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De l’éthique en commission : institution des premières instances d’éthique et de bioéthique

Au plan terminologique et dans son sens le plus large, l’expression comité d’éthique désigne tout groupe de personnes dont la tache est essentiellement de porter un jugement éthique ou d’amorcer une réflexion collective du même type sur un problème biomédical128. Ils constituent une réponse à la nécessité si humaine de comparer les questions importantes les unes avec les autres et quel que soit leur niveau d’action, les comités d’éthique ou de bioéthique contribuent à la protection des droits fondamentaux des êtres humains129. Pourtant, le paradoxe des comités est dans leur existence : « L’éthique dans la définition que l’on sert communément n’a pas à être proclamée par des instances « ad hoc » l’idée même qu’elle soit codifiable la dénature»130 .

Pour Sophie Monnier, l’apparition de ces nouvelles institutions, « semble remettre en cause le système d’autorégulation professionnelle131. Des lors la question se pose de savoir pourquoi et comment ils sont apparus dans le domaine de l’éthique médicale déjà pris en charge par les professionnels concernés ».132

Si l’on devait préciser l’origine exacte des comités et commissions d’éthique, il faudrait évoquer la réunion pour le premier amendement de la Déclaration d’Helsinki de l’Association Mondiale des Médecins, qui aura lieu à Tokyo en 1975. C’est lors de cette

128 « Les Comités d’Éthique Hospitaliers », Avis n°2 de 1996 de la Commission Consultative

Nationale d’Éthique pour les Sciences de la Vie et de la Santé du Luxembourg, p. 8. [En ligne] :

http://www.cne.public.lu/publications/avis/1996_2.PDF [consulté le 1 mai 2012].

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CASADO (M.), Sobre la Dignidad y los Principios: Análisis sobre la Declaración Universal sobre bioética y Derechos Humanos de la UNESCO. Ed. Aranzadi, Navarra, 2009, p. 443. Traduction Libre « À travers les comités d’éthique est poursuivie, entre autres finalités, l’envie d’établir des garanties pour le respect de l’autonomie des personnes, la protection de leur intimité et de leur l’intégrité physique et psychique, la non discrimination dans la recherche et dans la pratique clinique ».

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BYK (C.), MEMETEAU (G.), Le droit des comités d’éthique, Ed. Eska/Lacassagne, 1996 p.49.

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Système professionnelle médical (règles déterminées par les médecins à l’attention des médecins)

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réunion que sera proposée spécifiquement la création des comités d’éthique indépendants, chargés d’approuver d’un point de vue éthique toute recherche sur des sujets humains133.

Cependant, la réelle institutionnalisation de la bioéthique aura lieu aux États Unis au début des années soixante-dix et sera propulsée notamment par l’inquiétude concernant la défaillance de l’éthique de la recherche sur les êtres humains et de la pratique clinique ou hospitalière134, mais surtout par la volonté d’instaurer un contrôle démocratique sur le travail scientifique. En 1966, le Public Health Services des États Unis établissait la nécessité que tous les projets de recherche disposent d’une révision indépendante. En 1981 les Institutional Review Board (IRB) sont inclus dans la réglementation fédérale (Code of Federal Regulation) qui sera révisée plusieurs fois.

La National Commission for the protection of humain subjects of bioemedical and behavioral research établie par le Président de la République en 1974, constitue le premier organe de ce genre créé au niveau national ; cette commission représente désormais et grâce a leur méthodologie de travail et aux résultats obtenus, un modèle pour la création d’autres commissions dans le monde.

Au Royaume-Uni, l’établissement des comités d’éthique de la recherche sera préconisé pour la première fois par le Royal College of Physicians en 1973. Aujourd’hui le Royaume Uni est doté d’un système très solide d’évaluation et de régulation pour ce type de comités135.

En matière de définition l’UNESCO a son mot à dire. Le Guide n° 1 « Établir des Comités de Bioéthique » prévoit qu’« un comité ne se réunit pas pour déterminer

133 L’article. 15 de la Déclaration d’Helsinki prévoit: « Le protocole de recherche doit être soumis à

un comité de la recherche pour évaluation, commentaires, conseils et approbation avant que l’étude ne commence. Ce comité doit être indépendant du chercheur, du promoteur et de toute autre influence indue. Il doit prendre en considération les lois et réglementations du ou des pays où se déroule la recherche, ainsi que les normes et standards internationaux, mais ceux-ci ne doivent pas permettre de restreindre ou exclure l’une des protections garanties par la présente Déclaration aux personnes impliquées dans la recherche. Le comité doit avoir un droit de suivi sur les études en cours. Le chercheur doit fournir au comité des informations sur le suivi, notamment concernant tout évènement indésirable grave. Aucune modification ne peut être apportée au protocole sans évaluation et approbation par le comité ». [En ligne] : http://www.wma.net/fr/30publications/10policies/b3/

[consulté le 1 mai 2012].

134 Voir, notamment, affaire de Tuskegee en matière de recherche biomédicale sur les êtres humains et

l’affaire Quinlan pour l’éthique clinique ou hospitalière.

135 Voir, notamment, le site du Central Office for Research Ethics Committees (COREC) [En ligne] :

uniquement quelle est ou n’est pas la situation dans un domaine d’intérêt donné. L’objet du comité dépasse le niveau factuel des données empiriques. Il est établi pour répondre non seulement à la question « Comment dois-je décider et agir ? » mais aussi à la question plus large « Comment devons-nous décider et agir ? ». Cela nous fait passer de l’éthique – division traditionnelle de la philosophie – à la politique : « Comment un gouvernement doit-il agir?».136

En ce qui concerne la typologie de ces organismes, la littérature est abondante Cependant les différences culturelles de chaque État rendent difficile la tache de créer une typologie uniforme des comités d’éthique. Nous retenons dans ce travail le classement fait par Sophie Monnier, qu’elle fonde sur la compétence ratione materiae et ratione loci et qui peut récapituler ce qui a été établi par les auteurs et institutions dans ce domaine. Dans son classement, cette juriste identifie deux catégories : les comités d’éthique locaux de type pratique qui apprécient des situations concrètes au regard de l’éthique et les comités d’éthique nationaux et internationaux de type théorique qui déploient une activité normative, « car ils dégagent et proclament des principes éthiques »137.

Section I. L’institution des premières instances d’éthique en Amérique