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L’action de l’Office International des Musées

La Première Guerre mondiale représente une rupture en termes géopolitiques autant que culturels. L’époque est celle des évolutions radicales, dans tous les domaines. La Société des nations (SDN) voit le jour dans ces temps difficiles, avec l’espoir qu’une organisation internationale pourrait veiller au maintien de la paix et éviter que les horreurs de la guerre ne se reproduisent. Bien que cela ne soit pas indiqué dans le pacte de la Société des Nations, celle-ci s'occupait de la diffusion d'un idéal dans la sphère politique, de l'échange de biens matériels, et également du renforcement des relations intellectuelles entre les pays.

Dès 1920, l'Assemblée de la SDN envisage la possibilité de fonder une organisation technique attachée à la SDN : l'Organisation de Coopération intellectuelle (OCI), qui comprendrait la Commission internationale de Coopération intellectuelle (CICI) puis l'Institut international de Coopération intellectuelle (IICI). En septembre 1921, la SDN adopte une proposition française pour la constitution d'un organisme destiné à renforcer la collaboration des nations dans le domaine du travail intellectuel et à consolider l'action en faveur de la paix tout en suscitant un esprit international. Il s'agit de promouvoir les échanges entre scientifiques, universitaires, artistes et intellectuels. De plus, l’émotion esthétique que suscite la contemplation d’un chef-d’œuvre doit amener à une prise de conscience de l’universalité du génie humain, et à une meilleure appréhension des autres cultures. Les musées apparaissent donc comme un des moyens d’ancrer le pacifisme dans les esprits.

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« La vie artistique à l’étranger », RAAM, tome 68, 2ème semestre 1935

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51 C’est à l’historien d’art Henri Focillon que revient la paternité de l’Office International des Musées (OIM). En 1926, devant une assemblée composée de personnalités telles que Béla Bartók, Thomas Mann ou Paul Valéry, il propose la création d’une organisation internationale de coopération spécialisée dans les champs des musées et du patrimoine. La proposition est unanimement saluée et est officiellement ratifiée lors de la VIIe assemblée de la SDN. L’OIM est donc créé en juillet 1926, sur une décision de la CICI. L’OIM est gouverné par une commission de direction présidée par Jules Destrée, ancien Ministre de la Culture belge, composée de cinq membres, incluant un délégué de la CICI, un délégué de la Sous-commission des arts et lettres, le secrétaire du CICI, et le directeur de l’IICI. L’OIM a pour ambition de susciter la coopération internationale entre les musées, par le biais d’expositions transnationales, d’échanges d’œuvres d’art et, surtout, par la diffusion des techniques muséales. L’OIM doit aussi mener à bien la mission de la CICI et préparer les musées à leur rôle éducatif. Le musée doit se défaire de l’image d’un cabinet de curiosité et former une institution largement ouverte aux problèmes sociaux et culturels. Les auteurs européens étaient convaincus que les musées américains étaient des modèles d’institutions éducatives99

. La revue Mouseion, fondée en 1927, est diffusée d’abord dans les musées européens, puis dans le reste du monde, et publie des articles muséologiques de qualité, en faisant appel aux principales personnalités scientifiques de l’époque.

Durant les années 1930, l’OIM organise de grandes conférences internationales d’experts, destinés à faire le point sur les évolutions muséales et patrimoniales. La revue

Mouseion relaye cette action, en publiant les communications scientifiques réalisées à ces

occasions. En 1930, une première conférence se tient à Rome, sur le thème de la restauration d’art100. L’apport des techniques venues de la chimie et de la physique

révolutionne les connaissances en matière picturale et sculpturale. L’année suivante a lieu la conférence d’Athènes sur la conservation des monuments101

: il s’agit d’une date-clé

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« Un musée est aussi utile pour une collectivité qu’une église et une bibliothèque », citation de Jean Capart à propos des musées américains, dans GORGUS Nina, Le magicien des vitrines : le muséologue Georges Henri Rivière, Paris, Editions de la Maison des sciences de l’homme, 2003, p.75

100

Voir le mémoire de recherche d’Irène PORTAL, La Conférence internationale de Rome pour l’étude des

méthodes scientifiques appliquées à l’examen et à la conservation des œuvres d’art, octobre 1930, Paris, Ecole du

Louvre, 2012

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Voir La Conservation des monuments d’art et d’histoire, Paris, Office International des Musées, 1932, et

Conférence d’Athènes sur la conservation artistique et historique des monuments (1931), éd.établie par Françoise

52 dans l’histoire patrimoniale, puisque c’est à cette occasion qu’apparaît officiellement la notion de patrimoine commun de l’humanité, qui va ensuite être repris par l’Unesco. En 1934, l’OIM organise à Madrid une conférence sur l’architecture et l’aménagement des musées. Cette rencontre donne lieu à la publication d’un manuel à l’usage des conservateurs : Muséographie, architecture et aménagement des musées d’art102. Une dernière conférence a lieu au Caire, en mars 1937, sur les nouvelles techniques archéologiques103. En 1936, une recherche est menée par l’OIM, qui mène à la rédaction d’un projet de Convention pour la protection des monuments historiques et des œuvres d’arts en temps de guerre, présenté au Conseil et à l’Assemblée générale de la Ligue des Nations en 1938. La guerre interrompt cette intense activité scientifique. L’OIM est dissout en 1946, suite à la création des Nations Unies, de l’UNESCO et du Conseil International des Musées (ICOM), ce dernier venant le remplacer.