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Les comités d’éthique dans les textes normatifs à caractère historique

§1. Le Code de Nuremberg : point de départ d’un ordre normatif international en matière de recherche sur l’être humain

Pour la plupart des auteurs en recherche biomédicale, « le Code de Nuremberg constitue la base de toute une série de documents internationaux et de législations nationales dans le domaine de la recherche sur des êtres humains »205. Il s’agit selon les mots de B. Halioa du « point de départ d’un ordre normatif international en matière de recherche sur l’être humain. Un ordre qu’on peut qualifier « d’inter normatif », tant il se construit par des interactions essentielles entre des régimes normatifs hétérogènes où s’interprètent droit, éthique et déontologie»206.

Pourtant il est possible d’en faire remonter l’origine à d’autres textes : il ne s’agit nullement d’une première régulation des expériences médicales sur l’être humain. Les Richtlinien ou directives du ministère de la Santé du Reich Allemand sur les nouveaux traitements et l’expérimentation scientifique de 1931 constituent une source plus ancienne. Et de fait « Aux États-Unis, un contrat d’expérimentation formalisant le consentement du sujet avait été signé dès les années 1830 (…) en 1900, l’expédition médico-scientifique américaine qui s’installa à Cuba pour étudier et tenter d’éradiquer la fièvre jaune, recrute des sujets qui acceptent de se faire piquer

205

« Il est habituel de parler et d’écrire sur les expérimentations accomplies par les nazis; nonobstant, la révélation à l’opinion publique d’une série des cas de recherche effectuées sur des êtres humains dans des années ultérieures aux crimes nazis, tels le cas « Willowbrook » sur l’injection du virus de l’hépatite sur des malades mentaux qui a eu lieu dans l’État de New York dans les années cinquante et soixante dix) ou de « Tuskeegee Study » (sur l’étude de l’évolution naturelle de la syphilis sur des noirs qui n’ont pas reçu de traitement, lorsqu’un traitement se trouvait déjà disponible) effectué dans l’État de l’Alabama, EEUU dans les années quarante- a provoqué une forte réaction de la population, forçant la communauté médicale à se réunir afin de formuler un code de conduite. Surgit alors la Déclaration d’Helsinki, qui incorporera le principe Kantien qui proclame qu’aucun être humain ne devra être considéré comme moyen pour obtenir un résultat (La fin ne justifie pas les moyens) » : LOLAS STEPKE (F.) (dir), Dimensiones éticas de las regulaciones en salud, in Monografías de Acta Bioethica, Santiago de Chile, Ed. Programa de Bioética de la Organización Panamericana de la Salud, Organización Mundial de la Salud, OPS/OMS,nº 3, 2009, p. 289. Traduction Libre. [En ligne] : http://www.paho.org/Spanish/BIO/regulacion.pdf [Consulté le 20 mars 2013]

206 HALIOUA (B.), Le procès des médecins de Nuremberg. L’irruption de l’éthique médicale

volontairement par le moustique vecteur de la maladie (…) En Allemagne même, - mais dans celle de Weimar, avant le nazisme -, un mouvement de réflexion et de débats intenses sur l’encadrement de l’activité médicale marque les années 1927-1932 (…) ».207

A. Le Tribunal militaire international de Nuremberg

Le Tribunal de Nuremberg sera établi lors de la conférence de Potsdam le 8 août 1945 par l’accord quadripartite de Londres (Royaume-Unis, URSS, États-Unis et France). Les alliés ont réaffirmé leur intention de juger rapidement les grands criminels de guerre dont les crimes n’ont pas de localisation géographique. La ville de Nuremberg a été choisie car elle a constitué un haut lieu du nazisme : c’est là que se sont réunis les congrès du parti nazi et où seront annoncées en 1935 les lois racistes appelées « Lois de Nuremberg ».

Conformément à cet accord, le tribunal sera composé de quatre juges et de leurs suppléants respectifs, désignés par chacune des puissances signataires. Afin de constituer un quorum, la présence de ces quatre membres ou de leurs suppléants en cas d’absence de l’un d’eux sera nécessaire.

Au Tribunal de Nuremberg a été confiée la compétence de se prononcer sur les crimes contre l’humanité perpétrés dans les camps de concentration par les médecins nazis pendant la deuxième guerre mondiale. « Pour la première fois, un tribunal a fixé un cadre formel de l’expérimentation sur l’homme en subordonnant la licéité de l’expérimentation au respect de dix principes éthiques ».208

Le Statut du Tribunal de Nuremberg a prévu également la possibilité d’établir d’autres tribunaux en cas de nécessité et selon le nombre des procès à juger ; la composition, la compétence et la procédure de chacun de ces tribunaux seront identiques et seront réglées par le Statut du Tribunal. En vertu de l’article 6 de ce Statut est rédigée une liste avec les actes qui devront être soumis à la juridiction du Tribunal : « a) Les crimes contre la paix : c’est-à-dire la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d’une guerre d’agression ou d’une guerre de violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l’accomplissement de l’un quelconque des actes qui

207 AMIEL (P), VIALA (F.), op. cit., p. 675-676. 208

précédent ; b) Les crimes de guerre : c’est-à-dire les violations des lois et coutumes de la guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées, l’assassinat, les mauvais traitements ou la déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l’assassinat ou le mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif, des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas les exigences militaires ; c) Les crimes contre l’humanité : c’est-à-dire l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient constitués ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime entrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime.(…) ».209

En 1950 l’Assemblée générale des Nations Unies adopte le texte Principes du droit international consacrés par le Statut du Tribunal de Nuremberg et dans le jugement de ce tribunal 210 . Le Tribunal militaire international (TMI) de Nuremberg permet ainsi de fonder un nouveau droit international sur lequel la communauté internationale peut s’appuyer pour juger les crimes de guerre et ceux contre l’humanité perpétrés par des hauts responsables politiques ou militaires.211 Les notions de « crimes contre l’humanité » et de « génocide reprises par l’ONU en 1948 seront réactualisées 50 ans plus tard par la Cour pénale internationale ; la résolution 2391, votée par l’Assemblée générale des Nations Unis le 26 novembre 1968 leur confère un caractère imprescriptible »212.

209 Le Statut du Tribunal est disponible sur le lien :

http://www.derechos.org/nizkor/nuremberg/statutfr.html [consulté le 26 Octobre 2011].

210

Principes du Droit International Consacrés par le Statut du Tribunal de Nuremberg et dans le Jugement de ce Tribunal, Assemblée Générale des Nations Unies, 1950. [En ligne] :

http://untreaty.un.org/ilc/texts/instruments/francais/projet_d'articles/7_1_1950_francais.pdf [Consulté

le 26 Octobre 2011].

211

LEBEUF (S.H.). Le procès de Nuremberg : 60 ans plus tard. Radio Canada.ca [en ligne], 18 novembre 2005, [réf. du 26 octobre 2011].Disponible sur : http://www.radio- canada.ca/nouvelles/actualite/2005/11/16/002-nuremberg_ACTU.shtml

212 Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. [En

B. Les chiffres du Procès

Dix mois de procès, 24 accusés dont trois absents (Robert Ley, le dirigeant du Front du Travail, qui mettra fin à ces jours avant le procès ; Gustav Krupp Von Bonlen und Halbach dirigeant d’une usine d’armement et Martin Bormann, adjoint d’Adolf Hitler), 402 audiences, trois acquittements, quatre sentences d’emprisonnement variant entre 10 et 20 ans, trois sentences d’emprisonnement à perpétuité, et 12 condamnations à mort par pendaison parmi lesquelles Hermann Göring, Maréchal du IIIe Reich et commandant en chef de l’armée, qui se suicidera dans sa cellule à la veille de son exécution ou Alfred Rosenberg, idéologue du nazisme, et finalement trois acquittés (Hjalmar Schacht, président de la Reichsbank, Hans Fritzsche, chef des informations au ministère de la Propagande, et Franz Von Papen, vice-chancelier du Reich dans le premier cabinet). Le procès s’achèvera le 19 août 1947.

C. Naissance d’un code de bonne conduite pour la recherche médicale

C’est lors du jugement rendu à Nuremberg le 19 août par le Tribunal militaire américain dans le procès des médecins nazis, visant vingt médecins et trois fonctionnaires du régime (à ne pas confondre avec le Tribunal militaire international de Nuremberg qui a jugé entre 1945 et 1946 les dignitaires nazis), qu’un code de bonne conduite pour la recherche médicale sera conçu.

Le Code de Nuremberg est constitué par l’extrait du jugement pénal de 1947 : dix principes seront dégagés et intégrés dans ce code qui servira de modèle pour que les recherches soient conduites de manière éthique.213 Cette liste de dix principes a été établie par le Tribunal « qui avait pu constater sur la foi des débats, que, en matière d’expérimentation humaine, tous conviennent que certains principes de base

http://www2.ohchr.org/french/law/crimes_de_guerre.htm [consulté le 26 Octobre 2011].

213 Voir sur ce point BONAH (G.), LEPICARD (C.), ROELCKE (E.), La médecine expérimentale au

tribunal : Implications éthiques de quelques procès médicaux du XXème siècle européen, Paris : Ed. Arches contemporaines, 2003, 462 p.

doivent être observés à l’effet de répondre aux notions morales, éthiques et juridiques (…) les principes du « Code de Nuremberg » sont avant tout des critères de licéité (…) permettant de distinguer entre l’atteinte purement délictuelle ou criminelle aux personnes et l’acte de recherche médicale acceptable juridiquement, c’est-à-dire non susceptible de condamnation pénale »214.

Trois principes fondamentaux sont établis afin de garantir et de protéger les êtres humains qui participent à la recherche: i) Le consentement libre : les personnes participant à la recherche doivent consentir et conserver leur liberté et pouvoir d’autoconservation permanente ; ii) le principe selon lequel l’expérimentation doit être nécessaire et doit être préparée correctement, avec le minimum de risques possibles de produire un préjudice, l’invalidité ou la mort ; iii) l’impératif de qualification professionnelle du chercheur, pour éviter la survenance d’accident et faciliter la suspension de l’expérimentation en cas de danger.

§2. Le Rapport Belmont : des principes éthiques et des directives relatives à la protection des être humains dans le cadre de la recherche

Le Rapport Belmont est le résultat de quatre jours de travail intense en février 1976 dans le centre des conférences Belmont. À l’issue de cette réunion sera établie une déclaration des principes éthiques essentiels et des directives qui devront aider à résoudre les problèmes éthiques qu’accompagne l’exécution des recherches sur des êtres humains. Le Rapport Belmont essaie de résumer les principes éthiques fondamentaux déjà identifiés lors des délibérations antérieures de quatre ans : Autonomie, bienfaisance, et justice, trois principes qui serviront de fondement pour que des règles spécifiques puissent être formulées, critiquées et interprétées ultérieurement.

214 AMIEL (P), VIALA (F.). La vérité perdue du « Code de Nuremberg » : réception et déformations

du « code de Nuremberg » en France ». Revue de droit sanitaire et social, 2009, Juillet-Aout, n° 4, p. 675.

Pour faciliter l’accès du rapport aux scientifiques, aux membres des commissions des inspections institutionnelles et aux employés fédéraux, la commission a publié le rapport dans le registre fédéral et fourni les copies sollicitées. À la différence d’autres rapports de la commission, celui-ci ne procède à aucune recommandation envers les actions administratives du Secrétariat de la Santé, de l’Education et de la Sécurité sociale. En revanche la commission recommande que le Rapport Belmont soit adopté dans son intégrité en tant que politique du secrétariat. En 1979 Tom L. Beauchamp (membre de la Commission) et James F. Childress, consacreront ces principes dans l’ouvrage Principes d’éthique biomédicale215 en y ajoutant un quatrième : celui de la non- malfaisance.

Les quatre principes auront une formulation assez large, ayant pour objectif de régir non seulement l’expérimentation sur des êtres humains mais aussi la pratique clinique et d’assistance216.

Section II. Les comités d’éthique dans les textes normatifs