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L’absence de cause

Dans le document La rémunération des dirigeants sociaux. (Page 97-104)

LES SANCTIONS DE LA RÉMUNÉRATION EXCESSIVE

SECTION -1- ANNULATION DE LA RÉMUNÉRATION

1. L’absence de cause

106. L’article 1108 du Code civil subordonne la validité du contrat à l’existence d’une

« cause licite dans l’obligation ». Cette condition est confirmée par l’article 1131 du même code qui considère que l’obligation sans cause est dépourvue d’effet. En droit français, ainsi que dans d’autres systèmes juridiques de même tradition406, la cause est un élément fondamental de l’obligation en ce qu’elle permet à celle-ci de tirer sa justification de l’émanation de volonté. Si la cause est absente, l’acte juridique sera donc nul. Cependant, la notion de cause ne joue pas le même rôle dans tous les systèmes juridiques407. Par exemple, le droit romain ignorait cette notion et validait le contrat sans aucune référence à sa cause. Si ce droit interdisait de forcer un débiteur à exécuter son obligation lorsque son engagement avait été pris sans raison, il n’était pas possible d’annuler un contrat pour défaut de cause ou parce

406 Par exemple, l’article 1325 du Code civil italien mentionne la cause parmi les conditions de validité du contrat. De même, le Code civil syrien (art.137) et le Code libanais des obligations et des contrats (art.177) exigent que « le consentement soit déterminé par une cause ».

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que sa cause était illicite. Le droit allemand n’ignore pas la notion de la cause, mais il n’en fait pas une condition de validité du contrat. À la différence du droit français, le Code civil allemand considère que l’existence de la cause conditionne celle du contrat lui-même, ce dont il résulte que lorsqu’il n’y a pas de cause, il n’y a pas de contrat et non pas un contrat qui ne serait pas valable. Par conséquent, le débiteur peut refuser l’exécution de l’obligation408. Quant aux systèmes juridiques de common law, ils ne connaissent pas la notion de cause au sens français du terme. La poursuite d’un but illicite ou immoral est sanctionnée, mais sans faire référence à cette notion409.

La notion de cause tend à chercher la raison pour laquelle les parties ont contracté. Cette notion peut être appréciée à deux niveaux410. Si l’on se place au niveau des obligations de chaque partie, la cause est une notion objective puisque la cause de l’obligation sera toujours la même dans chaque type de contrat. En revanche, en considérant l’opération contractuelle dans son ensemble, la notion de cause est nécessairement subjective étant donné que la cause du contrat variera dans chaque hypothèse suivant la personnalité des contractants et la finalité qu’ils ont poursuivie411. La nécessité de choisir entre les deux notions a fait l’objet de longues controverses, mais le débat a finalement abouti sur un accord consistant à admettre la coexistence des deux notions. En effet, la notion objective permet de contrôler l’existence de la cause alors que la notion subjective sert à en contrôler la licéité412.

107. Dans un objectif affiché de simplification et de modernisation du droit413,le projet de réforme du droit des obligations propose de supprimer la notion de cause414. Le projet

408 Code civil allemand (B.G.B), § 821.

409 Dans les systèmes juridiques de common law, la justification économique de l’obligation est assurée à travers une notion différente de la cause, la consideration. Celle-ci ne conditionne pas la validité d’une promesse mais il s’agit d’un élément de la définition d’une promesse. La raison en est que dans les systèmes de common law, une promesse d’accomplir une prestation n’est juridiquement obligatoire que si la promesse repose sur une

consideration, celle-ci étant la contrepartie de la promesse qui consiste soit dans un bénéfice en faveur du

débiteur ou un désavantage à l’encontre du bénéficiaire de la promesse, soit dans le prix de la promesse, ce qui est plus large. S’il n’y a pas de consideration, il n’y a pas de promesse contractuelle. C. LARROUMET, Droit civil,

Les obligations, Le contrat, op. cit., p. 444.

410 A. BÉNABENT, Droit des obligations, 14e éd., Paris : Montchrestien-Lextenso, 2014, p. 144.

411 Par exemple, dans le contrat de vente, la cause de l’obligation du vendeur est de recevoir un prix et celle de l’acheteur de disposer de l’article vendu. Mais on pourrait également s’intéresser aux motifs qui ont poussé le vendeur à vendre (besoin d’argent pour financer un projet ou pour payer des dettes urgentes, etc.) et l’acheteur à acheter.

412 P. MALINVAUD, D. FENOUILLET, Droit des obligations, 12e éd., Paris : Litec, 2012, p. 240.

413 V. L’exposé des motifs de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, disponible sur http://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPubliee.do;jsessionid=B1B37D8A30E1A241959C5A0F969227D1.tpdila 15v_2?idDocument=JORFDOLE000028244542&type=expose&typeLoi=&legislature=14: «Seront modernisées

conformément au 2°, les règles relatives à la validité du contrat. Un article introductif rappellera les trois seules conditions désormais nécessaires : le consentement des parties, leur capacité de contracter et l'existence d'un

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d’article 1127 prévoit que « sont nécessaires à la validité d’un contrat : le consentement des

parties ; leur capacité de contracter ; un contenu licite et certain ». La cause et l’objet sont

ainsi fusionnés sous une bannière commune, à savoir le contenu. Le remplacement du concept de cause par celui de contenu est regretté par une partie de la doctrine car « il n’exprime

aucune idée, ne trace aucune perspective, puisque tout contrat a nécessairement un contenu »415. En outre, le concept de contenu du contrat ne peut pas s’appliquer aux engagements unilatéraux, tandis que la théorie de la cause n’est pas propre aux contrats synallagmatiques416. Pour une autre partie, la théorie de la cause est « inutile et

dangereuse »417 ; le projet conserve d’ailleurs toutes les fonctions de la cause relatives à la nullité et dispose que le contrat ne peut déroger à l’ordre public par son « but »418. Or, le but n’est pas autre chose que la cause. Il semblerait donc que si le mot « cause » était supprimé, la théorie de la cause continuerait pour autant à s’appliquer419.

108. Afin de vérifier l’existence de la cause, il est nécessaire de rechercher la cause de

l’obligation. Celle-ci ne serait pas seulement l’obligation de l’autre partie, mais elle résiderait dans l’exécution de l’obligation de l’autre partie, à savoir la contre-prestation420. S’il n’y a pas de contrepartie, la cause est donc absente. Il en est ainsi dans le contrat de vente : l’inexistence de la chose vendue rend le contrat nul car la dette de l’acheteur est sans cause421. De même, si la chose louée ne peut pas servir à l’usage convenu, l’obligation du locataire de payer le loyer est sans cause422. Transposée au domaine des rémunérations accordées aux dirigeants sociaux, la cause réside essentiellement dans les services rendus ou qui seront rendus par ces dirigeants. Or, il est difficile d’imaginer que le dirigeant, bénéficiaire d’une

contenu licite et certain. Il est proposé de ne plus faire appel à la notion de « cause » mais de préciser les différentes fonctions régulatrices ou correctrices jusqu'à présent assignées à cette notion par la jurisprudence ».

414 Projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

415 R. BOFFA, « Juste cause (et injuste clause) : Brèves remarques sur le projet de réforme du droit des contrats »,

D. 2015, p. 335, spéc. n° 11 ; V. également, D. MAZEAU, « Pour que survive la cause en dépit de la réforme ! »,

Dr. et Patrimoine, octobre 2014, p. 38 ; O. TOURNAFOND, « Pourquoi il faut conserver la théorie de la cause en droit civil français », D. 2008, p. 2607 ; A. GHOZI, Y. LEQUETTE, « La réforme du droit des contrats : brèves observations sur le projet de la chancellerie », D. 2008, p. 2609.

416 V. sur ce point, N. DISSAUX, C. JAMIN, Projet de réforme du droit des contrats, du régime général et de la

preuve des obligations, Paris : Dalloz, 2015, p. 27. Rappelons que la rémunération du dirigeant a en principe un

caractère institutionnel et est attribuée par une décision du conseil d’administration ou de surveillance.

417 L. AYNÈS, « La cause, inutile et dangereuse », Dr. et patrimoine, octobre 2014, p. 40 : « La théorie de la

cause est inutile si elle est appliquée avec rigueur ; elle est dangereuse lorsqu’elle ne l’est pas ».

418 Projet d’ordonnance, op. cit., art. 1161.

419 C. GRIMALDI, « Les maux de la cause ne sont pas qu’une affaire de mots. À propos du projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations », D. 2015, p. 814.

420 H. CAPITANT, De la cause des obligations, Paris : éd. de la Mémoire du droit, 2011, n° 14, p. 43 : « Dans un

contrat synallagmatique, la cause qui détermine chaque partie à s’obliger est la volonté d’obtenir l’exécution de la prestation qui lui est promise en retour ».

421 Cass. 3e civ., 4 mai 1983, n° 79-16575, Bull. civ., III, n° 103.

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telle rémunération, n’ait rendu aucun service à la société. Par son contrat de mandat social, le dirigeant s’engage à fournir un travail effectif en faveur de la société, aussi minime qu’il soit. Il est donc très rare que la rémunération soit octroyée sans aucune contrepartie.

Pourtant, il existe des affaires dans lesquelles la Cour de cassation a pu annuler la rémunération ou la convention prévoyant son octroi pour absence de cause. Dans un arrêt en date du 8 avril 1976, la Cour de cassation s’est fondée sur l’absence de cause pour annuler une pension accordée à un dirigeant423. En l’espèce, un président de société anonyme avait démissionné de sa fonction et s’était ensuite vu attribuer par la société une pension de retraite. Avant l’approbation de la convention par l’assemblée générale, il était entré au service d’un groupe concurrent, ce qu’il avait dolosivement dissimulé aux dirigeants de son ancienne société dont il connaissait le souci de se prémunir contre un tel risque. La Cour de cassation a approuvé la cour d’appel de Paris d’avoir annulé le versement de la pension aux motifs que l’acte n’était pas bilatéral puisque seule la société s’était trouvée engagée, et que la cause de cet engagement, dont le caractère était gratuit, résidait dans la qualité des services rendus dans le passé à l’intérêt social et, pour l’avenir, dans un comportement respectueux de ce même intérêt. Cependant, même si la Haute cour a fondé sa décision sur l’absence de cause, il semble que seul le dol puisse justifier cette solution ; sinon il faudrait parler de résolution de la convention pour inexécution par l’intéressé de son obligation de fidélité. Il s’agit donc d’une décision d’espèce dont on ne saurait déduire que l’obligation de fidélité constitue toujours la cause de l’engagement de la société424. Dans un arrêt plus récent425, la Cour de cassation a jugé nulle pour défaut de cause une convention de prestation de services constitutive d’un contournement du principe de non-cumul. En l’espèce, le directeur général, pour contourner les conditions restrictives posées par la jurisprudence au cumul d’un mandat social et d’un contrat de travail avec la société dirigée, avait constitué une société de prestation de services, laquelle avait conclu avec la société principale une convention pour fournir des prestations entrant déjà de plein droit dans sa mission légale de directeur général. La Cour de cassation a annulé la convention en estimant qu’il s’agissait d’un double emploi. La convention n’avait pas de raison d’être et partant les rémunérations versées étaient indues puisque le dirigeant était déjà rémunéré au titre de sa fonction de directeur général.

423 Cass. com., 8 avril 1976, n° 75-10971, JCP G, 1977, II, 18739, note N. BERNARD ; RTD.com, 1977, p. 535.

424 Ibid.

425 Cass. com., 14 septembre 2010, n° 09-16084, Rev. sociétés 2010, p. 462, note A. LIENHARD ; Dr. Sociétés

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Il n’en demeure pas moins que cette position, confirmée dans une espèce fort similaire426, se limite au cas très particulier des conventions d’externalisation de l’administration et de la gestion de la société et vise à encadrer plus strictement la pratique dite des « management

fees »427 et ce, peu importe la valeur de la rémunération. En outre, selon un auteur, la suppression de la cause par la réforme rendrait difficile l’annulation de ce type de convention428.

109. La jurisprudence utilise parfois la notion de cause pour assurer la cohérence du

contrat dans son ensemble. Au nom de la justice contractuelle, la jurisprudence annule ainsi les clauses accordant à une partie un avantage qu’elle estime comme tellement excessif qu’il en est dépourvu de contrepartie429. Ce moyen juridique a été utilisé pour annuler les obligations dont la contrepartie est dérisoire430, les clauses qui sont contraires à la finalité du contrat431, ou encore celles qui vident le contrat de sa substance, notamment les clauses d’exclusion de garantie trop nombreuses dans les contrats d’assurance432. Par un arrêt très célèbre, à savoir l’arrêt Chronopost du 22 octobre 1996433, la Cour de cassation a ainsi décidé que l’inexécution de l’obligation essentielle du contrat permet d’annuler les clauses limitatives de responsabilité, car le contraire rendrait sans cause l’engagement de l’autre contractant434. Ce courant jurisprudentiel est soutenu par certains auteurs qui font de l’équilibre des prestations l’expression de la cause de l’obligation en tant que condition de

426 Cass. com., 23 octobre 2012, n° 11-23376, Dr. Sociétés 2013, n° 2, comm. M. ROUSSILLE ; D. 2013, p. 391, obs. S. AMARANI-MEKKI et M. MEKKI ; Gaz. Pal. 24 janvier, n° 24, 2013, p. 14, obs. D. HOUTCIEFF ; Gaz. Pal. 22 décembre 2012, n° 21, p. 21, obs. B. DONDERO ; CA Paris, 4 juillet 2013, Gaz. Pal. 4 février 2014, n° 35, p. 26, note B. DONDERO.

427 B. LACOMBE, « Haro sur les management fees ? », LPA 23 mai 2014, n° 103, p. 4.

428 T. GENICON, « Défense et illustration de la cause en droit des contrats. À propos du projet de réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations », D. 2015, p.1551 : le contrôle de l’existence de la cause « consiste […] à vérifier si, de l’extérieur, le contrat a une utilité et une rationalité suffisantes pour que

l’ordre juridique accepte de lui prêter son concours (en lui donnant force obligatoire). C’est précisément ce qui permet aujourd’hui d’annuler un contrat alors pourtant qu’aucun consentement n’a été vicié », comme les

conventions de management fees.

429 J.-M. GUÉGUEN, « Le renouveau de la cause en tant qu’instrument de justice contractuelle », D. 1999, p. 352.

430 Cass. 1re civ., 14 octobre 1997, n° 95-14284, Defrénois 1998, p. 140 obs. D. MAZEAUD.

431 Cass. 1re civ., 25 mai 1992, n° 89-18923, Bull. civ., I, n° 151, p. 103.

432 Cass. 1re civ., 14 janvier 1992, n° 90-15940, Bull. civ., I, n° 14, p. 8.

433 Cass. com., 22 octobre 1996, n° 93-18632, D. 1997, p. 121, note A. SÉRIAUX ; JCP G, 1997, II, n° 22881, p. 336, note D. COHEN ; V. également, J. GHESTIN, Cause de l’engagement et validité du contrat, Paris : L.G.D.J 2006, p. 180 et s.

434 « Attendu que […] spécialiste du transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, la

société Chronopost s’était engagée à livrer les plis de la société Banchereau dans un délai déterminé, et qu’en raison du manquement à cette obligation essentielle la clause limitative de responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non écrite » ; V. également, dans le même sens,

Cass. mixt., 22 avril 2005, n° 03-14112, Bull. mixt., 2005, n° 4, p. 10 ; RDC 2005, p. 673, obs. D. MAZEAUD ; Cass. com., 29 juin 2010, n° 09-11841, D. 2010, p. 1832, note D. MAZEAUD ; D Actualité. 7 juillet 2010, note X. DELPECH ; Cass. civ, 23 mai 2013, n° 12-11652, inédit.

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validité de la convention435. Le projet de réforme du droit des obligations entend consacrer cette jurisprudence436, ce qui permettrait théoriquement de mettre en cause une convention octroyant une rémunération à un dirigeant social en dépit du caractère insignifiant du travail qu’il a fourni. En pratique, la difficulté résiderait éventuellement dans la définition du travail insignifiant, notamment dans les grandes sociétés.

110. Certains auteurs se sont prononcés pour un renouvellement de la notion de justice

au sein du contrat en développant le principe de proportionnalité437. Cette idée de proportionnalité des prestations est applicable aux différentes rémunérations accordées aux dirigeants438. Comme cela a été évoqué précédemment439, la proportionnalité entre la rémunération du dirigeant et les services qu’il rend à la société constitue l’un des critères d’appréciation du caractère excessif de la rémunération. La question qui se pose est de savoir si l’absence d’une telle proportionnalité permettrait d’annuler la rémunération de manière générale, quelle qu’elle soit, au motif qu’il s’agirait d’un engagement dépourvu de cause. Dans l’état actuel du droit, la jurisprudence de la Cour de cassation fait régulièrement référence à l’exigence de proportionnalité pour apprécier la normalité de la rémunération, mais elle ne prononce pas systématiquement la nullité pour le simple manque d’équilibre entre le travail fourni et la somme versée. Dans l’arrêt du 10 novembre 2009, dont l’espèce a déjà été présentée440, la Chambre commerciale a pu constater que l’exigence de proportionnalité par rapport aux services rendus n’était pas satisfaite, mais elle n’a pas annulé l’avantage en cause pour cette raison. Elle en a seulement conclu que l’avantage ne constituait pas un complément de rémunération et devait par conséquent être soumis à la procédure des conventions réglementées. C’est le non-respect de cette procédure qui a ensuite entraîné l’annulation de l’avantage par application de l’article L. 225-41 du Code de commerce. Dans un autre arrêt, rendu le 15 juillet 1987, il a été relevé que l’avantage alloué n’était pas « une

véritable retraite à titre de complément de rémunération dont la cause aurait été les services antérieurement rendus et sous-rémunérés, mais une libéralité »441. La Cour de cassation a

435 J. MAURY, Essai sur le rôle de la notion d’équivalence en droit civil français, Thèse, Toulouse, 1927, n° 88. L’auteur considère que : « n’est cause que ce qui est équivalent ».

436 Projet d’ordonnance, op. cit., art. 1168 et 1169 : « Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa

formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ; Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».

437 Y. AUGUET, « Au nom de la cause, vive la généralisation du critère de proportionnalité », Dr et patrimoine, mars 2001, n° 91, p. 33.

438 R. VATINET, « Existe-t-il un principe de proportionnalité en droit des sociétés », LPA, 30 septembre 1998, n° 117, p. 58.

439 V. supra, n° 68.

440 V. supra, n° 71.

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ainsi approuvé la décision de la cour d’appel d’Amiens qui avait annulé le versement de l’avantage, mais en se fondant tant sur l’incapacité financière de la société que sur l’atteinte au principe de la révocabilité ad nutum.

111. Le principe de proportionnalité pourrait connaître une évolution importante avec

l’introduction, par le projet de réforme du droit des obligations, de la clause abusive dans le Code civil. Celle-ci ne concernait jusqu’à présent que des cas particuliers. Le Code de la consommation permet en effet d’annuler les clauses qui ont pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat442. Pour sa part, la Cour de cassation considère que le juge est habilité à déclarer non écrite une clause abusive même en dehors de toute disposition légale ou réglementaire en ce sens443. La notion de déséquilibre significatif dans les contrats entre professionnels est également consacrée, sous l’angle de la responsabilité, par l’article L. 442-6, alinéa 1er, du Code de commerce444. Faute d’un rapport professionnel-consommateur, la nullité relative aux clauses abusives ne pouvait être appliquée à la rémunération des dirigeants. Toutefois, selon le projet d’article 1169, toute clause créant « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat peut être

supprimée par le juge à la demande du contractant au détriment duquel elle est stipulée ».

Le texte, s’il est adopté en la forme445, élargirait le pouvoir du juge et lui permettrait de contrôler l’équilibre économique entre les avantages et les devoirs446. L’on pourrait donc s’interroger si ce pouvoir s’étendrait aux rémunérations des dirigeants. Cette généralisation de l’application des clauses abusives soulève en réalité plusieurs interrogations notamment quant au principe de la liberté contractuelle447. Faudrait-il alors considérer, contrairement à ce qui a été écrit448, que la liberté serait la rançon de l’équilibre ? Il ne faut néanmoins pas oublier que l’octroi de la rémunération est par principe un acte unilatéral. En outre, le deuxième alinéa de

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