufs triomphent de tout ce qui peut entraver la dure besogne. C’est là une scène capitale de jugement. Cette âme rurale ne peut avoir que de judicieux instincts qui l’orientent à mettre sa grandeur à l’épreuve pour entretenir le courage des animaux à l’égard desquels elle manifeste une sincère compassion.

<<Il ne suffit pas de savoir bien les conduire en traçant sillon parfaitement rectiligne, de leur alléger la peine en soulevant ou enfonçant à point le fer dans la terre : on est point un parfait laboureur si on ne sait chanter aux bœufs, et c’est là une science à part qui exige un goût et des moyens particuliers. >>15

C’est ainsi que nous avons développé les intentions et les motivations requises au niveau de la production littéraire qui tente tant bien que mal et avec ferveur d’harmoniser entre un retentissement de la puissante voix rurale suggérée dans le plaidoyer en faveur du sublime paysage très digne d’attention dans les récits et

14 -Ibid., P. 16.

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l’émotion compatissante suscitée par l’exaltation de la réalité dramatique de la misère profonde et des rudes conditions humaines qui signifient honorablement la ruralité.

Et bien entendu, cette représentation ainsi conçue ne peut avoir en soi qu’une grande importance dans la mesure où elle met à nu le dévouement de ce qui a trait aux relations affectives de la terre, du paysan et des bœufs. Voilà qui justifie les touches gracieuses de l’ambition rustique manifestement dévouée à s’accomplir avec la conscience enthousiasmante de la terre pour en faire la référence idéologique du fidèle paysan. Ce dernier paie de sa santé et de son bonheur et s’investit, avec un engagement consciencieux et légendaire, dans le travail de la terre, la besogne qui, dirons-nous, n’aura de perspective que la bienveillance à l’égard de celle qui le nourrit.

La ruralité comme titre de noblesse suppose, à notre sens, la morale de l’honneur. C’est le titre qui annonce l’institution d’une essence ethnique imposant une apparence fondée sur un principe chargé de connotations rustique. Ce dernier tend à sacraliser et légitimer une identité caractérisée par un type de personnalité inné et particulier que le rural manifeste dans ses accomplissements à savoir que c’est l’un des principaux critères que l’on doit prendre en compte pour justifier ce qui signifie ou détermine la ruralité.

<<Sa forme irrégulière et ses intonations fausses selon les règles

de l’art musical le rendent intraduisible. Mais ce n’en est pas moins un beau champ , et tellement approprié à la nature du travail qu’il accompagne, à l’allure du bœuf , au calme des lieux agrestes, à la simplicité des homme qui le disent, qu’aucun génie étranger au travail de la terre ne l’eût inventé, et qu’aucun chanteur autre qu’un fin laboureur de cette contrée ne saurait le redire. […]. Cela est sauvage, mais le charme en est indicible et quand on s’est habitué à l’entendre, on ne conçoit pas qu’un autre chant pût s’élever à ces heures et dans ces lieux-là, sans en déranger l’harmonie. >>16

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Un écho d’éloge symboliquement sonore retentit bruyamment sur la conscience pour lui faire entendre raison. C’est bien un rituel poétique qui tend à définir la ruralité avec le sens de l’accomplissement du laboureur dont la rationalité est mandatée par la raucité de la voix interne d’un sol clamant une essence d’esprit et d’âme purement rurale. La réflexion commentatrice de l’écrivaine est, en effet, munie d’un éclairage fervent sous lequel l’aspect signifiant de la ruralité ne semble s’appréhender qu’en raison de la conscience des laboureurs qui ne saurait se manifester de manière adaptée que si elle est régie par l’âme de la terre.

En effet, cette dernière se plaît à s’immiscer sournoisement dans la narration et gerber jusque dans le profond sens des denses descriptions pour faire du romanesque un océan de verdure où elle plane, en méditant avec un souffle légendaire, sur tout ce qui se perçoit en filigrane. De ce fait, la ruralité est donc, à notre sens, une institution mentale qui tend, dans sa logique, à impliquer la terre, le paysan, la rudesse du labour, la rudesse de la vie à la campagne et surtout l’instinct terrien. Ce dernier anime inlassablement voire avec opiniâtreté l’aspect rustique de la scène ethno-villageoise. Il se veut, pensons-nous, le fervent crédible protagoniste de la réalité rurale dont la vertu agit en faveur de la sponsorisation des indéniables qualités morales avec lesquelles s’appliquent tout paysan et toute paysanne.

Ainsi, nous pensons que la ruralité est conçue sous une tutelle terrienne et semble se manifester sous un joug absolu signifié dans l’évocation des parcelles et des lots de terrain. Ainsi, il convient à l’évidence de dire que la mise en évidence de la ruralité ne pourrait s’établir qu’à partir des traits de la condition humaine prise dans la réalité de la vie à la campagne. Et son étude devient possible en raison de son lien supposé avec les hommes qui vivent de la terre, travaillent la terre, possèdent la terre et luttent pour préserver, dans tous les sens, la terre.

Le sens de la ruralité peut donc se fonder sur celui de la nature qui se veut synonyme de quiétude affective qu’emporte un élan fécond de beauté insolite

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susceptible de nous projeter dans le rêve de la douceur d’un certain idéal dont la grandeur et la noblesse sollicite ce qui cautionne la tendresse et la compassion des cœurs et des âmes.