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L’évolution du contexte : la transition thématique et le glissement des enjeux et de la

Avant de nous lancer dans l’analyse de la francité et de l’altérité dans le corpus de discours parlementaires, il me parait utile de nous intéresser à l’évolution des enjeux et des perspectives sur cette question de l’immigration et de la nationalité, tout en nous intéressant aux lois promulguées dans chaque législature.

En mobilisant à la fois les travaux existants et mes propres données, je fais ressortir des particularités de chaque législature en termes de thématiques apparues dans les débats

surl’immigration et la nationalité.

Les données mobilisées ici sont des « termes spécifiques » dans chaque législature qui sont recensés à l’aide d’Hyperbase. Le vocabulaire spécifique désigne ce qui est particulier dans un sous-corpus par rapport à la norme que constitue l’ensemble du corpus. Ainsi, l’observation de spécificités lexicales de chaque sous-corpus nous permet de saisir les principaux caractères de chaque législature.

Ce bilan de « spécificités » contient deux types de mots. D’une part, la majorité des termes du lexique sont rattachés directement aux thèmes de débat du moment. Dans ce sens, on peut constater que le lexique reflète bien les différents enjeux sociétaux de chaque période. Il s’agit certes d’un constat plus ou moins banal et pas forcément révélateur. En effet, il n’est pas étonnant, par exemple, d’observer la sur-fréquence du mot « nationalité » dans les législatures pendant lesquelles l’on discute sur un projet de loi relatif à la nationalité. Néanmoins, il est intéressant de l’examiner pas uniquement parce qu’il nous confirme les tendances thématiques de débat à chaque législature, mais aussi parce qu’un certain nombre de mots nous permettent de constater le changement de perspective concernant le traitement de la question de l'immigration et de la nationalité.

Utilisant le logiciel Hyperbase, j'ai établi les listes de mots sur-utilisés dans chaque

législature. Le tableau représente les 30 termes91 les plus sur-employés (et 30 termes les

moins sous-employés) dans chaque sous-corpus.

91 En constituant la liste, par souci d'intérêt pour l'analyse, les mots grammaticaux (les prépositions, les

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Il est à noter que, dans le corpus, les réactions des députés telles que l’applaudissement, la protestation, le claquement des pupitres sont notées entre parenthèses avec l’indication des groupes politiques d’appartenance. Cela exige une prudence dans l’interprétation de fréquence de certains mots qui sont utilisés dans les appellations de groupes, car le calcul de la fréquence de ces mots inclue leur usage pour déginier les groupes politiques. Parmi ces termes, on trouve, entre autres, [république] [rassemblement] (Rassemblement pour la République), [démocratie] (Union pour la démocratie Française), [mouvement], [populaire] (Union pour le mouvement populaire), [citoyen], [vert] (Radical, Citoyen et Vert, et Socialiste, Radical et Citoyen), [national] (Front national). La même remarque est applicable pour la désignation des ministères, notamment, par exemple, « le Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement

solidaire » créé en 2007, c’est-à-dire au début de la 13e législature.

7e législature (1981-1986)

La 7e législature correspond au premier mandat du Président socialiste François Mitterrand. Durant cette période de majorité présidentielle, la gauche occupe 67% des sièges au sein de l’Assemblée nationale. Plusieurs chercheurs signalent que cette législature se divise en deux périodes : entre 1981 et 1983, et puis, entre 1983 et 1986. La ligne démarcative est dressée par les élections municipales en 1983 marquées par l’entrée du Front National dans le système politique.

La politique menée au premier stade du mandat présidentiel de Mitterrand se démarque largement de l'ancienne orientation. Avant la 7e législature, la droite au pouvoir

sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing92 mène une politique migratoire restrictive

en termes de contrôle des entrées et des séjours. D’emblée, c’est en 1974 que l’accueil des travailleurs immigrés prend fin à la suite de la crise économique. Même si l’insertion des immigrés qui sont établis en France est proposée, l’accent est mis sur le contrôle des flux migratoires et les retours volontaires dans les pays d’origine (Lochak, 2006).

Cette orientation politique se cristallise dans la loi 80-9 de 1980, appelée Loi Bonnet relative à la prévention de l'immigration clandestine et aux conditions d'entrée et de

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séjour en France des étrangers. Elle durcit les conditions d'entrée, et notamment permet d'éloigner du territoire les « clandestins » ou les étrangers qui ne possèdent pas le titre de séjour valable en faisant de l'entrée ou du séjour irréguliers un motif d'expulsion. Elle répond « à une volonté du gouvernement de réduire le nombre de travailleurs immigrés » (Gastaut, 2000 : 208).

L’immigration étant un des thèmes de débats lors des élections présidentielles, le gouvernement Mitterrand poursuit, dès l’arrivée au pouvoir, une politique clémente pour les étrangers. Entre autres, la régularisation exceptionnelle des immigrés en situation illégale a été réalisée par la circulaire du11 août 1981. Cette mesure s’accompagne d’une annonce d’un projet de loi accordant le droit de vote aux étrangers pour les élections municipales, qui ne sera pas concrétisé.

En 1981 et en 1984, trois lois ont été promulguées. La première est la loi n°81-973 du 29 octobre 1981 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Elle abroge les dispositions de la loi Bonnet en 1979 et instaure les nouvelles garanties pour les étrangers en termes de contrôle des entrées et des séjours. « l’expulsion ne peut être prononcée que si l’étranger a été condamné à une peine au moins égale à un an de prison ferme ; les garanties de procédure entourant l’expulsion sont accrues ; les étrangers en situation irrégulière ne peuvent être reconduits à la frontière qu’après un jugement et non plus par la voie administrative ; les étrangers mineurs ne peuvent plus faire l’objet d’une mesure d’éloignement, et ceux qui ont des attaches personnelles ou familiales en France ne peuvent être expulsés qu’en cas d’urgence absolue, lorsque la mesure constitue « une nécessité impérieuse pour la sûreté de l’Etat ou pour la sécurité publique. » » (Vie publique, 2012).

La deuxième est la loi n°84-341 du 7 mai 1984 modifiant et complétant la loi n°73- 42 du 9 janvier 1973 en matière d'acquisition de la nationalité Française par mariage. Cette loi impose une durée de vie commune de six mois comme condition de la recevabilité de la déclaration tout en supprimant les incapacités en matières civique pour les personnes naturalisées.

Enfin, par la loi n° 84-622 du 17 juillet 1984 portant modification de l'ordonnance du code du travail et relative aux étrangers séjournant en France et aux titres uniques de séjour et de travail, une carte de résident est créée. Cette carte, valable dix ans, et renouvelable automatiquement, donne le droit d’exercer la profession de son choix sur

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l’ensemble de territoire. Cette orientation prise signifie que « les immigrés ne sont plus considérés comme un simple volant de main-d'œuvre mais comme une composante durable de la société Française » (Lochak, 2006 : 8). Ainsi, c’est à cette époque que l’on commence à prendre en considération leur installation. Cela marque un dépassement de la vision de « travailleurs immigrés » (homme célibataire et temporaire) et une prise en compte de l’immigration de peuplement.

N° Ecart réduit Occurrences dans l'ensemble du corpus Occurrences dans le sous-corpus

Mot N° réduit Ecart

Occurrences dans l'ensemble du corpus Occurrences dans le sous-corpus Mot 1 20.2 846 177 carte 1 -19 5657 21 groupe 2 17.2 386 105 travailleurs 2 -18 13531 202 vous 3 16.5 412 104 résident 3 -12 4027 38 monsieur 4 14.8 448 98 expulsion 4 -11 1926 4 intégration 5 14.4 76 44 foyer 5 -11 3725 38 bancs 6 13.8 1106 149 immigrés 6 -11 5177 75 ministre 7 12.9 1674 182 séjour 7 -10 1996 9 union 8 12.7 3922 319 étrangers 8 -10 4281 95 immigration 9 12.5 1076 136 travail 9 -8,3 2672 34 république 10 12.4 298 68 ordonnance 10 -8,2 1374 7 rassemblement 11 12.0 158 49 titres 11 -7,9 1430 9 démocratie 12 11.8 1056 129 article 12 -7,2 1515 14 socialiste 13 11.4 55 30 titulaires 13 -6,2 1744 24 intérieur 14 11.2 207 52 insertion 14 -6,2 802 4 exclamations 15 10.9 52 28 travailleur 15 -6 658 2 centre 16 10.4 1340 137 étranger 16 -6 707 3 oui 17 10.3 46 25 réinsertion 17 -5,9 640 2 êtes 18 9.8 183 43 temporaire 18 -5,8 794 5 vos 19 9.7 134 37 autorisation 19 -5,7 1734 27 contre 20 9.6 50 24 refoulement 20 -5,4 2597 53 votre 21 9.5 481 69 sénat 21 -5,3 1714 29 applaudissements 22 9.2 135 35 secrétaire 22 -5,1 3659 87 bien 23 9.1 41 21 titulaire 23 -5 11035 334 nous 24 9.0 54 23 activité 24 -4,7 847 10 identité 25 9.0 1129 112 conditions 25 -4,7 2318 50 avez 26 8.8 90 28 professionnelle 26 -4,7 1206 19 question 27 8.7 32 18 privilégié 27 -4,6 20682 684 est 28 8.7 295 49 emploi 28 -4,5 813 10 rien 29 8.7 24 16 reconduction 29 -4,5 1288 22 collègues 30 8.6 38 19 validité 30 -4 741 5 gauche

Tableau 6.2-1 Mots spécifiques de la 7e législature (1981-1986)

La transition de la perception de l’immigré est visible dans les mots spécifiques. D’une part, dans la liste ci-dessus, parmi les termes sur-employés, on recense plusieurs

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mots relatifs au travail et aux travailleurs : [travailleurs] (2e, 17,293), [travail] (9e, 12,5),

[travailleur] (15e, 10,9), [professionnelle] (26e, 8,8), [emploi] (7e, 14,2).

Figure 6.2-1 Analyse arborée des occurrences reliées au mot-pôle [immigré- (init) ]. 7e

législature

Figure 6.2-2 Analyse arborée des occurrences reliées au mot-pôle [travailleur (init)]. 7e législature

93 Les chiffres en parenthèses après un mot désignent la position dans la liste des mots fréquents et la

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On peut supposer que ces hautes fréquences sont en partie expliquées par la discussion sur les conditions sur l’activité professionnelle des immigrés pour la loi n° 84- 622 du 17 juillet 1984. Mais comme le montre le graphe de l’environnement du mot avec le mot-pole [immigré-(init)] on peut affirmer que, à cette époque, malgré la réorientation de la perception des immigrés, ils sont appréhendés encore largement comme travailleurs.

Par exemple, le discours répandu dans ce sous-corpus qui exprime que « les étrangers/les immigrés sont venus pour faire des travaux que les Français ne voulaient pas » assimile largement l'immigré au travailleur.

Pour la très grande majorité d’entre eux, ils sont venus en France, dans les années 1960-1970, appelés par des entreprises Françaises qui manquaient cruellement de main-d’œuvre, pour remplir, en général, des tâches subalternes, pour occuper des places dont les Français ne voulaient pas (Georgina Dufoix, PS).

D’autre part, le même tableau et le graphe nous montrent la prise en compte de la question de l’immigré en termes d’insertion. En effet, parmi les mots spécifiques, on trouve les termes comme [insertion] (14e, 11,2), [réinsertion] (17e, 10,3) et [foyer] (5e, 14,4). On peut voir aussi que dans la figure 6.2-1 les termes comme [insertion] et [familles] sont attachés au mot [immigré].

Changement après 1983

Cette période où le gouvernement de gauche mène une politique migratoire plutôt favorable aux droits des étrangers est cependant éphémère. En effet, plusieurs chercheurs observent le changement de ton du discours sur l'immigration après 1983 (Gastaut, 2000, Noiriel, 2007, Barats, 1994, Lochak, 2006). Ce sont les élections municipales en 1983 qui marquent ce tournant. C’est lors de ces élections que le parti de l’extrême-droite connaît un premier succès. Comme le souligne Weil : « Les élections municipales de mars 1983 sont une lourde défaite pour la gauche. Elles marquent l’émergence sur la scène politique Française du Front national, que confirmeront les élections européennes de 1984, dont la liste obtient 11 % des suffrages exprimés » (Weil, 2005 : 255).

En effet, l’immigration devenant un des enjeux prioritaires lors de ces élections, la droite conservatrice commence ensuite à mettre en avant ce thème tout en déplaçant l’enjeu de la question migratoire de la question économique à la question sécuritaire et à

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l’intégration. Entre 1984 et 1985, la publication des ouvrages sur l’immigration par les personnalités politiques de droite se multiplie. « Entre 1984 et 1985, après une période de silence liée au succès de la gauche, plusieurs personnalités politique de la droite conservatrice s'exprimèrent sur l'immigration en vue des élections législatives. En 1984, parurent deux ouvrages importants, l'un d'Alain Giotteray, éditorialiste au Figaro Magazine, Les Immigrés : le choc ; l'autre de Bernard Stasi, membre du CDS, L'Immigration, une chance pour la France. En 1985, Didier Bariani, ancien président du Parti radical- socialiste et membre de l'UDF, publiait à son tour Les Immigrés pour ou contre la France ?, de même que Michel Hannon, membre de RPR et maire de Vereppe (Isère), avec Français et immigrés au quotidien » (Gastaut, 2000 : 208).

Devant cette tendance, la gauche infléchit son orientation sur cette question. Avec cette entrée de l’extrême droite dans le jeu électoral, l’exercice du pouvoir et la crise économique entrainent également un glissement du discours de la gauche. « Jusqu'en 1984, la gauche, malgré des vicissitudes, se situe dans une perspective d'union constituant un pôle commun dans l'opinion. [...] Lorsque la gauche était dans l'opposition, ses dirigeants se montraient solidaires des étrangers par humanisme mais aussi au nom de la culture internationaliste et progressiste. L'exercice du pouvoir et la crise l'ont contrainte à s'éloigner de ces valeurs. Au cours des années 80, les errements et l'usure du pouvoir firent perdre à la gauche son image hospitalière, et même si l'opinion de gauche s'est toujours déclarée hostile au racisme, certains sympathisants, à l'image de leur parti, ont parfois cédé au repli xénophobe » (Gastaut, 2000 : 220).

La majorité de l’époque durcit le ton du discours sur ce sujet en distinguant les l’immigrés installés appelés à s’insérer, et les clandestins. « Le nouveau discours officiel, inauguré par une déclaration de François Mitterrand au Conseil des ministres le 31 août 1983, s'articule tout entier sur une opposition entre les immigrés installés, « qui font partie de la “réalité nationale” et dont il faut favoriser l'insertion, et les clandestins qu'il faut “renvoyer”, et contre lesquels il est d'autant plus légitime de sévir qu'ils risquent de gêner l'insertion de la population immigrée en situation régulière » (Lochak, 2006 : 8-9). Il s’agit d’un détachement de la gauche de la position d’hospitalité qui est solidaire des étrangers « solidaires des étrangers par humanisme mais aussi au nom de la culture internationaliste et progressiste » (Gastaut, 2000 : 220) qu’elle a gardée jusqu’alors.

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8e législature (1986-1988)

La 8e législature est caractérisée par une composition de l'assemblée nationale

particulière dans le sens où les députés du Front national occupent 35 sièges. La droite emporte la majorité lors d’élections législatives en mars 1986 avec 291 députés sur un total de 577 (Weil, 2005 : 257). C’est la période de la première cohabitation avec François Mitterrand comme Président de la République et Jacques Chirac comme Premier ministre.

N’ayant pas d’orientation homogène jusqu’au début des années 80, la droite conservatrice commence, surtout à partir de ces élections législatives de 1986, à élaborer une stratégie commune en matière de la politique migratoire à travers les partis, à savoir le RPR et l’UDF.

Dans la continuité du changement de ton après 1983, au cours de cette législature, le thème de la délinquance est apparu, notamment du côté de la droite. Noiriel le qualifie comme un retournement de registre national-sécuritaire. « En présentant les actions violentes commises par un petit nombre de jeunes dans les quartiers populaires comme la preuve qu'ils ne s'intègrent pas, la droite a donc retrouvé le vieux réflexe national- sécuritaire. Comme dans le passé il fallait discréditer les conflits sociaux en les présentant comme une “menace” contre la nation. Mais dans un monde où les risques de guerre ont quasiment disparu, c'est la délinquance qui sert de prétexte, la police ayant remplacé l'armée. Cette stratégie permettra à la droite de remporter haut la main les élections de 1986 » (Noiriel, 2007 : 73-4). Gastaut, pour sa part, présente trois peurs qui représentent cette période. « Les fantasmes de l'opinion ressortissants à trois peurs collectives qui sont le nombre, le sentiment d'insécurité et la crainte de l'islam. Ces manifestations de l'irrationnel véhiculent trois images négatives : l'immigrés envahisseur, l'immigré délinquant et l'immigré fanatique, qui contribuent à alimenter le décalage entre le mythe et la réalité des flux de population » (Gastaut, 2000 : 446).

Fidèle à cette nouvelle stratégie, la droite qui regagne la majorité parlementaire mène une politique déstabilisatrice pour les immigrés. Une loi est promulguée durant cette législature : la loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dite « Loi Pasqua ». « Elle rend aux préfets le droit de prononcer la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; elle rétablit le régime de l’expulsion tel qu’il existait antérieurement à la loi du 29 octobre 1981 ; elle

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restreint la liste des étrangers qui obtiennent de plein droit une carte de résident et celle des étrangers protégés contre les mesures d’éloignement du territoire » (Vie publique, 2012). Cette orientation est condamnée par l’opposition, parce qu’elle jette la suspicion sur l’ensemble des communautés étrangères. Face à cette accusation, Charles Pasqua, ministre de l’intérieur revendique que le projet est le fruit d’un effort pour trouver l’équilibre entre l’abandon du laxisme et le maintien de la générosité.

N° Ecart réduit Occurrences dans l'ensemble du corpus Occurrences dans le sous- corpus Mot N° Ecart réduit Occurrences dans l'ensemble du corpus Occurrences dans le sous- corpus Mot 1 13.3 331 97 groupes 1 -14,5 2672 33 république 2 12.8 166 66 communautés 2 -13,3 1374 3 rassemblement 3 11.7 448 104 expulsion 3 -12,7 5657 173 groupe 4 11.2 1106 177 immigrés 4 -10,6 1926 33 intégration 5 11.2 107 47 chargé 5 -10,2 1430 18 démocratie 6 11.1 3922 441 étrangers 6 -8,2 658 3 centre 7 10.5 345 82 front 7 -7,9 576 2 rétention 8 9.2 722 118 national 8 -7,5 531 2 populaire 9 8.7 84 33 délinquants 9 -7,4 1563 40 etat 10 8.5 405 77 messieurs 10 -7,1 604 5 mouvement 11 8.5 27 19 grâce 11 -6,6 606 7 européenne 12 8.5 244 57 étrangères 12 -6,5 470 3 constitutionnel 13 8.3 207 51 insertion 13 -6,5 1950 65 nationalité 14 8.1 138 40 délinquance 14 -6,3 481 4 sénat 15 8.0 190 47 racisme 15 -6,3 450 3 sceaux 16 7.7 363 67 public 16 -5,9 13531 735 vous 17 7.5 186 44 menace 17 -5,5 3103 134 droit 18 6.7 582 84 sécurité 18 -5,5 2785 117 française 19 6.6 721 97 clandestine 19 -5,3 357 3 papiers 20 6.6 28 15 moral 20 -5,2 313 2 aménagement 21 6.4 386 62 travailleurs 21 -5,2 1017 30 asile 22 6.1 432 65 population 22 -5,1 736 18 conseil 23 6.0 262 46 hier 23 -5,1 512 9 citoyen 24 6.0 109 27 autorités 24 -5,1 394 5 mariage 25 5.9 538 74 ordre 25 -5 942 28 personnes 26 5.6 84 22 démographique 26 -4,9 8625 464 je 27 5.6 237 41 chômage 27 -4,6 583 14 regroupement 28 5.5 186 35 présence 28 -4,6 554 13 madame 29 5.4 872 101 problème 29 -4,4 2890 136 président 30 5.4 67 19 électorale 30 -4,3 618 17 propos

Tableau 6.2-2 Mots spécifiques de la 8e législature (1986-1988)

On observe ainsi, parmi les mots fréquents, l’apparition d’un vocabulaire qui suit ce nouvel ordre : [délinquants] (9e, 8,7), [délinquance] (14e, 8,1), [menace] (17e, 7,5), [autorités] (24e, 6,0), [sécurité] (18e, 6,7), [problème] (29e, 5,4).

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Parallèlement à cette législation sur l’immigration, la droite entame le projet de la modification du Code de la nationalité. Ce projet, initié par le premier ministre Jacques Chirac afin d’honorer ses promesses de campagne, envisage de supprimer l’accès automatique à la nationalité à l’âge de dix-huit ans pour les enfants d’étrangers nés en France. Il exige que ces jeunes manifestent leur volonté en effectuant la démarche pour la demande de nationalité Française entre seize et dix-huit ans auprès de l’autorité judiciaire.

Il s’agit d’une réforme radicale qui est peu éloignée de l’approche du Front national94

(Gastaut, 2002 : 386-7 ; Noiriel, 2007 : 73-4 ; Lochak, 2006 : 9 ; Weil, 2005 : 256-7). Par le manque d’adhésion de l’opinion publique, et notamment par la conjoncture

politique peu propice95, le gouvernement finit par abandonner le projet le 15 janvier.

Toutefois, au lieu d’y renoncer purement et simplement, il met en place une Commission des sages sur la code de la nationalité en 1987. Sous la présidence de Marceau Long, la commission a rendu un rapport en 1988 intitulé "Etre Français aujourd'hui et demain" à la suite d'une série d'auditions retransmises à la télévision. Lors d'auditions, quatre enjeux ont été dégagés : « l'opportunité de la réforme, la démarche volontaire, la double nationalité et l'intégration » (Gastaut, 2002 : 389).

9e législature (1988-1993)

La période qui correspond à la 9e législature est marquée par l’irruption de la question de l'immigration et de l'identité nationale en dehors de l’hémicycle et par un silence relatif sur ces sujets dans les débats parlementaires.

Lorcerie souligne que cette période a connu une montée de l’intérêt pour le thème de « l’identité nationale » chez les scientifiques. « Le thème de l'intégration, que le gouvernement Rocard avait mis en avant à la fin de l'année 1989, s'est vu repris de façon critique et polémique, dans un discours référé à la "nation" et aux "valeurs de la République". Cette période s'est close, semble-t-il, avec le retour au pouvoir, au printemps

94 Le Front national s’implique lui-même dans cette entreprise en proposant une proposition de loi qui repose

sur le droit du sang en avril 1986. La proposition n’est pas discutée dans l’hémicycle.

95 Comme Weil l’explique, en même temps, le gouvernement a été confronté au mouvement étudiant contre

le projet de réforme de l’Université, dit « le projet Devaquet » qui propose d’instaurer une sélection à l’entrée des universités. Après le décès de Malik Oussekine, un étudiant d’origine algérienne frappé par des policiers lors d’une manifestation le 5 décembre 1986, le mouvement a pris davantage d’ampleur. Le gouvernement finit par annoncer le retrait du projet et la démission d’Alain Devaquet, le ministre de l’éducation nationale. Discuté par les ministres juste après, préserver le projet de loi sur la réforme du Code de la nationalité qui risque de provoquer l’explosion de nouveau a été jugé inopportun (Weil, 2002 et 2004 : 260-1).

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1993, d'une droite revendiquant un nationalisme à large spectre, et avec le déplacement de l'attention sur les enjeux internationaux » (Lorcerie, 1994 : 245).

Notamment à partir de 1989, l’interrogation sur « l’immigration » et « l’identité nationale » est alimentée par deux thèmes connexes : « la laïcité » et « l’intégration ».

D’un côté, suite à la médiatisation, à l’automne 1989, du conflit entre le principal du collège Gabriel-Haves de Creil et trois jeunes élèves musulmanes portant la voile dans l’établissement, le débat sur le voile islamique dans l’école publique a été lancé. Connu comme « l’affaire du foulard », le débat est structuré autour de questions de l’immigration