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Chapitre I : Identité ; d’un état à un processus

Chapitre 2 : Les apprentissages : de la théorie à la forme

4- L’apprentissage ; une implication à diverses entrées

Ces théories nous montrent les différentes possibilités d’apprendre.

Une exposition répétée dans le temps au sein d’un même milieu permet l’acquisition de certaines connaissances. Cette théorie de l’empreinte permet d’expliquer les comportements que la personne atteinte de diabète développe en rapport à la maladie par le simple fait que dans sa famille il existe d’autres personnes atteintes de la même maladie. Il s’agit d’apprentissage en situation informelle dits sociaux en ce sens que la personne n’a ni conscience ni l’intention d’apprendre (Schugurensky, 2007). La théorie Béhavioriste, quant à elle, insiste sur la possibilité d’acquisition de comportement suite à la stimulation volontaire et répétée par autrui. Cette théorie est largement utilisée par les professionnels de santé pour

amener la personne atteinte de diabète à acquérir de nouveaux comportements (réalisation d’un dextro, d’une injection, d’un re sucrage…). Ces apprentissages sont utiles au quotidien mais présentent des limites. La personne atteinte de diabète se retrouve en difficulté devant cette injonction thérapeutique de faire comme cela lui a été indiquée sous peine d’aggravation de sa maladie. Cette injonction questionne les identités actuelle et visée puisqu’elle pose des problèmes de projection de soi vers un avenir supposé par autrui et de mobilisation des ressources actuelles non préparées pour de tels usages.

Pour les constructivistes, il existe un rôle plus actif dans les apprentissages à travers les mécanismes d’assimilation ou d’accommodation lorsque la personne se trouve devant un conflit cognitif (un obstacle). Nous avons vu précédemment que ces mécanismes peuvent être très rapides et ne pas pouvoir être explicités par la personne. Il nous parait important de comprendre ce qui a mené la personne atteinte de diabète à utiliser tel ou tel des 2 mécanismes. Est-ce une stratégie, est-elle d’ordre identitaire ?

Bandura va plus loin puisqu’il propose non seulement une possibilité de changement de la personne par son environnement mais également de l’environnement par elle. Ainsi les apprentissages se font pour se changer soi-même et également pour changer l’environnement qui une fois modifié nécessite une nouvelle réflexion de la personne. Qu’est ce qui va pousser la personne atteinte de diabète à de tels changements ?

4-1 Participation

Pour apprendre il faut être engagé dans l’action, même d’une manière qui semble passive, car tout d’abord il faut participer. Pour Brougère (Brougère & Ulmann, 2009, p 267), c’est en participant que l’on apprend. Il peut s’agir d’une participation périphérique légitime (la personne évolue vers une participation pleine en apprenant) ou d’une participation guidée (la personne agit mais sans être livrée à elle-même). Dans ces situations, l’objectif est la participation et aura pour conséquence un apprentissage fortuit ou tacite.

La participation peut être plus active et voulue par la personne atteinte de diabète. En reprenant la théorie sociale cognitive, Bandura met en avant une notion centrale : le sentiment d’efficacité personnelle (SEP).

4-2 Sentiment d’efficacité personnelle (SEP)

Pour Bandura, une personne s’investit dans un domaine si elle pense obtenir des résultats satisfaisants. Le SEP, qui est la croyance de la personne en sa capacité à atteindre un objectif

donné, se construit à partir de 4 principales sources d’informations (Lecomte, 2004) que sont la maitrise personnelle, l’apprentissage social ou l’expérience vicariante, la persuasion verbale par autrui, l’état physiologique et émotionnel. Le SEP résulte d’une analyse que la personne fait sur ses propres capacités à atteindre un objectif en s’engageant dans une activité. Cet engagement, s’il a lieu, est une nouvelle situation où des apprentissages peuvent se développer.

Cette notion d’engagement qui favorise les apprentissages est retrouvée chez Billet (Billett, 2004) qui associe deux éléments moteurs de l’apprentissage : l’engagement dans la situation et l’affordance de la situation.

4-3 l’engagement

L’engagement est également favorisé par le fait d’avoir un projet. Kaddouri (1996) émet trois conditions à l’établissement d’un projet:

- « Penser sa propre réalité comme insatisfaisante - Concevoir sa réalité comme transformable - Pouvoir imaginer sa réalité différente ».

Lorsque ces trois conditions sont réunies, nous pensons que la personne atteinte de diabète sera très active dans ces apprentissages et à l’inverse elle sera peu active si aucune condition n’est présente. L’insatisfaction initiale n’est pas clairement exprimée dans le modèle ci- dessous de Lacroix (Lacroix, 1996, p 85)

 « La personne est persuadée qu’elle est bien atteinte par la maladie  Elle pense que cette maladie et ses conséquences peuvent être graves  Elle pense que suivre un traitement aura un effet favorable

 Elle pense que le rapport bienfaits/contraintes du traitement lui sera favorable » Lacroix ajoute trois autres aspects

- les stades d’acceptation de la maladie (choc initial, phase de dénégation, phase de révolte, phase de marchandage, phase de tristesse sur soi, phase d’acceptation, phase de résignation, phase de pseudo acceptation). Nous pensons qu’une personne atteinte de diabète en déni ou en révolte est peu enclin à apprendre vis-à-vis de sa maladie.

Selon qu’elle ait accepté ou non la maladie, ses apprentissages varient en qualité (différence de contenu) et en quantité (selon l’investissement).

- l’aspect cognitif. Dans cet aspect, ce sont surtout les représentations, les conceptions de la maladie et de la santé qui sont interrogées. Pour Lacroix « la représentation c’est l’idée que l’on se fait de quelque chose » (Lacroix, 1996). Il est inutile d’affronter ces conceptions pour prouver qu’elles sont erronées mais plutôt d’ouvrir le champ des possibles en explorant d’autres expériences. Des travaux ont montré que « la structuration d’une conception entre l’étiologie et le traitement qui répondrait à ce type d’étiologie relevait d’une logique implacable et est donc très tenace » (Lacroix, 1996, p 83).

- le lieu de contrôle de la santé (Lacroix, 1996). La représentation que se fait la personne vis-à-vis du contrôle de sa santé est fondamentale pour comprendre la position qu’elle prend dans les prises de décision. Pour la personne atteinte de diabète le contrôle dépend-il d’elle-même ou de quelqu’un d’autre ? Elle peut être totalement passive dans la prise de décision et s’en remettre au professionnel de santé « Docteur c’est à vous de me dire ce que je dois faire ». Cette attitude pose la question de l’application de ce qui est décidé par autrui.

Nous sommes ici dans le cadre des maladies chroniques et l’accompagnement doit se faire sur un véritable partenariat entre les protagonistes. Le lieu de contrôle pensé par la personne atteinte de diabète doit changer en fonction de l’évolution de la maladie et des différentes rencontres. Nous imaginons un axe (figure 2 ci-dessous), avec aux extrêmes le contrôle interne et le contrôle externe, sur lequel la position du curseur varie au cours du temps. Nous supposons que le contenu et l’engagement dans les apprentissages varient en fonction de la position du curseur.

Contrôle interne --- contrôle externe Figure 2 : axe de variation du lieu de contrôle de la santé

Le lieu de contrôle de la santé perçu par la personne atteinte de diabète est un des facteurs favorisant ou non l’engagement. Ce lieu de contrôle change au cours du temps. La temporalité est un facteur à prendre en compte pour analyser les apprentissages.

4-4 L’apprentissage ; une évolution dans le temps

Un autre facteur important est la variation des apprentissages au cours de la vie avec la maladie. Ils peuvent passer d’un besoin précoce de gérer les situations critiques purement médical à un besoin plus tardif de faire face à des situations psychosociales. Que ce soit à travers sa propre maladie ou à travers celle des autres, la personne atteinte de diabète capitalise un certain nombre d’informations, de savoirs et de connaissances amenant à l’adoption de comportements. Les besoins pour gérer la maladie et la manière d’analyser les événements varient au cours du temps. Une même personne intègre ou analyse un événement de manière différente en fonction de son âge et des circonstances. Cela nous amène à discuter des apprentissages en situations informelles car le public visé est composé de personnes adultes ayant un vécu plus ou moins long avec la ou les maladie(s) et qui ont donc connu de nombreuses expériences. Ces dernières ont lieu le plus souvent dans la vie de tous les jours (maison, travail, famille…) en dehors de tout dispositif de type scolaire.

C’est pourquoi il importe d’aborder la question de l’apprentissage en tenant compte des différents lieux de socialisation et des contextes.