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obtenir une aide financière tant la situation est délicate. Plus encore, plusieurs étudiants sont revenus sur le fait que les fascicules de TD étaient payants, ce qu’ils considèrent comme étant un problème. Si le tarif est bien moindre pour les étudiants boursiers, il reste que cela constitue tout de même un coût à leurs yeux. L’on se rend alors compte de combien la question financière pèse sur leurs épaules et amène son lot de désagréments. Mais il ne s’agit pas du seul type de difficultés auquel les étudiants ont dû faire face.

2.6.2. Des difficultés d’ordre institutionnel, organisationnel et pédagogique

Par ailleurs, qui dit passage en études supérieures et de surcroît, en faculté de droit, dit nécessairement bouleversements institutionnels, organisationnels et pédagogiques. Et en l’espèce, ces derniers sont nombreux. Les étudiants mettent par exemple en avant la difficile transition entre le lycée et la faculté de droit. Julia indique alors que « j’ai redoublé ma première année, ça a été assez compliqué parce que ça n’a rien à voir avec le lycée » et Anaïs explique que « déjà entre fac et lycée c’est pas la même chose, mais en droit surtout y a vraiment une méthodologie particulière donc ça déjà à acquérir ça a été long ». Cette transition fut complexe pour de multiples raisons qu’il convient de mettre en exergue.

Premièrement, il apparaît que la charge de travail fut un véritable choc pour la plupart d’entre eux qui ne s’attendait pas à ce qu’elle soit si conséquente. Cette dernière appelle en effet une certaine organisation de leur part, chose à laquelle ils n’étaient pas habitués auparavant, bons élèves ou pas. Ainsi, Katia explique que « ‘fin on m’avait dit qu’il y aurait beaucoup de travail, mais pour le coup je m’attendais pas à autant en fait. Genre 130 pages un cours tu vois, je pensais pas à 130 pages d’ordi en cours, je pensais pas du tout. », Thomas souligne quant à lui que « En L1 je sais qu’il y a beaucoup d’écrémage, mais faut s’accrocher. Puis après pour réussir en droit bah travailler à côté vraiment je pense … mais très compliqué en droit. Enfin pour moi y’a besoin de beaucoup de travail à côté. Moi ça me demande beaucoup de temps. »,

Anaïs pour qui « je pense que la plus grosse charge de travail que j’ai pu avoir c’était bah en licence je pense. En licence où on avait pas mal de TD, vraiment beaucoup de cours. C’était pas du tout la même chose. C’était pas le même rythme. », ou encore Margot qui souligne que

« Euh bah déjà c’est toute la connaissance qu’il faut apprendre et retenir. Vraiment y’avait vraiment beaucoup beaucoup de choses surtout quand t’arrives en L1. Tu te fais “olala”. (…) Y’avait quand même beaucoup de choses à apprendre, à assimiler, à comprendre, les différentes

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choses ou autre. ». La licence constitue dès lors une étape assez importante à franchir, une adaptation nécessaire et un rythme à prendre. Néanmoins, une fois une certaine organisation trouvée, les étudiants interrogés mettent en avant le fait que cela reste « faisable ». Ils n’étaient simplement pas habitués à devoir travailler autant au lycée, exception faite de certains étudiants comme Iris qui travaille ardemment depuis la terminale pour mettre toutes les chances de son côté. La plupart des étudiants a en effet expliqué avoir toujours travaillé, mais avoir fait le minimum sachant que cela était déjà suffisant pour avoir de bons résultats. Or, les nombreux TD et leur caractère obligatoire obligent justement à s’organiser et travailler régulièrement si l’on espère pouvoir s’en sortir. Cette charge de travail a par ailleurs conduit certains étudiants à établir un parallèle entre le droit et la médecine comme on l’a vu précédemment. Mais cela a également conduit Anna, par exemple, à comparer avec la LEA, filière qui ne nécessite pas autant de travail et de restrictions selon elle. La matrice disciplinaire du droit (Millet, 2003) semble donc très liée à la conséquente charge de travail des étudiants.

Deuxièmement, cette charge de travail appelle quant à elle une certaine autonomie, laquelle est d’autant plus primordiale en raison du manque d’encadrement de la filière (Galland et Oberti, 1996). En l’espèce, les étudiants ont insisté sur le manque d’encadrement comme Margot pour qui « L1, L2, les profs ils voient tellement d’étudiants surtout du coup en L1, L2, qu’on est vraiment un parmi la masse ». S’ils sont parvenus à s’adapter et gagner en autonomie comme on le verra par la suite, ce manque d’encadrement et cet excès de liberté furent tout de même redoutés par certains étudiants. Katia, par exemple, considère que le manque de travail durant ses premières années d’études est en parti dû à cette liberté excessive et ce manque d’encadrement. Les TD permettent certes de s’inscrire dans une logique de travail et de faire régulièrement le point sur les acquis des étudiants, mais il appartient à ces derniers de s’y mettre sérieusement ou non. Or, l’on sait que la recherche de maternage en études supérieures est un frein à l’affiliation étudiante (Altet, Fabre, Rayou, 2001). Il leur a donc fallu passer outre et gagner en autonomie, composer avec cette absence de maternage dont certains étudiants ressentaient pourtant le besoin comme Julia :

« Ouais au niveau de l’encadrement, moi je suis quelqu’un qui… j’aime bien avoir une relation un peu particulière avec les profs, j’aime bien être la petite chouchoute des profs. Au lycée j’ai toujours été là à leur poser plein de questions. Et là t’arrives à la fac, t’es pas individualisé, les profs voient un groupe abstrait devant eux, mais ils n’ont

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pas conscience que individuellement y’a un élève dans le groupe. Donc c’est plus ça qui m’a dérangée. »

Troisièmement, si l’on s’intéresse au versant « pédagogique », les étudiants sont revenus sur l’intérêt de la méthodologie, tout en expliquant qu’il a fallu la travailler non sans une certaine rigueur. Pour Anaïs déjà, ce ne fut pas une étape facile mais quelque chose d’assez long à acquérir. Salomé, quant à elle, a expliqué qu’il lui arrivait encore d’avoir certaines difficultés à ce propos. Pour Katia, « c’est vrai que du coup oui je pense que c’est un truc à maitriser, parce qu’en gros si t’as toutes les connaissances mais t’as pas la méthodologie, tu vas te taper un 4. ». La méthodologie constitue dès lors un point d’encrage dans la réussite des étudiants en droit et nécessite de surcroît un travail intense (Aynès, Carbasse, Libchaber, 2015). À cela s’ajoute le versant « trop théorique » des cours (Erlich, 1998, 2000 : Altet et al, 2001), décrié par la plupart des étudiants. Par exemple, Julia souligne que « je voyais ça plus, ‘fin le gros problème des études de droit c’est qu’on nous apprend ‘fin c’est très théorique, on a aucune pratique. La pratique on l’a vraiment – en tout cas pour les avocats – on l’a en école d’avocats. Mais c’est-à-dire qu’on passe 5 ans à lire des cours, à apprendre les pensées des autres et les réflexions des autres. Mais demain tu me mets en situation je suis incapable de faire quoi que ce soit, hormis si de moi-même je fais des stages. Mais sinon trop de théorie. ». Pour ceux qui ont eu l’opportunité de partir en Erasmus, la comparaison avec le système français fut unanime : en France, c’est trop théorique selon eux et cela leur pose problème. La recherche de pratique se fait donc au gré des stages, non sans une certaine peur de ne rien valoir sur le terrain. C’est en tout cas l’impression que se forgent les étudiants interrogés, ce qui constitue également l’une de leurs difficultés.

Et quatrièmement, les relations, ou devrait-on dire plus justement, l’absence de relations avec les enseignants est vécue comme une véritable difficulté et rupture avec le lycée. Si les étudiants interrogés n’ont pour la plupart pas eu de problème avec leurs enseignants, l’absence de liens avec eux constitue toutefois un problème, comme l’impression de ne pas pouvoir compter sur eux. Il apparaît également difficile de nouer des alliances avec les chargés de TD (Altet et al, 2001) à quelques exceptions près. Si seulement quelques étudiants ont eu des expériences malencontreuses avec certains enseignants, quitte à les trouver hautains voire méprisants avec eux, la grande majorité s’accorde à dire que les enseignants parlent trop vite sans prendre le temps de vérifier si tout le monde arrive à suivre (Beaud, 1997 ; Galland et Oberti, 1996 ; Erlich, 1998, 2000 ; Altet, Fabre, Rayou, 2001). Par ailleurs, les étudiants

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