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Chapitre I : Identité ; d’un état à un processus

Chapitre 2 : Les apprentissages : de la théorie à la forme

7- l’apprentissage et la maladie ; Point de vue de la personne

Dans son quotidien, la personne atteinte de diabète adopte, consciemment ou non, de nouveaux comportements pour gérer sa maladie. Cette situation favorise l’autodidaxie qui est « une manière de se former de façon informelle, seul, en groupe ou en réseau, en dehors des institutions éducatives. C’est une façon d’acquérir des savoirs qui n’est pas guidée ni structurée de façon externe par des programmes et n’a pas pour finalité l’acquisition d’un diplôme. C’est une manière de se former aussi bien à travers les ressources de l’expérience et de l’action, que dans le recours à des savoirs déjà constitués » (Bézille, 2005, p 27)

7-1 Impact physique : adapter et s’adapter à son corps changeant

L’utilisation des différentes parties de notre corps pour la réalisation de tâches au quotidien est effectuée de manière quasi réflexe sans besoin d’y réfléchir. Ainsi mettre un pied devant l’autre pour marcher, lever la main pour amener la fourchette à la bouche au cours du repas, se pencher en avant et prendre appui sur les jambes pour se lever ne demandent pas d’efforts cognitifs à la personne. Chez la personne atteinte de diabète il en va autrement puisque certaines complications, comme l’amputation, amènent à gérer son corps autrement. Se lever n’est plus si aisé et il faut penser (au moins au début) à basculer sur la jambe valide puisque l’appui sur les deux jambes n’est plus possible. Dans ces situations la personne atteinte de diabète doit non seulement gérer cet aspect de soi et retravailler son identité mais également apprendre à mouvoir son corps autrement dans l’espace.

Il en est de même pour la baisse de la vision qui nécessite des outils comme le port de lunettes ou l’utilisation de loupe pour permettre la lecture. Bien que cela puisse paraitre des détails mineurs, l’utilisation de ces outils ne va pas de soi pour différentes raisons. Nous citons le fait qu’avoir un trouble de la vue c’est avoir un objet en plus à manipuler au quotidien. Tenir la loupe c’est avoir une main occupée alors qu’auparavant les actions se faisaient avec les deux mains disponibles (tenir un livre…). L’adaptation à ce déficit se fait parfois sans s’en rendre compte, sans en être conscient. Pour rester dans le cadre de la vision, la personne atteinte de diabète éloigne progressivement son livre pour faciliter la lecture, va augmenter la taille des lettres pour une lecture adaptée sur ordinateur.

Nous nous interrogerons sur les moments qui permettent ce travail et sur les connaissances mobilisées.

7-2 Impact psychique : se (re)présenter à soi, quels enjeux pour les apprentissages ?

La manière de se présenter à soi-même aujourd’hui joue sur les décisions à prendre pour l’avenir. Si la personne se définit comme « je suis diabétique » ou « j’ai un diabète » n’abordera pas le quotidien de la même manière et ses apprentissages seront différents. De même si elle pense pouvoir gérer efficacement sa maladie ou ne rien pouvoir y faire, son comportement ne sera pas identique.

Atteinte de diabète, la personne vit son quotidien avec cette nouvelle donnée. Pour l’intégrer aux décisions nouvelles ou revisiter celles déjà prises, elle va peser le pour et le contre entre aujourd’hui et demain. Ainsi elle choisit entre un fait aujourd’hui et un probable demain : - une gestion très stricte de son diabète pour un avenir sans complication au risque d’une détérioration de sa qualité de vie

- et une gestion plus lâche de son diabète pour une meilleure qualité de vie mais au risque de complications plus importantes

La gestion se fait au quotidien en tenant compte non seulement des décisions antérieures, de la situation du moment mais également en fonction des projets à venir. Quels vont être les contenus et processus d’apprentissage mis en jeu dans de telles décisions ? La connaissance du fonctionnement du diabète, de son évolution et des traitements doit avoir son importance. Cependant nous pensons que cela est loin d’être suffisant et que d’autres facteurs interviennent.

7-3 Impact psycho-social : la présentation de soi à l’autre

La personne du fait de sa maladie va endosser des nouveaux rôles vis-à-vis de sa famille, ses collègues, ses amis c’est-à-dire lors de chaque interaction avec autrui. Tant que les effets de la maladie ne sont pas visibles à l’extérieur, elle a le choix de dévoiler ou non son diabète. Quelle que soit la solution choisie, se pose la question des apprentissages qui ont permis cette décision (apprendre à dire ou ne pas dire) et ceux permettant de maintenir la décision.

7-4 Impact socio-environnemental : agir sur soi ou apprivoiser l’environnement

Les complications ou leurs préventions amènent la personne atteinte de diabète à agir sur son comportement ou sur son environnement. Pour reprendre l’exemple de la baisse de la vision, nous observons au moins deux types d’adaptation au quotidien :

- La personne limite son activité par peur des conséquences.

La conduite automobile est réduite voire arrêtée du fait d’une vision insuffisante, prendre la voiture serait alors dangereux. Cela met en question aussi bien l’indépendance (physique) que l’autonomie (mentale) de la personne. Elle ne peut plus se déplacer seule et surtout ne peut plus décider du moment et du lieu de déplacement.

- La personne agit sur son environnement pour prévenir les complications ou améliorer sa qualité de vie.

Pour éviter les incidents dus à la baisse de la vision, elle va éviter ou supprimer les tapis qui sont sources de chutes et les tables basses qui augmentent le nombre de chutes et les traumatismes avec plaies aux conséquences dramatiques. D’autres personnes feront le choix de ne pas modifier leur environnement et de continuer à vivre comme elles le faisaient avant la maladie. Qu’est ce qui amène à adopter tel ou tel comportement ?

La personne peut-elle facilement modifier l’environnement qu’elle a construit et dans lequel elle vit depuis de nombreuses années ? En a-t-elle les moyens physiques, psychiques, intellectuels et financiers ?

La personne est diminuée au sens propre par certaines complications telles que les amputations de membres, les déchaussements et pertes de dents. Les perturbations dues à la perte des fonctions mécaniques (marche, mastication) nécessitent de nouveaux apprentissages pour garder une certaine qualité de vie. Ainsi la difficulté à la marche ne permet plus à la personne d’accéder à l’étage où se trouve sa chambre ce qui nécessite soit d’installer cette dernière au rez-de-chaussée soit d’adapter un siège électrique aux escaliers. La personne porteuse de troubles de la mastication est amenée consciemment ou non à modifier la consistance de ces aliments, leurs modes de cuisson et par la même le goût est modifié. Comment la personne va-t-elle adapter son quotidien, quelles stratégies va-t-elle adopter pour maintenir un certain équilibre face aux difficultés liées aux pertes physiques ?

Ces apprentissages de la vie quotidienne se retrouvent dans de nombreuses situations comme celle de la consultation médicale. La mobilisation pour une consultation est différente de celle nécessaire à l’hospitalisation. Pour la consultation, la personne va se déplacer vers un lieu et pour un professionnel de santé qu’elle connait et va se livrer à un rituel communicationnel (voir paragraphe la consultation médicale, page 59). Après ce laps de temps (environ 20 mn) elle retourne chez elle et intègre ou non le résultat de l’échange à sa pratique. Pour l’hospitalisation, la personne atteinte de diabète se mobilise autrement ne serait-ce que pour organiser une absence du domicile de plusieurs jours. Elle développe des apprentissages spécifiques pour aller vers un endroit non connu et rencontrer plusieurs professionnels de santé qu’elle n’a pas l’habitude de côtoyer. Elle y est confrontée à de nouveaux savoirs médicaux et également profanes (venant des autres personnes hospitalisées) qui interpellent sa propre pratique.