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codes ça coûte cher je les ai pas achetés », ou même au coût du logement ou de la vie en général. Le fait est que si la grande majorité des enquêtés touche la bourse (cela concerne dix étudiants sur treize), la plupart d’entre eux a insisté sur le fait que cette dernière, bien que nécessaire, reste insuffisante pour vivre. Il leur faut donc en plus travailler l’été afin de pouvoir mettre de côté pour le reste de l’année, financer leurs projets etc. Ainsi, Katia explique que :

« Comme je travaille les étés, du coup j’économise pas mal l’été pour l’année. »

Daphné explique quant à elle que :

« J’ai travaillé l’été mais ça j’ai toujours travaillé l’été pour pouvoir réussir. »

Ou encore Anna par exemple :

« Et euh après je travaille que l’été. Je fais les étés, donc un mois, deux mois. Parce que du coup là je dois faire des stages à l’étranger donc je suis censée avoir des sous pour payer les billets d’avion. »

S’ils ne manifestent pas tous un « dégoût » pour le travail salarié qui constitue pour eux un passage obligé (Julia par exemple manifeste un plaisir à travailler, c’est son « équilibre »), ce travail, totalement déconnecté de leurs études et aspirations, ne vient pas servir leur expérience dans le domaine. Ces derniers sont contraints de travailler en tant que vendeurs saisonniers, employés polyvalents en fastfood etc., des emplois étudiants en somme. Toutefois, cela constitue l’expérience de la grande majorité des étudiants qui ont à travailler durant leurs cursus universitaire, ce qui n’est donc pas surprenant.

Par ailleurs, certains étudiants interrogés vivent certes chez leurs parents, mais ils se sentent tout de même dans le besoin de travailler pour financer leurs études et extras de façon indépendante. C’est ainsi que Julia – qui vit chez ses parents – ressent le besoin de travailler pour « décharger » ces derniers :

« Euh financièrement bah moi je suis nourrie, logée, blanchie comme je vis chez mes parents. Du coup oui ils m’aident vachement. Mais depuis mes 16 ans, ‘fin j’ai toujours

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voulu, ‘fin avec ma sœur, nos parents nous ont toujours dit “si vous voulez quelque chose dans la vie, vous le gagnez. Nous avec votre mère on travaille donc il n’y a pas de raison que vous ne travailliez pas”. Donc depuis nos 16 ans on a été mises au travail. On a toutes les deux commencé sur le marché avec ma sœur et au final bah on adore ça. (...) Même j’ai fait le choix de fumer, d’avoir un permis et donc du coup une voiture, et faut payer l’essence, et c’est des choix que…’fin mes parents m’ont jamais forcée à fumer, donc c’est à moi d’entretenir ça, c’est pas à eux. »

Suivi de :

« Mon but c’est de les délester un maximum et moi je gère. »

La question du travail salarié est donc l’une des questions au cœur de leurs propos. Les étudiants de l’échantillon ne peuvent y échapper s’ils espèrent pouvoir assurer leurs études. Leurs parents ne peuvent pas forcément être derrière eux et les financer, tout comme reconnaissant les difficultés financières que ces derniers peuvent avoir, les étudiants ne veulent pas constituer un « poids » pour eux, d’où ce « passage obligé » par le travail ne serait-ce que l’été.

2.5.2. La crainte du job étudiant

Toutefois, si tout le monde travaille l’été, tous ne sont pas concernés par le travail en parallèle des études. Il s’agit de cas isolés : Julia, Louise et Anaïs. Daphné travaillait également à côté des cours mais a décidé d’arrêter à partir de cette année.

De fait, il s’avère que cela a eu un impact réel sur leurs études puisque Julia a redoublé sa L1 en partie à cause de ce travail salarié qui lui prenait trop de temps et d’énergie. Il en va de même pour Louise qui travaillait lorsqu’elle n’était pas en cours, ou encore Anaïs qui, au moment où nous nous sommes rencontrées (au semestre 1), m’a expliqué qu’elle souhaitait arrêter de travailler au semestre 2 car cela nuisait trop à ses études.

Dès lors, les étudiantes concernées ont soit décidé d’arrêter certaines activités (c’est le cas de Julia qui avait deux emplois étudiants et qui en a donc abandonné un : « Bah je travaille plus du coup, j’ai arrêté mon contrat le samedi. Mais depuis mes 16 ans j’ai toujours gardé le marché

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le dimanche. Donc j’ai allégé ma charge de travail. »), soit décidé d’arrêter (c’est le cas de Daphné et Anaïs) soit revu à la baisse le volume horaire de leur emploi (comme c’est le cas de Louise) en vue de se concentrer sur leurs études, et donc, de ne pas entraver leur réussite (Dmitrijeva et al., 2015). En effet, ce travail salarié peut entraver leurs études et minorer leurs opportunités, car devant a minima travailler l’été voire travailler à côté des cours pour certaines, cela laisse moins de temps pour se concentrer sur leurs études et/ou pour faire des stages l’été. C’est notamment ce qu’explique Salomé :

« Financièrement du coup pendant l’été, je devais travailler plutôt que de chercher un stage ou ce genre de chose. »

Du reste, il n’est pas étonnant que la majorité des étudiants interrogés cherche autant que faire se peut à ne pas travailler en parallèle des cours. L’objectif reste clair : priorité aux études. Les étudiants préfèrent en quelque sorte sacrifier leur été quitte à ne pas partir en vacances ni pouvoir faire de stage et encore moins pouvoir s’avancer sur l’année universitaire à venir. Les étudiants ne se pensent de toute façon pas capables de pouvoir concilier études et travail :

« Faut juste s’organiser et puis bah après je travaillais tout l’été en fait. Donc l’été je travaille oui parce que j’avais pas envie pendant ma licence, c’était trop compliqué d’allier le travail et … y’en a qui y arrivent. Je suis très admirative. Moi je pense que j’aurais pas réussi. » (Ophélie)

« Non ça non. Vu que je suis chez mes parents j’ai pas besoin donc … je me dis que autant pas me rajouter des bâtons dans les roues, donc euh je vis en fonction de la bourse et du travail l’été. » (Iris)

Ainsi, si la question financière est importante pour ce public, il n’en demeure pas moins que les étudiants concernés ne souhaitent pas mettre en péril leurs études en raison de ce travail. Si travail il doit y avoir, celui-ci a lieu l’été et permet dès lors de pallier et/ou anticiper les éventuelles difficultés économiques rencontrées lors de leur cursus, ce que l’on va voir.

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2.6. Les difficultés rencontrées durant leur parcours universitaire

Les étudiants interrogés ont été amenés à faire part des difficultés qu’ils ont pu rencontrer dans leur parcours. Si certains ont eu le sentiment de ne pas y faire face, l’analyse de leur discours a pourtant permis de mettre en évidence plusieurs problèmes participant dans le même temps de leur expérience universitaire. Ces difficultés sont de différents ordres, liées à la fois aux caractéristiques de l’entrée à l’université et plus encore en droit, mais également à l’origine sociale des enquêtés. Il convient donc d’observer cela de plus près.

2.6.1. Des difficultés d’ordre économique

À cet effet, le champ lexical relevant de l’aspect financier est apparu à de nombreuses reprises. La grande majorité des étudiants est en effet revenue sur les difficultés financières qu’elle peut rencontrer ou a pu rencontrer lors de son parcours. Sous des appellations multiples dans les discours, la question financière renvoie ici à un défaut d’argent et est souvent liée aux difficultés qui en découlent. Cette question financière a d’ailleurs été au cœur de la plupart des propos des étudiants interrogés et constitue par ailleurs l’une de leurs difficultés principales. Comme précisé ci-avant, dix de mes enquêtés sont boursiers. Les rares à ne pas l’être ont des parents qui dépassent de très peu le seuil retenu par le Crous pour attribuer une bourse. Toujours est-il que même si bourse il y a, cette dernière n’est bien souvent pas suffisante. Ainsi, l’argent a souvent été évoqué pour signifier le manque d’argent de l’étudiant et/ou de sa famille, comme c’est le cas de Daphné pour qui le « garant n’a pas beaucoup d’argent », ce qui a pu entraîner des difficultés pour trouver un logement. Cela fut également le cas de Thomas qui a pu rencontrer quelques problèmes pour se loger à un moment, ce qui l’a conduit à dormir plusieurs jours dans sa voiture. Les étudiants ont donc dû vite devenir indépendants pour la plupart. Ceux qui ont pu se le permettre ont décidé de rester vivre chez leurs parents pour éviter des frais qui auraient rendu leurs études encore plus complexes.

Certains étudiants ont par ailleurs profité du programme Erasmus justement pour pouvoir toucher davantage de bourses, se gérer financièrement et partir en voyage, ce qui ne leur était pas possible avant. Ainsi Hugo explique :

« J’ai la chance d’être en Erasmus cette année donc j’ai voyagé plus cette année que dans toute ma vie clairement. »

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Et Iris :

« Si y’avait pas eu toutes les bourses de l’État, je serais jamais partie en Erasmus. Parce que pour le coup comme je suis boursière, j’ai de la chance parce que j’ai bah du coup la bourse du Crous, j’ai eu la bourse AMI, j’ai eu la bourse Envoléo, j’ai eu la bourse Erasmus. ‘Fin j’ai vraiment eu plein plein de bourses. J’ai travaillé deux mois l’été juste avant à fond, et du coup j’étais totalement indépendante financièrement pendant un an. Donc c’était assez ouf. »

Mais si les problèmes financiers touchent la majeure partie des étudiants interrogés, ils freinent également la mobilité en master selon Hugo :

« Ma mère a des difficultés financières et donc je me dis bah est-ce qu’il va falloir que j’utilise l’argent de mes bourses pour compenser ? Ça c’est la question. Ce n’est pas à ça que se destine l’argent des bourses mais c’est une question qui est posée très certainement aujourd’hui et qui nuit évidemment à mes études. Donc finalement ma mobilité en master je la sacrifie totalement quoi. Parce que y’a des raisons qui font qu’il vaut mieux que je supporte ma mère et qu’on vive ensemble et qu’on soit dans une situation qui soit correcte tous les deux, plutôt que je parte et qu’on soit dans des conditions impossibles à résoudre et voilà. »

Partir implique en effet un coût que tous les étudiants ne peuvent se permettre. Ceux qui le font bénéficient ainsi d’assez de bourses (et/ou d’autres aides) et travaillent justement pour espérer payer leurs études, logement, assurances etc. Toutefois, les ressources s’amenuisent durant l’année rendant parfois les situations des étudiants des plus complexes :

« Et comme j’ai travaillé l’été dernier pendant trois mois et demi j’avais des sous de côté, mais concrètement là il me reste quasiment plus rien en fait, il me reste 200 balles sur mon livret jeune. Donc là vraiment je vais devoir faire la mendicité limite car je vais devoir choisir entre manger ou payer mon loyer. Donc c’est compliqué. »

(Daphné)

Cela oblige dès lors les étudiants à de multiples restrictions comme par exemple lors des rares temps de loisirs qu’ils s’octroient. Mais plus encore, cela amène des étudiants comme Daphné

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