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La première génération des guerriers de la Cause, l’époque héroïque (1562-1574)

I. « Pour faire la guerre aux ennemys de Dieu et du Roy »

1) L’état des forces en présence

Au moment du déclenchement des troubles en 1562, d’abord au mois de mars en Alençon, et surtout en juillet pour les principaux mouvements militaires, Matignon est nommé en poste à Cherbourg ; il est aidé par le duc d’Etampes. Le duc de Bouillon, gouverneur de Normandie, quant à lui, a reçu la charge de tenir la ville de Rouen contre les troupes réformées. Mais en vain ; il est chassé par les protestants et doit alors se retirer à Caen. Le duc d’Aumale le remplace dans le commandement en Normandie et cherche à reprendre la ville de Rouen, tandis que le Vidame de Chartres tient la ville du Havre au nom du Prince de Condé. Les villes de Vire, de Coutances et de Saint-Lô sont tombées aux mains des réformés. Saint-Lô est, en effet, prise par Sainte-Marie d’Aigneaux. Les villes de Vire et Pontorson le sont par Montgomery et Coutances par Bricqueville, baron de Colombières. A l’heure où le camp huguenot semble être en position de force, dans la région comme dans le reste du royaume, chacun doit désormais choisir son camp. Entre ceux qui se sont nettement engagés dans celui des réformés, ceux qui

au contraire restent fidèles aux ordres de Paris et du roi (bien que chaque partie prétende en réalité combattre en son nom) et ceux qui hésitent à s’engager dans toute opération militaire, préférant soit une démarche de foi plus discrète et personnelle ou une neutralité plus ou moins bienveillante, il y a bel et bien des lignes de partage infranchissables. La liste des nobles qui suit a été établie à partir des chroniques des frères Haag et de l’étude effectuée au XIXe siècle par le comte Hector de la Ferrière. Elle n’est peut-être pas exhaustive, mais elle a le mérite de mettre en évidence les profondes fractures idéologiques et religieuses qui se dessinent en Basse-Normandie. Il faut aussi s’appuyer sur l’historien alençonnais du XVIIIe siècle, Odolant Desnos. Celui-ci, vivant au temps des Lumières, n’est bien sûr pas témoin des faits qu’il rapporte. Mais il n’en demeure pas moins une source précieuse pour l’histoire de la ville : « Les difficultés religieuses à cette époque et le parti que soutenaient les personnages influents, firent que la Basse-Normandie fut divisée en trois partis : celui du gouverneur général qui semblait vouloir tenir la balance égale entre catholiques et calvinistes dont Henri de la Marck faisait partie, celui de Matignon, catholique zélé, enfin les calvinistes qui avaient pour chef Gabriel de Montgomery »1. Trois lignes de force semblent donc se dessiner en ce début des années 1560. Il nous faut bien sûr faire une place particulière à Gabriel de Montgomery, qui à partir de sa résidence de Ducey dans le Cotentin, se pose comme le seigneur au plus fort charisme local, capable d’entraîner derrière lui les autres nobles convertis. Certes il n’est pas le premier seigneur à devenir protestant en Basse-Normandie. Mais compte tenu de son parcours particulier, dès son retour dans le Royaume de France, à la fin de l’année 1561, il est le mieux placé pour coordonner les opérations militaires et drainer autour de lui les autres membres de la noblesse, en imposant une pression qui relève de la « terreur panique »2. Appuyé par Guillaume Payen de la Poupelière, marié à Françoise de Pomereul, qui fait venir de Jersey sur ses terres près d’Athis le pasteur Germain Berthelot, Montgomery peut aussi compter sur le soutien du

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ADO 31 J4 et Pierre-Joseph Odolant-Desnos, Chronologie historique des Grands Baillis

d’Alençon, du Comté et duché d’Alençon, extrait du Ms inédit, extrait du Ms inédit de P.J. Odolant-Desnos, Paris, publié par E-F-L Courtilloles chez Dumoulin, 1872, p. 20.

2 Sur cette « terreur panique » en Basse-Normandie, voir l’ouvrage de Denis Crouzet, Les

Guerriers de Dieu, La violence au temps des Guerres de Religion, vers 1525-vers 1610, Seyssel,

Champ Vallon, 1990, chap. VIII, p. 623 et passim et chap.IX, p. 685 : « La violence réformée, iconocaste et meurtrière, ne peut être pensée que rationnellement (…) ; elle possède une finalité utopique qui est de promouvoir, dans le monde même, une existence humaine épousant et réalisant les préceptes de la Loi » (p. 625).

baron de Colombières, de Sainte-Marie d’Aigneaux, de Philippe de Sarcilly, seigneur de la Fressengère, de Jean de Saint-Germain, sieur de Rouvrou ou Jacques de Vassy1. Autour de Vire, de Condé-sur-Noireau, de Falaise, la concentration de seigneurs convertis à la foi réformée se révèle très dense. Le poids et la capacité à structurer le mouvement de la part de Montgomery sont donc indéniables.

Il doit cependant affronter une opposition de taille, celle de Matignon et de ses hommes. Depuis 1561, date de sa prise de fonction au titre de lieutenant général de Normandie, Matignon est le seul contrepoids face à Montgomery. Son implantation locale et sa montée en puissance ne font aucun doute. Né de Jacques de Matignon, probablement mort en 1526 (ou 1537), cet homme possède indéniablement une solide assise régionale grâce à sa mère. Jacques de Matignon est, en effet, né le 16 septembre 1525, à Lonray, près d’Alençon, au sein d’une famille solidement implantée en Normandie depuis plusieurs générations. Sa mère Anne de Silly, fille de Jean de Daillon et d’Anne de Batarnay, est elle-même, dame de Lonray. Elle possède en effet plusieurs terres sur place2. Elevé comme enfant d’honneur aux côtés d’Henri II, il se distingue ensuite en divers combats, le siège de Montmédy, de Damvilliers, la défense de Metz et il est fait prisonnier à Saint-Quentin en 1557. Il réside également à Thorigny près de Saint-Lô. Divers actes notariés datés de 1553 permettent de comprendre un peu mieux cette forte assise locale3. En 1556, Jacques de Matignon, est chevalier de l’ordre du Roi,

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Hector de la Ferrière-Percy, Histoire du canton d’Athis, précédée d’une étude sur le

protestantisme en Basse-Normandie, Paris, A. Aubry, 1858, 439 p.

2 ADO 1Mi 159 : titres de la terre de Lonrai (XVI-XVIIe) cote 2E 99 et ADO 205 J : titres de propriété et diverses dépendances de la terre de Lonrai ; foi et hommage ; aveu et dénombrement reçu au Comté d’Alençon du fief de Nocé (1391, 1402, 1494) ; érection en marquisat en avril 1643 ; fief de haubert ; Généalogie des Matignon. Charles de Matignon reçoit les titres de : « Octroyé par le Roi à Messire Charles de Matignon, seigneur du lieu, baron de Saint-Lô et la Rochesson, Prince de Mortagne, sire de Lesparre, chevalier des ordres de Sa Majesté, conseiller en ses conseils d’Etat et premier capitaine de cent hommes d’armes de ses ordonnances et son lieutenant général en Normandie, comte de Thorigny, baron de Saint-Lô, sieur de Lonrai ». Né à Lonray en 1554, il est maréchal de France par brevet de retenue du roi en mai 1622.

3 Emile de Courtilloles, « Analyse de divers actes du tabellionnage, du XVe au XVIIe siècle », in.

Bull. S.H.A.O., t.VI, 1887, 2e bull. p. 211-218, t.VII, 1er bull. 1888, p. 78-93 et 3e bull.253-270, t.VIII, 1er bull. 1889, p.37-52 : Ainsi le 9 mai 1553, il est dit que : « Haut et puissant seigneur Jacques de Matignon, seigneur du lieu, baron de Thorigny, Lonray, Giverville, âgé de 22 ans, a donné pouvoir à Maître Simon de la Bouque, lieutenant de Mr. le bailli d’Evreux de vendre la terre et fief noble de Giverville ». Le 1er juin 1553 encore, d’autres transactions présentant Jacques de Matignon sont menées, comme celle-ci : « Noble et puissant seigneur Jacques de Matignon, seigneur de ce lieu, baron de Thorigny, la Roche-Tesson, Lonray, Giverville et Beaufissel donne pouvoir à Maître Jean Moullin, prêtre de vendre et aliéner ses terres de Giverville et Beaufissel et de vendre ou fieffer la place d’une maison en la ville du Pont de l’Arche ».

capitaine de trente hommes d’armes pour le gouverneur Claude de Lion1. En 1558, il épouse Françoise de Daillon et du Lude, sœur de Guy, comte du Lude2. En 1561, il reçoit le collier de l’Ordre de Saint-Michel3. Il semble constituer le chef de file du « parti catholique » dans la région. Mais comme la situation religieuse de ce temps se révèle plus complexe que par le passé, il ne faut pas oublier que le lignage de Jacques de Matignon recèle aussi en son sein des protestants4. Matignon est aidé de Grimouville, baron de Larchamp, de la Haye-du-Puits ou de la Bretonnière, ou des frères Gillebert, Henri, sieur de la Guyardière, écuyer et Michel, sieur de la Jaminière, qui combattent à ses côtés5. Il peut compter aussi et surtout sur l’aide précieuse et fidèle de son homme de main en Normandie, Claude Gobé. Il ne nous reste pas beaucoup d’éléments à propos de cet homme, issu de la petite noblesse, peut-être en cours d’anoblissement même. Celui-ci n’ayant pas laissé de descendance, le dossier généalogique reste maigre, mais Claude Gobé, en homme ordonné et organisé, nous a laissé un grand nombre de quittances permettant de retracer son parcours auprès de Matignon et d’autres protecteurs toujours plus puissants à mesure que le temps passe6. Nous possédons cependant assez de pièces pour affirmer que Claude Gobé semble arriver au service de Matignon entre 1562 et 1564. Dans cette lutte contre le camp protestant, Gobé apparaît en tout cas comme l’auxiliaire indispensable de Matignon.

Enfin, parmi ceux qui hésitent en matière religieuse et ne s’engagent pas militairement, nous trouvons Henri-Robert de la Marck, duc de Bouillon, le fils de Robert (quatrième du nom) et de Françoise de Brézé, fille de Louis, sénéchal de Normandie, pour l’heure gouverneur de la province de Normandie. Né le 7 février 1539, c’est un homme encore jeune en 1562. Il est allié par le sang

1 BNF FF PO 1890, fol 4 : Matignon, le 13è jour de novembre, 1556.

2 BNF FF PO 1890 et Dossiers bleus 434, fol. 11692 : Matignon.

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BNF FF Ms. 32 875 : catalogue de l’Ordre de Saint Michel, sous le règne de Charles IX.

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Ainsi, la tante de Matignon, prénommée Anne (à moins qu’elle ne fût sa sœur) est convertie au protestantisme. Epouse d’Olivier de Maridort, celle-ci est dame d’honneur de la Reine de Navarre, Jeanne d’Albret. Matignon a du transiger avec elle dans une affaire de succession en 1564.

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Henri Chardon, « Le rôle de Matignon à la Saint-Barthélemy à Alençon, à Caen et dans toute la Basse-Normandie », in S.H.A.O, T. XXIV, 1905, p. 371-397 et p. 503-516, et Ibid., T. XXV, 1906, p.173-197. Ici p. 180 : plus tard, ils combattent aux cotés du fils de Matignon, le comte de Thorigny, le fils aîné du Maréchal en 1590 à la bataille d’Ivry. Henri y est blessé ; Michel est tué.

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aux Guise1. En poste dès 1556 et jusqu’à sa mort en décembre 1574, il est pourtant suspecté de favoriser l’hérésie. Rallié aux « Politiques », il apparaît comme un personnage contesté tant par les catholiques que par les protestants. C’est probablement parce que son duché fut une terre de refuge pour les huguenots persécutés (ainsi Duplessis-Mornay et sa femme), que les chroniques normandes lui prêtent volontiers des sympathies pour la Réforme2. Ses alliés, pour le moment, sont Fervaques à Lisieux ou Jehan de Pellevé, également Rabondanges en Alençon. L’étude croisée de trois lettres, celle du capitaine Bertheville au roi de Navarre, celle d’Antoine roi de Navarre3 à Catherine de Médicis, au camp de Blois, du 12 juillet 1562 et enfin celle du duc d’Etampes à Catherine, Avranches, le 11 septembre 1562, met en évidence les liens étroits entre la Marck, duc de Bouillon et Antoine de Navarre, roi de Navarre, le duc de Bouillon se plaçant sous sa protection ainsi que Rabondanges. Le gouverneur de la province de Normandie, La Marck, duc de Bouillon, peut en effet compter sur l’aide de Louis de Rabondanges, bailli d’Alençon. Membre de la noblesse seconde, son assise locale est indéniable puisqu’il s’est allié à une puissante famille locale, et se marie avec Jeanne de Silly, le 26 décembre 1535. Celle-ci est dame de Vieux-Pont et de Fontaine-Riant ; elle lui apporte ses terres en dot. Elle est aussi fille d’un bailli d’Alençon, René de Silly, seigneur de Longpray, desdits lieux et de Sainte-Colombe et de Renée de Beauvoisin4. René de Silly, seigneur

1 Jean Duquenne, Dictionnaire des gouverneurs de province sous l’Ancien Régime, 1315-1791, Editions Christian, 2003, p. 129.

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Arlette Jouanna, Jacqueline Boucher, Dominique Biloghi, Guy Le Thiec, Hist. et Dict. des

Guerres de Religion, op. cit., p. 1013-1014.

3 Sur ce personnage, il faut consulter l’étude de Sutherland, in “Antoine de Bourbon, King of Navarre, and the French crisis of authority, 1559-1562”, in French government and society,

1500-1850, p.1-18 : au rang de premier prince de sang depuis la mort de Henri II, avec son frère cadet,

Louis prince de Condé. Mais il peut être considéré comme un Prince « absent ». Cette vacance du pouvoir laisse le champ libre aux Guise, François de Guise et son frère le cardinal de Lorraine. Voici les deux sources de la crise d’autorité : religieuse et politique. La famille est en effet en disgrâce surtout depuis la défaite de leur oncle en 1525 face à l’Empereur, mais le mariage avec Jeanne d’Albret lui apporte la Navarre, échangé contre le gouvernement de Picardie. En 1558, il est reconnu comme protestant et il permet l’installation du culte calviniste en Béarn : « soit par sympathie, soit par indolence » et fait venir le pasteur genevois Le Gay Boisnormand à la fin de l’année 1557. En décembre 1557 : Calvin l’appelle pour prendre la tête des troupes protestantes. Il constitue une carte utilisée par Catherine dans sa politique de balance dans ces luttes triangulaires entre la couronne catholique, les chefs protestants Condé et Coligny et les Guise, extrémistes. Mais à la Noël 1560, sa conversion est affirmée publiquement (ce qui constitue une rupture de cet équilibre).

4 BNF FF Ms. 30752, fol 33 : Louis de Rabondanges est chevalier, seigneur de la Fontaine et de Bourey, seigneur de Fermemare, de Cherville et de Gasprei, premier valet tranchant du Roi, chevalier ordinaire de son ordre, puis à partir du 5 avril 1525, gentilhomme de la chambre du Roi. Difficile de dire quand la famille quitte l’Artois pour la Normandie, probablement après la paix

de Vaud, de Fontaine-Riant et Gaprée, chambellan et valet tranchant du Roi, est placé en poste en 1542, ce jusqu’à sa mort en 1558. C’est sous son mandat, en 1552, que se tient l’érection du siège présidial d’Alençon. Frère de François et Jacques de Silly, évêque de Sées, il épouse, par dispense du pape, Renée de Beauvoisin, veuve de Charles d’Alençon et capitaine de la ville1. Louis est nommé à son tour bailli d’Alençon depuis 1549 d’après Brébisson (sûrement plutôt entre 1540 et 1545). C’est une fonction locale importante puisque ses prérogatives font de lui un officier du prince qui a la régie et l’administration d’une portion de son domaine, avec une juridiction qui s’étend à des causes peu importantes et sur plusieurs vicomtés. Mais peu à peu, le bailli est chargé uniquement de la justice avec le temps. Louis de Rabondanges, seigneur de la Fontaine, de Cherville, et de Dourey, gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi, et valet tranchant de François Ier, gouverneur de Meulan et d’Amvilliers, obtient la confirmation de sa nomination par le roi en 1538. Silly et lui obtiennent le 20 août 1550 le droit de jouir et exercer cet office en l’absence de l’autre et par le survivant. Louis de Rabondages se rend à Blois en 1560 pour les Etats-Généraux (ordonnance disant que les baillis seraient de robe courte). C’est sous son mandat que l’administration de la justice passe alors aux lieutenants généraux. La tradition historique fait volontiers de Louis de Rabondanges un « partisan secret des protestants ». Si la légende est tenace, c’est qu’elle nous vient de l’historien alençonnais, Odolant Desnos dans sa Chronologie historique des

Grands Baillis d’Alençon, du Comté et duché d’Alençon2, qui a été rédigée au XVIIIe siècle. D’après lui, « Rabondanges, quoique ne professant pas publiquement la religion réformée, favorisa de tout son pouvoir les calvinistes ; il fut ordonné capitaine de la ville et château, au lieu de Louis de Pillois qui suivait ouvertement les nouvelles opinions »3. En fait, la phrase ici citée ne laisse que peu

des dames du 5 août 1529. Il participe à diverses actions diplomatiques pour la monarchie, entre 1526 et 1540. Le 4 juillet 1545, en tant que bailli d’Alençon, Louis de Rabondanges, valet tranchant du Roi, reçoit un mandement prescrivant aux nobles de son bailliage de payer au trésorier leur part de leur contribution du ban et arrière ban. En 1547, il rend un aveu au roi, le 8 avril. La terre de Fontaine-Riant est baillée à ferme pour trois ans, le 15 juillet 1563, à Guillaume Matrot, bourgeois d’Argentan pour 475 livres.

1 ADO 31 J4 : Chronologie historique des Grands Baillis d’Alençon, du Comté et duché d’Alençon, extrait du Ms. inédit (ADO 31 J4) de P.J. Odolant-Desnos, publié par E-F-L

Courtilloles, Paris, Dumoulin, 1872, p. 18, N°LXIV.

2 ADO 31 J4 : Chronologie historique des Grands Baillis d’Alençon, du Comté et duché d’Alençon, par Pierre-Joseph Odolant-Desnos.

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de doutes sur l’appartenance religieuse de Rabondanges : il ne s’est pas converti. En tant que proche de La Marck, gouverneur de Normandie, il est suspecté d’hérésie, peut-être à tort. Louis de Rabondanges a certes l’habitude de signer sa correspondance de cette formule ambiguë : « Monsieur je prie le Créateur qu’il vous donne en toute bonne santé heureuse et longue vie »1. Si cela constitue, il est vrai, une mince preuve de sa conversion, il s’agit là d’une indication intéressante tendant à faire de Rabondanges un personnage sensible aux idées nouvelles. Il apparaît en réalité que tous ces hommes, le gouverneur en tête, apparaissent hésitants. Aucun ne s’engage dans les combats contrairement au clan de Montgomery. Ainsi certains peuvent être convertis ou être sensibles aux idées neuves sans pour autant s’engager militairement. La Marck, le duc de Bouillon, en tant que parent des Guise, hésite à prendre les armes et s’y refuse finalement par crainte d’une part de se couper de la faveur royale et pour éviter d’autre part une démarche trop ostensible susceptible de choquer le lignage auquel il appartient. Dans le camp du gouverneur, la réserve et la conciliation s’imposent donc. Odolant Desnos ne manque pas de le rappeler ; la volonté de l’ordre et de conciliation prévaut ici : « L’ordre (dans la ville) fut rétabli par Louis de Rabondanges, bailli d’Alençon, partisan secret des calvinistes et consolidé par l’Edit d’Amboise (en mars 1563) »2. Louis de Rabondanges meurt en 1566 ou peut-être 1567, laissant dix enfants. A sa suite, c’est Henri-Robert de la Marck, duc de Bouillon, prince de Sedan, gouverneur de Normandie3 qui occupe le poste de bailli d’après Odolant Desnos. Mais La Mark se démet vite de cette charge au

1 « Lettres du 15 mai 1563, adressée à Matignon, de Fontaineriant », cité in Robert de Brébisson,

Les Rabondanges, La Chapelle-Montligeon, éd. de la Chapelle-Montligeon, 1914, 403p, p.

202-203.

2 Pierre-Joseph Odolant Desnos, Mémoires historiques de la ville d’Alençon et sur ses seigneurs,

précédée d’une dissertation sur les peuples qui ont habité anciennement le Duché d’Alençon et le Comté du Perche, et sur l’Etat ancien de ces pays, Alençon, Poulet-Malassis, 1787, p. 280-281. 3

Pierre-Joseph Odolant Desnos, Chronologie historique des Grands Baillis d’Alençon, (…) op.cit., p.19 (N°LXVI). Ceci est également confirmé dans l’ouvrage de Robert de Brébisson, Les

Rabondanges (…) op.cit, annexe p. 39, par cette procuration donnée le 3 avril 1567 : « par haut et

puissant seigneur Henri Robert de la Marck, duc de Bouillon et sieur souverain de Sedan, de