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pertinents et de voir si un profil d’étudiants ou un parcours se dégagent plus que les autres au regard de mon enquête. En l’espèce, il n’en est rien. J’ai en effet administré ce questionnaire en février 2019 lors de mon premier stage de terrain. J’ai pu récolter 166 réponses sur un ensemble de 756 étudiants de master 1 Droit à la faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes, ce qui déjà n’est statistiquement pas représentatif. Néanmoins, cela m’a permis de récolter un ensemble assez important de données intéressantes. Il est notamment apparu que la question des réseaux a émergé tout comme celle du jugement et la culture de l’entre-soi. J’ai également pu constater que l’un des problèmes majeurs rencontrés réside dans les difficultés financières et les problèmes de mobilité que cela engendre, une mobilité somme toute contrainte pour les étudiants boursiers. Certains ont par ailleurs insisté sur l’importance du langage et de la culture générale dans une telle filière qu’est le droit, et pensent que l’entourage (famille, amis), les méthodes universitaires et la forme scolaire elle-même sont autant de facteurs influençant la réussite. Toujours est-il que la grande majorité d’entre eux semble avoir intégré son métier d’étudiant et semble avoir investi le champ universitaire, à la fois pour s’intégrer et pour réussir. Certains ont parlé d’adaptation, d’habituation, et un étudiant a même indiqué faire comme ceux qui réussissent. Ces derniers ont, semble-t-il, dû mettre en place un certain nombre de règles d’action pour s’affilier et réussir.

Si cela a donc permis d’obtenir des données probantes, il m’a cependant fallu creuser ces axes à la lumière d’une méthodologie plus qualitative qui a permis quant à elle de préciser les données recueillies ainsi que les réalités et le sens que les étudiants concernés leur attribuent.

C’est la raison pour laquelle cette année, afin de mettre mon enquête à l’épreuve, j’ai décidé d’opter pour une méthodologie qualitative. De fait, un questionnaire seul me semblait peu adapté compte tenu du sujet qui m’intéresse ici, puisque je cherche à saisir les ressentis de mon public cible. Plus encore, je cherche à saisir son expérience, à cerner le sens qu’il attribue à son vécu et son parcours, les éventuelles contradictions qui découlent de ses propos (et qui sont par ailleurs riches d’analyse) et enfin à l’inviter à réfléchir sur ses stratégies, finalement à ce qu’il se livre à moi. User seulement d’un questionnaire n’aurait pas permis une telle approche, il ne ferait que traiter le problème « en surface », sans approfondir les propos des enquêtés et sans avoir la possibilité de rebondir sur ce qu’ils avancent. Par exemple, si certains étudiants ont parfois l’impression de ne pas rencontrer de difficultés, lorsque l’on creuse, on se rend compte que si, mais que les difficultés qu’ils peuvent être amenés à rencontrer ne sont pas nécessairement perçus comme telles par ces derniers.

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Ainsi, un entretien est un « face à face entre l’enquêteur et l’enquêté » (Mayer, 1995, p.360), soit une relation sociale dissymétrique. Cela nécessite de prendre garde à ne pas biaiser l’entretien et à être le moins inductif possible. J’ai notamment pris garde à dévoiler le moins possible mon sujet aux enquêtés, à rester en surface et à me vêtir et m’exprimer d’une façon tout à fait banale pour veiller à « l’effet enquêteur » (Hyman, 1954, cité par Mayer, 1995). Selon Mayer, (1995) il faut établir une relation de confiance et se prémunir d’un trop plein de renforcements positifs de sorte à ne pas trop orienter l’entretien dans un sens et d’induire les réponses de l’enquêté. Cela ne fut pas toujours aisé mais je m’y suis efforcée du mieux que j’ai pu.

Ensuite, dans la mesure où « la situation d’entretien est, à elle seule, une situation d’observation »(Beaud, 1996, p.236), Beaud (1996) et Mauger (1991) invitent à bien analyser le contexte de l’entretien, tous les gestes et mimiques de l’enquêté, sa façon de se vêtir et de s’exprimer, tous aussi révélateurs de la logique sous-jacente aux propos qu’il tient. Dès lors, tout le savoir de l’enquêteur va résider dans sa capacité à manipuler la situation, notamment en « déchiffrant les réactions et attentes » de l’enquêté (Mauger, 1991, p.131). Il faut par ailleurs avoir à l’esprit que lorsqu’il « se » raconte, l’enquêté va sélectionner des passages, des éléments significatifs reliés entre eux par des connexions. Ces éléments seront sélectionnés eu égard au sujet de départ et aux questions de l’enquêteur. C’est-à-dire que l’enquêté ne dévoilera pas tout, mais ce qu’il considère comme étant le plus significatif à l’égard du sujet (Bourdieu, 1986). Or, cela dépend fortement du sens qu’il attribue lui-même non seulement à son vécu, mais également aux éléments sur lesquels l’enquêteur s’interroge. Par exemple, pour ce qui est de mon mémoire, ce qui concerne les questions relatives aux difficultés rencontrées ne seront pas perçues de la même façon selon les enquêtés comme j’ai pu le préciser précédemment. Ce qu’ils considèrent comme étant une difficulté ne sera pas nécessairement la même chose que ce que quelqu’un d’autre considère comme tel ou encore ce que je considère comme étant une difficulté. Ainsi, il m’a fallu creuser ces questions. Il faut aussi prendre conscience que l’enquêté quel qu’il soit, nous livre et nous montre uniquement ce qu’il a envie de nous montrer. De plus, il se livrera plus ou moins en fonction de s’il se sent en confiance avec moi ou pas. Il devient donc nécessaire de poser des questions qui ne soient à la fois ni trop inductives, ni trop « stigmatisantes », de sorte à ce qu’il ne voit pas où je veux en venir (pour ne pas biaiser ses propos), et plus encore, qu’il ne se sente pas jugé par mon sujet et mon approche. Il me faut lui donner le sentiment de le valoriser, d’être de son côté, de ne pas être là pour le juger, sans toutefois basculer dans les « renforcements positifs » dont Mayer (1995) fait état.

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