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132 2) Ambition idéologique

3) Culture, Conformité et Adaptation de sens

C’est dans cette conception culturelle, que nous envisageons de développer notre réflexion qui se veut un travail faisant office d’un mode d’analyse exceptionnel de l’expression poétique dans l’art de fusionner la littérature et le monde écolo lié à la terre.

Mais il convient de commencer, d’abord, par définir la culture qui dans ses différentes acceptions a suscité l’intérêt de plusieurs recherches et études. Il sera donc utile de souligner qu’en philosophie le mot culture désigne ce qui est différent de la nature et qu’en sociologie, il a été défini comme étant ce qui est commun à un groupe d’individus et comme étant ce qui le soude. Le mot culture provient du latin cultura qui suggère l’action de cultiver la terre dans le domaine de l’agriculture et se réfère à l’activité de l’homme. Le mot cultura est également employé en ethnologie et Cicéron fut le premier à l’appliquer à l’être humain : <<un champ si fertile soit-il ne peut

être productif sans la culture, et c’est la même chose pour l’être humain. >>

103 -Marchais Pierre, L’Activité Psychique : De la Psychiatrie à la théorie de la connaissance, Ed. Le Harmattan,

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Ce terme prend des significations notablement différentes, voire contradictoires et son emploi s’est progressivement élargi, dans l’Histoire, aux êtres humains :

<<La culture est l’ensemble des comportements, savoirs et savoir-faire caractéristiques d’un groupe humain ou d’une société donnée, ces activités étant acquises par un processus d’apprentissage et transmises à l’ensemble de ces membres. >> (Définition anthropologique de Laplantine, 1987.)

Suite à ce qui a été établi dans la définition citée ci-dessus, nous nous permettons de dire que certaines représentations dénotent, dans les romans champêtres notamment ceux de notre corpus, des repères culturels déployant ainsi des connaissances qui complètent le contrat de lecture et donne à l’œuvre une valeur documentaire s’appuyant d’abord sur les différentes manières de faire et d’être qui se conçoivent selon la dimension psychologique du groupe auquel la conscience de l’individu fait référence, puis sur la dimension relationnelle de la famille et de la société que l’on peut commenter ou juger.

Ceci dit, une telle représentation remplit, en outre, une fonction idéologique consistant en un témoignage des relations affectives et morales.

<<Laurence, dont l’embonpoint depuis quelques mois s’accusait,

passait des vêtements dont elle estimait que le ton convenait aux circonstances : une jupe de lainage pied- de- poule, un corsage noir sur lequel pendait à une longue chaîne en sautoir un médaillon contenant la photographie de son mari. Campée dans le personnage de la femme du héros blessé, sa conversation passait de la grandiloquence à l’abattement. Autrefois, lorsqu’elle parlait de son mari, elle disait

<<

Philipe>>, maintenant c’était <<mon Philipe>>. >>104

Dans cette perspective, pour donner plus crédibilité à notre hypothèse, nous convoquant Tylor, professeur d’anthropologie à Oxford qui emploie, au 19ème siècle,

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le terme de culture comme synonyme de civilisation et la définit, d’une manière étonnamment complète et précise dans Primitive culture en 1871, comme suit :

<<La culture ou la civilisation, prise dans son acception au sen large, est cet ensemble complexe composé par la connaissance, la croyance, l’art, la morale, la loi, les coutumes et toutes les autres compétences et habitudes acquises par l’homme en tant que membre d’une société. >>

Cependant, le terme de la culture a manifestement été incorporé par la sociologie de langue française et l’anthropologie sous l’influence de la sociologie américaine. Et sans perdre son premier sens, il revêt de nouveaux sens éloignés du premier et est retraduit de l’Allemand à l‘Anglais. Ceci dit, la conceptualisation attachée à la nature de cette entité a supposé une autre définition générale formulée de la manière suivante :

<<La culture est un système de représentations mentales qui fonctionne en grande partie inconsciemment et dicte les valeurs, les conduites et les visions du monde que tout individu appartenant à un groupe donné doit actualiser dans sa vie quotidienne pour faire partie du groupe. >>

La réalité culturelle a été, de ce fait, d’un peu plus près cernée et perçue d’une manière symbolique, comme étant un ensemble partagé par un groupe humain particulier et distinct.

C’est par la touche culturelle que le roman devient un récit des origines qui reflète les ancêtres, il se veut alors le médiateur qui dresse les portraits moraux et psychologiques les plus fiables qui soient pour décrire la paysannerie dont les esprits sont fières et fort inspirés. La culture est le héros sans limite de la dignité dans la

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création humaine, elle révèle l’être et son humanité. Pour la culture, les peuples se sont battus et se battent toujours et souffrent et meurent.

C’est la culture qui ne saurait réduire l’homme au silence. Sa préservation exorcise la peur de voir un jour sa terre se faire approprier par l’intrus indésirable. C’est pourquoi nous nous permettons de définir cet idéal réalisable comme suit : C’est la culture qui introduit la possibilité de substituer la vision du monde et la vision de concevoir propre à chacun de nous car, il s’agit certainement d’une convention rationnelle et absolue non arbitraire dont la signification est moral.

Et C’est dans ce sens que l’on se permet de dire aussi, qu’elle peut être prise dans son acception la plus déterminante comme étant le moyen le plus approprié et le plus adéquat de subsistance d’un peuple, d’un groupe ou d’une ethnie voire d’une société ou d’une nation.

<<Jérôme, parfois accompagné de Lucie, rendit visite aux familles. Il pensait que c’était son devoir. On les recevait à la cuisine. >>105

Dans son œuvre romanesque, l’auteur entrevoit un comportement qui se confond avec la vérité du monde paysan, ce qui consolide, avec foi, l’admiration et la célébration à l’égard de ce qu’il y a de meilleur dans la culture des paysans de l’époque à savoir la loyauté et l’attention envers la famille. En effet, dans le passage cité ci-dessus, nous percevons une évaluation de vertus socio-familiales se fondant sur les principes du vraisemblable. C’est pourquoi nous nous permettons de dire que cette mise en évidence traduit, d’une manière formelle, la convenance des comportements qui s’adoptent selon ce que l’ethnique loi d’acceptation et de rejet exige. De ce fait, la culture, dans l’œuvre littéraire, se caractérise moins par les productions symboliques et les créations artistiques valorisant la communauté ethnique que par la socialité qui donne à percevoir ce qui soudent les membres.

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Donc, le cadre de définition ne se limite uniquement pas à celles évoquées ci-dessus. En 1964, selon la formule de Ward Goodenough, anthropologue, la notion de culture recouvre également :

<<Tout ce qu’il faut pour être membre…la culture d’une société donnée consiste en tout ce qu’il faut savoir ou croire pour se conduire d’une manière acceptable pour les membres de cette société, et ce dans tous les rôles qu’ils accepteraient pour chacun des leurs. >>

En effet, c’est la revanche de la pensée culturelle qui gagne en intensité pour laisser triompher le monopôle des grandes valeurs morales issues de l’effervescence des multiples manifestations sociales traduites par ce qui symbolise l’enjeu identitaire foncier de cette manière d’être, d’agir, de se comporter et surtout de penser la vie. C’est ce qui heurte, sans le moindre doute, le lecteur de plein fouet et renforce le postulat de la littérarité et de ses implications dans l’analyse créative ou se déduisent des conclusions basées sur les conditions matérielles.

Ainsi, nous notons que dans La Terre et le Sang, les Chemins qui montent et Le Fils du pauvre de Mouloud Feraoun, dans La Mare au diable de George Sand, dans La Terre de Zola, dans Arris de Yamina Méchacra, et dans La Terre et La Guerre de Jacques Chauviré, la culture sature la vie des personnages et asperge le roman d’allusion incitant la réflexion à opérer consciencieusement sur la manière d’être soi que l’on perçoit à travers la lecture active et plus complexe. Une lecture qui se veut, en effet, non linéaire où le lecteur ira de l’énoncé à l’image, soit d’un exposé purement verbal aux représentations. Il s’agit, de ce fait, d’un procédé sémantique et de réactivation du sens où l’on souligne un effort d’attention ne laissant planer aucune ambiguïté sur tel ou tel point.

Si, en effet, la culture est racontée dans le roman, c’est parce qu’elle est déjà médiatisée symboliquement dans toute pensée qu’elle soit littéraire ou autre. La manière de raconter la culture se veut un vaste éventail de phénomènes mettant en lumière ce caractère englobant tous les faits et les gestes assurant la transition entre

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l’histoire sociale d’ordre politique, religieux, économique et l’histoire d’ordre culturel et spirituel. Le mot culture est l’icône de la terre. C’est en effet une réalité exclusive qui se mêle à une bonne dose de fiction en fonction de laquelle elle prend forme et se bonifie intensément.

C’est pourquoi, l’on se permet de dire que la terre s’inscrit comme une référence idéologique car le principe de l’appartenance se développe tel un embryon dans une idéologie qui le porte au gré des exigences de la culture et sous la pression des valeurs et des contraintes sociales qui se perçoivent, dans un acquis de conscience, à travers le discours littéraire, dans une certaine mesure, par commandité et par passion.

La revanche de la terre se manifeste, dès lors, par la providence de l’aspect anthropologique et des différentes manifestations des multiples tendances des peuples ruraux. Ce qui nous amène à dire que la terre s’inscrit dans une relation avec un ensemble à savoir les traditions et les coutumes, que le texte met en évidence par des représentations diverses. Le thème majeur des œuvres de notre corpus est la culture qui est leur raison d’être dans la manière de faire aboutir le sens.

Elle constitue, également, la source d’information et le répertoire dans lequel tout lecteur peut découvrir une spiritualité suscitant une réflexion faisant surgir un sentiment de compassion. En effet, c’est en puisant, dans le passé des peuples démunis, malheureux et heureux à la fois que se dessine une scène de discours qui tente de reproduire les réalités et de produire l’effet du réel.

<<Nous mangeons quand même. D’abord des pommes de terre, et nous recevons chacun un gros morceau de galette levée ; puis du couscous blanc de semoule, avec de la viande. Devant de telles richesses, la joie prend le pas sur la honte du début. C’est, la joie animale de nos estomacs avides. Dès que ceux-ci sont pleins, nous nous sauvons, le front

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ruisselant de sueur, sans remercier personne, emportant dans nos mains ce qui nous reste de viande et de galette. >>106

Dans ce passage, une des sphères les plus profondes et les plus intimes de la réalité kabyle du temps colonial se perçoit à travers la mise en évidence d’un menu établi à la Kabyle où l’on trouve un regain d’actualité gastronomique qui englobe une forme d’organiser un repas exceptionnel. A notre sens, il ne peut s’agir que d’une description dont l’enjeu consiste à révéler à la fois les plats traditionnels de la Kabylie et la situation désastreuse avec laquelle se démenaient les kabyles travailleurs de la terre. C’était le temps où ils étaient privés de confort et de festins culinaires.

Une dimension sociale, politique et historique à la fois de la problématique dans laquelle on place notre thèse dont l’argumentation portera, de toute évidence, dans son interrogation, sur les souffrances d’un peuple dépossédé de ses terres fertiles et rentables, des richesses de son pays, privé de sa dignité, de la vie et même du droit de gouter au bonheur. Un peuple aliéné, au sens propre du terme, par la sujétion coloniale.

En outre, dans un autre passage la révélation est soumise à une autre forme de mise en évidence perceptible et perceptive dans la caractérisation de laquelle se projetterait des traits de caractère traditionnellement liées à cette manière d’être propre au monde rural faisant part d’un bon nombre d’éléments offrant des perspectives prometteuses pour notre analyse.

<<Il marcha vite et se trouva bientôt à peu de distance des Ormeaux. Il éprouva alors le besoin d’aller embrasser son fils, et même de revoir la petite Marie, quoiqu’il eût perdu l’espoir et chassé la pensée de lui devoir son bonheur. Tout ce qu’il venait de voir et d’entendre, cette femme coquette et vaine, ce père à la fois rusé et borné, qui encourageait sa fille dans des habitudes d’orgueil et de déloyauté, ce

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luxe de villes, qui lui paraissait une infraction à la dignité des mœurs de la compagne, ce temps perdu à des paroles oiseuses et niaises, cet intérieur si différent du sien, et surtout ce malaise profond que l’homme des champs éprouve lorsqu’il sort de ses habitudes laborieuses, tout ce qu’il avait subi d’ennui et de confusion depuis quelque heures donnait à Germain l’envie de se retrouver avec son enfant et sa petite voisine.>>107

Germain refuse la domestication dans cette ville de déloyauté qu’il condamne et qu’il conçoit comme une atteinte à la dignité humaine. Un caractère qui a la force et la rudesse de la compagne dans son hostilité face à la différence d’autrui. A ce titre, on peut dire qu’un A.D.N culturel se construit dans le contexte d’une organisation sociale ayant valeur de définition et de caractérisation considérée en relation étroite avec les mentalités d’une époque. Cet aspect de pensée nous permettra de juger en tout état de cause de l’intérêt du conservatisme et du bon sens.

Cette psychologique est soutenue par un état d’esprit qui fait l’objet de notre attention à la réalité rurale épuisée par la présence immédiate de la culture. Il s’agit, donc, d’une attitude naturelle et en même temps ouverte, mais non tolérante que l’on peut interpréter comme l’élément fondateur de la réflexion culturelle embrassé par un préjugé chargé de sens.

Ceci dit, il est impossible d’ignorer ou d’affaiblir la présence de soi par rapport à l’autre, c’est-à-dire, par exemple, le fait d’avoir porté un jugement négatif, considéré et définitif, cela sous-entend une vision stéréotypée construite sur une image figée qui valorise le paysan et dont le récit est fortement imprégné. Ce qui nous amène à dire que le sens est conformément adapté aux dominantes descriptives de la manière d’être et de concevoir de sorte que l’on peut supposer le tableau comme une représentation référentielle qui crée tout un monde de toute pièce comme étant l’illustration réaliste et crédible.

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Un principe moraliste se perçoit et s’introduit, dès lors, dans la psychologie du personnage Germain, comme un facteur déterminant dans la réalité de la reconnaissance de soi. Cette forme de culture se traduit par une activité mentale définie par l’acte qui se manifeste par le rejet ou l’acceptation. C’est en effet, cette forme de culture que Guy Rocher définit comme étant :

<< un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d’agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d’une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte.>>108 (Introduction à la sociologie générale).

Ainsi, une variété d’interprétations peut apparaître et se projeter avec l’éclat d’un projectile visant à mettre en évidence certains aspects de la réalité socioculturelle des paysans à savoir qu’il s’agit de la manifestation d’une forme d’esprit des ruraux considérée sous l’angle de ses inventions fortuites et de la référence fondatrice qui les nourrit. Ceci dit, ce qui se perçoit dans les multiples représentations dans le roman champêtre, n’aura, donc, pour fonction stratégique que celle qui tend à insérer dans un éventail chargé de peintures sociales un certain art d’où se dégage une spécifique dynamique picturale donnant à saisir ce qui détermine le sens de la rationalité rurale pour ce qui est de faire et de se faire distinct par rapport aux autres et de ponctuer ainsi les perspectives du joute mémorable entre ce qui fonde le mode créatif de la pensée rurale et ce qui s’acharne à le maintenir comme le tuteur qui affirme avec force le contexte ethnique.

Comme, il peut sembler qu’avec La Terre de Zola, le thème de la culture va s’amplifier pour devenir objet réel et tangible de la mise en exergue de la communauté rurale de la France du dix-neuvième siècle et surtout de la manière de s’habiller :

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<<Lui, coiffé d’une casquette de soie, avait une grande blouse bleue, sur un pantalon de drap noir ; elles, également endimanchées, les cheveux serrés dans leurs petits bonnets ronds, portaient des robes semblables, un corsage de lainage sombre sur une jupe gris fer, que coupait un grand tablier de cotonnade à minces raies roses ; et ils ne se donnaient pas le bras, ils marchaient à la file, les mains ballantes, au milieu des coudoiements de la foule. C’était une bousculade de servantes, de bourgeoises, devant les paysannes accroupies, qui, venues chacune avec un ou deux paniers, les avaient simplement posés et ouverts par terre. >>109

Ce passage opère une sacralisation considérable de la culture. En effet, la providence symbolique de cette manière vestimentaire minutieusement décrite jusqu’aux moindres détails de la population française du dix-neuvième siècle, est l’objet qui répond le mieux à notre conception d’étude. Cependant, les interprétations sont fort diverses, mais nous optons pour celle ayant trait au paysannat français et qui a dynamisé le sens pour, ainsi dire , laisser supposer une mise en exergue constamment conçue dans le but de nous conduire à déduire que la révélation est fort intéressante dans le sens où elle ne se limite uniquement pas à la manière de s’habiller.

Mais elle traduit aussi, d’une manière formelle, ce sentiment d’être libre et de pouvoir se livrer sans contrainte à un bonheur que l’on ressent le dimanche, jour de mess où les croyants se rendent à la chapelle et où femmes et hommes qui quittaient leurs champs pour aller au marché des bestiaux avaient cette manière propre à eux de marcher sans se donner la main.

Une manière innocente, arbitraire et capricieuse dépourvue de tout Protocole