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master constitue une première. Ces étudiants n’ont pas eu d’exemple avant d’intégrer les études, exemple qui aurait pu les aider à commencer l’acquisition du métier d’étudiant (Coulon, 2005) et tout ce qui en découle. Ainsi, Anaïs explique que :

« Alors mon demi-frère c’est très très compliqué, non. Il a arrêté au brevet. D’ailleurs il l’a passé assez tard parce qu’il l’a repassé il avait 18 ans je crois. Et donc lui sa situation est assez compliquée. Et ma sœur elle elle a fait un, ‘fin elle a essayé de faire un BTS, elle l’a pas eu. Et elle s’est arrêtée au bac pro du coup. »

Et Julia :

« Aucun de mes parents n’a le bac, aucun n’a de diplôme. Ma sœur a eu un bac pro, elle n’a pas eu son brevet. Je suis la seule dans la famille qui est diplômée. »

2.2.2. La mobilisation des parents autour de la réussite de leurs enfants

Néanmoins, qui dit famille soustraite aux comportements et règles universitaires ne dit pas nécessairement famille désinvestie de la réussite de ses enfants. Bien au contraire, les étudiants de cette enquête témoignent en grande partie d’une certaine mobilisation de la part de leurs parents. Si ces derniers ne peuvent subvenir à tous les besoins de leurs enfants, ils s’efforcent autant que possible de constituer au moins un soutien moral. L’on peut ainsi classer les parents des étudiants interrogés en trois catégories :

v Démobilisation : ce sont les parents désinvestis. C’est le cas des parents de Thomas qui n’ont que faire de ses études et ne constituent ni soutien financier, ni soutien moral. Thomas dira ainsi que :

« Donc mes parents m’aident pas financièrement donc là c’est très compliqué. M’enfin même s’ils le pouvaient ‘fin ils veulent pas m’aider. Et ça m’embêterait de leur demander de l’argent. Et c’est surtout qu’ils peuvent pas parce que voilà financièrement maintenant c’est très compliqué, et donc ils ont déjà du mal à vivre eux

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donc voilà. Donc après ce qu’ils pensent de mes études ? Ils sont pas pour. Non. Ils sont pas pour car pour eux fallait que j’aille travailler. »

v Mobilisation restreinte : cela concerne les parents qui ne peuvent pas (ou pas beaucoup) aider financièrement leurs enfants autrement qu’en les hébergeant. Ces parents constituent néanmoins un soutien pour leurs enfants desquels ils sont fiers. Plus de la moitié des étudiants interrogés est concernée par cette catégorie. C’est notamment l’exemple de Hugo :

« Bah voilà elle me rappelle souvent “bah voilà, regarde comment est ta maman, c’est vrai que c’est pas la meilleure situation. Faire des études c’est important, on n’a pas tous la chance d’en faire. Euh si t’as le cerveau qui fonctionne et que tu peux faire des études bah profites-en, je t’encourage à les faire et avec un diplôme on a un emploi et avec un emploi on gagne de l’argent”. Et effectivement c’est un peu l’ascension sociale le rêve de tout parent finalement, c’est que leur enfant réussisse, réussisse mieux qu’eux et surtout quand un parent est en difficulté économique et pas dans la meilleure catégorie socio-professionnelle. Bon bah on espère de tout cœur que son enfant réussisse et elle me le répète souvent même encore aujourd’hui donc euh c’est vrai que ça ça m’a marqué et ça me pousse à faire des études. »

v Mobilisation large : cette dernière catégorie concerne les parents qui peuvent se mobiliser sur plusieurs fronts, tant moraux que financiers. Cela concerne notamment Marie, laquelle est soutenue par ses parents qui l’encouragent grandement dans ses études et qui peuvent l’aider financièrement :

« Parce que oui mes parents et ma famille m’aident financièrement et je travaille du coup l’été donc ça me fait aussi un peu du plus tout au long de l’année. »

Toutefois, l’avis est unanime concernant la mobilisation académique : aucun des parents n’est en mesure d’aider leurs enfants dans leurs études. Aucun d’eux ne s’y connaît en droit, la plupart n’ont pas fait d’études ou alors de très courtes études. Ces derniers sont totalement étrangers aux exigences universitaires et ne peuvent pas accompagner leurs enfants dans leur affiliation. En témoignent ainsi Anaïs (« Au niveau de mes études, bah ils peuvent pas m’aider particulièrement parce qu’ils n’ont pas étudié là-dedans donc je suis un peu livrée à moi-

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même. »), Salomé (« Puis ça fait longtemps que bah … mon père avait, ‘fin il a son bac mon père, mais dès le lycée au niveau maths il pouvait pu m’aider ou autre donc ça fait longtemps que je dois me débrouiller toute seule. ») ou encore Anna par exemple (« Euh bah en fait comme je le dis ils sont fiers de moi, ils m’encouragent, mais ils vont pas m’aider plus que ça. En fait depuis que j’ai dépassé un peu le bac, après ils étaient un peu « bah maintenant on peut plus t’aider quoi ». Donc en fait on parle pas forcément des études, parce qu’en fait ils comprennent pas forcément ce que je fais non plus et euh ouais. »). À l’inverse, s’ils ne peuvent tout de même pas l’aider académiquement parlant, les parents de Iris – et en particulier sa mère – ont contribué d’une certaine façon à cette affiliation. Iris a notamment expliqué combien sa mère souhaitait que ses enfants soient les meilleurs à l’école et qu’ils excellent en classe. La mère d’Iris a fait des études en sociologie. Si elle considère n’en avoir tiré aucun bénéfice, elle est au fait de l’importance de la lecture. Ainsi, la mère d’Iris a habitué ses enfants dès tous petits à la fréquentation assidue de la bibliothèque (ils s’y rendaient chaque semaine). Toutes ces lectures ont contribué à façonner Iris et son rapport au savoir. Elle fait à ce titre partie des « meilleurs » étudiants interrogés en termes de résultats. La mobilisation des parents constituent dès lors un facteur important dans la réussite des étudiants.

Il faut néanmoins nuancer cela. Le fait que dans le cas présent, les parents ne peuvent pas aider leurs enfants en ce qui concerne le droit à proprement parler n’est pas seulement dû à l’origine sociale. Chez les familles de classes supérieures aussi cela peut arriver. En effet qui dit fort capital économique et/ou culturel ne dit pas nécessairement connaissances juridiques. Toujours est-il que les parents des étudiants interrogés ici ne peuvent également pas les aider à intégrer les exigences et implicites universitaires en général, parce qu’ils n’ont de leur côté pas fait d’études. C’est donc notamment ici que se joue la différence avec les classes aisées.

2.3. La question des sociabilités : amitiés nécessaires mais cercle restreint

Le réseau de sociabilités constitue un point d’encrage important dans l’expérience étudiante, en ce qu’il permet la rencontre, l’échange, la confrontation avec autrui (Jellab, 2011). En l’espèce, les étudiants interrogés ont eu à cœur d’aborder le sujet des réseaux amicaux et de ce que ces derniers leur apportent, que ce soit positif comme négatif.

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2.3.1. L’amitié comme vecteur de motivation : un soutien avant tout moral

Ainsi, se faire des amis n’a pas été chose aisée pour tout le monde. Si certains en avaient déjà en arrivant dans la filière parce qu’ils retrouvaient tout simplement ceux du lycée, cela ne fut pas le cas de Julia pour qui les débuts furent assez difficiles. Toujours est-il qu’indépendamment de la quantité d’amis qu’ils ont pu se faire, tous sont parvenus à se constituer un petit cercle. Les amis semblent en effet occuper une certaine place dans la vie des étudiants. Outre ceux qu’ils possèdent déjà en dehors du droit, Julia indique notamment :

« Je me suis bien entourée, je me suis faite de très bons amis, on a tous été très solidaires entre nous ».

Le terme « groupe » a quant à lui été employé pour souligner que même si les étudiants travaillent davantage seuls, les travaux de groupe peuvent aider, les étudiants peuvent collaborer entre eux et s’aider mutuellement. C’est notamment le cas de Marie qui explique que :

« Par groupe de copines on a toutes travaillé sur certains sujets, on s’est vues on s’est tout expliqué. »

Les termes employés ici convergent dans le sens de « l’entraide dans le travail ». L’amitié peut donc parfois soutenir la réussite académique dans la mesure où les étudiants peuvent s’aider les uns les autres dans leur travail universitaire, se rééxpliquer des notions qu’ils ne comprennent pas, aborder les choses sous un nouvel angle. Toutefois, au vu des verbatims, il semblerait qu’en grande majorité, les étudiants interrogés sont davantage amenés à travailler seuls. Dès lors, Katia explique qu’elle a vraiment « appris à travailler seule », Julia souligne que « j’étais seule dans les amphis, j’étais seule, je tapais mes cours seule, je faisais mes devoirs seule », ou encore Anna qui « travaille plutôt toute seule, parfois en groupe ». Cela s’accompagne à cet effet du terme « autonomie » qui est venu à plusieurs reprises souligner le caractère autonome que les étudiants interrogés se prêtent. L’autonomie est ici pensée dans le sens du travail solitaire. Cela les dérange moins d’aider leurs camarades que d’avoir à travailler avec eux. En effet, ils préfèrent faire les choses à leur manière et réviser seuls.

Dans un autre registre, plusieurs étudiants sont revenus sur l’importance de bien s’entourer à l’université pour le soutien moral que cela apporte. Julia, en l’occurrence, a un

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