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L’OBSERVATOIRE DES MEDIATIONS : UN OUTIL RENFORCE

2. L’accès aux informations sur le déroulement des médiations : une difficulté

L’équipe a fortement insisté pour aller au-delà du recueil des informations disponibles dans les juridictions. Car, pour tout ce qui concerne la médiation en tant que telle, les séances et le contenu, même succinct, de l’accord éventuel, très peu d’éléments apparaissent dans les sources judiciaires, ce qui est tout à fait logique compte tenu de la spécificité de la médiation.

Pour en savoir un peu plus sur ce déroulement des médiations, il convenait d’interroger les médiateurs pour obtenir des informations formelles et précises. Cette investigation n’a pas été aussi fructueuse qu’espérée, avec des fortunes diverses entre le ressort lyonnais et parisien. Globalement, l’équipe a œuvré à faire prendre conscience de la nécessité de formaliser des sources pour permettre une analyse scientifique du contenu des médiations et non pas prêtant le flan à la subjectivité de chacun des médiateurs. Plus concrètement, nous avons réussi à nous assurer la collaboration future de plusieurs instances de médiation, une manière de prendre date pour des analyses futures, sur la base du modèle de dossiers de médiations judiciaires civiles élaboré pour l’Observatoire des médiations.

Pour le ressort de Lyon, il a été proposé aux médiateurs, comme prévu initialement, de remplir une fiche par dossier pour chacun d’entre eux. Cela supposait une collaboration étroite avec les associations et instances de médiation. Nous avons donc contacté les instances suivantes sur Lyon, avec des résultats divers :

CIMA : pas de consultation d’anciens dossiers mais adoption de la fiche dossiers pour l’avenir

CNPM : pas de consultation d’anciens dossiers ni adoption de la fiche

ALMA Médiation : consultation des dossiers mais pas d’adoption de la fiche dossier

La principale difficulté à laquelle nous nous attendions tient à la question de la confidentialité de la médiation. Il s’agit là d’un principe important dans toute médiation, à savoir que le fait que les paroles et les déclarations des médiés ne puissent être utilisées à d’autres fins que celle de la médiation. Cela entraine que les médiateurs n’enregistrent ni ne gardent presque jamais de traces du contenu des échanges. Cependant, on peut regretter que cette confidentialité s’étende – peut- être de manière abusive – à des faits qui ne sont pas de l’ordre du contenu des échanges, tels le nombre de séances de médiation, leur durée, les modalités de réalisation de l’accord (écrit, rédigé

27 La différence entre les dossiers recueillis et les dossiers exploités s’explique par la présence de dossier quasi vide et surtout de dossier en cours.

42 par le médiateur ou par les médiés), informations très utiles pour évaluer les pratiques de médiation et leur mise en œuvre mais qui sont rarement consignées par les médiateurs. D’une certaine manière, cette « déontologie extensive » contribue à la méconnaissance du processus de médiation, ce qui n’est sans doute pas son objectif.

Toutefois, il semble qu’une prise de conscience commence à émerger chez les médiateurs eux-mêmes. Cela explique qu’une instance importante dans le ressort de la CA de Lyon, le CIMA qui regroupent environ 60 médiateurs, a accepté de demander à ses membres de remplir la fiche activité de manière systématique pour toutes les nouvelles médiations. Malheureusement, leur exploitation ne pourra pas intervenir dans le cadre de cette recherche.

Etude des dossiers d’ALMA Médiation28

ALMA médiation est une petite association crée en 2014. Elle regroupe 6 médiateurs formés, de profils différents même si on peut noter une majorité de professionnels du droit (avocats). Nous avons pu consulter l’ensemble des dossiers que cette association a traité sur ces deux dernières années soit 14 dossiers, 12 médiations judiciaires et 2 conventionnelles.

Les médiations judiciaires sont toutes issues de la chambre sociale de la Cour d’appel de Lyon. Nous verrons dans une autre partie que cette chambre a favorisé le règlement par la médiation de certaines affaires. ALMA médiation a donc profité d’une répartition aléatoire des dossiers entre les différentes instances de médiation de la région lyonnaise pour développer son activité. En termes de résultats, même s’il est très peu significatif de raisonner sur si peu de cas, on notera que la moitié des médiations ont débouché sur un accord, une n’a pu être initiée par l’absence de volonté d’une des parties et 6 n’ont pas abouti. De plus ces médiations se sont déroulées assez rapidement, la plupart se clôturant après 2 à 3 mois de saisie, une seule ayant duré 6 mois.

De l’étude des dossiers, il ressort plusieurs difficultés qui nous avaient été évoquées par certains de nos interlocuteurs médiateurs. La première est de déterminer une date pour fixer un premier rendez-vous. Or, cette prise de rendez-vous est cruciale pour le bon déroulement et même la réalisation de la médiation. Lorsqu’un magistrat ordonne une médiation, il fait état d’un délai de 3 mois et prévoit une date pour la conclusion du processus. Cependant, si les médiateurs sont prompts à répondre à l’ordonnance des magistrats, nous avons constaté dans quelques dossiers que les échanges pour parvenir à une date commune prennent une bonne partie de ce délai. Nous savons que les magistrats font généralement courir ce délai à partir de la première date de rendez-vous. De même, les médiateurs de cette association consacrent une seule séance à la médiation, ce qui limite cette contrainte. Cependant la tâche est fastidieuse et peut mener le médié à revenir sur leur engagement, notamment lorsque l’autre partie tarde à répondre. On peut penser que la fixation de la date de la séance de médiation pourrait se faire assez tôt, peut- être dès l’ordonnance de médiation. Mais la condition est de rendre concomitantes la prescription du juge, la présence des médiateurs, des parties et de leur représentant. Cette configuration est rare même si elle a été parfois expérimentée. Ainsi, la durée des 3 mois n’est pas une difficulté en soi. Elle l’est rendue surtout dans les cas où ce délai est surtout mis au profit de la détermination de la rencontre entre les parties.

ALMA médiation pratique des médiations judiciaires en une seule séance, sauf cas particulier. C’est cette même modalité que nous avons recueillie formellement ou informellement auprès d’autres médiateurs des instances citées plus haut. Dans le cas présent, la durée peut être assez

43 longue (jusqu’à 3h) ce qui permet des échanges approfondis. De même, cette instance a choisi de pratiquer majoritairement la co-médiation.

Les médiations se déroulent au siège de l’association qui se trouve être également un cabinet d’avocat. La salle de réunion est assez spacieuse et s’apparente à une grande salle à manger. Evidemment, ce lieu n’est pas neutre. Cependant, il permet de déterritorialiser le conflit, de le sortir de son espace tout en lui substituant un lieu assez banal et peu marqué.

Enfin, nous avons noté que la rédaction des protocoles d’accord suit des modalités où le médiateur est avant tout un accompagnant. S’il peut tenir le stylo, c’est sous la dictée des médiés. Nous avons pu consulter quelques constats d’accord. Il relève d’une culture juridique (« entre X d’une part et Y d’autre part, il a été exposé et convenu ce qui suit, … « article 1er », « les parties »,

…). En termes de forme, ils sont à classer dans la famille des conventions. Cependant, il faut noter l’absence de référence à un texte juridique au profit de résolutions très pratiques comme un échéancier de remboursement ou bien des modalités d’échange économiques entre les médiés. L’étude de ces quelques dossiers ne permet pas cependant de constater l’émergence de protocoles spécifiques relevant de la culture de la médiation, car c’est encore le modèle contractuel juridique qui semble être de mise.

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