• Aucun résultat trouvé

L’œuvre d’établissement des réfugiés arméniens en Syrie 325

L’ASILE APRÈS LA GRANDE- GRANDE-GUERRE

3- L’œuvre d’établissement des réfugiés arméniens en Syrie 325

Les secours financiers apportés aux réfugiés arméniens en Syrie différaient selon le genre d’établissement. En effet, les soins de la représentation du Haut-Commissariat de la Société des Nations pour les Réfugiés et de l’Office Nansen effectuèrent entièrement les installations agricoles jusqu’au 1 avril 1931. D’une part, certains réfugiés fournirent la main d’œuvre nécessaire en participant à ces installations. D’autre part, des réfugiés recrutés dans divers

323 League of Nations, Office International pour les Réfugiés, Genève, 13 mai 1936, Refugees Armenian, 20/16431/716 ; Fonds Nansen, R 17248 ; Archives de la Société des Nations.

324 Société des Nations, Commission d’établissement des réfugiés arméniens, Rapport au Conseil, communiqué aux Membres du Conseil, Composition, Mandat et Procédure, Publications de la SDN, II. Questions économiques et financières, Genève, le 19 mai 1926, C. 328. 1926. II.

325 La situation du gouvernement français en Syrie a été rendue bien difficile à la suite des deux flux d’Arméniens qu’il a dû recevoir. L’émigration des Arméniens en Syrie eut lieu à deux reprises ; la première fut provoquée par l’accord d’Angora et l’évacuation de la Cilicie (fin 1922), la deuxième après la retraite des Grecs et la victoire des Turcs en Anatolie. Le Haut-Commissariat n’eut pas alors à se demander si tel ou tel principe de nationalité devait être respecté, si telle théorie devait prévaloir ; l’invasion, si on peut dire ainsi, était brutale ; c’est par dizaines de milliers qu’arrivaient ces réfugiés sans gîte, sans argent, sans nourriture. Ce fut Alep qui par sa situation géographique en reçut le plus grand nombre, bien que certains paquebots en aient amené directement à Beyrouth ; ils se disséminèrent ensuite dans les différentes contrées de Syrie. On ne pourrait faire l’historique de ce qui s’est passé pendant ces trois ou quatre dernières années, l’initiative des intéressés ayant d’ailleurs joué un grand rôle dans leur placement ; on peut cependant brièvement résumer la situation actuelle et les résultats obtenus : il y a eu 125.000 Arméniens en Syrie se répartissant ainsi : le gouvernement d’Alep (55.000 dont 25.000 à Alep) ; le gouvernement de Damas (15.000 dont 13.000 à Damas) ; le gouvernement des Allaouites (10.000) ; le gouvernement (d’Alexandrette 5.000) ; le gouvernement du Grand Liban (40.000 dont 22.000 à Beyrouth). Ce nombre se réduit à 100.000 par suite des décès et surtout des départs vers d’autres pays, notamment la France, où les Arméniens émigrent autant que les circonstances le leur permettent, et dans les Amérique. Les Arméniens des gouvernements des Allaouites et Damas furent tous placés et mêlés à la population, il y’avait pas de question arménienne dans ces contrées. Voir Société des Nations, Rapport de M. CARLE sur la situation des Arméniens en Syrie, Lysaker, le 28 juillet 1925. Annexe I.

p. 6

DRAME KANDJI 109 endroits pour la création des villages agricoles occasionnèrent des dépenses supplémentaires considérables (transport, nourriture, etc…) qui furent supportées par le Fonds d’établissement326. Ceux-ci contribuèrent, en plus de la main d’œuvre, par leurs propres ressources, à l’achat de terrains et à la construction des maisons. Le travail du Haut-Commissariat consista à supprimer les baraques, à assister les réfugiés arméniens dans leurs démarches auprès de l’administration, à les aider financièrement lors de l’achat de terrains et de la construction de leurs maisons327.

Pour ce qui était des maisons construites par les réfugiés eux-mêmes, le Haut-Commissariat accorda des avances sous forme d’argent ou de matériaux. Les travaux d’établissement pouvaient se diviser en plusieurs étapes :

1) Les installations agricoles- travaux d’établissement (de 1927 à 1930) 2) Installations urbaines :

3) Achat de terrains et avances en matériaux (de 1928 à 1933) 4) Avance en matériaux et en espèces (de 1933 à 1936)

A partir de 1929, les réfugiés arméniens établis dans les villes commencèrent à rembourser leurs dettes. Ainsi, le Haut-Commissariat récupéra de cette façon un montant de 2.404.591 Frs.fr qui servit à nouveau pour les besoins de l’œuvre d’établissement. Cela permit de réduire considérablement le nombre des baraques dans les camps. C’est pourquoi les résultats obtenus par l’œuvre d’établissement des réfugiés arméniens en Syrie permirent la création de colonies agricoles pour faire subsister les réfugiés. En effet, parmi les réfugiés arméniens arrivés en Syrie d’Anatolie et de Cilicie se trouvaient un grand nombre d’anciens agriculteurs328.

Cependant, le problème d’établissement des réfugiés arméniens dans les villes se présentait sous un aspect bien différent de celui concernant l’établissement des réfugiés dans les colonies agricoles. Un grand nombre de réfugiés, bien qu’habitant des baraques, trouvèrent des occupations et réussirent à gagner leur vie. Quelques-uns d’entre eux disposaient même

326 Voir Société des Nations, Office International pour les réfugiés sous l’autorité de la Société des Nations, Conseil d’administration, troisième session convoquée à Genève pour le 1er juillet 1931, décision prise par la Conférence réunie à Paris le 24 juin 1931 en ce qui concerne l’avenir de l’œuvre d’établissement des réfugiés arméniens en Syrie, in Armenian Refugees in Syria ; op.cit. 20 C/23661/716. Archives de la Société des Nations à Genève.

327 Société des Nations, Armenian Refugees in Syria, Correspondance with the Nansen International Office for Refugees, voir le rapport de M. B. Nicolski sur l’œuvre d’établissement des réfugiés arméniens en Syrie, fait le 29 décembre 1936 ; Genève, 1936-1938, Registry n° 20 C/23661/716. Archives de la Société des nations à Genève.

328 C’est dans ce contexte que de nombreux villages furent créés comme Soouk-Sou en 1928 qui comptait 38 familles établies sur une superficie de 105 hectares. Le terrain fut acheté à un propriétaire privé. Les constructions de Soouk-Sou étaient plus primitives que celles des autres villages voisins (Nor-Zeitoun, Bey-Seki, Banias, Massiaf…) Il donnait l’impression d’être moins prospère. Cependant, ses habitants, grâce à la proximité de la ville de Kirik-Khan situé à 5 km avaient un débouché pour les légumes qu’ils cultivaient. Les habitants de Soouk-Sou étaient du reste à même de subvenir entièrement à leurs besoins en ce qui concerne l’alimentation, ceci, bien entendu lorsque les récoltes étaient normales. Quant à l’établissement des réfugiés arméniens à Kirik-Khan n’a pas un caractère agricole. En effet, chaque famille, bien qu’exploitant une parcelle de terre de 400 à 500 m2 aux abords de la ville, ne vivait pas exclusivement des produits de la terre. La plupart des réfugiés de cet établissement exerçant divers métiers d’artisans. Les terrains étaient donnés par des Pères jésuites. Des arbres y étaient plantés et les réfugiés s’adonnaient également à la culture maraîchère. De même, ils élevaient divers animaux domestiques (cheveux, vaches, porcs, etc.) Le bilan économique montrait que la situation des réfugiés de cet établissement était tout à fait satisfaisante.

DRAME KANDJI 110 de quelques économies réalisées pendant les années prospères précédant la crise. Au point de vue financier, la tâche du représentant du Haut-Commissariat pour les réfugiés consista donc à distribuer des secours aux réfugiés qui, pour la plupart, purent contribuer eux-mêmes à l’achat de terrains.

Cette participation active des réfugiés à l’œuvre d’établissement permit d’obtenir des résultats beaucoup plus importants concernant le nombre de réfugiés établis et le recouvrement des fonds. L’œuvre d’établissement fut inaugurée en 1926 à Beyrouth par un comité spécial- créé par la puissance mandataire et à la disposition duquel le gouvernement de l’Etat du Liban mit une somme de 3.000.000 Frs.fr. Cette contribution fut employée à la construction d’habitations pendant les années 1926 et 1928. Le comité s’occupa de cette tâche et procéda par voie d’adjudication des travaux de construction. Cette première expérience démontra que les constructions ainsi effectuées revenaient à un prix trop élevé.

C’est alors que le représentant du Haut-Commissariat pour les réfugiés jugea préférable d’introduire un autre système notamment l’achat de terrains et lotissements entre réfugiés disposant des moyens leur permettant de construire eux-mêmes leurs maisons.

Le Conseil d’administration de l’Office Nansen, sur proposition de la Commission mixte, adopta une résolution lors de sa dernière session du 29 avril 1936, au sujet de la situation nouvelle qui serait créée aux réfugiés arméniens de Syrie dans le cas où le mandat français sur ce pays venait à prendre fin : « l’office Nansen pour les réfugiés, qui avait consacré une large part de son activité à l’œuvre d’établissement des réfugiés arméniens de Syrie et du Liban et qui s’intéressait vivement à leur sort, émettait le vœu que les intérêts des populations arméniennes en question fussent pris en considération lors des négociations en cours, durant lesquelles fut fixé le statut politique des Etats du Levant sous mandat français »329.

La question que souleva la communication de l’Office Nansen en date du 22 août 1938, fut de savoir qui couvrirait les frais administratifs de la récupération des avances consenties aux Arméniens au cours de la construction d’immeubles pour leur installation définitive ainsi que les frais afférents aux formalités du transfert des titres de propriété, au fur et à mesure que les détenteurs arméniens de contrats de location-vente s’acquittèrent entièrement de leurs obligations.

Aux termes du plan de liquidation arrêté par le Conseil d’Administration de l’Office Nansen, d’une somme recouvrable d’à peu près six millions de francs français, trois millions constituèrent un prêt de la puissance mandataire à l’Office, 900.000 francs français une avance de l’office lui-même, prélevée sur son fond humanitaire et le solde des prêts consentis par différentes organisations de bienfaisances telles que le « Lord Mayor’s Fund »330, le

329 Voir Société des Nations, Office International Nansen, Lettre adressée à Monsieur le Secrétaire général par Michael Hanson, président du Conseil d’administration, Genève, le 4 mai 1936 ; Réf. N° C/80536/16983.

Archives de la Société des Nations à Genève.

330 Cf. Lettre adressée à M. Morgenthau par le Secrétaire de l’ « Armenian Refugees (Lord Mayor’s) Fund » (Fonds pour les Réfugiés Arméniens). Le Secrétaire honoraire : (Signé) Harold Buxton à Londres le 26 mars 1924, in Société des Nations, Rapport présenté par la délégation du Haut-Commissariat de la Société des Nations pour les réfugiés en Grèce, Genève le 24 juin 1924. Archives de la SDN à Genève.

DRAME KANDJI 111

« Save the Children Fund », etc. En ce sens l’Office Nansen assuma l’obligation de dédommager les prêteurs de fonds, notamment la puissance mandataire.

En somme, dans une contrée où la France exerçait un mandat au nom de la SDN, le but de l’Office Nansen était de résoudre la question de l’établissement des réfugiés arméniens vivant en Syrie de telle manière que sa disparition puisse avoir lieu sans dommage pour les intérêts qui lui avaient été confiés. En effet, il avait été prévu en 1931 que toutes les opérations d’établissement seraient arrêtées à la fin de la présente année 1933.

3 - Le projet d’installation des réfugiés arméniens331

Le projet d’installation eut pour objet d’assurer l’établissement définitif de 50.000 Arméniens dans le Caucase en leur procurant un travail productif, et de mettre ainsi fin aux demandeurs de secours temporaires.

Cependant, il est à noter que l’extermination par les troupes russes et turques de 60 réfugiés arméniens ayant traversés la frontière russo-turque en janvier 1915 témoignait avec évidence de la communauté des intérêts de la Turquie des sultans et de la Russie tsariste quant à la question arménienne. Cet incident « améliora quelque peu les relations russo-turques. En effet, les Turcs purent se convaincre que le gouvernement russe ne soutenait pas les révolutionnaires arméniens »332, écrivait Constantin Nikolaevich Smirnov, bien qu’il sache qu’il aggravait la question arménienne dans le Caucase. C’est pourquoi le Conseil de la Société des Nations confia la tâche au docteur Nansen de résoudre cette question des réfugiés arméniens. Au cours de sa séance du 25 septembre 1924, l’Assemblée adopta à l’unanimité la résolution suivante :

« L’Assemblée considère comme un devoir de rendre à M. le Haut-Commissaire, Dr.

Fridtjof Nansen, un éclatant hommage, tant pour l’admirable dévouement dont il n’a cessé de donner la preuve depuis plus de quatre années, dans l’assistance aux réfugiés de toutes nations, que pour les qualités éminentes qu’il a affirmées dans l’accomplissement de ses lourdes fonctions.

Elle constate qu’avec des moyens extrêmement réduits, M. le Haut-Commissaire Fridtjof Nansen est parvenu à arracher à la détresse et souvent à la mort, des centaines de milliers d’existences et lui attribue de profonde reconnaissance due en sa personne à un

331 Société des Nations, Bureau International du Travail, Rapport du Dr. Fridtjof Nansen, Président de la Commission chargé d’étudier la question du placement des réfugiés arméniens. A.41. 1925 Annexe I.

332 SMIRNOV Constantin Nikolaevich, capitaine en second, éclaireur militaire russe du début du XXème siècle, est le témoin oculaire et le participant de nombreux évènements survenus dans les pays de la région. Sur la vie et les activités de C.N.Smirnov, voir N. Ter-Oganov, « Zign’i deyatel’nost stabs-kapitana K. N.

Simirnova », in K. N. Smirnov, Zapiski vospitatelya persid skogo saxa (1907-1914), Tel-Aviv, 2002 ; 4-14. Le manuscrit de Smirnov est conservé dans les Archives de l’Institut kélélidzé des manuscrits de l’Académie des Sciences de la Géorgie (Voir Fonds C.N. Smirnov, n° 39, unité de conservation 10), Iran and the Caucasus, 10.2, Brill, Leiden, 2006.

DRAME KANDJI 112 bienfaiteur de l’humanité ; elle compte sur sa collaboration cordiale pour la continuation du travail en faveur des réfugiés.

Considérant, d’autre part que la plus importante tâche qu’il reste à accomplir à l’heure actuelle a trait à l’emploi, à l’émigration et à l’installation des réfugiés.

Considérant en outre, que le Conseil a adopté la recommandation du Haut-Commissaire visant le transfert au Bureau International du Travail de la partie de la tâche restant à accomplir, sous réserve de l’approbation du Conseil d’administration.

L’Assemblée fait sienne la décision du Conseil du 12 juin 1924 et met à sa disposition des fonds suffisants, soit 203.000 francs, spécialement destinés à assurer les services administratifs nécessités par le placement des réfugiés russes et arméniens durant l’année 1925, et prie le Conseil de continuer les règles précises dans lesquelles s’accomplira l’achèvement de la tâche en cours »333

L’histoire allait se répéter avec les Grecs d’Asie-Mineure, si nombreux aussi à vivre depuis des temps immémoriaux mêlés aux musulmans. En effet, pendant la guerre, les persécutions des Grecs se firent à une plus vaste échelle encore. Lorsque le gouvernement d’Athènes, après des tergiversations, se rangea en 1917 aux côtés des Alliés, il chercha des appuis, au sein même de son adversaire ottoman, parmi les minoritaires hellènes. Alors la Turquie, par représailles, prit des otages parmi eux.

B ) Le projet d’installation des réfugiés grecs

La Société des Nations entreprit des travaux sous l’égide du Comité financier d’une œuvre qui, humanitaire à ses débuts, et ne pouvant être menée à bien si elle avait conservé un caractère purement charitable, était devenue technique et financière. Il s’agissait des efforts faits pour résoudre le vaste problème de l’établissement en Grèce des réfugiés d’Asie Mineure334.

1 - Plan d’établissement des réfugiés grecs

333Société des Nations, XXXème session du Conseil, Procès-verbal, de la 18ème séance (publique) tenue à Genève le mardi 30 septembre 1924, à 17h30, questions concernant les réfugiés ; Conseil/30è/ Session/ P.V.18/

1 ; Fonds Nansen 48/39534/38862, Archives de la Société des Nations.

334 Rapport de M. SUGIMURA à la deuxième Commission sur le projet d’emprunt international en faveur des réfugiés grecs. A la suite de ce rapport, une résolution était adoptée exprimant l’espoir que les opérations d’émission de l’emprunt pouvaient être conduites avec succès et permettre l’achèvement de l’œuvre d’établissement des réfugiés. Refugees from Asia Minor, Emprunt international pour les réfugiés grecs, Assemblée générale de la SDN du 22 septembre 1924 à Genève, Fonds Nansen, n° 48/ 39063/ 38170 ; Archives de la Société des Nations.

DRAME KANDJI 113 La Grèce signa, après des négociations avec le Comité financier, un protocole créant l’Office autonome des réfugiés335 et prenant des dispositions en vue de renouveler l’emprunt international destiné à fournir les fonds nécessaires à l’établissement de ces réfugiés336. Ainsi, en mars 1923, à la suite des évènements de l’Asie Mineure, une foule immense de réfugiés qu’on évaluait à plus d’un million se répandit en Thrace, en Macédoine et dans l’Ancienne Grèce. A Athènes, ils remplissaient les rues. Les maladies comme le paludisme commencèrent à faire des ravages parmi eux. Ils constituaient pour la Grèce un risque de troubles sociaux et de faillite financière. C’est pourquoi la Société des Nations, sous l’égide du Docteur Nansen, vit dès l’origine qu’il fallait, au-delà de la charité, chercher un mode d’établissement permanent. L’œuvre de cet établissement supposait de multiples conditions techniques et financières337.

Certes, le gouvernement hellénique fit dès l’origine tout ce qu’il put pour remédier à ces misères ; des associations de secours furent mobilisées. Le Haut-Commissaire de la Société des Nations, le Docteur Nansen à l’activité duquel la quatrième Assemblée avait rendu un hommage éclatant, dépensa toute son énergie à coordonner les bonnes volontés pour le transport de ces réfugiés et, sous sa direction, un essai réduit, qui devait servir d’exemple, aboutit à la formation de quelques colonies agricoles en Thrace occidentale. Mais on se rendit compte qu’aucune initiative privée, aucune assistance charitable, aucun dévouement, si grand qu’il fut, ne pouvait résoudre de façon appropriée le redoutable problème posé par l’afflux de ces réfugiés. C’est face à cette situation que le monde entier se demandait ce qu’il allait advenir de la Grèce, obligée de recevoir et d’absorber toute une population nouvelle équivalant au quart de sa population actuelle sans moyen suffisant338.

C’est pourquoi les Etats pratiquèrent des échanges de populations avec l’assentiment et la coopération des gouvernements intéressés ; cette pratique fit rentrer les Grecs et les Turcs dans leurs pays d’origine339, une solution à première vue étrange et cruelle, s’apparentant à de l’épuration ethnique. Mais cette pratique ne suscita aucun débat au sein de la Communauté internationale. C’est ce que fit le traité de Lausanne. En effet, la solution consistant à vider un territoire de toute une population considérée comme originaire

335 Les gouvernements britannique, français, italien avaient autorisé leurs représentants à signer une Déclaration- prévue à l’article V du Protocole signé le 29 septembre 1923 à Genève- relative à l’intervention de la Commission Financière Internationale créée en 1898, dans le fonctionnement de l’Office autonome pour les réfugiés grecs. Voir Société des Nations, Plan d’établissement des réfugiés grecs, Genève, le 3 septembre 1924, Registry n° 48/38519/38170. Archives de la Société des Nations à Genève.

336 Société des Nations, Emprunt international pour les réfugiés grecs, à la suite du rapport de la deuxième Commission, adopte une résolution exprimant l’espoir que les opérations d’émission de l’emprunt pourront être conduite avec succès et permettre l’achèvement de l’œuvre d’établissement des réfugiés. V Assemblée générale de la SDN, op.cit. Genève le 22 septembre 1924 ; R 1767, Registry n° 48/39063/38170. Archives de la Société des Nations à Genève.

337 Voir Société des Nations, Rapport de M. SUGIMURA à la 2ème Commission sur le projet d’emprunt international en faveur des réfugiés grecs, op.cit. Genève, le 22 septembre 1924 ; Registry n° 48/39063/38170.

Archives de la Société des Nations à Genève.

338 Refugees from Asia Minor, Assemblée générale de la SDN, communiqué à la 2ème Commission 20 IX24, communiqué au Conseil, aux Membres de la Société des Nations, Emprunt international pour les réfugiés grecs, Genève, 25 septembre 1924, Fonds Nansen, n°48/39063/ 38170 ; Archives de la Société des nations.

339 Voir Société des Nations, Erratum au document C.524 M.I 87 1924- II publié par la Société des Nations sur

« l’établissement des réfugiés grecs », Genève, le 2 décembre 1924 ; Registry n° 48/375457/38118. Archives de la Société des Nations à Genève.

DRAME KANDJI 114 d’ailleurs avait été encore largement pratiquée après la seconde guerre mondiale. Elle paraît aujourd’hui inhumaine. Dans le traité turco-bulgare, il était même fait état d’un « échange facultatif et mutuel » des populations le long d’une zone frontalière de 15 kilomètres.

2 - Échange de populations grecques et turques

Les représentants des gouvernements turc et hellénique avaient signé à Lausanne le 30 janvier 1924 une Convention prévoyant, sauf certaines exceptions expressément stipulées, l’échange obligatoire des ressortissants turcs, de religion grecque orthodoxe, établis sur les territoires turcs, et des ressortissants grecs de religion musulmane, établis sur les territoires grecs340. Les articles 11 et 12 de cette Convention prévoyaient la création d’une Commission mixte, qui résiderait en Turquie ou en Grèce, en vue de surveiller et faciliter l’émigration

Les représentants des gouvernements turc et hellénique avaient signé à Lausanne le 30 janvier 1924 une Convention prévoyant, sauf certaines exceptions expressément stipulées, l’échange obligatoire des ressortissants turcs, de religion grecque orthodoxe, établis sur les territoires turcs, et des ressortissants grecs de religion musulmane, établis sur les territoires grecs340. Les articles 11 et 12 de cette Convention prévoyaient la création d’une Commission mixte, qui résiderait en Turquie ou en Grèce, en vue de surveiller et faciliter l’émigration