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master), ces derniers projettent de passer encore plusieurs années dans l’enseignement supérieur, comme ce peut être le cas du doctorat qui se prépare en minimum trois ans, ou l’avocature qui nécessite la réussite au concours du CRFPA à partir du master d’une part, et l’entrée en école d’avocats pour une durée de 18 mois d’autre part. Cela participe en même temps à une culture de l’effort. De telles aspirations contrastent par ailleurs grandement avec les métiers que peuvent exercer les parents des étudiants interrogés. Ces derniers cherchent de fait à s’élever socialement et intellectuellement. L’on est donc face à la construction d’un projet professionnel valorisant en termes de promotion sociale.

2.2. Place et mobilisation des familles dans l’expérience et la réussite étudiantes

Si dans les faits, les étudiants sont les acteurs principaux de leur expérience, il n’en demeure pas moins que la famille joue son rôle dans leur réussite et leur parcours. En l’occurrence, les enfants d’ouvriers interrogés témoignent d’un certain soutien de la part de leur famille, laquelle, si elle ne peut pas les aider plus que moralement, les encourage à poursuivre des études et à donner le meilleur d’eux-mêmes.

2.2.1. La volonté de s’élever socialement

On l’a vu précédemment, la volonté de promotion – ou devrait-on dire d’ascension – est grande chez le public interrogé. Mais cette volonté émane aussi de leur famille qui espère que leurs enfants ne connaissent pas la même vie qu’elle. En outre, Hugo et Katia ont bien spécifié combien leur famille et en particulier leur mère avait à cœur qu’ils réussissent et fassent mieux qu’elle. Thomas reste une exception dans la mesure où ses parents ne comprennent pas pourquoi il s’obstine dans les études et ne s’y intéressent donc pas. Hormis ce cas, le reste des étudiants se sent soutenu par la famille, laquelle se montre heureuse et fière à leur encontre, ce qu’attestent notamment les verbatims suivants :

« Euh oui ils sont très fiers de moi, parce que eux ils ont arrêté l’école très tôt euh au lycée. Je crois que ma mère elle a un bac pro, et mon père lui il a même pas eu le bac. Du coup bah ils sont fiers de moi. En même temps je suis la première, ‘fin du coup pour ma mère je suis sa seule enfant et du coup voilà. Ils me soutiennent dans le sens

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où on me laisse bien travailler. Ils comprennent que si je rentre pas des fois le week- end – parce que je n’habite pas avec eux – mais même avant, je ne rentrais pas tous les week-ends du coup, mais oui ils sont fiers de moi. Et ils me soutiennent et puis euh bah oui ils sont contents que je fasse des études. » (Anna)

« Mais après la famille, oui là quand même j’ai quand même un soutien psychologique du côté de mon père. Et du côté de ma mère aussi oui, ‘fin j’ai juste ma tante et ma grand-mère. Mais oui de toute façon de manière générale, ils sont tous, ‘fin ils disent tous que voilà ils sont fiers de moi, voilà ils sont derrière moi. » (Margot)

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L’on peut alors se dire que ces familles voient sans doute les études comme un réel espoir de mobilité sociale pour leurs enfants (Tanguy et Terrail, 1991). Elles ne semblent pas réfractaires au fait de laisser leurs progénitures intégrer des formations jugées prestigieuses (Poullaouec, 2004, 2010) ou tout simplement, à s’engager dans de longues études, comme c’est le cas du master (Hugrée, 2009), afin d’atteindre un niveau d’études qui permet de s’inscrire dans un projet professionnel stable. Comme le souligne Katia par exemple, « c’est vrai que mon père, enfin mes parents, ont mis beaucoup d’ambition en nous ». De manière générale, il semblerait donc bien qu’une triple autorisation (Rochex, 2008) ait eu lieu. En effet, les étudiants interrogés se sont bien autorisés à intégrer de telles études, et dans la grande majorité des cas, les parents les ont autorisés en retour. Si certains ne souhaitaient pas que leur enfant intègre une filière jugée sans débouchés à leurs yeux telle que la psychologie, le droit leur est cependant apparu comme étant la voie royale. Enfin, ces étudiants semblent bien reconnaître la légitimité du parcours de leurs parents dont ils souhaitent s’affranchir. Cela se ressent notamment dans la volonté de s’élever socialement et professionnellement, reconnaissant les difficultés de différentes natures par lesquelles ont pu passer leurs parents.

L’on se rend également compte lorsque l’on croise les caractéristiques des différents enquêtés que tous possèdent un niveau d’études supérieur à celui de leurs parents. D’ailleurs, la majeure partie des parents n’a pas fait d’études voir ne possède pas le bac (pour certains). Ainsi l’on a eu affaire à des enfants d’ouvrier agricole ou de production, de bûcheron, de menuisier, d’ancien tourneur, d’ouvrier paysagiste, de sans emploi ou encore d’agent de propreté urbaine par exemple. À cela s’ajoute le fait que la majorité des étudiants interrogés sont les premiers de leur fratrie et/ou de leur famille à faire des études. À cet effet, faire des

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