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Annulation de l’assemblée générale ou de ses délibérations

Dans le document La rémunération des dirigeants sociaux. (Page 176-194)

L’AMÉLIORATION DES INFORMATIONS SUR LA RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS

SECTION -2- LE MANQUEMENT À L’OBLIGATION D’INFORMATION

2. Annulation de l’assemblée générale ou de ses délibérations

217. En dépit de la multiplication des obligations d’information sur la rémunération

des dirigeants sociaux, le législateur a conservé l’obligation d’information prévue initialement par la loi de 1966. Il s’agit du droit pour tout actionnaire d’obtenir communication du montant global, certifié exact par le commissaire aux comptes, des rémunérations versées aux dix ou cinq personnes les mieux rémunérées de la société, selon que l’effectif du personnel excède ou non deux cents salariés790. L’actionnaire a également le droit d’obtenir communication des rapports du conseil d’administration, du directoire, du conseil de surveillance et des

787 Ibid.

788 G. BORDIER, « Rémunérations des dirigeants », LPA 17 novembre 2005, n° 229, p. 55, spéc. p. 58.

789 D. SCHMIDT, « L’amendement Houillon sur la transparence des rémunérations des dirigeants sociaux »,

art. préc., p. 1441.

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commissaires aux comptes, qui seront soumis à l’assemblée générale791. Le défaut de communication des informations aux actionnaires permet au juge, selon l’article L. 225-121, alinéa 2, du Code de commerce, d’annuler l’assemblée générale792. L’annulation de l’assemblée entraîne des conséquences importantes793 et conduit notamment à l’annulation de la décision validant l’attribution de la rémunération en méconnaissance du droit à l’information de l’actionnaire.

218. Cependant, le manquement à l’obligation d’information peut également

n’entraîner que la nullité des délibérations de l’assemblée générale. Ce cas se distingue de l’annulation de l’assemblée générale dans la mesure où l’annulation d’une délibération ne concerne que les décisions de l’assemblée qui ont été viciées, de manière spécifique, par l’absence d’information, tandis que l’annulation de l’assemblée générale entraîne la nullité de toutes les délibérations. Ainsi, la loi déclare qu’en cas de violation de l’article L. 225-100 du Code de commerce, relatif à la présentation du rapport de gestion, les délibérations prises par les assemblées générales sont nulles794. La simple absence de présentation du rapport de gestion peut donc frapper de nullité les délibérations de l’assemblée générale relatives à l’octroi d’une rémunération au mandataire social.

219. La question se pose de savoir si, de la même manière, une telle nullité est prévue

en cas de défaut du rapport du président du conseil d’administration relatif aux travaux du conseil et au contrôle interne. Ce rapport présente également les principes et les règles fixés par le conseil pour déterminer les rémunérations et avantages de toute nature accordés aux dirigeants. En effet, à s’en tenir à la lettre du texte, les délibérations des assemblées générales ne sont nulles qu’en cas de non-présentation du rapport annuel de gestion, alors que le rapport du président, selon l’article L. 225-37, alinéa 6, du Code de commerce, n’est qu’un « rapport

joint » au rapport de gestion. Or, il est admis en droit795, ainsi qu’en jurisprudence796 que la

791 C. com. art. L. 225-15, al. 3.

792 C. com. art. L. 225-121, al. 2 : « En cas de violation des dispositions des articles L. 225-115 et L. 225-116 ou

du décret pris pour leur application, l’assemblée peut être annulée ».

793 S. SCHILLER, « Peut-on obtenir la nullité d’une assemblée générale qui viole une disposition légale ou conventionnelle », Actes prat. ing. sociétaire, septembre-octobre 2012, p. 7.

794 C. com. art. L. 225-121, al. 1.

795 C. com. art. L. 235-1 : « La nullité d’actes ou délibérations autres que ceux prévus à l’alinéa précédent ne

peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du présent livre ou des lois qui régissent les contrats ». C. civ. art. 1844-10 : « La nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du présent titre ou de l’une des causes de nullité des contrats en général ».

796 La Cour de cassation a confirmé, dans un arrêt rendu en 2010, que la nullité, tirée de l’absence d’un rapport à destination des actionnaires, ne peut intervenir qu’en la présence d’un texte. Cass. com., 26 octobre 2010, n° 09-71404, Dr. Sociétés 2011, n° 1, p. 23, note M. ROUSSILLE ; JCP G 2010, n° 49, 1211, p. 2282, note

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nullité d’une délibération sociale ne peut résulter que de la violation d’un texte prévoyant cette nullité797.

220. Concrètement, si l’annulation de l’assemblée générale ou des délibérations prises

par celle-ci apparaît comme une sanction sévère, elle est rarement appliquée en pratique, puisqu’elle ne concerne que l’absence absolue du rapport de gestion à l’exclusion du cas de présentation d’un rapport incomplet ou insuffisant798. En réalité, c’est notamment l’omission de certaines informations qui est souvent constatée dans les rapports de gestion799. En outre, la jurisprudence ne prononce la nullité de l’assemblée ou des délibérations que de manière très stricte800 et à condition qu’elle soit pleinement justifiée801.

221. La sanction d’annulation peut s’accompagner de l’engagement de la

responsabilité du président ou des directeurs généraux qui n’auront pas établi de rapport de gestion.

b) La responsabilité des dirigeants pour défaut de rapport de gestion

222. La loi ne prévoit aucune sanction pénale spéciale en cas d’absence d’information

relative à la rémunération des dirigeants. En général, les sanctions pénales applicables en cas

P. MOUSSERON ; D. 2010, p. 2947, note A. COURET ; Gaz. Pal. 16 décembre 2010, n° 350, p. 20, note A.-F. ZATTARA-GROS ; Lexbase, 11 novembre 2010, n° 227, note G. DE FORESTA ; V. également, Cass. com., 18 mai 2010, n° 09-14855, D. 2010, p. 2405, note A. LIENHARD.

797 Pour une position favorable à la nullité en cas d’absence du rapport du président : G. BARANGER, « Le rapport spécial du président du conseil d’administration sur le fonctionnement du conseil et les procédures de contrôle interne », Bull. Joly Sociétés 2004, § 27, p. 169.

798 L. AMIEL-COSME, « Rémunération des dirigeants sociaux », Rép. sociétés, janvier 2014, n° 83.

799 N’ont été trouvées que de rares décisions en matière de nullité pour défaut ou pour insuffisance du rapport de gestion. Quelques arrêts concernant des sociétés à responsabilité limitée peuvent être cités. Dans un arrêt rendu en 1974, la Cour de cassation avait annulé l’assemblée générale pour non-respect du droit de communication des associés, joint à d’autres irrégularités de convocation, Cass. com., 4 mars 1974, n° 73-10284, Bull. civ., IV, n° 77, p. 62. Dans un arrêt plus récent, la cour d’appel de Paris a pu prononcer la nullité des délibérations de l’assemblée générale en raison de présentation d’un rapport de gestion incomplet à l’assemblée. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que le rapport doit être exhaustif. Dans le cas contraire, les délibérations de l’assemblée générale, qui s’est tenue alors que les associés n’ont pas été informés d’un événement important, sont nulles : CA Paris, 17 décembre 1999, RJDA 3/2000, n° 292, p. 243. En revanche, il a été jugé que la communication tardive des documents n’est pas une cause d’annulation, si elle n’a pas eu pour conséquence d’empêcher de voter en toute connaissance de cause, CA Aix-en-Provence, 27 mai 1988, JCP E 1989, n° 11, 15562, obs. A. VIANDIER et J.-J. CAUSSAIN.

800 J.-J. ANSAULT, « Le contrôle de l’intérêt à agir en nullité des délibérations sociales », Rev. sociétés 2012, p. 7.

801 Cass. com., 8 novembre 1977, n° 78-10460, Bull. civ., IV, n° 265, p. 211 ; Cass. com., 9 juillet 2002, n° 99-10453, Bull. civ., IV, n° 120, p. 129 ; Cass. com., 14 décembre 2004, n° 00-20287, inédit ; Cass. com., 19 avril 2005, n° 02-13599, Bull. Joly Sociétés 2005, § 280, p. 1269, note P. LE CANNU ; Rev. sociétés 2005, p. 840, note B. SAINTOURENS ; A.F. ZATTARA-GROS, note sous Cass. com., 26 octobre 2010, n° n° 09-71404, Gaz. Pal. 16 décembre 2010, n° 350, p. 20.

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d’inobservation du droit de communication des actionnaires ont été pratiquement toutes supprimées par la loi NRE à l’exception d’une seule802. Aux termes de l’article L. 242-8 du Code de commerce, « est puni d’une amende de 9000 euros le fait, pour le président, les

administrateurs ou les directeurs généraux d’une société anonyme, de ne pas, pour chaque exercice, dresser l’inventaire et établir des comptes annuels et un rapport de gestion ». Ainsi,

le défaut d’établissement du rapport de gestion entraîne, en plus de la nullité des délibérations prises par l’assemblée générale, la mise en œuvre éventuelle de la responsabilité pénale des dirigeants. Mais une fois encore, la présentation d’un rapport incomplet ou insuffisant, ainsi que le défaut du rapport du président du conseil d’administration ne sont pas sanctionnés803. Seule l’absence absolue du rapport de gestion permet d’encourir la responsabilité pénale du dirigeant804.

223. Par ailleurs, rien n’empêche, en principe, de mettre en jeu la responsabilité civile

du dirigeant en cas de manquement à l’obligation d’information relative à la rémunération des dirigeants. Cependant, si l’actionnaire n’a pas, dans ce cas, à prouver que le dirigeant a commis une faute détachable de ses fonctions, il devra néanmoins apporter la preuve qu’il a subi un préjudice personnel et distinct du préjudice de la société805. Or, l’administration de la preuve d’un tel préjudice apparaît très difficile en cas de défaut d’information sur les rémunérations.

La menace de l’engagement de la responsabilité du dirigeant semble donc trop faible pour avoir un effet dissuasif, en particulier en raison du large mouvement de dépénalisation du droit des affaires et de la volonté du législateur de généraliser les procédures alternatives à l’engagement de cette responsabilité, notamment la technique de l’injonction de faire806.

802 Circulaire du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, du 23 janvier 2002 relative à la présentation des dispositions pénales de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques,

JCP E 2002, n° 13, 550, p. 580 ; Pour une condamnation pénale en vertu de l’ancien article 445 de la loi du 24

juillet 1966 : Cass. crim., 18 avril 1983, n° 82-92804, JCP G 1983, IV, p. 201 : « En cas d’omission de

communication à un actionnaire des documents sociaux énumérés par les articles 168 à 171 de la loi du 24 juillet 1966, le président de la société, à défaut d’élément établissant la responsabilité d’une autre personne visée par les articles 445 et 463 de ladite loi, doit être tenu pour pénalement responsable ».

803 L’incrimination prévue à l’article L. 242-6, alinéa 2, du Code de commerce, réprimant la dissimulation de la véritable situation de la société ne vise que les comptes annuels et n’est pas, par conséquent, applicable au rapport de gestion et au rapport du président.

804 Cass. crim., 8 avril 2010, n° 09-85298, inédit ; Cass. crim., 17 décembre 2008, n° 08-80715, inédit.

805 V. supra, n° 150.

806 F. MANSUY, « Assemblées d’actionnaires, Règles communes à toutes les assemblées, Préparation de l’assemblée, Information des actionnaires », J-Cl. Sociétés, 26 mars 2012, Fasc. 136-30, n° 98.

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B / Les alternatives à l’annulation et à la responsabilité

224. Outre l’annulation et l’engagement de la responsabilité du dirigeant, le

manquement à l’obligation d’information permet à l’actionnaire de recourir à la procédure d’injonction de faire (a) ou d’interroger la direction sur une ou plusieurs opérations de gestion (b).

a) L’injonction de faire

225. En contrepartie de la disparition de sanctions pénales formelles qui réprimaient le

défaut de communication d’information, la loi NRE a donné aux personnes intéressées la possibilité de recourir à la procédure d’injonction de faire807. La méthode du droit pénal est abandonnée au profit d’une technique de nature procédurale. En effet, au lieu de réprimer les dirigeants qui ne transmettent pas aux actionnaires les documents mentionnés par la loi, le législateur autorise ces derniers à mettre en œuvre une procédure rapide permettant d’obtenir les informations souhaitées808. En vertu de la procédure d’injonction de faire, les actionnaires peuvent, en cas de défaut d’information, demander au président du tribunal de commerce, statuant en référé, soit d’enjoindre sous astreinte les dirigeants de leur communiquer les informations qui devaient être mises à leur disposition, soit de désigner un mandataire chargé de procéder à cette communication809. La même procédure est prévue pour contraindre la société à procéder au dépôt, au greffe du tribunal, du rapport de gestion810. Ainsi, par renvoi à l’article L. 225-115 du Code de commerce, la communication du rapport de gestion ou du montant global des rémunérations versées aux personnes les mieux rémunérées est assurée à travers la procédure d’injonction. La Cour de cassation a précisé que la procédure s’applique pour garantir la communication des documents que visent les textes limitativement énumérés par l’article L. 238-1 du Code de commerce, et ne peut s’étendre à d’autres documents811. De même, la procédure d’injonction ne peut être mise en œuvre au motif que l’intérêt social

807 S. DE VENDEUIL, « Nouvelles régulations économiques et amélioration des droits des actionnaires dans les sociétés par actions non cotées », JCP E 2001, n° 29, 1220, p. 64 ; Sur l’exercice par l’AMF de son pouvoir d’injonction, F.-L. SIMON, Le juge et les autorités du marché boursier, Paris : L.G.D.J, 2004, p. 188 et s.

808 F. MANIN, E. JEULAND, « Les incertitudes du référé injonction de faire en droit des sociétés », Rev. sociétés 2004, p. 1 ; S. ZEIDENBERG, « Le renouveau des injonctions de faire », Dr et patrimoine, novembre 2001, p. 74.

809 C. com. art. L. 238-1.

810 C. com. art. L. 232-23.

811 Cass. com., 23 juin 2009, n° 08-14117, D. 2009, p. 1824, obs. A. LIENHARD ; Rev. sociétés 2009, p. 817, note J.-P. MATTOUT ; RTD com. 2009, p. 579, note P. LE CANNU ; Dr. Sociétés 2009, n° 8, comm. 160, note H. HOVASSE.

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serait en péril ou qu’il existerait un conflit entre actionnaires, mais seulement lorsque les intéressés ne peuvent obtenir la production ou la transmission de documents812.

L’efficacité de la procédure vient du fait qu’elle peut être assortie d’une astreinte, ce qui devrait assurer son succès. Chaque jour de retard dans la communication du rapport de gestion, ou du montant total de la rémunération, rendra le dirigeant débiteur d’une astreinte dont le montant sera déterminé par le président du tribunal de manière à ce qu’elle oblige le dirigeant à exécuter son obligation rapidement813. La jurisprudence affirme que la procédure d’injonction de faire doit être dirigée contre les dirigeants sociaux pris en leur nom personnel, et non contre la société qu’ils représentent814.

Cependant, il faut encore souligner la limite d’une telle procédure puisqu’elle ne vise que le cas de défaut du rapport de gestion, à l’exclusion du cas de communication d’un rapport insuffisant. La loi ne prévoit en effet pas la possibilité pour le juge de prononcer une injonction sous astreinte pour compléter le rapport. Il n’en demeure pas moins que les actionnaires peuvent avoir recours à la procédure des questions écrites.

b) La procédure des questions écrites

226. Lorsque l’information transmise aux actionnaires apparaît insuffisante ou

ambigüe, ceux-ci peuvent s’adresser directement à la direction pour obtenir des éclaircissements. L’article L. 225-231, alinéa 1er, du Code de commerce prévoit que les actionnaires, représentant au moins 5 % du capital social, disposent de la possibilité de poser par écrit au président du conseil d’administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu’elle contrôle au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce. En l’absence de réponse dans le délai d’un mois ou en cas de réponse insatisfaisante, les actionnaires peuvent demander en référé une expertise de gestion. Le rapport des experts est ensuite adressé à l’actionnaire demandeur, au ministère public, au comité d’entreprise, au commissaire aux comptes et, selon

812 CA Paris, 26 mars 2003, Bull. Joly Sociétés 2003, § 816, n° 174, note S. ZEIDENBERG ; Dr. Sociétés 2011,

n° 10, comm. 162, p. 16, note F.-G. TRÉBULLE.

813 À titre d’exemple : CA Paris, 20 juin 2003, Dr. Sociétés 2004, n° 2, comm. 17, p. 11, note F.-G. TRÉBULLE.

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le cas, au conseil d’administration ou au directoire et au conseil de surveillance ainsi qu’à l’AMF815.

Deux conditions sont ainsi posées pour que les dirigeants soient tenus de répondre. D’un côté, l’auteur de la question doit être actionnaire représentant au moins 5 % du capital social, ou une association répondant aux conditions fixées à l’article L. 225-120 du Code de commerce. D’un autre côté, la question doit concerner une opération de gestion de la société816. L’octroi de la rémunération constitue, en principe, un acte de gestion dans la mesure où il relève de la compétence du conseil d’administration ou de surveillance817. La question peut néanmoins se poser de savoir si le fait que les actionnaires sont, depuis la loi NRE, informés de la rémunération par le rapport de gestion soumis à l’assemblée générale et sur lequel ils sont appelés à se prononcer ne change pas la qualification de l’opération. La même interrogation concerne les rémunérations soumises au régime de conventions réglementées et qui nécessitent ainsi l’approbation de l’assemblée générale. En d’autres termes, l’intervention des actionnaires ne vient-elle pas, dans ces cas, constituer un obstacle à l’expertise de gestion sollicitée pour défaut de réponse à la question posée ? Par un arrêt rendu le 27 février 1997818, la cour d’appel de Versailles a répondu à cette question en estimant que les conventions réglementées, même si elles sont soumises à l’autorisation préalable du conseil d’administration et nécessitent une délibération spéciale, relèvent des pouvoirs des dirigeants et constituent ainsi une opération de gestion. Pour la Cour, la notion d’opération de gestion correspond « aux mesures arrêtées par les organes de gestion et non aux actes

ressortant de la compétence exclusive des assemblées d’associés ». La rémunération des

dirigeants peut alors faire l’objet d’une question écrite et, si nécessaire, d’une expertise de gestion.

227. Une seconde possibilité est offerte aux actionnaires par l’article L. 225-108 du

Code de commerce. La loi permet à tout actionnaire, indépendamment de son niveau de participation au capital social, de poser par écrit des questions auxquelles le conseil d’administration, ou le directoire, est tenu de répondre au cours de l’assemblée générale. Les

815 C. com. art. L. 225-231, al. 5.

816 Pour que la demande d’expertise de gestion soit reçue, elle doit viser un ou plusieurs actes de la gestion de la société, et non une opération étrangère à la gestion, et pas davantage l’ensemble de la gestion de la société : Cass. com., 3 mars 2009, n° 08-11706, RJDA 6/2009, n° 555, p. 519 ; Cass. com., 25 septembre 2012, n° 11-18312, Bull. Joly Sociétés 2013, n° 1, § 20, p. 48, note I. PARACHKÉVOVA ; Dr. Sociétés 2012, comm. 206, p. 19, note M. ROUSSILLE ; Rev. sociétés 2013, p. 286, note J.-F. BARBIÈRI ; D. 2012, p. 2302, obs. A. LIENHARD.

817 A. VIANDIER, A. CHARVÉRIAT, Société et loi NRE : Mode d’emploi après 1an d’application, op. cit., p. 100.

818 CA Versailles, 27 février 1997, Bull. Joly Sociétés 1997, § 220, p. 544, note P. Le CANNU et M. MENJUCQ ;

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questions doivent intervenir préalablement à la tenue de l’assemblée819 et doivent être en relation avec l’ordre du jour de l’assemblée en question820. L’ordonnance du 9 décembre 2010821 a assoupli les obligations relatives au traitement des questions écrites, en permettant aux sociétés d’y répondre de manière synthétique et par mise en ligne après l’assemblée générale822. La procédure des questions écrites, consacrée également au niveau de l’Union européenne823, vise à assurer la communication ou la mise à la disposition des actionnaires des documents qui leur sont nécessaires pour se prononcer en connaissance de cause et porter un jugement informé sur la gestion de la société824. Tout actionnaire peut donc interroger la direction sur l’octroi des rémunérations aux dirigeants, le rapport de gestion faisant évidemment partie des « documents nécessaires » qui doivent être transmis à l’assemblée générale.

228. La faculté donnée à l’actionnaire de poser des questions écrites a fait l’objet d’un

débat doctrinal. Certains auteurs considèrent que le dirigeant peut refuser de répondre si la question n’a pour objectif que de perturber le bon déroulement de l’assemblée générale, ou si la réponse est susceptible de causer un dommage à la société ou à un tiers, notamment en raison de la nature confidentielle de l’information825. Un jugement du Tribunal de commerce de Paris a pu engager la responsabilité d’un actionnaire pour abus de droit. Le tribunal a jugé que l’actionnaire, en posant des questions ayant un but étranger à l’intérêt social, a détourné son droit de son objet et a fait de ce droit un usage abusif826. Cette conclusion a été critiquée

819 C. com. art. R. 225-84 : « Les questions écrites mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 225-108 sont

envoyées, au siège social par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au président du conseil d'administration ou du directoire ou par voie de télécommunication électronique à l'adresse indiquée dans la convocation, au plus tard le quatrième jour ouvré précédant la date de l'assemblée générale. Elles sont accompagnées d'une attestation d'inscription soit dans les comptes de titres nominatifs tenus par la société, soit dans les comptes de titres au porteur tenus par un intermédiaire mentionné à l'article L. 211-3 du code monétaire et financier ».

820 Rapport AMF, « Pour l’amélioration de l’exercice des droits de vote des actionnaires en France », 6 septembre 2005, p. 34. Dans une affaire récente, la cour d’appel de Paris a décidé que le droit qu’a tout actionnaire de poser des questions écrites n’est pas limité aux points de l’ordre du jour dans la mesure où l’assemblée générale ne délibère pas sur des questions posées par les actionnaires mais elle répond à des questions écrites : CA Paris, 19 décembre 2013, Rev. sociétés 2014, p. 306, note A. VIANDIER.

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